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3. PHYSIOPATHOLOGIE DE L’INHALATION DE FUMEES

3.2. CONSEQUENCES DE L’INHALATION DE FUMEES

3.2.1. Lésions causées par la chaleur

3.2.1.1. Obstruction des voies aériennes supérieures

Durant un incendie, les fumées dégagées par les matériaux en combustion sont souvent chaudes et sèches. Lorsqu’elles sont inhalées, elles traversent d’abord le nasopharynx (ou l’oropharynx si la respiration est de type buccal) avant de pénétrer dans la trachée, les bronches et les bronchioles. Dans le naso et l’oropharynx, la chaleur est dissipée de façon efficace, ce qui protège en partie l’arbre trachéobronchique et les poumons d’une brûlure thermique [159]. Mais, dans ces régions et dans le larynx, les fumées encore chaudes entraînent souvent des brûlures sévères dont les conséquences peuvent être mortelles à court terme pour le patient. En effet, dans les 24 heures suivant l’inhalation de fumée, les régions brûlées développent des érosions/ulcérations et surtout un œdème selon le même mécanisme que celui décrit dans le paragraphe I.3.1.3.1. Cet œdème, invisible initialement, progresse rapidement et devient maximal 24 heures après l’inhalation. La plupart du temps, en l’absence de trachéotomie, il entraîne une obstruction rapide des voies aériennes supérieures et la mort de l’animal.

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3.2.1.2. Occlusion des bronches et des bronchioles

La fumée produite par un incendie peut également contenir diverses vapeurs et la quantité de chaleur dégagée est parfois si importante que les systèmes de régulation thermique naso et oropharyngés sont alors dépassés. Des lésions thermiques sont ainsi engendrées sur l’ensemble du tractus respiratoire. Des particules ultra-chaudes peuvent aussi être inhalées. Elles se déposent plus ou moins loin dans le tractus respiratoire et leur adhérence à la muqueuse trachéobronchique entraine l’apparition de lésions thermiques profondes et d’un bronchospasme. Les lésions thermiques, comme l’érosion/ulcération de l’épithélium trachéobronchique et la destruction des cellules ciliées qui en découle, de même que la formation progressive d’un œdème au sein de la muqueuse trachéobronchique et l’exfoliation des cellules épithéliales, inhibent presque totalement le fonctionnement de « l’escalator mucociliaire ». Ces atteintes favorisent ainsi la migration distale des matériaux et débris issus des régions supérieures (mucus, débris cellulaires épithéliaux trachéaux, neutrophiles, fibrine), et la formation d’une sorte de « plâtre » qui s’accumule dans les régions profondes de l’appareil respiratoire et peut conduire à l’obstruction des bronches et bronchioles de petit diamètre. Une étude expérimentale menée chez le mouton [37] a permis de montrer que l’obstruction des bronches et bronchioles suite à l’inhalation de fumée présente un pic 72 heures après l’inhalation. Elle correspond effectivement à l’accumulation d’un « plâtre » constitué de mucus, de cellules inflammatoires et de fibrine issus des voies aériennes supérieures et ayant migré distalement. L’occlusion des bronches et des bronchioles est accentuée par la bronchoconstriction réflexe induite par l’entrée de particules dans les conduits aérophores.

3.2.1.3. Bronchopneumonie infectieuse et sepsis

L’inhalation de fumée prédispose le patient à développer une bronchopneumonie infectieuse. En effet, l’inhibition de « l’escalator mucociliaire » favorise la migration distale des bactéries. De plus, les érosions/ulcérations de l’épithélium respiratoire permettent l’adhésion bactérienne aux parois bronchiques ou alvéolaires et la présence de matériaux dans les voies aériennes favorise leur prolifération. En outre, l’altération de la fonction des macrophages alvéolaires par la chaleur et les gaz toxiques affaiblit les défenses pulmonaires locales.

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La bronchopneumonie se traduit cliniquement par une défaillance respiratoire dont l’apparition se fait généralement 12 à 24 heures après l’inhalation des fumées. En médecine humaine, 50% des patients présentés pour inhalation de fumée, développent au cours de leur hospitalisation, une bronchopneumonie [59]. Cette complication parfois grave est souvent secondaire à une intervention thérapeutique (intubation endotrachéale, trachéotomie) ou fait suite à la surinfection d’une brûlure cutanée étendue [148]. Les principaux germes impliqués chez l’homme sont Pseudomonas aeruginosa, Staphilococcus spp et Streptococcus spp [172]. A ce jour, il n’existe pas de données vétérinaires concernant la nature des germes impliqués dans ces bronchopneumonies chez le chien et le chat.

3.2.1.4. Altération de la compliance pulmonaire

Une diminution de la compliance pulmonaire peut être attribuée au bronchospasme, à l’atélectasie et à l’œdème pulmonaire. La destruction de la muqueuse trachéale et la formation de « plâtre » mène à l’obstruction des conduits respiratoires de petit diamètre (bronchioles). La conséquence est une atélectasie segmentaire, qui apparait 48-72 heures après l’inhalation de fumée [59]. Un œdème pulmonaire peut également se former suite à la libération locale de médiateurs de l’inflammation et à l’augmentation de la perméabilité des capillaires alvéolaires qui en résulte. Cet œdème pulmonaire peut être aggravé par l’augmentation de la perméabilité de l’épithélium respiratoire. Dans ce cas, l’expression clinique de l’œdème apparait dans les minutes qui suivent l’inhalation de fumée et persiste en moyenne 24 heures.

La diminution de compliance de la paroi thoracique et donc, de la compliance pulmonaire peut être la conséquence directe d’une brûlure circulaire du tronc et/ou de la douleur engendrée par la respiration [167]. Une escarrotomie est alors indiquée pour faciliter la ventilation et réduire les risques d’hypoventilation sévère [59].

3.2.1.5. Syndrome de détresse respiratoire aigüe

Le syndrome de détresse respiratoire aigüe (ou SDRA) correspond à une défaillance respiratoire sévère, d’apparition aigüe et qui fait suite à une affection pulmonaire (occlusion ou obstruction des bronches et des bronchioles, bronchopneumonie infectieuse, altération de

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la compliance pulmonaire, contusion pulmonaire) ou extrapulmonaire (sepsis abdominal, …). L’affection préexistante peut induire une diminution du ratio ventilation/perfusion et/ou une altération de la membrane alvéolo-capillaire avec pour conséquence directe une altération des échanges gazeux et une hypoxémie sévère. Chez le chien, en l’absence de consensus, plusieurs critères ont été retenus pour le diagnostic d’un SDRA :

- Présence d’une affection pulmonaire ou extrapulmonaire sévère et d’évolution aigüé

- Tachypnée et efforts respiratoires

- Radiographies thoraciques en faveur d’une atteinte pulmonaire bilatérale

- Index d’oxygénation faible (ratio PaO2/FiO2 < 200 ou si la mesure des gaz artériels

est difficile à réaliser SpO2 < 90%)

- Exclusion d’une origine cardiogénique pour l’œdème pulmonaire