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2. REANIMATION INITIALE

2.3. FLUIDOTHERAPIE

En général, lors de brûlures cutanées étendues, une hypovolémie et des perturbations hémodynamiques apparaissent 1 à 2 heures après l’exposition aux flammes. Elles persistent ensuite 24 à 48 heures même avec une réanimation liquidienne adapté [148]. En cas

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d’inhalation concomitante de fumée, les perturbations hémodynamiques et, par conséquent, les besoins hydriques augmentent considérablement (+30-50%) par rapport aux patients souffrant seulement de brûlures cutanées étendues [42, 163]. Par conséquent, l’administration précoce de fluides par voie intraveineuse est primordiale dans la réanimation des brûlures cutanées étendues associées à une inhalation de fumée. L’objectif est de rétablir rapidement la volémie afin de maintenir une perfusion tissulaire et de prévenir l’ischémie. Cela nécessite la pose d’un cathéter veineux périphérique, dans l’idéal sur une veine céphalique et en zone non brûlée (ce qui peut être difficile lorsque les brûlures sont très étendues). Notons qu’une mise en place retardée de la réanimation liquidienne (plus de 2 heures après l’exposition aux flammes) est associée à une hausse de la mortalité [99].

2.3.1. Quel volume apporter ?

En médecine humaine, il existe aujourd’hui plusieurs formules permettant d’estimer la quantité de cristalloïdes à administrer lors de brûlures cutanées étendues [163, 186]. Parmi elles, la formule de Parkland est la plus couramment employée [99]. Elle recommande d’apporter 4mL/kg/%SCT dans les 24 premières heures, la moitié de ce volume devant être apportée dans les 8 premières heures [99, 148, 149]. Plusieurs études récentes révèlent que les volumes administrés, en médecine humaine, dépassent souvent de façon significative les recommandations de la formule de Parkland. En effet, les pratiques sont en moyenne autour de 6 à 7mL/kg/%SCT [59, 99, 148, 163, 186]. Cet apparent excès peut être le résultat d’une mauvaise estimation de l’étendue des brûlures [163]. Chez le chien ou le chat souffrant de brûlures cutanées étendues, il est conseillé d’appliquer la formule de Parkland (avec une réduction de 25-50% chez les chats) afin de déterminer la quantité de cristalloïdes à apporter sur 24 heures [167]. L’administration du volume calculé doit ensuite se faire par titration, en surveillant la pression artérielle, la diurèse et l’apparition de symptômes de surcharge.

Il est important de comprendre qu’un apport liquidien trop important ou trop faible peut avoir des conséquences graves sur l’organisme. Par exemple, une réanimation liquidienne excessive peut entraîner une surcharge hydrique et mettre en danger les fonctions cardiaque (risque d’œdème myocardique, d’épanchement péricardique) et respiratoire (risque d’œdème aigu du poumon). Elle peut aussi favoriser le développement d’œdèmes

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périphériques qui, en comprimant les capillaires de la région, induisent une ischémie tissulaire locale à l’origine de la conversion des brûlures superficielles en brûlures profondes. Enfin, elle peut également entrainer d’une aggravation d’un syndrome des loges ou d’un syndrome de compartiment abdominal [99, 163]. À l’opposé, une réanimation liquidienne insuffisante est à l’origine d’une persistance de l’hypovolémie et du choc. Cette défaillance cardio- circulatoire aigüe peut de surcroit engendrer une insuffisance rénale ou une ischémie tissulaire aggravant les lésions initiales. Par conséquent, l’adaptation de la réanimation hydro- électrolytique aux besoins du patient représente un point clé de la prise en charge thérapeutique des grands brûlés.

2.3.2. Cristalloïdes isotoniques, colloïdes ou hypertoniques ?

L’inconvénient des cristalloïdes isotoniques est leur faible pouvoir d’expansion volumique qui contraint à perfuser d’importants volumes.

Au contraire, les colloïdes ont un pouvoir d’expansion volumique élevé : leur pouvoir oncotique attire l’eau du milieu extravasculaire dans les vaisseaux (en dehors d’une vascularite) et permet de stabiliser la volémie avec des volumes administrés plus faibles. De plus, les colloïdes seraient aptes à atténuer les œdèmes dans les tissus non brûlés (ils n’ont par contre aucune action sur les œdèmes des régions brûlées) [148] et à diminuer le risque de développer un syndrome des loges ou de compartimentation abdominale. Cependant, l’utilisation de colloïdes naturels (albumine) ou artificiels (dextrans, hydroxyl amidon) reste controversée chez le grand brûlé. L’albumine humaine par exemple est intéressante car, en théorie, elle induit une augmentation de l’albuminémie, de la pression oncotique vasculaire et donc facilite le rétablissement de la volémie et de la pression artérielle systolique [119, 187]. En médecine humaine, plusieurs études ont cependant révélé que son utilisation chez les grands brûlés s’accompagne d’une augmentation du risque de mortalité et son utilisation reste sans preuves d’un bénéfice réel [1, 186]. De même, plusieurs études menées sur des carnivores domestiques souffrant de diverses affections [119, 187, 193], ont montré que l’administration d’albumine humaine (à 20%) peut entrainer des réactions d’hypersensibilité immédiate [62, 187, 193]. Des solutions d’albumine canine lyophilisées sont actuellement développées aux USA. Elles seraient mieux tolérées que celles contenant de l’albumine

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humaine. Pour conclure, en l’absence d’études menées chez le chien brûlé et en l’absence de preuves d’un réel bénéfice chez l’homme sévèrement brûlé, les solutions d’albumine humaine doivent être utilisées avec précaution chez les carnivores domestiques sévèrement brûlés et à des concentrations n’excédant pas 5% [193]. En pratique, leur utilisation nécessite d’établir au préalable leur balance bénéfice – risque [119]. L’utilisation limitée des colloïdes artificiels chez les patients brûlés repose sur des préoccupations concernant leurs effets indésirables, en particulier sur la coagulation [186]. Pour conclure, quelle que soit leur nature, il est recommandé d’attendre si possible au moins 8 à 12 heures avant d’envisager une administration de solutés colloïdeaux, afin d’attendre la résolution spontanée de l’hyperperméabilité des parois capillaires [67, 148]. Par contre, en cas d’instabilité hémodynamique sévère et d’hypovolémie massive, leur administration dans les premières 24h peut s’avérer pertinente en première intention.

En médecine humaine, l’utilisation des hypertoniques salés chez les patients sévèrement brûlés reste controversée [1, 79, 186]. En effet, les hypertoniques ont un pouvoir d’expansion volumique très élevé mais de courte durée. Ils entrainent une hyperosmolarité du compartiment vasculaire qui permet de rétablir la volémie et la pression artérielle ainsi que de limiter les œdèmes [186]. Les volumes administrés sont faibles par rapport à ceux de cristalloïdes et de colloïdes qu’il faudrait administrer pour atteindre la diurèse souhaitée [137, 163]. Ces solutés semblent capables de diminuer le risque de syndrome de compartimentation abdominale [137]. Par contre, le risque d’insuffisance rénale apparait multiplié par 4 et le risque de mortalité augmente [77]. Un apport excessif d’hypertonique salé peut en effet conduire à une hypernatrémie. Lorsqu’elle dépasse 160mmol/L, elle peut entrainer une chute importante de la diurèse [174], une contraction ou un œdème cérébral, une insuffisance rénale, et des convulsions [1]. L’American Burn Association recommande donc que l’utilisation des hypertoniques salés soit restreinte aux cliniciens expérimentés et qu’elle soit associée à un monitoring précis de la natrémie [148].