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-139-Tableau IV. 11 Acceptation ou refus du prix de faveur A. Selon le statut (en %1 réponses hommes et femmes

addi-tionnées)

Familles bourgeoises Familles populaires

Acceptation

65 80

Refus

35 20

---

---N

=

88 50

B. Selon le sexe (en %)

Acceptation Refus

N =

Hommes l

1 1

Femm .. ",

72 6 7 !

28 33 1

---79--- 79 1

c. Selon la typologie Intégration

Autonomes Fus.ouvertes Fus. fermées

_ _ _ _ • • 0 _ _ " _ • • - .... -.- -... M ' _ _ _ _ • _

Acceptation

72 63 78

Refus

28 37 22

N

=

54 64 40

D. Selon la typologie Adaptation

Autonomes Fus. comm. Fus. norm

~~-_ •... ---." _ .•• _ •••..• _._ . ' 0 _ .• _ •. __

Acceptation

72 60 78

Refus - - -

...

_._---

28 .... _.-._-_.---40 22

N =

54 58 46

Légende voir Tableau IV.l2

-140-- Les conditions matérielles: Le donataire veut se prémunir contre tout bénéfice indû du récipiendaire. Il ne faudrait pas, pense-t-i1, que le don se traduise, tôt ou tard, par une revente avec bénéfice qui donnerait un avantage immérité à celui que l'on a aidé. Dans le même ordre d'i-dées, il ne faudrait pas que la maison soit louée à des tiers par celui qui l'a acquise à bon prix. En résolvant le problème, le donataire pré-voit en conséquence des interdictions de certaines pratiques ou des participations aux gains. Voici quelques exemples:

"Si on ne fait pas ça et que la maison est revendue à 500.000,-- francs ton sentiment de frustration ira au-delà de ta générosité initiale ma chère, ça passera mal". (58 cS)

"On ne tient pas à se faire gruger. C'est souvent le cas. On désire garder ce patrimoine dans la famille, si on fait ce sacrifice, c'est pas pour que la personne qui l'a touché s'amuse à la revendre pour faire du bénéfice sur le dos des autres". (59 cS)

" ... que la dette, ils la doivent toujours". (58 cS)

"S'il Y a obligation de la revendre, je veux aussi mon mot à dire et pouvoir voir les conditions de répartitions, ça m'embêterait vis-à-vis de ma fille que, parce qu'on a voulu tenir compte de la famille, les enfants de Myriam se sucrent largement au passage alors que ma fille n'a rien alors qu'elle était légataire au départ". (59 !j!)

- D'autres conditions, symboliques ou concrètes, mettent l'accent sur la cohésion de la famille au sens large. On demande que la maison soit entretenue "dans l'esprit des parents", "qu'elle reste ouverte aux membres de la famille pour les fêtes", "qu'elle fasse honneur à la famille", etc.

Alors que les conditions matérielles sont en somme individuelles, celles-ci mettent l'accent sur le groupe familial comme tel.

Si l'on examine alors la distribution de ces types de conditions, deux résultats très nets se font jour:

- Dans le bas de l'échelle sociale, la cohésion est la préoccupation do-minante: on veut conserver au bien son identité collective, même

(

(

(

-.141-s'il appartient désormais

à

l'un des familiers seulement (67 % des conditions). Dans le haut de l'échelle, c'est l'inverse qui apparaît:

on ne veut pas se faire gruger; on se prémunit contre d'éventuels bénéfi-ces indus, mais on met peu de conditions de type cohésif (37 %).

- Dans la comparaison des attitudes masculines et féminines, on retrouve une différence de même ampleur. 62 % des conditions féminines appar-tiennent

à

la catégorie cohésion. Ce n'est vrai que de 38 % des réponses

masculines. C'est peut-être ce souci d'une plus grande justice "pour la famille" et non seulement "pour l'individu" qui permet en dernière analyse d'interpréter la "générosité" plus grande des mariages de milieux populaires.

* * *

Nous avons tenté jusqu'ici de définir les principaux procédés que les familiers utilisent pour définir le juste. Le problème qui se pose maintenant est de savoir quelles classes de comparaisori les fami-liers utilisent. Plus précisément, la définition du juste ou de l'injuste suppose que l'on compare diverses personnes. Celles-ci ne s'imposent pas tout naturellement. Les acteurs doivent les choisir. Comment s'y prennent-ils pour sélectionner? Quelles sont les procédures principales?

Par ailleurs, dès lors que plusieurs catégories d'acteurs sont potentielle-ment en jeu, il convient de savoir si les critères de comparaison sont constants ou s'ils varient de classe à classe. Ces questions forment l'objet du prochain chapitre.

~

.

-143-CHAPITRE V :

LES CLASSES DE COMPARAISON

1. Introduction

La définition de la justice donnée au début du chapitre IV (Ia/oa

= lb/Ob) postule implicitement que la comparabilité des individus est automatique. Soit que le débat de l'égalité de traitement porte sur deux individus appartenant à ·Ia même classe, soit que l'ensemble indéfini de tous les individus puisse de fait constituer la classe de comparaison.

Cette situation d'abstraction (par limitation à une dyade ou par universalisation) est évidemment un cas-limite. Elles correspond à une quantité de dessins de recherche en laboratoire: on travaille avec deux personnes, ou avec un ensemble de sujets supposés implicitement appartenir à la même classe. Or, la pratique sociale nous montre au contraire les individus comme étant préalablement dotés d'un statut, c'est-à-dire appartenant à des ensembles (statistiques ou concrets, agré-gats ou groupes) qui définissent leur identité sociale. Ces appartenances varient, bien sOr, selon les individus. Elles sont, par ailleurs, latentes ou focales. Latentes, on les oublie pour identifier la personne par d'autres caractères, d'autres catégories. Focales, elles éliminent les autres dimen-sions de l'individu et assujettissent celui-ci à leurs règles.

Dès lors que l'on est persuadé de l'omniprésence de ces frontières, une partie importante de l'analyse du processus de justice consiste

à

dé-terminer comment les acteurs prennent en compte ou ignorent ces regroupements sociaux. En cela, les expériences de laboratoire qui donnent la comparabilité pour automatique se font la part trop belle.

-144-Si l'on ignore, pour un bref instant, ces catégories, la décision de justice peut être vue comme consistant simplement en une appréciation des dettes et crédits de tous vis-à-vis de chacun ou vis-à-vis d'une personne particulière qui sert de référence. La première de ces deux situations est d'une complexité telle qu'il vaut mieux en réserver l'ana-lyse pour des temps meilleurs! La seconde, constituant en somme une figure de comparaisons par paires, est d'un abord un peu plus aisé, et c'est pourquoi on J'a retenue pour le scénario "Retraite des parents"

(présenté en détail au chapitre II) qui sera analysé ici.

On défendra la thèse suivante: dès que l'on introduit des catégo-ries comme une dimension "incontournable" de la décision de justice, il s'ensuit que celle-ci ne peut plus être analysée uniquement en termes de balance dettes-crédits.

Les catégorisations sociales peuvent affecter le processus de justice de trois manières différentes :

a) Elles gèrent la comparabilité des membres d'une strate avec ceux d'une autre. Plutôt que d'analyser les dettes/crédits des membres de la strate B, les décideurs A peuvent ignorer les débiteurs potentiels B par une simple décision de principe. Inversement, toujours sans évaluation, ils peuvent les inclure dans le cercle des ayants-droit ou -devoir sans autre forme de procès.

b) Ces catégories sociales gèrent les procédures de comparaison des membres de la classe. La formulation classique laisse en effet trop pen-ser qu'il y a, au sens piagétien, conpen-servation, c'est-à-dire que le même ensemble de règles est appliqué

à

tous les "comparables". On tentera de montrer qu'il n'en est rien.

cl

Ces catégorisations peuvent affecter encore un troisième niveau de décision: celui des critères retenus

à

l'intérieur des procédures de comparaison.

On étudiera ces trois niveaux successivement. Pour l'analyse de l'intervention des classes de comparaison dans la décision de justice, le

(

(

(.

-145-réseau de parenté constitue une situation idéal-typique intéressante dans la mesure où l'on y trouve réunis les deux éléments de la dialectique esquissée ci-dessus :

a) par leur proximité généalogique, les familiers partagent, bien que de manière différentielle, un ensemble de créances et dettes;

b) ils appartiennent par ailleurs

à

des dénominations catégorielles (oncles et tantes, frères et soeurs, etc.) qualitativement différentes les unes des autres. Il est donc aisé et pertinent de se poser la question des modes de négociation de ces catégories par les décideurs.

Pour le faire, nous avons construit le scénario "Retraite des pa-rents", dont nous rappelons ici simplement les grandes lignes.

Les conjoints, ayant sous les yeux le dessin du réseau objectif de leur parenté, doivent résoudre le problème suivant. Il faut financer la retraite des parents de l'~pouse, car ceux-ci n'ont pu mettre suffisam-ment d'argent de côté. Cela suppose que l'on trouve 1.000 à 2.000 francs par mois (J'observateur fait varier la somme en fonction des disponibilités apparentes de la famille, de manière à maintenir un fort enjeu). Chacun des conjoints individuellement doit "taxer" les membres de sa parenté. Cela fait, on procède de même

à

propos des parents du mari. Sur la base des ces taxations individuelles, on procède à la comparaison des réponses (personnes touchées et sommes allouées) et l'on demande une solution comrnune pour chacun des personnages.

Dans le même mouvement, on fait expliciter les raisons de la mise

à

l'écart de certains.

2. La comparabilité

En matière de comparabilité, trois situations-type se présentent.

- On peut parler de comparabilité catégorielle dès lors que tous les membres de la classe ou de la catégorie sont inclus dans la comparaison.

-146-Le simple fait d'appartenir

à

l'ensemble met la personne dans une situa-tion perçue de créditeur / débiteur.

- Par contre, la comparabilité individuelle laisse "filtrer" certains membres de la catégorie dans l'ensemble des comparables, mais non tous. Ce sont des critères individuels (de ressources ou autres, comme on le verra plus bas) qui opèrent ce filtrage.

- Enfin, on parle d'une situation concrète d'incomparabilité lorsque tous les membres de la catégorie sont, du seul fait de cette appartenan-ce, exclus des ayants-droit ou -devoir.

C'est

à

l'évidence le deuxième mode qui marque la porosité la plus grande de la catégorie: elle s'efface en quelque sorte devant la prise en considération d'autres "variables". Elle se fait latente. Par rapport

à

cette typologie, la structuration du réseau de parenté par les conjoints fait émerger trois sous-ensembles: les frères et soeurs, les oncles et tantes, les cousins (on "fait l'économie" des grands-parents, trop rares, et des enfants des conjoints, trop petits). Ces trois sous-en-sembles appartiennent soit

à

une dimension verticale par rapport aux parents (les frères et soeurs) soit

à

une dimension horizontale (les oncles/tantes, cousins/cousines).

Dans la presque totalité des familles, les frères et soeurs sont d'emblée tous inclus dans la "taxation". On peut parler

à

ce propos de la mise en oeuvre d'un standard unique dans cette classe. En effet, en addi-tionnant les réponses individuelles des hommes et des femmes, pour chacun des deux côtés de la parenté (ou des deux aspects dù problème : parents d'elle, parents de luil, il se trouve que 81 % des réponses in-cluent tous les frères et soeurs. Or, ce type d'addition multiplie (puis-qu'il y a quatre réponses par famille) les "risques" de réponses différen-tielles. Le standard variable (qui consisterait

à

n'inclure que quelques membres de la classe et

à

en éliminer d'autres) n'est donc utilisé que dans 19 % des 333 "cas". Cette procédure n'est pas latéralisée (elle est aussi fréquente pour les parents de la femme que pour ceux de l'homme), et elle ne dépend pas de la classe sociale (cf. Tableau V.J). Ainsi, nous sommes en pleine situation de comparabilité catégorielle. Ce n'est pas

(

(

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-147-TABLEAU V.1

Distribution des procédés d'inclusion dans la classe des frères

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