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kS d'exploiter le gué de Vasles Mais, la mesure la plus impor-

tante prise par l'abbaye pour faire face à ses difficultés

économiques fut sans contredit 1'arrentement de tous ses droits à Vasles, Vausseroux et Vaulifier, qu'elle consentit à Jehan Bononier, alias du Poiz, le 10 mai 1396 ( $ 2 ) . Les seuls reve- nus exclus de l'accord furent ceux provenant de l'exploita-

tion des bois et des taxes perçues à l'occasion des fois et hommages. Le contrat stipulait que Jehan Bononier était nom- mé procureur et qu'il devrait verser une rente annuelle de 30

livres, payable en deux versements égaux, l'un à la Toussaint et l'autre à la Chandeleur. Les moniales voulurent se préser- ver d'une baisse de la valeur réelle de l'argent et limitè- rent la durée du contrat à 6 ans. Il est assez difficile de

se représenter ce que valait vraiment cette somme. Il faut se souvenir qu'en 1238 (53), les moniales avaient payé 8 li- vres une part du four banal de Vasles et qu'en I328 (51+), el-

les avaient acquis partiellement la dîme de-Vaulifier pour la somme de 63 livres. La perception de leurs droits devait ê- tre bien incertaine pour que les religieuses se soient conten- tées de 30 livres pour l'ensemble de leurs droits à Vasles. Elles refusèrent de courir le risque d'une récolte manquée. Les paysans firent les frais d'une conjoncture défavorable, car les arrentements amenèrent sur le terrain des "entrepre- neurs en perception" dont le désir de rentrer dans leur argent

52. AV, 1370. 53. A V , 1238.

n'était surpassé que par leur avidité et les moyens mis en oeuvre pour la satisfaire.

3- Les destructions matérielles et les limites de la reprise économique.

Les arrentements qui furent consentis au XVe siècle dif- féraient profondément de ceux que nous venons de voir. Il ne s'agissait plus de droits de perception cédés contre une somme annuelle fixe, mais de ce que l'on pourrait appeler u- ne technique visant à favoriser le retour à la terre. On ne

sait si les terres de la région de Vasles furent dévastées ou si, comme ce fut le cas à Ménigoute ( 5 $ ) , c'est l'incurie des administrateurs qui amena une situation matérielle difficile. La grande saignée démographique du XlVe siècle, fit jouer la loi de l'offre et de la demande en faveur des paysans. Les anciennes redevances â part de fruits comme la dîme et le ter- rage avaient laissé les agriculteurs dans la misère lorsque le rendement des récoltes s'était rapproché du minimum néces-

saire à la vie. D'autre part, nous avons.vu que l'accroisse- ment démographique des siècles précédents avait amené des co- lons sur des terres froides et peu aptes à la culture. Désor- mais, les survivants purent davantage choisir et les condi-

tions de location s'adoucirent à leur endroit. C'est dans cet

55. H, Denifle, La désolation des églises, monastères et hôpitaux en France pendant la guerre de Cent Ans, tome I: Docu- ments relatifs au XVe siècle. Paris, 1697, p. 173, no 1+28 (8 août 11+1+8): "Pructus thesauri! ecclesiae colleglatae et rura- lis beatae Mariae de Menigusta, pictaven. dioec, causnntibus guerris plurimum deminuti possessionesque res bona et jura per malos administratores alienata et destructa sunt".

1+7 esprit qu'en 13&9 (56) un contrat fut arrêté entre Galiane,

abbesse de Sainte-Croix et Jehan de Cramaut, seigneur de Touf- fou. L'abbesse lui céda l'abergement et les terres de Bois- guillon (56 bis) et elle fixa le taux de terrage au douzième. Il fut bien spécifié que nul autre droit ne pourrait être ré- clamé en raison des biens accensés. Il est vrai que la tâche de cet "entrepreneur en colonisation" n'allait pas être faci- le, puisque la terre n'avait pas été travaillée depuis plus de 1+0 ans. Le 5 décembre 11+09 (57), un accord du même type Intervint entre Sibille de la Rafouillière, prieure de Saint- Philbert et Guillaume Frédellon, paroissien d'Ayron. Ce-der- nier accepta de mettre en valeur le froustis de la Baudlnière

(?) et la terre gaste des Garnières (?). Il s'engagea de plus à investir 60 sols tournois aux Garnières durant les 5 pre- mières années. A la Saint-Michel, 11 paierait 7 deniers de rente et le dixième des fruits croissants et des bêtes nour- ries. Le 15 avril 11+36 (58), Rayraonde de Pérac, abbesse de Sainte-Croix, arrenta les Béraudières (59) à Guillaume du Pont dit charru (?), "parrochien a present de Saincte Radegon- de de Vasles". Il s'agissait vraisemblablement d'un immi- grant récent. Lui aussi eut fort à faire pour tout remettre en état (60). Chaque année, le jour de Noël, il devrait ren-

56. AV, 1369.

56 bis. Boisguillon, village et moulin sur l'Auxance, comm. Latillé, cant. Vouillé, arrond. Poitiers (V.).

57. AV, 1409. 58. AV, II+36.

59. Les Béraudières, lieu disparu, comm. Vasles, cant. Ménigoute, arrond. Parthenay (D.-S.).

60. AV, II+36: "...lesquelles chouses sont de present en ruine..."

dre un cens de 6 deniers et 2 gélines, tandis que le 13 août, fête de sainte Radegonde, il paierait la rente proprement di- te qui s'élevait à 12 sous. Les moniales interdirent au nou- vel arrivant d'aliéner sa terre ou de la démembrer.

A partir de la seconde moitié du XVe siècle, la conjonc- ture économique redevint favorable aux seigneurs. Nous en voyons un symptôme dans les contrats d'arrentement qui devien- nent de plus en plus exigeants pour les tenanciers. C'est ain-

si que pour une pièce de terre de 10 septérées, François Gour- baut de Mailleroux (61) se vit imposer en 11+1+8 (62) le terra- ge des fruits croissants, l'obligation de transporter les re- devances à ses frais à Saint-Philbert et le devoir d'aller chercher le terrageur de l'abbesse, avant de prendre quoi que ce soit à ses récoltes. On l'obligea enfin à construire une maison dont ildevrait faire sa résidence permanente. Les mo- niales, en repeuplant leur domaine de l'Auxance, voulaient

sans doute en exclure les pilleurs de lots éventuels. Une en- tente sur procès du 5 décembre 11+69 (63) nous prouve que les conditions de location allèrent s'aggravant dans la terrage- rie (61+) de Saint-Philbert. Jehan de Peorry (?) "par conseil et délibération des amis communs d'une partie et d'autre", accepta de payer chaque année,' le premier janvier, un cens de 2 deniers et 1 chappon. Il livrerait en plus le sixième des

61. Mailleroux, hameau, comm. d'Ayron, cant. Vouillé, arrond. Poitiers (V.).

62. AV, 1^6. 63. AV, 11+69.

61+. Ibld., on parle aussi de la "seigneurie" de Saint- Philbert.

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fruits croissants des terres labourées en guise de dîme et de terrage. Enfin, il promit le sixième des fruits des vignes, des vergers et des jardins "ainsi que font les autres clrcum- voisins dudict lieu de Sainct Philebert". Le capital reprit donc peu à peu son droit du plus fort sur le travail. A me-

sure que s'effectuait le retour à la terre, les paysans se vi- rent imposer des conditions de plus en plus pénibles et durent

selon l'usage, se soumettre aux nouvelles structures.

G) L'escalade des troubles sociaux et la lente remontée du pouvoir royal.

Durant la plus grande partie de l'administration du duc de Berri, soit de 1375 à 11+12, le Poitou vécut une période de paix relative que l'on a qualifié de "répit salutaire" (65). Le nouveau maître eut au moins le mérite d'organiser une struc- ture administrative imposante (66). Mais le poids des exigen- ces royales et ducales, conjuguées sur un pays ravagé par tous les fléaux, ne contribua pas à restreindre l'intensité des conflits sociaux. S'il n'y eut pas de jacquerie dans no- tre région, ce ne fut pas la faute des nobles qui profitèrent de leur qualité de guerriers pour exploiter les faibles de façon à maintenir leurs revenus qui fondaient comme neige au

soleil. Le pouvoir royal qui avait été un facteur d'ordre à

65. R. Crozet, ouvr. cit., p. 56.

66. La nouvelle structure est abondamment décrite dans P. Boissonnade, Histoire de Poitou, Paris, 1915, p. 14;5.

la période précédente, ouvrit le plat-pays par stratégie, aux chevauchées anglo-gasconnes et aux raids des grandes compa- gnies (67). Dès lors, les relations sociales se transformè- rent et la violence, qui avait été un spectacle quotidien de I3I+6 à 1373, s'installa dans les moeurs. Malgré les defens et les forest de l'abbaye Sainte-Croix, on pilla ses bois. Aux exigences de plus en plus difficiles à SATiSfAiHE des sei- gneurs, on opposa le non-paiement des droits. Enfin, certains nobliaux prirent les armes, commirent des voles de fait et pillèrent les biens de ceux qui tentaient de reconstruire le pays. Dans cette vision pessimiste, il ne faut pas oublier

la lente remontée du pouvoir royal, qui, par la vigilance de ses sergents locaux, reprit peu à peu en mains un territoire livré depuis longtemps à l'anarchie.

1- De la simple fraude à la désobéissance civile. Dans la société médiévale, où la propriété privée et le pouvoir public étaient si étroitement liés, il est parfois

difficile de rattacher avec certitude un délit au droit pri- vé ou au droit public. Ainsi par exemple, refuser de payer le terrage à son seigneur, c'était sans aucun doute attenter à sa propriété. Mais lorsqu'il entreprenait de fortifier la région contre les routiers, il prenait alors la place de l'E- tat, souvent bien Incapable de faire face à ses responsabili- tés. C'est dans cet ordre d'idées que l'on peut parler de dé- sobéissance civile pour des cas de refus d'acquitter des droits

51 dus.

Le 5 mai 11+36 (68), une ordonnance de Charles VII fit état d'une coupe frauduleuse de bois survenue à Vasles et dans laquelle quatre personnes au moins étaient impliquées. Elles étaient accusées aussi d'avoir fait paître des trou- peaux de porcs dans les bois et d'avoir même loué ce droit de pacage à d'autres. Les dommages furent évalués à 60 roy- aux, c'est-à-dire à une centaine de livres tournois (69). Peu après ll+5l (70), on accusa le curé de Vasles Guillaume Vimon d'avoir voulu extorquer la dîme à trois manants de la Martèlerie (71), fief situé dans la châtellenie de Montreuil- Bonnin. D'après le sénéchal, cette dîme appartenait aux mo- niales de Sainte-Croix. Il ordonna donc au sergent de main- tenir les religieuses dans leurs droits et déférer en justi- ce à Poitiers le curé récalcitrant, s'il venait à récidiver.

Nous avons fait remarquer plus haut (72) la rapidité a- vec laquelle les fiefs changeaient de titulaires à Vasles.

Ces mutations impliquaient un rachat (1'achaptement) par les héritiers, ou le paiement des ventes et honneurs par le nou- veau seigneur. En janvier I386 (73), la veuve de Raoullet

68. AV, II+36.

69. L'ordonnance du 28 janvier 11+36 avait fixé la va- leur de l'écu à 25 sols, R. Delort, Introduction aux scien- ces auxiliaires de l'histoire, Paris, 1969, p.359.

70. Louis de Beaumont, de qui émanait l'ordre de mis- sion, prêta le serment de sénéchal le 3 avril 11+51 et le de- meura jusqu'en 11+61, UR, tome IV, pp. i+79-1+80.

71. La Martèlerie, ferme, comm. Vasles, cant. Ménigoute, arrond. Parthenay (D.-S.).

72. Voir plus haut, pp. 37-38. 73. AV, 1386.

Giraut, Enarde Bordeuil, fut convoquée devant l'Officiel de Poitiers. On lui fit voir que si elle persistait dans son re- fus de racheter son fief, elle serait poursuivie en justice pour une somme de cent livres en raison de certains bois qu' elle aurait brûlés du vivant de son mari. Elle trouva un ga- rant (71+) en la personne de Jehan Petit, dit Coigner, qui ac- cepta de verser pour elle la somme de 12 livres. La capacité féodale de la femme ne sembla pas diminuée malgré son veuva- ge (75).

Les intérêts de l'abbaye Sainte-Croix se détériorèrent sans cesse à partir de cette époque à Vasles. Même si les moniales avalent réussi à régulariser la situation du grand

fief de Guillaume Sanglier en 11+03 (76), 8 tenanciers de fiefs secondaires refusèrent l'année suivante de payer les redevan- ces, de rendre leur fief par écrit et de faire les fols et hommages nécessaires. Les plus importants domaines concernés

étaient la Rousselière et la sergenterie des bois de la Ra- telière et Métoyer (Renaut Rousseau); la terragerie de Verri- nes (Guillaume Ollivier); l'hôtel, terres et appartenances de la Jusie (Michèle Jusesse); le bols Coûtant et l'hébergement du Peu (Jehan Coutanceau). Pour donner plus de poids à sa dé-

71+. Ibid.: "...fidejussor ac principalis debitor et so- lutor..."

75. Voir P. Portejoie, ouvr. cit., p. 77. L'auteur y explique la capacité féodale des femmes au XlIIe siècle, du fait "qu'on s'était avisé que leur mari pouvait les remplacer dans l'accomplissement des services". Peut-être qu'à la fin du ylle siècle, on tenait moins compte pour le vassal de la pos- sibilité de remplir ses devoirs militaires, ce qui explique- rait la présente affaire.

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marche, l'abbaye Sainte-Croix obtint une lettre de Charles VI qui rappelait le droit qu'avaient les moniales de saisir les fiefs qui n'étaient pas juridiquement,en règle. Le délit re- vêtait une gravité particulière du fait de la fondation roya- le du monastère et de la sauvegarde especlale dont le roi re- couvrait l'abbaye (77). C'est pourquoi 11 ordonna au sergent de rétablir les moniales dans leurs droits et de faire compa- raître les coupables devant le bailli de Touraine et des res- sorts et exemptions de Poitou.

Le curé de Vasles rencontra des difficultés- analogues lorsqu'il tenta de recueillir la dîme. Le 1+ juillet 11+37

/

(76), il formula une plainte devant 1'Officiai de Poitiers contre Nicolas Mestiver, dit Thouart (79). Le curé, Guillau- me Fauconnier, prétendait avoir droit au dixième des fruits

croissants dans sa paroisse. Malgré de nombreuses sollicita- tions, Mestiver avait toujours refusé de payer. Il possédait deux pièces de terre situées entre la Plaine (80) et Vasles, qui auraient dû rapporter,., au dire du curé, 2 setiers de sei- gle et 21+ boisseaux d'avoine de dîme annuellement. D'autre part, comme Mestiver avait nourri un certain nombre de bêtes

au village de la Plaine, il devrait donner en plus, 2 agneaux, 77. AV, 11+01+: "...lesquelles choses ont este et sont falo- tes en enfreignant la dicte sauvegarde de la main desdictes complaignantes en leur grant grief prejudice et dommage..."

76. AV, 1437.

79. Peut-être s'agit-il d'immigrant de la région thou- arsaise, située à une cinquantaine de kilomètres au nord- ouest de Vasles.

80. La Plaine, hameau, comm. Vasles, cant. Ménigoute, arrond. Parthenay (D.-S.).

5 toisons et un porc, dont la valeur ne devait pas être infé- rieure à 10 sols, 10 deniers tournois. L'affaire se compli- qua lorsque Robert, Pierre et Jehan Rousseau affirmèrent que cette dîme leur appartenait. Ils consentirent à céder leurs

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droits au curé, à condition que celui-ci dise chaque année u- ne messe basse au grand autel de Vasles, pout le salut des â- mes de leurs défunts.

En 11+1+0 (8l), de nouvelles difficultés surgirent lorsque trois paroissiens de Vasles, Laurent Sapin, Etienne son frère et Pierre du Chilleau, continuèrent à exploiter leur domaine malgré la saisie de l'abbaye Sainte-Croix. Comme l'indiqua le

sénéchal Pierre de Brezé (.82) dans son ordre de mission au sergent Etienne Rataut, les moniales étaient justifiées de sai- sir les biens en cas de "fois et hommages non faiz fiefs non rendus et devoirs non palez". Quand la saisie est mise, pour- sulvit-il, "nul ne puet ou doit...lesdittes choses ainsi sai- sies lever posséder ne explecter". Aussi, ordonna-t-il à son subalterne de faire l'instruction de l'affaire et de déférer les coupables devant son tribunal à Poitiers. Malgré leur in- cidence sur les fondements mêmes du régime féodal, ces actes illégaux ne parurent pas bien importants à côté des délits ac- compagnés de violence, que l'on commença à voir apparaître à cette époque dans la région de Vasles.

61. AV, 11+1+0.

82. Pierre de Brézé, seigneur de la Varenne et de Bres- chessac, conseiller du roi, sénéchal du Poitou du 10 mai 11+1+0 jusqu'en 11+51. GR, pp. 1+77 et suivantes (tome IV).

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