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R. K Films & Studios : comprendre son public et ses désirs

3) Kapoor artiste

Dès son tout premier film, la fameuse empreinte R.K. était indiscutable : aucun doute n’était laissé aux spectateurs qu’ils regardaient un film de Raj Kapoor. Les formules filmiques sont puissamment présentes comme l’est sa signature, sans aucune ambiguïté. Ce que nous trouvons dans les films de Kapoor est un mélange intriguant d’auteur et d’acteur, la force de l’un étant réinscrite dans l’autre. Dans ses textes filmiques, Raj Kapoor construit une narration qui est partiellement autobiographique dans laquelle Nargis, la célèbre actrice, sert d’objet privilégié du désir et celle qui met en mouvement les circuits du plaisir. Le cinéma indien, dans l’ensemble, construit un monde de fantaisie qui est inter textuellement accessible tandis que le monde de fantaisie dans les films de Raj Kapoor est largement le fait de sa propre création originale. Le réalisateur, l’acteur, la célébrité s’incarnent tous dans ses films443.

Si les études récentes, comme celle de K. Moti Gokulsing et Wimal Dissanayake, reconnaissent l’originalité de ses films et la « signature kapoorienne » comme une évidence, dans les déclarations et témoignages de Kapoor, que nous avons cités tout au long de cette première partie, il apparaît avec force que le cinéaste souffrait du manque de reconnaissance de la critique. Plus il dénonçait l’ignorance de la presse en matière cinématographique et

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l’inexistence de travaux sur le cinéma indien, plus il insistait sur le malentendu dont il se sentait victime. Revenons alors sur l’ambition de Kapoor qui animait son travail de cinéaste et sur le contexte, dans lequel ont évolué les études cinématographiques en Inde et dans le reste du monde.

Kapoor qualifiait son cinéma de cinéma populaire et revendiquait son ambition de faire des films proches du peuple, qui seraient vus, compris et appréciés par le plus grand nombre de spectateurs possible. Son discours est assez ambigu car il se réfère au peuple pour affirmer qu’il veut donner le meilleur à son public444. Par ailleurs, il s’attend aussi à la reconnaissance des spécialistes du métier et ne veut surtout pas que son cinéma soit classé comme « cinéma d’évasion ». Il laisse souvent entendre que ses films sont sa vie et estime son âge en nombre de films réalisés445. Il est impliqué comme acteur, monteur, coscénariste, présent à chaque cadrage ou à la direction musicale et, bien sûr, comme directeur d’acteurs et réalisateur. Kapoor-producteur et directeur du studio et, par conséquent, concerné par la rentabilité de ses films, veille au strict éuilibre des deux fonctions de producteur et de directeur. Il ne se positionne jamais comme l’unique auteur de ses films rappelant l’importance du travail d’équipe. S’il mettait en valeur tous les talents qui participaient à la création de ses films et faisaient partie de son studio, il ne minimisait pas pour autant son rôle de réalisateur :

Beaucoup de gens sont impliqués dans la fabrication des films. Le peintre peint son tableau seul, dans son atelier. Le poète compose seul. De même, le sculpteur forme ses chefs-d’œuvre. Mais le réalisateur doit intégrer les pensées et les talents de nombre de personnes en gardant toujours une vision claire. C’est une tâche colossale mais j’en aime chaque moment particulier446.

Ses collaborateurs témoignent unanimement du plaisir d’avoir pu travailler avec Kapoor réalisateur. Ils apprécient l’ambiance de créativité qui règne dans son studio et se laissent volontiers entraîner par sa fièvre créatrice obsessionnelle à chaque fois qu’il travaille sur un nouveau film. Kapoor reconnaît lui-même exiger un engagement total de son équipe. Cette synergie collective est indispensable pour concevoir un film :

Ce qui est essentiel c’est la sincérité de chaque personne associée au film car un bon film dépend d’une bonne équipe de travail ; le créateur du film – le réalisateur – lui donne la forme. Mon

444 « Je veux que mes films parlent à tous. Je veux que mes films rendent fidèlement la vie et le temps que nous

vivons. Je suis convaincu que les jours des films d’évasion bon marché soient finis. » Raj Kapoor, « Raj in self portrait: Each moment something ends, each moment something begins », Filmfare, 23/11/1956, p. 6-7.

445 « Un jour, quelqu’un m’a demandé mon âge et j’ai dit « Je suis âgé de sept films » R. Kapoor, art. cit., Filmfare, 23/11/1956, p. 6-7.

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tempérament ne supporte pas de faire le film par morceaux. Je dois avoir mes collègues avec moi tout le temps, pour tester la musique, pour débattre de l’histoire et des situations, pour répéter les scènes jusqu’à atteindre l’expression de la vérité absolue et pour visualiser le film entier447.

Le côté spécieux de cette situation – malgré la modestie prétendue, peut-être sincère, de Kapoor – vient du fait que ses collaborateurs s’effacent volontairement au profit de la légende du génie créateur de Raj Kapoor. Car si Kapoor est omniprésent et omniscient lors de la fabrication d’un film, il est également une star et c’est probablement la raison pour laquelle ses collaborateurs s’expriment si peu sur leur travail au sein de R.K. Films & Studios et,

surtout, ne s’attribuent aucun mérite, d’après Charrin448. Comme si le message officiel diffusé

par Kapoor depuis ses débuts de réalisateur sur la synergie et le travail d’équipe de son studio, avait force de loi :

J’ai profité de mes poètes Shailendra et Hasrat Jaipuri, de mes directeurs musicaux Ram Ganguly, Shanker et Jaikishen, Laxmikant et Pyarelal, Ravindra Jain. En réalité, l’essence, ce sont eux. Je ne suis que chef d’orchestre. Leur faculté et leur talent sont essentiels. Je brille de l’art de mes collègues, dans leur gloire449.

Dès 1951, Kapoor ouvre à la presse les portes du studio alors qu’il est encore en construction. Le réalisateur-producteur communique régulièrement sur sa façon de faire des films soulignant la passion qui anime son travail de cinéaste. Un autre thème fait l’objet de ses communications à la presse : son perfectionnisme. Il aime expliquer qu’un film est une affaire compliquée, où il faut beaucoup de patience et beaucoup de prises avant d’atteindre la perfection, laissant entendre que le désir du réalisateur surmonte toujours les contraintes du producteur. Au tout début des années 1950, sa jeunesse, son audace et sa créativité suscitent la curiosité des journalistes. Suite à la réception mitigée de son film Awaara par la critique, qui lui reproche d’avoir dépensé trop d’argent dans une période de pénurie, il défend sa méthode, dans un célèbre article, « Comment je me vois moi-même », parlant de lui à la troisième personne :

La raison pour laquelle il est considéré comme l’un des réalisateurs les plus lents dans l’industrie est qu’il effectue les « prises » et « reprises » de chaque « plan » jusqu’à ce qu’il ait atteint la perfection. Récemment, il a passé une année et demie sur le script d’un film qui sera mis en scène dans six mois.

447 Raj Kapoor, « Romantic scenes, is it necessary to be in love? », Filmfare 13/02/1959.

448 Sabine Charrin a pu interroger plusieurs collaborateurs de Kapoor. Elle constate que ces derniers se

positionnent comme s’ils n’avaient été que « les “mains”, les instruments irresponsables et dociles : idée dont les conséquences sur le cours des recherches ont été parfois désastreuses ; les collaborateurs de Raj Kapoor ayant bien souvent refusé de s’attribuer la moindre part de responsabilité (et donc de talent) dans l’élaboration des films du producteur-cinéaste. » Sabine Charrin, Les studios de Raj Kapoor de 1948 à 1990… op. cit., p. 9.

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Mais quand il aura commencé à tourner, Raj réalisera le film probablement plus rapidement que beaucoup d’autres.450

À la lecture de ses déclarations à la presse, tout en étant conscients de sa volonté de maîtriser son image et de construire sa persona et sa légende, nous constatons que Kapoor manifeste un besoin vital d’être reconnu en tant qu’auteur alors qu’il semble négliger la reconnaissance de son jeu d’acteur. Peut-on alors considérer Raj Kapoor comme auteur et ses films comme films d’auteur ?

Sans entrer en détails dans l’histoire de la notion d’« auteur » et de la « politique des auteurs451 », il convient de rappeler, avec Raphaëlle Moine, que :

contre l’usage courant dans les années cinquante de réserver l’appellation « auteurs de films » à un nombre assez restreint de réalisateurs ayant exercé un contrôle absolu du processus de fabrication et de création de leurs films, la politique d’auteurs entend montrer que de véritables artistes, dont la mise en scène exprime un regard singulier du cinéaste, peuvent se révéler même dans le système des studios452.

Kapoor crée son propre studio pour avoir le contrôle total sur ses films mais s’inscrivant dans le courant du cinéma populaire hindi qui se singularise des cinémas commerciaux ou grand public fabriqués dans le reste du monde. Le cinéma populaire hindi transgresse les normes cinématographiques (longueur de film, mélange de genres et de styles) habituellement respectés en Occident.

Qu’appelle-t-on en fait cinéma populaire ? L’on peut dire que cette expression convient à tout film qui remplit avant tout une fonction de divertissement et est destiné à toucher un public large – les masses. Le cinéma populaire est un cinéma commercial dont le but est de générer des profits par la vente de places de cinéma et des produits dérivés453. Le terme générique de « cinéma populaire » comprend un vaste corpus de films d’origines, de genres et de qualités disparates. Pour les auteurs Dissnayake et Sahai il existe pourtant une différence

450 Raj Kapoor, « As I see Myself », Filmfare 06/03/1953, p. 16.

451 Antoine de Baecque, Petite anthologie des Cahiers du Cinéma [Volume 4, La politique des auteurs, les textes,Volume 5, La politique des auteurs, les entretiens], avec la collaboration de Gabrielle Lucantonio, Cahiers

du Cinéma, Paris, 2001 ; François Truffaut, « Ali Baba et la “Politique des Auteurs” », Cahiers du Cinéma n°44, février 1955, p. 45.

452 Raphaëlle Moine, Les Genres du Cinéma, Nathan cinéma, Paris, 2002, p. 93. 453

En Inde, il s’agit en particulier de la production des disques audio avec la musique du film qui doublent considérablement le profit des films. Beaucoup de films existent grâce à ces enregistrement qui circulent et sont régulièrement réédités et diffusés dans tout le pays alors que tous les films ne sont pas forcément distribués partout et proposés en rediffusion ultérieurement. Pour ces questions voir Camille Deprez, Bollywood : Cinéma

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entre « cinéma populaire » et « cinéma commercial » bien que tous deux soient destinés au grand public. Alors que le premier type de cinéma naît de la culture populaire et reflète les besoins, goûts, sensibilités et traditions du peuple, le second est un spectacle calculé et imposé par l’industrie454. En d’autres termes, les auteurs Dissnayake et Sahai indiquent que dans l’immense « forêt » de films commerciaux il y a des « clairières » composées des films populaires où poussent de beaux spécimens qui méritent une attention toute particulière. Pour

François Truffaut, l’initiateur de la notion de « cinéma des auteurs », les films populaires455

, quelle que soit leur qualité, découlent de grosses productions. Selon le critique-réalisateur, le cinéma d’auteur est un cinéma d’artisanat, personnel et fragile, menacé par la puissance de la machine industrielle du cinéma populaire. Pour le critique anglo-saxone Andrew Sarris, le

cinéma d’auteur devrait être marqué par la « personnalité du réalisateur456

». La question du sens intérieur [interior meaning], proche équivalent, pour Sarris, de l’élan vital bergsonien peut être rendu, selon ce dernier, uniquement dans des termes cinématographiques et dépend également de la tradition et de l’environnement cinématographique dans lesquels l’auteur évolue. Jean-Pierre Esquenazi ajoute la notion de « réseau » et trouve un consensus en élargissant un peu plus l’idée de la personnalité : « l’auteur est un “réseau d’interactions” entre le milieu de la personne, entre les différentes milieux que celle-ci a traversés et auxquels elle s’est adaptée et les différents rôles qui constituent sa personnalité457

».

Peter Wollen, au contraire, occulte la personnalité du réalisateur et pose la notion de « film façade », le produit fini d’une « révision secondaire » qui cache et masque le processus qui demeure latent dans l’« inconscient » du film. Selon Wollen, cette façade peut être tellement travaillée que les éléments disparates se fondent et elle devient si lisse (ou si dense) qu’il est impossible de voir au-delà ou plutôt autre chose que les personnages, le dialogue, le sujet etc. Il ajoute :

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W. Dissanayake, M. Sahai, Raj Kapoor’s Films… op. cit., p.158-160.

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« Ces films étaient généralement le résultat d’un travail de groupe, réalisés par de grosses équipes. […] Ces films employaient quelqu’un de très célèbre pour les décors, un grand nom pour la musique, et remportaient chaque année les plus grands succès commerciaux et critiques, et ceci au détriment des films d’auteurs, de films faits par des gens plus cultivés qui préféraient travailler sur un film qui n’était pas inspiré d’un roman célèbre, et qui travaillaient d’une façon plus personnelle, plus individuelle ». Entretien avec François Truffaut dans Anne Gillain, Le Cinéma selon Truffaut, Flammarion, 1988.

456 Andrew Sarris, « Notes on the Autheur Theory in 1962 » dans Film Theory and Criticism, Gerald Mast,

Marshall Cohen, Leo Braudy (dir.), Oxford university Press, New York, 1992, p. 585-588.

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Jean-Pierre Esquenazi, Hitchcock et l’aventure de Vertigo. L’invention à Hollywood, CNRS éditions, Paris, 2001, p. 220.

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Mais dans d’autres cas, en comparaison avec d’autres films, il est possible de déchiffrer non pas un message cohérent ou un point de vue mondial, mais une structure qui souligne le film et les formes en lui donnant un certain modèle de cathexis d’énergie. C’est une structure que l’auteur dégage du film458.

Revenant à la situation en Inde, le plus grand producteur de films au monde459, nous trouvons des analogies dans les débats qui ont animé la critique indienne. Comme en Occident, la création cinématographique indienne peut être divisée en deux courants principaux : cinéma d’art et cinéma populaire. Bien qu’il soit impossible de parler de proportions dans cette répartition du fait de la quantité écrasante de films commerciaux sortant chaque année en Inde. Les films d’art, avec Satyajit Ray, Ritwik Ghatak, Mrinal Sen ou Mani Kaul en tête de liste, ont pendant longtemps fait ombrage au cinéma populaire de qualité, représenté par les réalisateurs-producteurs comme Raj Kapoor, Bimal Roy, Guru Dutt, V. Shantaram, Mehboob Khan et Manmohan Desai. Si Hitchcock doit attendre les

années 1950 où les critiques des Cahiers du Cinéma460 démontrent que le maître du suspense

et de l’adaptation de romans policiers n’est pas un artisan qui répète habilement les formules à succès mais un auteur à part entière, en Inde, Raj Kapoor et ses pairs doivent patienter jusqu’aux années 1990 pour que leur art soit reconnu, comme le souligne Gayatri Chatterjee :

Pendant des années, nous avons négligé le cinéma populaire en lui refusant un intérêt sérieux à cause de la prétention que seul le grand art (quelle que soit sa place dans la société) mérite une attention sérieuse. Ce n’est que récemment, que nous avons ressenti le besoin d’aborder les deux arts, grand et petit, avec la même rigueur461.

Il fallait engager également des études comparatives pour que les chercheurs s’entendent sur la différence entre les films populaires hindi et les films « grand public » occidentaux :

Clairement, un corpus de « théorie du film » développée en Occident peut nous induire en erreur s’il est utilisé pour classer le cinéma hindi dans les catégories des films occidentaux, en particulier s’il attaque ou nie le sens ou la compréhension des films. Ainsi, par exemple, la classification hollywoodienne est inappropriée pour le cinéma hindi et, bien que chaque film hindi contienne des éléments de « film musical », de « comédie » et de « mélodrame », se référer aux films par une de ses

458 Peter Wollen, Sings and Meaning in the Cinema, Revised edition 1972, Secker and Warburg, Londres, 1972,

p. 167.

459 En 1958, l’Inde se trouvait en seconde position avec 295 films produits derrière le Japon, le plus grand

producteur à l’époque avec 516 films, et devant les USA (288 films). Erik Barnow, S. Krishnaswamy, Indian

Film, Columbia University press, New York, 1963, p. 2 ; Selon Ophélie Wiel, depuis 1971, le cinéma indien est

le plus grand producteur de films au monde avec huit-cent à mille films annuels, dont 1053 films en 2009. O. Wiel, Bollywood et les autres… op. cit., p. 119.

460 Le numéro 39 des Cahiers du Cinéma lui est consacré en 1954, le livre Alfred Hitchcock de Chabrol et

Rohmer paraît en 1957, puis celui des entretiens avec Truffaut Le Cinéma selon Hitchcock en 1967.

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catégories impose une distorsion significative. Certainement, aucun réalisateur indien n’utiliserait normalement une telle classification. En revanche, d’importantes distinctions sont faites en termes de film « social », « familial », « dévotionnel », « à cascades » ou même « multi-starrer » [avec la participation de nombreuses vedettes] (ces termes peinent à informer rapidement les lecteurs occidentaux)462.

De même, il convient de noter que le cinéma populaire hindi étant considéré comme mélodramatique, sentimental et artificiel, la critique ne sait pas comment appliquer les outils d’analyse sur ces films qui n’entrent pas dans le cadre des critères esthétiques occidentaux. Quant au fait que le cinéma populaire ait été longtemps ignoré des historiens et des scientifiques, c’est une réalité dont Kapoor se plaint, accusant les journalistes de ne pas faire leur travail, de ne pas s’intéresser aux films mais uniquement aux vedettes et à leurs vies privées463. C’est une des raisons pour lesquelles il se trouve mal compris et pour laquelle lui et ses pairs doivent expliquer régulièrement, dans la presse, les rouages du travail cinématographique et leurs choix esthétiques. Comprenant que le modèle néoréaliste s’impose aussi bien en Occident qu’en Inde comme l’art cinématographique par excellence, Kapoor s’y réfère souvent pour revendiquer l’influence sur son travail. Voici sa réaction aux critiques de son troisième film Awaara. Sa réflexion sur le réalisme, assez particulière par ailleurs, évoque la frustration du fait des interdits en Inde, notamment ceux liés au corps, à la nudité :

Ceux qui disent du film Awaara qu’il est pompeux, artificiel et manque de réalisme – ne savent pas que les films ne peuvent être qu’ « artificiellement réels » et que le réalisme complet, comme filmer un modèle nu à la manière d’un artiste peintre ou montrer la violence des bas fonds de nos villes n’est ni possible ni autorisé à l’écran464.

Sa défense du cinéma dans les pages de Filmfare comme divertissement populaire, témoigne d’un engagement presque politique. Si la nudité à l’écran est interdite par la censure, ce que Kapoor déplore, il a toujours milité contre la violence. Son regard sur le réalisme changera après 1956, lorsque son plus grand concurrent, Satyajit Ray sortira son premier film Pather Panchali (1955), lui ouvrant ainsi les portes de l’Occident, dont rêvait Raj Kapoor. Ce dernier riposte, en quelque sorte, avec Jagte Raho (1956), mais le succès du film ne dépassera pas le rideau de fer dressé en Europe. David Dessert résume cette situation paradoxale dans son analyse de Shree 420 :

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Rosie Thomas, (introduction), « Indian Cinema: Pleasures and Popularity », Screen (May-August) 26 (3-4).

463 Raj Kapoor, « The Artist And The Journalist », Filmfare, 18/03/1955, p. 31. À ce sujet voir l’article de J. de

Préval « Filmfare et Raj Kapoor : complicité ou dépendance mutuelle ? », Kinétraces Éditions n° 1, 2015.