• Aucun résultat trouvé

La variété de son jeu déborde de tout conventionnalisme. Un sens parfait du timing est un autre de ses talents. Cela donne à chaque action qu’il interprète un sens et une amplitude que rien d’autre ne peut égaler. La fragile hésitation avant un mot, le pas mesuré au cours d’une marche pensive ou la pause juste avant une rapide cinglante – ainsi infuse-t-il l’essence même de la scène. Reconnaître qu’il sait même rendre le silence intéressant est probablement le plus grand hommage qu’on puisse lui rendre. C’est paradoxal mais parfaitement vrai […] La capacité de partager si librement ses émotions avec le public l’a toujours fait aimer. Il aime et le monde aime avec lui ; il s’afflige et c’est un cœur lourd qui ralentit son rythme ; il rit et chaque visage lui répond par un sourire. Il joue, non pas comme un symbole ou comme une allégorie ou comme un héros dans une légende, mais comme un homme ordinaire, pendant une journée de lourd labeur dans un travail qu’il aime.

R. Natrajan, « Filmfare Prize-winning essays101 »

Cet éloge du jeu de Kapoor a valu à son auteur le prix du meilleur essai de Filmfare. Il survient au moment où le cinéaste a à son crédit plus d’une vingtaine de rôles, dont certains très remarqués par la critique et par le public. En regardant la filmographie de Kapoor acteur, on constate que celle-ci évolue en différentes étapes. Elle commence par de petits rôles dans l’ombre de son père (Hamari Baat, Valmiki), puis par des rôles de jeunes premiers pour différentes productions de Bombay comme Jagirdar Productions (Jail Yatra), Amar Jyoti Pictures Ltd. (Dil Ki Rani), Murari Pictures (Chittor Vijay), Oriental Pictures (Neel Kamal), Natraj Pictures (Amar Prem). À partir du moment où il se lance dans la réalisation et la production, sa carrière prend un véritable essor. Ces films sont appréciés autant par le public que par la critique. De plus en plus demandé en tant qu’acteur, il oscille entre ses propres réalisations et celles des autres. Cette évolution a une implication sur son studio R.K. Films & Studios, construit pendant le tournage de son troisième film Awaara. Nous remarquons que le studio apparaît dans les génériques des films avec Kapoor-acteur, tournés par d’autres réalisateurs et pour d’autres productions. Ainsi, à partir de la seconde moitié des années 1950 jusqu’à la fin des années 1960, ces films sont partiellement tournés dans son studio R.K.

101

47

Films & Studios de Chembur ; les génériques montrent que les réalisateurs utilisent non seulement son équipement technique mais aussi les collaborateurs/artistes et techniciens associés au studio. Qu’il s’agisse des compositeurs/directeurs musicaux Shanker-Jaikishen, des poètes/paroliers Shailendra et Hasrat Jaipuri, des scénaristes Inder Raj Anand, Ramanand Sagar, Khwaja Ahmad Abbas, V.P. Sathe, des chanteurs playbacks Lata Mangeshkar, Mukesh Chand, Mohammed Rafi, du directeur artistique M.R. Achrekar, des maquilleurs, chorégraphes, ingénieurs du son, développeurs de film et des autres métiers, tous, à un moment donné, ont migré avec Raj Kapoor chez un autre producteur, le temps d’un film. Mis à part de nombreux avantages pratiques que permet cette coopération, il n’est pas surprenant que les rôles pour Kapoor et les films avec Kapoor produits dans de telles conditions contiennent des points communs avec ceux créés par Kapoor lui-même. Faits sur mesure pour le Kapoor interprète, ces films se nourrissent également des discours des films kapooriens, en reprenant des motifs et situations clichés102. Pour cette raison il nous semble important de suivre cette interaction permanente entre les films de notre corpus qui témoigne de la circulation de thèmes, discours et formes mais aussi de l’évolution de certaines figures. Commençons par les premiers contacts du jeune Kapoor avec le cinéma.

Comprendre le cinéma et se faire comprendre par les pairs

Bien qu’il grandisse dans le milieu du cinéma, mis à part le film où il apparaît comme enfant (Inquilaab [Après le tremblement de terre], 1935, Debaki Bose, New Theatres103

), il doit attendre 1943 pour jouer des petits rôles dans les films Gauri104, Hamari Baat [Nos conversations]105 et Valmiki106 aux côtés de son père. Ses débuts d’acteur sont précédés par une période d’apprentissage, entrant dans le monde du cinéma par la petite porte. Au début des

102

Dans le film Paapi (1953, Chandulal Shah), par exemple, Raj Kapoor fredonne un air de son film Awaara et développe « son » discours humaniste sur la laïcité ; dans le film Chori Chori (1956, Anant Thakur) le personnage Sagar que joue Raj Kapoor est introduit par le motif musical de son film Shree 420 « Mera Joota Hai Japani » ; Sagar, journaliste free-lance promulgue également le discours kapoorien sur l’égalité des hommes.

103

Raj Kapoor enfant apparaît dans Inquilab où jouent Prithviraj, Durga Khote, Krishna Chandra Dey, Nawab et Kidar Sharma. Selon le biographe Bunny Reuben, Prithviraj, dans les années 1930, pendant son engagement dans les New Theatres, il « prêtait » le jeune Raj à son collègue acteur-réalisateur Gul Hamid pour jouer dans ses films mais il avait oublié dans lesquels. Bunny Reuben, Raj Kapoor, The fabulous showman: An intimate

biography, Indus NFDC Publication, New Delhi, 1988, p. 43 104

Gauri de Kidar Sharma (Ranjit Movietone), 1943, avec Prithviraj, Shamin, Monica Desai.

105 Hamari Baat de M.I. Dharamsi (Bombay Talkies), 1943, avec Devika Rani, Jairaj, David, Shah Nawaz,

Mumtaz Ali, Suraiya etc.

106

Valmiki de Bhalji Pendharkar (Prabhakar Pictures), 1946, avec Prithviraj, Shanta Apte, Neela, Baburao Pendharkar etc.

48

années 1940, après avoir échoué à l’examen final107 au lycée, il convainc son père que le seul

avenir envisageable pour lui est dans le cinéma. Prithviraj sollicite alors son ami réalisateur et producteur Chandulal Shah pour prendre Raj comme apprenti ; il est admis au studio Ranjit pour faire de petits travaux touchant à tous les métiers du cinéma, sous l’œil bienveillant de Kidar Sharma, puis aux studios Bombay Talkies et Filmistan108

. Voici son parcours raconté par lui-même :

Je possède peu de diplômes mis à part les dix années où j’ai travaillé dur comme assistant balayant, littéralement, les plateaux de tournage et m’occupant de déplacer et ranger le matériel. J’ai travaillé dans chaque département de l’industrie du cinéma, depuis le laboratoire jusqu’au film. […] J’ai commencé ma carrière en tant que sixième ou septième assistant, machiniste, clapman, ramassant les rushs inutiles dans le laboratoire et apprenant l’utilisation du « gamma plus » (produit employé pour le montage) ; c’est grâce à tout cela que j’ai acquis une formation de base sur les fondements du cinéma109.

Cette période de formation est très importante car non seulement Kapoor apprend le métier de réalisateur mais constitue son réseau de futurs collaborateurs. Par exemple, dans le film Dil Ki Rani (1947), il travaille avec l’opérateur V.N. Reddy qui sera le chef opérateur de son premier film. Pendant le tournage du Valmiki (1946), il rencontre l’ingénieur du son Allaudin Khan et le responsable de développement des films Arun Bhatt avec lesquels il travaillera par la suite pendant plus de vingt ans. Kamini Kaushal, sa partenaire dans le film Jail Yatra (1947), adaptation des Misérables, est l’une de ses héroïnes dans le film Aag (1948). En parallèle à l’apprentissage dans différents départements des studios du cinéma, l’expérience de travail dans la structure familiale de Prithvi Theatres complètera autant sa formation personnelle que celle de son réseau artistique110.

La parenthèse théâtrale dans la vie de Raj Kapoor n’est pas négligeable. Dans les années

1940, son père est l’un des acteurs de cinéma les plus connus et appréciés en Inde111. Alors

107 Un équivalent du baccalauréat.

108 Cette pratique d’apprentissage du métier de cinéaste était très courante à cette période. C’était la seule

possibilité de se familiariser avec les différentes techniques de cinéma ; Mehboob Khan, Guru Dutt, V. Shantaram et d’autres grandes figures du cinéma de Bombay ont suivi le même cursus.

109 Ritu Nanda, Raj Kapoor: His life and His films, R.K. Films & Studios / Iskusstvo Publishers, Bombay /

Moscou, 1991, p. 46.

110 Pendant cette période (1943-1947), il alterne le travail entre les studios et le théâtre de son père qui l’engage

pour un salaire de 201 Rps. Dans Prithvi Theatres, il assume le rôle d’assistant général de tous les départements pour un salaire d’une roupie supérieur que celui de Bombay Talkies qui l’employait à ce moment, en attendant que son père lui propose un rôle dans une de ses pièces. Ritu Nanda, Raj Kapoor speaks, Viking, Penguin Books India, New Delhi, 2002, p. 12.

111

Lors de son séjour à Calcutta dans les années 1930, Prithviraj Kapoor travaille pour le studio New Theatres ; il interprète les rôles dans les versions hindis des films de réalisateurs bengalis. Ainsi il apparaît dans les films

49

que sa célébrité bat son plein, la star du cinéma indien se lance dans une nouvelle aventure qui ne fera que accroître sa popularité : en janvier 1944, Prithviraj décide de lancer sa propre compagnie de théâtre. Selon Zohra Segal, son initiative arrive au moment où le théâtre urbain en langues vernaculaires a presque déserté les tréteaux alors que le pays s’avance dans une phase décisive de son histoire.

L’Inde a perdu son riche patrimoine de l’art du théâtre malgré le fait que c’était le seul pays au monde à l’avoir formalisé dans les moindres détails : formation d’artistes, présentation, musique, costumes, écriture du scénario, construction du théâtre et de la scène […]. À l’exception des traductions et des adaptations des pièces occidentales jouées par des sociétés du théâtre amateur et dans des lycées, ou de l’opéra folklorique dans sa forme brute visible dans des fêtes religieuses, il était presque impossible de voir une présentation théâtrale originale quelque part dans ce pays112.

L’idée de monter son propre théâtre arrive au moment où le pays a soif de culture originale. Par cette initiative, Prithviraj rejoint le mouvement lancé par les intellectuels et les artistes autour du théâtre, désireux de laisser entendre la langue du pays sur des sujets qui les préoccupent. Il créé sa troupe à la suite de la rencontre avec son ami dramaturge parsi Pandit Narayan Prasad « Betaab », employé alors par Ranjit Movietone. Betaab a adapté la célèbre pièce sanscrite Sakuntala en hindi mais la production pour laquelle la pièce avait été destinée avait échoué. Prenant cette coïncidence pour un signe, Prithviraj achète les droits et se lance presque immédiatement dans l’organisation pratique de la mise en scène de Shakuntala. Il recrute le danseur Satyanarayan et le musicien Shankar Singh (joueur de tabla). Il fait venir son ami musicien Ram Ganguly, joueur de sitar, pour écrire la partition de sa pièce. Pour le rôle-titre, il engage Uzra Mumtaz qu’il avait découvert dans la pièce de K.A. Abbas Zubeida

montée pour l’association the Indian People’s Theatre Association (IPTA)113.

tournés sous la direction de Debaki Bose comme Rajrani Meera (1933), Seeta (1934), Inquilab (1935),

Vidyapati (1937) ou dans ceux d’autres réalisateurs du studio comme Nitin Bose (Daku Mansoor, 1934, President, 1937, Dushman, 1939) et P.C. Barua (Manzil, 1936). À son retour à Bombay, le rôle de Sikander dans

le film éponyme de Sohrab Modi (1941) confirme sa position d’acteur emblématique de cette période.

112 Zohra Segal, Stages: The Art and Adventures of Zohra Segal, Kali for Women, New Delhi, 1997, p. 120-121. 113

Satyanarayan deviendra l’un des chorégraphes de cinéma les plus demandés. Ganguly écrira la musique du premier film de Raj Kapoor. En 1949, Shanker avec Jaikishen rejoindra l’équipe de Raj Kapoor pour se partager la direction/composition musicale. La sœur d’Uzra Mumtaz Zohra Segal, danseuse classique, partenaire de scène d’Uday Shankar rejoindra la troupe dès la seconde pièce Deewar. Les enfants de Prithviraj Shammi, puis Shashi, joueront successivement le rôle de Bharat, fils du roi Dushyanta dans Shakuntala.

50

La première de ce grand classique se tiendra trois mois plus tard, le 9 mars 1944, et le

succès sera phénoménal114. Raj est engagé par son père comme régisseur général et contribue,

selon son jeune frère Shashi, grandement au succès de la pièce :

On lui [à Raj Kapoor] avait confié la responsabilité de régisseur général ; il s’occupait des costumes, postiches, maquillages, lumières, décors et musique pour Shakuntala. Bien qu’il n’eût pas d’expérience dans ces domaines, le jeune Raj [19 ans] se servait de son sens esthétique naturel115.

Si Raj peut compléter directement – sur le terrain – son apprentissage technique dans différents domaines du spectacle vivant, il observe de près le processus de création engagé par son père. Selon Zohra Segal, Prithviraj a été l’auteur ou l’initiateur des pièces jouées par son théâtre pendant seize ans :

À l’exception de Shakuntala, toutes les pièces étaient inspirées par Prithviraj, partiellement dictées, parfois écrites et la plupart du temps ajoutées aux dialogues improvisés par Prithviraj. Elles étaient véritablement sa création, un produit de son imagination, dénonçant l’injustice et les maux de son pays d’origine, montrant la voie vers un futur glorieux. Les thèmes des pièces n’étaient pas compliqués, écrits principalement en hindoustani, une combinaison simplifiée de l’hindi et de l’ourdou, compris dans tout le nord de l’Inde, dans un style naturel qui tournait parfois au mélodrame lors des moments culminants de la pièce116.

L’exemple de créativité et de générosité de son père motive le jeune Kapoor dont la seule ambition à l’époque est de réussir à décrocher un rôle de jeune premier au cinéma et de sortir de l’ombre paternel. La relation père/fils – que seuls dix-huit ans séparent – est très complexe. Dissanayake et Sahai soulignent l’extraordinaire engagement social de Prithviraj et son profond humanisme ainsi que son ascendant sur son fils : « Raj Kapoor a été fortement influencé par son père. En effet, son père a eu une influence vitale en formant ses pensées, son imagination et son style de vie117 ». Le jeune Raj (19 ans) se laisse entrainer dans l’entreprise théâtrale de son père profitant de la grande confiance que celui-ci lui témoigne en lui confiant des tâches de responsabilité. Il saisit toute occasion de monter sur scène et se fait remarquer dans les petits rôles qu’il décroche. Dans Shakuntala, il joue le rôle de Vidhushaka (rôle comique) mais son premier grand succès sur les planches arrive dans la pièce Deewar où il

114 Entre 1944 et 1945, la troupe s’agrandit. Un bon nombre de cousins de Prithviraj rejoignent la troupe : Kamal

et Ravinder Kapoor, Premnath, Rajindernath, Sajjan et Mohan Saigal, Nand Kishore Kapoor, Pran Nath Khanna et Viswa Mehra (Mamaji). En seize ans d’existence du Prithvi Theatres (de 1944 à 1960), Prithviraj a pu travailler avec la sœur de Satyajit Ray Satidevi, L.V. Prasad (futur producteur, fondateur de son propre studio de Madras), Sardar Malik, chef d’orchestre, Ramesh Sagal, futur producteur et réalisateur, et autres personnalité du théâtre et du cinéma. Shashi Kapoor, Deepa Gahlot, Prithviwallahs, Roli Books, New Delhi, 2004, p. 20-25.

115 Z. Segal, Stages… op.cit., p. 18. 116

Ibid., p. 129.

51

excelle, selon la presse de l’époque118, dans le rôle de servant Ramu ayant droit à une « ovation debout » du public. Sa prestation lui vaut également l’estime de Chandulal Shah, le réalisateur/producteur, fondateur de Ranjit studios qui lui donnera son premier grand rôle dans le film Neel Kamal, dirigé par Kidar Sharma119. En 1953, il fait appel à lui pour un rôle double, taillé sur mesure, dans le film Paapi (1953). L’apprentissage de Raj ne se limite pas seulement au jeu d’acteur ou à la mise en scène. Participer à la création de Shakuntala lui permet de saisir le caractère des personnages, le sens et la poétique de cette pièce classique. La connaissance détaillée de la pièce lui servira de modèle pour ses propres projets plus tard, dont certains comme Ram Teri Ganga Maili [Dieu, ton Gange est pollué] de 1985 seront calqués avec fidélité sur elle. Pour le jeune Raj, faire partie de la troupe de son père signifie également entrer dans un univers artistique engagé intellectuellement et politiquement. Prithviraj s’entoure non seulement des membres de sa vaste famille mais également des artistes proches du mouvement de l’IPTA, ayant les mêmes idéaux et portant le même regard critique sur le pays. Ce mouvement commence à rayonner à partir de 1940, à Bombay, autour d’un noyau d’écrivains de talent réunis dans la Progressive Writers’ Association, parmi lesquels se trouvent Khwaja Ahmad Abbas, Mulk Raj Anand, Sardar Jaffrey et Rajinder

Singh Bedi. L’objectif de l’Indian People Theatre Association (IPTA)120 est de « porter la voix

des artistes contre les injustices dans le pays commises par ceux qui le dirigent » par l’intermédiaire des chansons, poèmes, danses et pièces de théâtre. Dès les années 1940, Prithviraj Kapoor, personnalité éclairée, devient un membre actif de cette association culturelle dont il sera, à deux reprises, le président. Conscients que le pays vivait des années décisives où se jouait l’avenir de l’Inde, les membres de l’IPTA ont consacré tout leur temps à remplir les missions qu’ils s’étaient données. Selon Zohra Segal, les artistes se produisaient partout, dans les théâtres réguliers mais aussi dans des halls, moins chers à louer, ou dans les rues. Le mouvement s’est rapidement propagé dans différentes villes de l’Inde ainsi que son

118

Baburao Patel, « Prithviraj Gives The World’s Best Play ! Deewar becomes A Nation’s Prayer. » Filmindia, mai 1946, p. 53-54

119

Introduit dans le studio New Theatres par Prithviraj, Kidar Sharma y travaille pendant quelques années comme acteur, peintre et compositeur/adaptateur de vers/dialogues pour les versions en hindi des films bengalis. Il a ainsi l’occasion de renvoyer l’ascenceur à son bienfaiteur en confiant à son fils le premier grand rôle.

120 Parmi les membres les plus connus de l’IPTA, il convient de mentionner les comédiens-acteurs de théâtre et cinéma : Balraj et Damayanti Sahni, Chetan et Uma Anand, Uzra et Hamid Butt, Dina Gandhi, Habib Tanvir,

Krishan Dhawan, Safdar Mir, Hima Kesarkodi, Romesh Thapar, Sarju Pandeyu, Shakat Kaifi, David, Mubarak, Shahid Lateef, Shyam, Agha, Sajjan, Khan ; les écrivains : Krishan Chander, Ismat Chughtai, Kartar Singh Duggal, Vishvamitter Adil, Balwant Gagri ; les danseurs : Shanti, Gul Bardhan, Narendra Sharma, Shanta Gandhi, Debendra Shankar, Sachin Shankar, Prabhat Ganguly ; les musiciens : Ravi Shankar, Salil Cowdry, Sachin Dev Barman, Sisir Sovan, Nagen Dey, Jatindranath Goloi, Abani Das Gupta. Z. Segal, Stages… op. cit., p. 122.

52

idée du théâtre engagé121. L’énergie de ce vivier artistique et intellectuel marque

profondément le jeune Kapoor, constituant une source d’idées et d’idéaux où il puisera son inspiration pendant toute sa vie professionnelle. Il suivra, à sa manière, le modèle de l’engagement artistique et politique de son père Prithviraj. Les pièces du Prithvi Theatres, créées dans l’objectif d’éveiller la conscience du peuple et de lui ouvrir les yeux aveuglés par l’illusion et par la haine de l’autre, auront une influence fondamentale sur Raj Kapoor et sur les thèmes qu’il souhaite défendre dans ses futurs films.

La scène comme source d’idées et d’idéaux

En douze ans d’existence, Prithvi Theatres a créé huit pièces originales. Prithviraj a silloné le pays avec sa troupe pendant 5 982 jours en jouant dans 2 662 représentations :

Shakuntala (9 March 1944 – total shows 212), Dewaar (9 August 1945 – total shows 712), Pathan (13

April 1947 – total shows 558), Ghaddaar (15 August 1948 – total shows 262), Ahooti (30 September 1949 – total shows 339), Kalakar (8 September 1951 – total shows 157), Paisa (4 September 1953 – total shows 302), Kisan (26 Octobre 1956 – total shows 120) : 2662 shows performed in 5982 days122.

Prithviraj, auteur, acteur et metteur en scène, était un visionnaire. Ses pièces écrites et mises en scène dans la période de grands bouleversements précédant l’Indépendance de l’Inde s’attaquaient directement à des problèmes de fond. Elles se risquaient à dénoncer l’hypocrisie et l’intolérance et à évoquer les idéaux de justice sociale et d’entente entre les religions. Originaire de Peshawar, aujourd’hui au Pakistan, à la fois nationaliste, idéaliste et défenseur