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Justicia letrada vs justicia lega : le rôle judiciaire des sous-délégués et

CHAPITRE 3. LA RÉFORME JUDICIAIRE DU MILIEU DU XIX e SIÈCLE : DU

3.3.   Justicia letrada vs justicia lega : le rôle judiciaire des sous-délégués et

rôle policier renforcé.

La permanence des juges legos à l’époque républicaine et la tension qui pouvait exister avec la justice letrada est une problématique commune à l’ensemble de l’Amérique ibérique et documentée par l’historiographie. Au Chili, la consultation des sources officielles montre que les juges subordonnés

alimentaient les plus grandes inquiétudes des dirigeants pendant le XIXesiècle.

Dans la mesure où ces derniers traitaient les affaires dites de montant mineur, les justiciables avaient bien plus de probabilités de voir leur procès entendu par leur inspecteur ou leur sous-délégué que par le juge letrado. Ces derniers généraient donc le premier contact avec la justice républicaine et constituaient des sortes de vitrine de son administration dans la communauté. En outre, les alcaldes étaient les juges traditionnels des affaires de montant majeur, alors qu’ils ne disposaient pas non plus de formation en droit et qu’ils émanaient d’un processus électoral qui pouvait faire douter de leur objectivité. Évidemment, l’idéal aurait été que tous les juges inférieurs fussent formés au droit et rémunérés par l’État, mais l’état des finances publiques ne le permettait pas. Devant s’adapter aux possibilités du Trésor Public, le recrutement même des juges letrados n’était pas appliqué tel que le prévoyait la loi, constatait toujours

en 1870 le ministre Eulogio Altamirano.316

Dans ces conditions, les politiques étaient bien conscients des travers dont l’administration souffrait au quotidien. Au début des années 1830, le ministre de l’intérieur Joaquín Tocornal dressait un bilan guère encourageant de l’administration de justice rurale:

« Les juges de campagne, dépourvus, dans leur majorité, des connaissances indispensables et accaparés par leurs affaires domestiques, ne respectent pas les lois qui établissent la procédure dans la formation d’une enquête une fois le délit commis, et se contentent d’envoyer les délinquants aux prisons des villages avec une lettre de renvoi qui, souvent, n’éclaire pas suffisamment les faits. C’est ainsi que les détenus s’accumulent dans des prisons exiguës et misérables ; que se multiplient les frais de leur entretien et surveillance ; qu’on les pousse à la fugue ou qu’ils subissent une longue détention ; que les preuves

316 Altamirano Eulogio, Memoria que el Ministro de Estado en el Departamento de Justicia, Culto e Instrucción Publica

sont difficiles à trouver, que les affaires s’éternisent et, que finalement,

les objectifs d’une bonne administration de justice sont frustrés »317.

Or, cette réalité contrastait singulièrement avec les lourdes responsabilités qui leur étaient attribuées par ailleurs en tant que chefs de

police318. Comme nous l’avons constaté, au cours du XIXe siècle, la justice qui

se met en place change de fonction : elle passe d’une justice restauratrice de la paix sociale à une justice punitive accablant les individus reconnus

coupables319. Cette évolution a notamment été mise à jour par l’historiographie

soucieuse de démontrer comment, dès le XVIIIe siècle, la justice du souverain

se chargeait de surveiller et punir la population. Le contrôle social a été rendu possible par la mise en place d’institutions judiciaires plus structurées, d’un maillage territorial resserré (comme en témoigne la réforme des Intendances), de centres pénitentiaires plus nombreux, autant de mécanismes qui participent de la criminalisation de l’individu, de plus en plus perçu comme une menace

potentielle320. Le changement de mode de production induit par

l’industrialisation au cours du XIXe siècle accentua en effet ce phénomène,

dans la mesure où il allait de pair avec l’émergence d’une nouvelle classe sociale ouvrière qui pouvait porter atteinte aux nouveaux biens protégés juridiquement, notamment la propriété (qui avait reçu un caractère sacré dans la Constitution chilienne de 1818). L’historiographie chilienne s’est également intéressée à ce phénomène, en particulier pour les régions minières du Nord où convergeait une main-d’œuvre nouvelle, et les régions agricoles d’exportations consommatrices de main-d’œuvre saisonnière et par définition migrante, celle

des peones et labradores321. Le phénomène du banditisme coïncida avec cette

317 Tocornal Joaquín, Memoria … Año de 1835, p. 13-14: “Los jueces de campo, destituidos, por la mayor parte, de los

conocimientos indispensables, y ocupados en sus negocos domesticos, no observan las leyes que previenen se proceda a la formación de sumaria luego que se comete el delito, y se limitan a enviar a los delicuentes a las cárceles de los pueblos con una carta de remisión, que frecuentemente no da las luces necesarias. Se cumulan asi reos en cárceles estrechas y miserables; se multiplican los gastos para su manutención y seguridad; se facilita su fuga, o se le hace surgir una larga confinación; las probanzas se dificultan; se eternizan las causas y se frustran al cabo todos los fines de la recta administración de justicia”.

318 “Lei de Regimen Interior (1844)”, In Anguita Ricardo (éd.), Leyes Promulgadas, op. cit., vol. I, p. 432-435. 319 Hespanha Antonio Manuel, “Da iustitia à disciplina”, op. cit.

320 Parmi la vaste historiographie sur le sujet, on peut consulter Foucault Michel, Surveiller et punir. Naissance de la

prison, Paris, Gallimard, 1975 ; Lévy René, Rousseaux Xavier (éd.), Le pénal dans tous ses États. Justice, États et société en Europe (XIIe-XXe siècles), Bruxelles, Facultés Universitaires Saint-Louis, 1997 ; Garnot Benoit, Crime et

Justice aux XVIIe et XVIIIe siècle, Paris, Imago, 2000 ; Hobsbawn Eric, Primitive Rebels : studies in archaic forms of

social movement in the 19th and 20th centuries, Manchester University, 1959 et Bandits, Londres, Weidenfeld and Nicolson, 1969.

321 Voir, entre autres: Góngora Mario, “Vagabundaje y sociedad fronteriza en Chile (siglos XVII a XIX)”, Cuadernos del

Centro de Estudios Socioeconómicos, n° 2, 1966, p. 1-41; Araya Alejandra, Ociosos, vagabundos y malentretenidos en Chile colonial, Santiago, DIBAM, Centro de Investigaciones Diego Barros Arana, 1999; Illanes María Angélica, “Azote, salario y ley. Disciplinamiento de la mano de obra en la minería de Atacama (1817-1850)”, In Proposiciones, n° 19,

évolution socio-économique, et on dispose d’une littérature relativement abondante qui retrace son parcours de l’époque coloniale à l’époque

républicaine.322 Phénomène accablant les campagnes, s’exprimant en

particulier à travers l’assaut des voyageurs et le vol de bétail, et percu comme en croissance au cours du siècle par l’élite politique et intellectuelle, il motiva la

mise en place d’un arsenal de contrôle policier et de sanction judiciaire. Les

dirigeants octroyèrent aux autorités de proximité un rôle de premier plan dans le contrôle des populations. Celui des capitales en particulier, de plus en plus

peuplées323, était une préoccupation alors partagée par l’ensemble des pays

latino-américains324. En vue du « maintien de l’ordre public » et du « bon

gouvernement », les différentes autorités assurèrent un maillage étroit de l’espace urbain, dès l’époque de l’Indépendance. À Santiago, en 1813, un règlement de police instituait la fonction de « juge supérieur de haute police et sécurité publique, superintendant et directeur de police économique » (juez mayor de alta policía y seguridad pública, superintendente y director de la policía económica), qui détenait « toute la juridiction civile, économique, de

police et de gouvernement »325. Sous ses ordres étaient placés des

« inspecteurs de police » qui veillaient sur un secteur, partagé à son tour en une dizaine de quartiers ou « familles sociales », dirigés par des juges de quartier (alcaldes de barrio), choisis annuellement et subordonnés à

l’inspecteur. Inspecteurs et juges de quartier avaient été créés par une

1990, p. 90-122; Salazar Gabriel, Labradores, peones y proletarios. Formación y crisis de la sociedad popular chilena del siglo XIX, Santiago, LOM Ediciones, 2000 et pour une perspective comparative Gaune Rafaël, Undurraga Verónica (éd.), Formas de control y disciplinamiento, Chile, América y Europa, Siglos XVI-XIX, Santiago, Uqbar Editores, 2014; Hugo Contreras C. y Manuel Fernández G., “Control social, resistencia popular y ciudadanía. La construcción del Estado nacional en la Alta Frontera (Los Ángeles 1860-1965)”, In Ernesto Bohoslavsky y Milton Godoy Orellana (éd.), Construcción estatal, orden oligárquico y respuestas sociales. Argentina y Chile, 1840-1930, Buenos Aires, Editorial Prometeo Libros, Universidad Nacional del General Sarmiento, 2010, p. 149-177.

322 Sur le banditisme au Chili, voir entre autres Valenzuela Jaime, Bandidaje rural en Chile central: Curicó, 1850-1900,

Santiago, Dirección de Bibliotecas, Archivos y Museos, 1991; Contador Ana María, Los Pincheira. Un caso de bandidaje social. Chile 1817-1832, Santiago, Bravo y Allende Editores, 1998; Albornoz Vázquez María Eugenia, "El bandolero, sujeto marginal: el caso de Ciríaco Contreras: Historias de bandidos, de RafaelMaluenda (1870 1980"). Tesis para optar al grado de Licenciado en Historia, Facultad de Historia, Geografía y Ciencias Políticas de la Universidad Católica de Chile, 1995; Cornejo José Tomás, Manuela Orellana, la criminal. Género, cultura y sociedad en el Chile del siglo XVIII, Tajamar Editores, Centro de Investigaciones Diego Barros Arana, Santiago, 2006; Leonardo León S., “La reacción mestiza contra el Estado ‘pacificador’. El bandidaje rural en la Araucanía (1880-1900), In Ernesto Bohoslavsky y Milton Godoy Orellana (éd.), Construcción estatal, op. cit, p. 209-236.

323 La population de Santiago s’est vue multipliée par quatre entre le XVIIe et le XIXe siècle, essentiellement sous forme

de quartiers populaires au Sud et au Nord, tels que la Cañadilla sur la rive Nord du Mapocho. Cf. de Ramón Armando, Santiago de Chile (1541-1991). Historia de una sociedad urbana, Editorial Sudamericana, Santiago, 2000, p. 91; Justo Rosales Abel, La Cañadilla. Su historia, sus tradiciones (1541-1887), edición a cargo de Ariadna Biotti, Bernardita Eltit y Javiera Ruiz, Sangria Editora, Santiago, 2010.

324 Neira Navarro Marcelo, “Castigo femenino en Chile durante la primera mitad del siglo XIX”, Historia, n° 37-II, 2004,

p. 379-380.

325 Sa juridiction s’étend à l’ensemble de royaume en ce qui concerne la sécurité, notamment dans le contrôle des

« crimes contre la patrie ». Cf. “Policías – disposición fundamental sobre la materia (1813)”, In Anguita Ricardo (éd.), Leyes Promulgadas, op. cit., vol. I, p. 34-35.

ordonnance de 1778.326 Se maintenait ainsi ce que Verónica Undurraga appelle

en termes foucaldiens une « microphysique du contrôle quotidien »327. Pendant

l’Indépendance, après l’échec de la restauration monarchique, un règlement

supplémentaire multiplia les postes de juges de quartier328. Cette organisation

fut réaffirmée dans un règlement de 1819, qui reprenait en détail leurs attributions, leur concédant des fonctions élargies en tant que policiers et juges

pour des affaires de montant minime et mineur329. Dans le reste du pays, le

règlement provisoire d’administration de justice de 1818 donnait de larges facultés aux « juges députés » pour poursuivre les « voleurs, concubins, querelleurs et délinquants », en leur autorisant l’ouverture d’une procédure d’office, c’est-à-dire de leur propre initiative, en l’absence de dénonciation, de

témoins ou d’initiative des parties330. De manière générale, les juges territoriaux

avaient un droit de regard sur toutes les pratiques sociales de leurs administrés : ils autorisaient la tenue de festivités publiques, veillaient à la sécurité et à l’entretien des chemins ou encore à leur conduite morale et religieuse. Une législation nourrie ébauchait ainsi un contrôle étroit des populations dès la période de l’Indépendance.

C’est la loi de Régime Intérieur de 1844 qui fonde l’administration publique et la force policière pour le Chili républicain. Elle octroyait aux gouverneurs départementaux un rôle accru dans la poursuite des délinquants et criminels. Dans le cas d’un in fraganti, le gouverneur avait la faculté d’incarcérer

326 Sur les alcaldes de barrio : Montané Arteaga Luis, Derecho de policía: los alcaldes de barrio (1778-1833), Tesis de

Licenciatura en Ciencias Jurídicas y Sociales, Santiago, Universidad de Chile, 1984; Arnaud Exbalin et Brigitte Marin (coord.), « Polices urbaines recomposées – Les alcaldes de barrio dans les territoires hispaniques, XVIIIe-XIXe siècle », Nuevo Mundo Mundos Nuevos [En ligne], Débats, URL : http://journals.openedition.org/nuevomundo/70742 [consulté le 24 janvier 2019].

327 Undurraga Verónica, “‘Valentones’, alcaldes de barrio y paradigmas de civilidad. Conflictos y acomodaciones en

Santiago de Chile, siglo XVIII”, Revista de Historia Social y de las Mentalidades, vol. 14, n° 2, 2010, p. 58-61.

328 “Todo individuo está en la obligación de respetar a tales jueces [subalternos] i las justicias superiores les

franquearan los ausilios que necesitaren para el desempeño de sus funciones, quedando a cargo del Gobierno dar la orden conveniente a los comandantes de cuarteles i cuerpos militares para que contribuyan al mismo ausilio siempre que el alcalde de barrio, con presencia de su Título , i exposición de la necesidad ocurrente, lo pidiere”; Cf. “Alcaldes de Barrio – se crean en todos los cuarteles de la ciudad de Santiago a fin de que auxilien al gobierno en la conservación del orden, administración de justicia i demás incumbencias de la autoridad suprema (1817)”, In Anguita Ricardo (éd.), Leyes Promulgadas, op. cit., vol. I, p. 45.

329 “Administración de Justicia – Reglamento que deben observar los inspectores y Alcaldes de barrio”, In Anguita

Ricardo (éd.), Leyes Promulgadas, op. cit., vol. I, p. 67-69.

330 “Reglemanto provisorio”, op. cit, p. 59 art. 5. Ensuite, le règlement provisoire de 1819 chargeait les juges de

commission, supérieurs hiérarchiques des juges députés, d’établir un recensement de leur population pour mieux en contrôler les déplacements et surveiller les migrations. “Reglemanto provisorio”, op. cit, p. 69, art. 6 et 7. Ce recensement devait fournir plusieurs paramètres d’identification (sexe, âge, profession). Les recensements comme outil de contrôle de population ont fait l’objet d’une réflexion dans le premier chapitre. Les hommes et femmes qui souhaitaient se déplacer vers un autre district devaient solliciter auprès de leur juge député une autorisation qui consistait en un document attestant de leur bonne conduite. Il était alors exigé par les autorités du district visité. En effet, tout nouvel arrivant devait être signalé et identifié dans un registre consacré spécifiquement aux entrées et sorties des non-résidants. Par exemple, au milieu du siècle, dans le département de Curicó, herberger un non-résidant sans autorisation exposait à une amende de 2 pesos. Cf. AHN, GobCur, vol. 5, 22 septiembre 1850 y 3 febrero 1851.

le malfaiteur avant de le remettre à l’administration judiciaire. Dans le cas d’une procédure déjà ouverte formulant des suspicions, le gouverneur servait de bras

auxiliaire de l’administration judiciaire pour l’arrestation du présumé coupable331

et il devait alors lui fournir la « force publique » nécessaire. Et c’est essentiellement à travers ses subordonnés, les inspecteurs et sous-délégués, qu’il accomplissait cette mission. Les sous-délégués pouvaient solliciter avec

son accord l’intervention de la force armée332. Ils avaient en outre la faculté de

dicter des décrets pour encadrer la vie sociale et privée et de contrôler les habitants, et en même temps celle de sanctionner lorsqu’elles n’étaient pas respectées. C’étaient surtout les inspecteurs qui agissaient sur le terrain. Il

s’agissait de véritables sheriff à qui la loi de 1844 conférait la mission du

« maintien de l‘ordre dans les districts, afin d’empêcher toute atteinte à la sécurité des individus et des propriétés, d’éviter la fugue des délinquants et de poursuivre et arrêter, chacun dans son district, les criminels qui s’y

réfugieraient, quand bien même ils auraient commis le délit dans un autre »333.

Pour ce faire, ils pouvaient faire appel à des gardes policiers et, le cas échéant, aux habitants eux-mêmes qui avaient tous le devoir de répondre à l’appel en cas de besoin, sous peine d’une amende de 50 pesos ou deux mois de

prison334. C’est ainsi que l’on percoit que la mission des sous-délégués et

inspecteurs en tant qu’agents de police était intimement liée à celle de juge de

proximité. Leurs facultés étaient amples335. Or, elles furent encore renforcées

par tout un arsenal législatif qui caractérisait les délits et régulait leur pénalisation, comme, par exemple, la loi dite des « délits légers » (13 mars

331 “Lei de rejimen interior (1844)”, op. cit., p. 427-429.

332 Ibid., p. 432. Ainsi en 1844 à Ramadilla, le sous-délégué fit usage de la force armée pour obliger Manuel Andrés

Orrego à respecter la sentence du juge letrado de Copiapó. Dans le contexte d’un conflit de limites de propriété avec l’hacienda de Ramadilla qui lui avait été défavorable, celui-ci s’obstinait à y couper du bois. Averti à plusieur reprises par le fonctionnaire, ce dernier se vit dans l’obligation d’intervenir pour l’en empêcher mais, se retrouvant seul « face aux vingt hommes » d’Orrego, il fit appel à la cavalerie de la garde civique. ANH, IntAta, vol. 11, 29 agosto 1844.

333 “Lei de rejimen interior (1844)”, op. cit., p. 434: “la conservacion del orden en los distritos; para impedir cualquier

atentado contra la seguridad de los individuos o de las propiedades; para evitar la fuga de los que delinquieren en ellos, i para perseguir i aprehender, cada uno en su distrito, a los criminales que se asilen a él aunque hayan cometido su delito en otro”.

334 La coutume voulait que les inquilinos et mayordomos des haciendas soient dispensés de ce service policier, ce qui

n’était cependant pas une dispense légale, rappelait le gouverneur de Curicó à l’un de ses sous-délégués. La loi en effet ne dispensait que les employés au service domestique du patron. Cependant, remarquait le gouverneur, un majordome avait déjà tellement de responsabilités auxquelles faire face qu’il était pertinent de ne faire appel à lui qu’en ultime recours. AHN, GobCur, vol. 12, 10 septiembre 1855.

335 Ainsi, dans une communication au gouverneur de Curicó datée du 1er décembre 1849, le sous-délégué de la 7e

section de San Antonio informait qu’il avait pris des mesures pour encadrer les activités de jeux d’argent, des tavernes et les festivités occasionnelles, qui s’étaient multipliées dans sa circonscription, en particulier dans des « lieux dangereux, difficiles d’accès pour la police », instaurant une restriction des jours, horaires, lieux d’implantation et l’obligation d’avoir un vigile rémunéré par ces établissements. ANH, GobCur, vol. 5, 1 diciembre 1849.

1837), la loi sur le vol d’animaux (22 juillet 1837) et plus tard, la loi sur les

« affaires criminelles pour vol ou recel » (7 août 1849)336.

Alors, outre l’incompétence et la partialité dénoncées, c’est la fusion des prérogatives administratives et judiciaires, soit la perpétuation de l’ancienne « juridiction », qui était remise en question. Du fait de leur « double casquette », inspecteurs et sous-délégués exerçaient leur fonction dans un cadre réglementaire doublé et sous une hiérachie elle-même doublée. En effet, ils devaient se référer à deux textes de lois qui définissaient et encadraient leurs prérogatives : le Règlement d’administration de justice de 1824 pour leur fonction judiciaire d’une part, les Ordonnances de 1786 puis le Règlement de Régime Intérieur de 1844 pour leur fonction administrative et policière d’autre part. Aucun de ces deux ensembles juridiques ne mentionnait l’existence de

l’autre ni ne faisait référence à l’autre mission dont étaient porteurs ces

fonctionnaires. Comme si pour le Règlement de 1824, les sous-délégués et inspecteurs n’étaient que des juges, et de même pour celui de 1844 : ils n’étaient que policiers. C’est ce qu’illustre le schéma élaboré par Daniel Palma

présenté ci-dessous337.

336 “Delitos leves – que se entiende por tales y penas que les corresponden”, In Anguita Ricardo (éd.), Leyes

promulgadas, op. cit., vol. I, p. 299-300. En revanche, sont considérés comme délits « graves » les injures publiques faites à un magistrat, à un patron ou maître par un domestique, employé ou disciple, les vols avec infraction, le vol de clés, les incendies, entre autres.

Cf. “Hurto de animales – Decreto-lei sobre la materia (22 de julio de 1837)” et “Juicios criminales por hurto o robo - Lei jeneral sobre la materia (7 de agosto de 1849)”,

337 Palma A. Daniel, “La formación de una justicia republicana. Los atribulados jueces del orden portaliano, 1830-1850”,

In María José Correa (coord), Justicia y Vida Cotidiana en Valparaíso. Siglos XVII-XIX, Santiago, Acto Editores, 2014, p. 16.

Document 4. Structure du pouvoir politique et judiciaire au Chili vers 1840

Source : Daniel Palma A., “La formación de una justicia republicana. Los atribulados jueces del orden portaliano, 1830-1850”, In María José Correa (coord), Justicia y Vida Cotidiana en Valparaíso. Siglos XVII-XIX, Santiago, Acto Editores, 2014, p. 16.

Dès 1845, Antonio Varas proposait de démettre les inspecteurs et sous- délégués de leurs fonctions judiciaires : ceux-ci, expliquait-t-il, étaient censés, en tant que juges, être indépendants, et pourtant, ils étaient sous les ordres de

l’intendant et du gouverneur338. Cette réalité était déjà signalée par une

circulaire de Ministère de la Justice de 1838 puisqu’elle demandait aux Intendants de rappeler à leurs gouverneurs que les sous-délégués ne

338 Antonio Varas, Memoria que presenta al Congreso Nacional de 1845 el Ministro del Despacho de Justicia, Culto e