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2.4 Un mod`ele de jeu avec gain

2.4.1 Jeux de Conway

Les jeux de Conway donne un formalisme tr`es intuitif, qui a le m´erite de relier di- rectement la s´emantique des jeux `a des notions algorithmiques standards en utilisant explicitement la structure de graphes.

D´efinition 2.27 (Jeu de Conway)

Un jeu de Conway A est un graphe orient´e enracin´e (VA , EA , λA) compos´e

– d’un ensemble VA de sommets repr´esentant les positions du jeu ;

– d’un ensemble EA⊆ VA× VA d’arˆetes repr´esentant les coups du jeu ;

– d’une fonction λA : EA → {−1, +1} indiquant si un coup appartient `a Opposant

(−1) ou `a Joueur (+1).

Nous notons ?A la racine du graphe sous-jacent. Un jeu de Conway est dit n´egatif

(resp. positif ) lorsque tous les coups partant de la racine sont Opposant (resp. Joueur).

Chemins et Parties. Un chemin m1· m2· . . . · mk−1· mk d’un jeu de Conway A est

une suite de coups de la forme

x0 m1 −−→ x1 m2 −−→ . . .−−−→ xmk−1 k−1−−→ xmk k (2.7)

On note s : x  y pour indiquer que s a pour position initiale x et position finale y. Deux chemins sont dits parall`eles lorsqu’ils ont la mˆeme position initiale et finale.

Un chemin (2.7) est alternant lorsque :

∀i ∈ {1, . . . , k − 1}, λA(mi+1) = −λA(mi).

Une partie s est un chemin commen¸cant `a la racine ?A du jeu de Conway A, i.e.

s : ?A x. On note PlayA l’ensemble des parties d’un jeu A.

On dit que t : x  x0 est un sous-chemin d’une partie s : ?  y s’il existe u : ?  x

et v : x0

 y tel que s = u · t · v. Lorsque u est vide, on dit que t est un pr´efixe de s, not´e

t ≺ s.

Strat´egies. Le lecteur remarquera que la d´efinition d’un jeu de Conway n’implique pas que les parties qu’il d´ecrit seront altern´ees. La notion d’alternance entre Joueur et Opposant n’apparaˆıt donc pas sur les jeux (i.e. sur les types), mais plutˆot sur les strat´egies (i.e. sur les programmes). Ceci correspond `a l’intuition qu’un jeu d´ecrit un espace de calcul `a priori assez libre tandis qu’une strat´egie d´ecrit des ex´ecutions plus r´eglement´ees.

D´efinition 2.28 (strat´egie)

Une strat´egie σ d’un jeu de Conway A est d´efinie par un ensemble non vide de partie alternante de longueur paire tel que :

68 Dualit´e et modalit´es de ressource

– toute partie non vide commence par un coup Opposant ;

– σ est close par pr´efixe pair : pour toute partie s et pour tous coups m, n,

s · m · n ∈ σ implique s ∈ σ;

– σ est d´eterministe : pour toute partie s, et pour tous coups m, n, n0,

s · m · n ∈ σ et s · m · n0 ∈ σ implique n = n0.

Le d´eterminisme est crucial d`es lors que l’on veut calculer la r´eponse d’une strat´egie. En effet, la r´eponse d’une strat´egie `a une partie s · m est l’unique coup n – s’il existe – pour lequel s · m · n ∈ σ.

Notons au passage que notre notion de strat´egie est partielle car une strat´egie ne doit pas n´ecessairement r´epondre `a un coup Opposant. Nous ´ecrivons σ : A pour indiquer que

σ est une strat´egie sur le jeu A. Enfin, comme indiqu´e un peu plus haut, une partie d’un

jeu de Conway n’est pas en g´en´erale altern´ee alors qu’une partie jou´ee par une strat´egie l’est toujours.

Dual. Tout jeu de Conway A induit un jeu dual A∗obtenu tout simplement en renversant la polarit´e des coups du jeu A. Plus formellement, on d´efinit A∗ = (V

A∗, EA∗, λA)par

– VA∗ = VA;

– EA∗= EA;

– λA∗ = −λA.

Remarquons que comme les coups du jeu A et de son dual A∗ sont identiques, on peut

voir un chemin de A comme un chemin de A∗ et r´eciproquement. Nous utiliserons ceci

lorsque nous d´efinirons la composition de deux strat´egies σ : A∗⊗ B et τ : B⊗ C car

nous verrons les coups de B jou´es par σ comme des coups de B∗ jou´es par τ.

Tenseur. Le produit tensoriel A⊗B de deux jeux de Conway A et B est essentiellement le produit asynchrone de leurs deux graphes sous-jacents. Plus formellement, il peut ˆetre d´efini comme suit :

– ces positions sont les paires (x, y) not´ees x⊗y v´erifiant ?A⊗B = ?A⊗ ?B, c’est `a dire

VA⊗B = VA× VB;

– ces coups sont de deux sortes diff´erentes

x ⊗ y → (

z ⊗ y si x → z dans le jeu A, x ⊗ z si y → z dans le jeu B.

– Les polarit´es des coups du jeu A ⊗ B sont directement h´erit´ees de celles des jeux A et B.

Le jeu de Conway 1 compos´e d’une unique position ? et d’aucun coup est l’´el´ement neutre du produit tensoriel.

Comme on en a l’habitude en s´emantique des jeux, toute partie s du jeu A ⊗ B peut ˆetre vue comme l’entrelacement d’une partie s|A du jeu A et d’une partie s|B du jeu B.

Composition. Nous allons maintenant d´efinir la composition de deux strat´egies en uti- lisant le concept de « parallel and hiding » qui fonctionne aussi bien pour les jeux que pour

2.4. Un mod`ele de jeu avec gain 69 des notions plus abstraites de cat´egories mono¨ıdales trac´ees libres ou de cat´egories com- pactes ferm´ees libres. Dans le cadre de la s´emantique des jeux, cette m´ethode s’impl´emente en introduisant la notion d’interaction d´evelopp´ee dans [McC96, Har00].

On dit qu’une suite de coups u de trois jeux A, B, C est une interaction sur A, B, C, ce qui est not´e u ∈ intABC, lorsque la projection de u sur chacun des jeux A∗⊗ B, B∗⊗ C

et A∗⊗ C est une partie. La notion d’interaction d´ecrit la partie « parallel », maintenant,

d´efinissons la composition de strat´egies `a proprement dit.

D´efinition 2.29 (composition)

´Etant donn´ees deux strat´egies σ : A∗⊗ B, τ : B⊗ C, on d´efinit la composition τ ◦ σ de

ces deux strat´egies par l’ensemble des projections sur A∗⊗ C d’interactions sur A, B, C

dont les projections sur A∗⊗ Bet B⊗ C appartiennent `a la strat´egie σ ou τ. En langage

ensembliste, cela donne

τ ◦ σ = {u|A∗⊗C | u ∈ intABC, u|A⊗B ∈ σ, u|B⊗C ∈ τ }

Comme souvent en s´emantique des jeux, on montre que la composition de deux strat´e- gies est elle-mˆeme une strat´egie en passant par le lemme de « t´emoin unique » qui stipule que la projection u|A∗⊗C provient d’une unique interaction u.

Lemme 2.30 (T´emoin unique) Si σ et τ sont des strat´egies de A∗ ⊗ B et B∗ ⊗ C

respectivement, alors pour tout s ∈ τ ◦ σ, il existe un unique u ∈ int(A, B, C) tel que

s = u|A,C , u|A,B ∈ σ et u|B,C ∈ τ.

De plus, si s ∈ τ ◦ σ est un pr´efixe de t ∈ τ ◦ σ, alors le t´emoin unique de s est pr´efixe du t´emoin unique de t.

D´emonstration : Si s ∈ τ ◦ σ a deux t´emoins distincts u1 et u2, alors le premier coup m o`u ils diff´erent est dans B. Si ce coup est Opposant (resp. Joueur) alors la strat´egie τ (resp.

σ) a viol´e la condition de d´eterminisme.

La strat´egie identit´e. La strat´egie identit´e idA sur le jeu A est d´efinie comme une

variation de la strat´egie d’imitation (usuellement appel´ee copycat en anglais) du jeu A∗⊗A

d´ecrite par Andr´e Joyal dans [Joy77].

Rapidement, la strat´egie d’imitation r´epond `a tout coup Opposant dans l’une des deux composantes A∗ ou A par le mˆeme coup dans la composante duale. Voici maintenant une

d´efinition plus formelle.

D´efinition 2.31 (strat´egie identit´e)

La strat´egie identit´e sur un jeu de Conway A est d´efinie par l’ensemble de parties suivant :

idA def = {s ∈PlayevenA 1⊗A2 | ∀t ≺ evens , t |A1 = t|A2}

o`u PlayA∗1⊗A2 d´ecrit l’ensemble des parties alternantes de A∗1⊗ A2 commen¸cant par un coup Opposant. Nous utilisons les marqueurs 1 et 2 pour distinguer les deux occurrences du jeu A (i.e. A et A∗), et l’exposant even permet de restreindre un op´erateur sur des

70 Dualit´e et modalit´es de ressource

La cat´egorie Conway des jeux Conway. La cat´egorie Conway a pour objets les jeux de Conway, et a pour morphismes σ : A → B les strat´egies σ sur A∗⊗ B.

Remarquons que cette cat´egorie est compacte ferm´ee (voir la D´efinition 4.4) avec l’unit´e ηA : 1 → A ⊗ A∗ et la counit´e εA : A∗ ⊗ A → 1 d´efinies par des strat´egies

d’imitation. Nous n’insistons pas sur ce point pour le moment mais il sera trait´e bien plus en d´etail au Chapitre 4 car il sera au cœur de la d´efinition d’une trace n´ecessaire `a l’interpr´etation des r´ef´erences. La seule chose `a retenir pour le moment est que de cette structure compacte ferm´ee d´ecoule automatiquement un op´erateur de clˆoture qui est d´efini par A∗⊗ B.