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2.4 Un mod`ele de jeu avec gain

2.4.2 Jeux de Conway `a gain

Avant d’introduire la notion de gain, nous devons restreindre la cat´egorie aux jeux n´egatifs. En effet, si nous restons dans un cadre enti`erement autodual, les contraintes `a imposer pour avoir la compositionalit´e des strat´egies en pr´esence de gain sont assez subtiles. En particulier, elles ne peuvent ˆetre enti`erement positionnelles. Nous reportons cette ´etude au Chapitre 4, o`u une analyse des politiques de ressource nous m`enera `a une axiomatique de la notion de gain bas´ee sur des contraintes satisfaites pour tous sous- chemins d’une partie et non plus seulement sur les positions atteintes. Nous pr´ef´erons pour le moment donner un mod`ele positionnel o`u le parenth´esage est absent mais qui est suffisant pour interpr´eter les diff´erentes modalit´es de la logique tensorielle.

La sous-cat´egorie pleine des jeux de Conway n´egatifs N n’est pas compacte ferm´ee mais h´erite de la clˆoture de Conway. ´Etant donn´e un jeu de Conway A, on note A le

jeu de Conway n´egatif obtenu en enlevant tous les coups Joueur partant de la racine. La construction A− s’´etend `a un foncteur plein et fid`ele de Conway vers N qui est

un r´etracte du foncteur d’inclusion. Cela suffit pour exporter la fermeture de la cat´egorie Conway`a un fermeture dans la cat´egorie N en d´efinissant

A ( B def= (A∗⊗ B)−

comme le montre la proposition suivante.

Proposition 2.32 (transport de fermeture) Soient (C, ⊗, () une cat´egorie mono¨ı- dale sym´etrique ferm´ee et (D, •) une cat´egorie mono¨ıdale sym´etrique. Supposons qu’il existe une adjonction mono¨ıdale U a F : D → C o`u U est `a la fois plein et fid`ele. Alors, on peut exporter la fermeture sur C en une fermeture sur D en d´efinissant pour A, B dans

D :

A_ B = F (U (A) ( U (B ))

Notons que la plupart du temps, le foncteur U sera le foncteur d’inclusion et F forcera le fermeture de C `a vivre dans la sous-cat´egorie D.

D´emonstration : Comme l’adjonction est mono¨ıdale, le foncteur U est n´ecessairement mo- no¨ıdal fort. La fermeture se d´eduit de la s´equence de bijections suivante :

D(B, A_ C ) = D(B, F (U (A) ( U(C)))

= C(U (B), U (A) ( U(C)) adjonction U a F

= C(U (A) ⊗ U (B), U (C)) fermeture de C

= C(U (A ⊗ B), U (C)) U mono¨ıdal fort

= D(A • B, C) U plein et fid`ele

2.4. Un mod`ele de jeu avec gain 71 Nous utilisons cette cat´egorie comme nouvelle base pour d´efinir la notion de gain.

D´efinition 2.34 (Jeu de Conway `a gain)

Un jeu de Conway `a gain est un jeu de n´egatif Conway A = (VA, EA, λA) muni d’une

fonction de gain positionnelle

γA: VA→ {−1, 0, +1}.

Une position x est dite gagnante si γA(x) ∈ {0, +1}.

Intuitivement, la valeur −1 d´esigne une position gagnante pour Opposant, la valeur +1 d´esigne une position gagnante pour Joueur, et 0 une position « neutre ».

Produit tensoriel et clˆoture. Il nous faut `a pr´esent ´etendre la fonction de gain au produit tensoriel ⊗ et `a l’op´erateur de clˆoture (. Comme le gain est positionnel, il suffit pour cela de donner leur « table de v´erit´e » (voir Table 2.3). Ces tables de v´erit´e

−1 0 +1 −1 −1 −1 −1 0 −1 0 +1 +1 −1 +1 +1 ( −1 0 +1 −1 +1 +1 +1 0 −1 0 +1 +1 −1 −1 +1

Tab. 2.3 – « Tables de v´erit´e » du produit tensoriel et de la clˆoture

sont obtenues en ayant `a l’esprit que ⊗ est moralement la conjonction bool´eenne ∧, ( correspond `a l’implication bool´eenne ⇒, −1 signifie faux, +1 signifie vrai et 0 ne change jamais la polarit´e. Ainsi, le jeu de Conway `a gain A⊗B est d´efini comme le jeu de Conway

A ⊗ B sous-jacent, muni de la fonction de gain

γA⊗B(x ⊗ y) = γA(x) ⊗ γB(y);

et le jeu de Conway `a gain A ( B est d´efini comme le jeu de Conway A ( B sous-jacent, muni de la fonction de gain

γA(B(x( y) = γA(x)( γB(y).

On donne 0 `a la polarit´e de l’unique position du jeu 1.

Strat´egies gagnantes. Avec la notion de strat´egie g´en´erale, tous les jeux n´egatifs ont une unique fl`eche dans 1. Nous allons utiliser le gain pour d´efinir des strat´egies gagnantes, ce qui nous permettra ensuite de distinguer les jeux affines – dont la polarit´e de la racine est 0 –, des jeux lin´eaires – dont la polarit´e de la racine est +1.

D´efinition 2.35 (strat´egie gagnante)

Une strat´egie σ sur le jeu de Conway `a gain A est dite gagnante si toutes les parties qu’elle joue m`enent `a des position gagnantes, c’est-`a-dire dont la polarit´e vaut 0 ou +1 :

72 Dualit´e et modalit´es de ressource

Notre but est de d´efinir une cat´egorie des jeux de Conway `a gain dont les morphismes du jeu A vers le jeu B sont les strat´egies gagnantes de A ( B. Remarquons que la d´efinition du gain implique qu’il n’y a aucune strat´egie gagnante de A ( B lorsque

γA(?A)( γB(?B) = −1. Ceci est le cas en particulier lorsque le jeu A est lin´eaire et que

le jeu B est affine. Avant de d´efinir une cat´egorie, il nous faut maintenant nous assurer que les strat´egies gagnantes composent.

Proposition 2.36 Si σ : A ( B et τ : B ( C sont des strat´egies gagnantes, alors

τ ◦ σ : A ( C est une strat´egie gagnante.

D´emonstration : On sait d´ej`a que les strat´egies composent, il faut uniquement v´erifier la condition de gain. Comme celui-ci est d´efini de mani`ere positionnelle, il suffit de s’assurer par une ´etude de cas que la compos´ee de deux positions gagnantes sur ( est gagnante, au sens o`u

γA(x)( γB(y) ∈ {0, +1} (x ( y : gagnante)

γB(y)( γC(z) ∈ {0, +1} (y ( z : gagnante)

γA(x)( γC(z) ∈ {0, +1} (x ( z : gagnante)

Ceci marche bien car la d´efinition du gain sur ( vient de l’implication bool´eenne ⇒ qui est elle-mˆeme stable par composition.

Proposition 2.37 (cat´egorie des jeux de Conway `a gain) La cat´egorie ayant pour objet les jeux de Conway `a gain et pour morphismes de A vers B les strat´egies gagnantes de A ( B est mono¨ıdale sym´etrique ferm´ee.

D´emonstration : Nous savons d´ej`a que les jeux de Conway n´egatifs avec les strat´egies de

A ( B comme morphismes d´efinissent une cat´egorie mono¨ıdale sym´etrique ferm´ee. Il

reste `a v´erifier que

(γA(x) ⊗ γB(y))( γC(z) = γA(x)( (γB(y)( γC(z))

pour toutes positions x ∈ VA, y ∈ VB et z ∈ VC. Cette ´equation se d´eduit en partie de la

validit´e de la formule bool´eenne (A ∧ B) ⇒ C ≡ A ⇒ (B ⇒ C)

Afin de pouvoir d´efinir une modalit´e exponentielle sur notre cat´egorie, nous devons nous restreindre aux jeux dont la racine est gagnante. `A pr´esent, nous travaillerons avec la cat´egorie G qui a pour objets les jeux de Conway `a gain dont la racine est gagnante et qui a pour morphismes les strat´egies gagnantes entre de tels jeux. Nous appellerons ces jeux simplement des jeux `a gain. Remarquons que la cat´egorie G est mono¨ıdale sym´etrique mais n’est plus close car ( ne pr´eserve pas la propri´et´e d’avoir une racine gagnante. Nous allons n´eanmoins pouvoir d´efinir une n´egation tensorielle.

N´egation tensorielle. Soit ⊥ le jeu lin´eaire d´efinit par – deux positions ?⊥ et x ;,

– un unique coup Opposant m⊥: ?⊥ x ;

– γ⊥(?⊥) = +1 et γ⊥(x) = 0.

Comme indiqu´e dans l’Exemple 2.3, toute cat´egorie mono¨ıdale sym´etrique ferm´ee engendre une n´egation tensorielle. La cat´egorie G n’est pas ferm´ee mais elle h´erite n´eanmoins des propri´et´es de fermeture de ( lorsque celle-ci est d´efinie. Nous pouvons donc en d´eduire une n´egation.

2.4. Un mod`ele de jeu avec gain 73

D´efinition 2.38 (n´egation tensorielle)

La n´egation tensorielle d’un jeu `a gain A est d´efinie par

¬A def= A( ⊥.