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7.a.iv Une nouvelle réglementation ? Développer le commun aux côtés de l’individuel et du collectif

La complexité émanant de la problématique des retenues, accrue lorsque l’on s’attèle à leur impact cumulé, est importante : complexité des phénomènes vivants (circulations des eaux dans un bassin versant, fonctionnement des écosystèmes, réaction des milieux aux changements d’origine anthropique) ; complexité des organisations et des relations entre acteurs. De plus, chaque territoire, et chaque cas, sont particuliers. Dès lors, comment établir une même règle pour tous ?

À l’inverse, une décentralisation totale de la gestion de l’eau semble périlleuse. Le travail effectué ici montre que la profession agricole est parfois très puissante dans les territoires, ce qui suscite la crainte de certains acteurs que les systèmes locaux orientent les décisions et la gestion de l’eau « en faveur » du monde agricole, alors que montent les problématiques environnementales et la tendance de la « participation » du public citoyen.

Il est donc besoin d’articuler les initiatives locales avec des orientations nationales.

Dans ce contexte, faut-il une nouvelle réglementation sur l’impact cumulé des retenues ? S’il est décidé que oui, les acteurs insistent sur la nécessité de la voir accompagnée de solutions pratiques et opérationnelles de

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mise en œuvre (c’est l’objectif de l’expertise) : « Si on nous dit ‘il ne faut pas faire ça’, que l’on nous dise aussi

comment faire pour y arriver. »

De plus, nous pensons qu’une réglementation ne peut suffire seule à une gestion efficace des retenues dans les territoires, dans une situation où, nous l’avons vu, des visions différentes et parfois contradictoires sont amenées à se rencontrer. Aux côtés de l’individuel et du collectif, il est nécessaire de développer du « commun », au croisement du descendant et de l’ascendant, pour que cette rencontre n’aboutisse pas à un rapport de forces dangereux.

Sans commun, c’est-à-dire sans espaces de dialogue et de rencontre autour desquels les acteurs construisent ensemble les réponses nécessaires à la problématique de gestion des retenues, dans une démarche de participation volontaire, positive et ouverte à l’altérité, le risque encouru est celui du repli sur un fonctionnement coercitif (normes et contrôles), à défaut de savoir comment prendre en charge cette complexité. Et cela pourrait conduire à des effets inverses. Par exemple, les acteurs, déjà soumis à de nombreuses de réglementations (directive nitrates, DCE, études d’impact, etc.) pourraient se retirer du jeu face à une réglementation supplémentaire. Les procédures administratives de création de retenues seraient en effet jugées si longues, coûteuses, compliquées et sans garantie, que des retenues illégales ou des pompages illégaux, impossibles à contrôler, apparaîtraient. La gestion et les contrôles seraient alors encore plus difficiles. L’effet inverse peut aussi être direct, tel qu’en témoigne l’exemple des béalières, cité par certains acteurs du bassin du Doux. L’interdiction de creuser ces canaux chaque année a entraîné la disparition de presque toutes les béalières, pourtant reconnues comme des modes de gestion de l’eau permettant de concilier agriculture et biodiversité, et de maintenir des paysages typiques. Mais « refaire sa béalière, c’est 1 PV par an. »

Aborder la question de l’impact cumulé des retenues fait donc apparaître des questions fondamentales de gouvernance, pour que les acteurs puissent avancer sereinement et en confiance dans la rencontre des différents points de vues et attentes, dans une démarche de développement durable. S’atteler à la gestion de l’eau, avec les enjeux forts qu’elle représente (eau potable, activités économiques, productions agricoles, préservation des espèces et des milieux, etc.) place les acteurs, du local au global, face à une complexité qui nécessite de développer, aux côtés de nos modes traditionnels de gestion individuelle (chacun sur sa propriété) et de gestion collective (délégation de la décision et de la gestion à des élus), une gestion en « commun », basée sur la confiance. Cette gestion en commun nécessite l’organisation de la négociation et de la rencontre des acteurs et de leurs points de vue et intérêts, dans une communication partagée.

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Partie G.

DISCUSSION ET ANALYSE DU BESOIN DEXPERTISE

Cette partie reprend tout d’abord, de façon très synthétique, l’analyse de l’existant réalisée dans ce rapport, afin de mettre en évidence les acquis et les limites identifiées dans les connaissances et méthodes mises en œuvre pour aborder la question de l’impact cumulé des retenues. Viennent ensuite les domaines et questions qu’il semble intéressant d’aborder dans la phase 2 de l’expertise, c.-à-d. l’Expertise Scientifique Collective (ESCo), qui permettra d’interroger la littérature scientifique internationale sur les verrous que cette première phase a permis d’identifier.

G.I

Acquis et limites de l’existant

Les lectures et analyses effectuées ont confirmé que les méthodes et outils manquent actuellement pour aborder l’évaluation de l’impact cumulé des retenues. Ce constat résulte à la fois d’une insuffisance des données, connaissances et situations de référence disponibles, et du manque d’un cadre conceptuel pour à la fois : 1 - organiser les réflexions et connaissances et 2 - permettre d’identifier les méthodes existantes ou qu’il serait nécessaire de développer afin d’appréhender la question de façon à la fois suffisamment complète et réaliste du point de vue opérationnel. Le corpus de connaissances et les méthodes mobilisables varient avec la thématique concernée, toutefois, certaines considérations sont transversales aux différentes disciplines.

G.I.1

Nécessité d’une bancarisation des données et d’une capitalisation des