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10.a Modifications des conditions écologiques vers l’aval

Influence de l’évolution des débits L’une des conséquences marquantes de l’implantation d’une retenue est la transformation de l’hydrologie en aval de la restitution, transformation qui peut prendre des formes diverses

20 Oertli, B., D. Auderset Joye, et al. (2002). "Does size matter? The relationship between pond area and biodiversity." Biological Conservation 104(1): 59-70

21 Le Viol, I., J. Mocq, et al. (2009). "The contribution of motorway stormwater retention ponds to the biodiversity of aquatic macroinvertebrates." Biological Conservation 142(12): 3163-3171.

22Le Viol, I., F. Chiron, et al. (2012). "More amphibians than expected in highway stormwater ponds." Ecological Engineering 47: 146-154. 23

Hassall, C. and S. Anderson (2015). "Stormwater ponds can contain comparable biodiversity to unmanaged wetlands in urban areas." Hydrobiologia 745(1): 137-149.

24 Leclerc, D., S. Angélibert, et al. (2010). "Les libellules (Odonates) des étangs piscicoles de la Dombes." Martinia 26(3-4): 98-108. 25

Angelibert, S., V. Rosset, et al. (2010). "The pond biodiversity index "IBEM": a new tool for the rapid assessment of biodiversity in ponds from Switzerland. Part 1. Index development." Limnetica 29(1): 93-104.

26 Ebel J. D. & Lowe W. H. (2013) Constructed Ponds and Small Stream Habitats: Hypothesized Interactions and Methods to Minimize Impacts. Journal of Water Resource and Protection, 5: 723-731.

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selon la retenue et son mode de gestion (cf. C.I). Les manifestations extrêmes d’effet écologique liées à l’hydrologie s’observent sur les retenues de tête de bassin utilisées pour l’irrigation qui peuvent intercepter, en période estivale, la totalité des écoulements et donc induire en aval des assecs étendus et prolongés particulièrement délétères pour la faune et la flore du cours d’eau. Au-delà de ces situations extrêmes, la plupart des retenues, soit du fait des prélèvements pour l’irrigation, soit en exacerbant l’évaporation, sont susceptibles de conduire à une baisse des débits d’étiages estivaux qui s’accompagne d’une élévation de température et donc à une modification des conditions d’habitat, a priori particulièrement pénalisante pour les espèces rhéophiles, simultanément psychrophiles. Ces problématiques d’impact des débits peuvent être concrètement abordées et quantifiées à partir d’outils comme EVHA28 ou Estimhab29. Un paramètre clé est le rapport entre le débit d’alimentation et de restitution, quand il existe, par rapport au volume.

A l’inverse, certaines retenues peuvent contribuer à pérenniser les écoulements aval en période estivale. Paradoxalement, une telle situation peut constituer un impact écologique négatif pour des cours d’eau naturellement intermittents dont la faune et la flore étaient initialement adaptées aux périodes d’assec30. Les retenues gérées pour le soutien d’étiage sont généralement considérées comme bénéfiques pour le fonctionnement écologique des cours d’eau dans la mesure où elles atténuent la sévérité des étiages31 dans les zones où les prélèvements peuvent être importants à cette période. Cette vision mérite néanmoins d’être très sensiblement nuancée. En effet ce mode de gestion tend à inverser le cycle hydrologique naturel (avec un stockage dans la retenue en hiver et une restitution, effaçant l’étiage naturel en été) et à écrêter les évènements extrêmes17 (cf. C.I.2). La réduction ou la disparition des crues et débordements qui en résultent se révèle préjudiciable au fonctionnement écologique du cours d’eau, par exemple pour sa forêt alluviale. Par ailleurs, ce mode de gestion conduit à un phénomène de « désynchronisation » entre l’hydrologie du cours d’eau et la phénologie des organismes, potentiellement néfaste à la plupart des espèces.

Influence de l’évolution des transferts solides. Les retenues, plus particulièrement celles implantées sur le réseau hydrographique modifient les flux sédimentaires. Pour les sédiments grossiers issus de l’amont, elles constituent en effet un piège conduisant à un déficit de fourniture sédimentaire en aval et potentiellement à un pavage des cours d’eau et à des phénomènes d’érosion en aval de retenues (cf. C.II6.b). Les sédiments constituent un compartiment essentiel pour les activités biologiques (habitat pour de nombreux invertébrés, lieu de ponte pour les poissons lithophiles, substrat pour l’enracinement des végétaux…), la perturbation des processus sédimentaires engendrée par une retenue est donc susceptible d’entrainer des conséquences très importantes pour les organismes vivants.

Les retenues, lorsqu’elles sont le siège de processus d’eutrophisation, peuvent en revanche constituer des sources de MES issues de l’activité biologique. En se déposant en aval de la retenue, ces sédiments fins colmatent les sédiments plus grossiers et se révèlent particulièrement pénalisants pour certains organismes comme les invertébrés de la zone benthique et de la zone hyporhéique32 ou les poissons pondant sur graviers,

28Ginot V., Souchon Y., Capra H., Breil P. & Valentin S. (1998). Logiciel EVHA. Evaluation de l'habitat physique des poissons en rivière (version 2.0.). Guide méthodologique. Cemagref Lyon BEA/LHQ, p.76

29 Souchon Y., Lamouroux N., Capra H. & Chandesris, A. (2003). La méthodologie Estimhab dans le paysage des méthodes de microhabitat. Note technique, Cemagref Lyon, Unité Bely, Laboratoire d’hydroécologie quantitative, p.9

30 Pelte T., Navarro L., Stroffek S., Dupré la Tour J., Datry T., Langon M. Martinez P.-J., Delhaye H. (2014) Les cours d’eau intermittents. Elements de connaissance et premières préconisations. Note du Secrétariat Technique du Sdage. Agence de l'Eau Rhône-Méditerrannée- Corse, Irstea, Onema, Dréal Rhône-Alpes.

31 Boubé D. & Hétier A. (2012) Analyse des impacts sur le milieu aquatique de retenues de soutien des étiages dans le Sud-Ouest de la France. Retour d'expérience de la CACG. 16 p.

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Descloux S., Datry T. & Usseglio-Polatera P. (2014) Trait based structure of invertebrates along a gradient of sediment colmation: benthos versus hyporheos responses. Science of the Total Environment, 466/467, 265-276.

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en altérant la connectivité verticale33, en réduisant la diversité des habitats34 et en modifiant leurs conditions biogéochimiques35 (e.g. accroissement du risque d’anoxie).

Influence de l’évolution de la température et de la qualité d’eau (cf. C.II6.b). L’impact thermique des retenues sur le cours d’eau aval est extrêmement variable selon leur taille, leur mode de restitution (eau de surface ou eau de fond) et leur débit d’alimentation. Globalement des restitutions d’eau du fond tendent à tamponner les variations thermiques naturelles du cours d’eau et à réduire sensiblement les températures estivales permettant potentiellement l’installation d’espèces d’eau froide36. A l’inverse, les restitutions par la surface entrainent un réchauffement printanier et estival de cours d’eau qui peut atteindre des valeurs particulièrement élevées au regard des exigences thermiques des espèces (des réchauffements de 4 à 7 °C sont cités37). De tels niveaux de réchauffement, même s’ils semblent s’atténuer vers l’aval relativement rapidement38, sont susceptibles d’avoir des conséquences biologiques importantes : disparition locale d’espèces d’eau froide, implantation d’espèces thermophiles, perturbation des cycles biologiques en relation avec l’altération du régime des températures39 … Ainsi, quand les températures létales ne sont pas atteintes, ce sont souvent les altérations du régime thermique qui sont à l’origine de la disparition des espèces qui ont besoin d’une succession de séquences de températures bien déterminée pour pouvoir boucler leur cycle avec succès : e.g. pour des éphéméroptères d’eaux froides (i) une température de l’eau proche de 0°C pour lever la diapause embryonnaire ; (ii) une période de 10-13°C pour permettre le développement des œufs et (iii) une période de 2,5 à 4 mois à une température de 18-28°C pour permettre le développement larvaire jusqu’à maturité.

Par ailleurs, la température agit indirectement sur les organismes via son influence sur l’oxygénation de l’eau. Ainsi le réchauffement du cours d’eau lié à une retenue implique, de fait, une diminution d’oxygénation avec des conséquences potentielles sur les espèces animales.

Au-delà de l’aspect thermique, les retenues sont susceptibles d’impacter la physico-chimie du cours d’eau de manière extrêmement variée. A ce stade, et compte tenu des retours d’expériences disponibles, il reste difficile d’en tirer des enseignements généralisables du point de vue des conséquences biologiques.

La vidange de la retenue. Bien qu’il s’agisse d’un évènement rare, la vidange fait partie intégrante du cycle « normal » de fonctionnement de la plupart des retenues. Cette étape constitue un traumatisme potentiel pour le cours d’eau situé en aval. Vers l’aval, les vidanges de retenues se manifestent entre autre par un relargage des sédiments fins piégés dans la retenue sous forme de MES, une diminution temporaires parfois très conséquente de la teneur en oxygène et une augmentation concomitante de la teneur en ammonium40. Ce flux polluant entraine potentiellement un déplacement des organismes et des phénomènes de mortalité plus ou moins intenses selon les niveaux de désoxygénation atteints. Par ailleurs les MES en se déposant peuvent colmater le fond du cours d’eau sur des distances importantes et affecter durablement son fonctionnement écologique. Ces effets peuvent contribuer à une forte érosion de la diversité macrobenthique, par suite de la

33 Boulton A.J. (2007) Hyporheic rehabilitation in rivers: restoring vertical connectivity. Freshwater Biology, 52, 632-650. 34

Maridet L. & Philippe M. (1995) Influence of substrate characteristics on the vertical distribution of stream macroinvertebrates in the hyporheic zone, Folia Faculty of Science Natural University of Masarykianae Brunensis; 91, 101-105.

35 Gayraud S., Statzner B., Bady P., Haybach A., Schöll F., Usseglio-Polatera P., Bacchi M. (2003) Invertebrate traits for the biomonitoring of European large rivers: an initial assessment of alternative metrics. Freshwater Biology, 48: 2045-2064.

36 Un tel phénomène est observé de manière particulièrement marquée sur des grandes retenues et est susceptible de jouer, de manière plus atténuée, sur des retenues plus modestes. voir Descamps H., Capblanq J., Casanova H., Tourenq J.N. (1979). Hydrobiology of some regulated rivers in the southwest of France. In Ward J.V. and Stanford J.A., The ecology of regulated streams, 273-288, Plénum Press, New York.

37 D’après Touchard (1999) in CACG (2001) Etude de l’impact des petites retenues artificielles sur les milieux. Rapport de phase 1. Etude Inter-Agences de l’Eau. 188 p.

38 Ce qui n’est pas toujours le cas, par exemple, Lehmkuhl (1972)39 note un impact encore sensible 70 miles à l’aval d’un réservoir sur la Saskatchevan River.

39 Lehmkuhl D.M. (1972) Change in thermal regime as a cause of reduction of benthic fauna downstream of a reservoir. Journal Fisheries Research Board of Canada, 29, 1329-1332.

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Rambaud et al. (1988) et DIREN Limousin (1994) in CACG (2001) Etude de l’impact des petites retenues artificielles sur les milieux. Rapport de phase 1. Etude Inter-Agences de l’Eau. 188 p

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banalisation du substrat et d’une redistribution simplifiée des niches écologiques41. Certaines pratiques permettent de limiter les impacts négatifs des vidanges sans pouvoir les éviter totalement.