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CHAPITRE V : QUEL AVENIR POUR L’ELEVAGE SEMI-SEDENTARISE

Carte 7. Itinéraires de transhumance de Ndiam Baba et Laïndé Ngobara vers Gouna

102 Le hurum de Gouna est assez vaste, mais en même temps les défriches progressent à une vitesse vertigineuse notamment dans la zone nord-ouest. Sa délimitation a été négociée par le Projet Eau-Sol-Arbre (ESA). Le bornage de cet espace a été réalisé sur une longueur de plus de 10 km. Dans ce hurum, la présence de terrain inondable permet d’avoir une pousse précise de l’herbe. Le retour des pluies dans cette zone vers la fin du mois d’avril oblige les bergers à la quitter pour éviter l’embourbement des animaux. A l’intérieur du hurum, deux campements permanents d’éleveurs sont installés avec des cases « en dur ». Dans le premier campement, les éleveurs pratiquent l’agriculture avec un bloc de cultures de maïs qui avoisine dix hectares hors du hurum à côté des champs d’agriculteurs de Gouna et Mayo Sala. Par contre, dans le second, les éleveurs ont décidé de ne pas cultiver.

La zone de transhumance de Gouna (Tableau XV), située entre les lamidat de Garoua, Tchéboa et Rey-Bouba, donne lieu souvent à des litiges difficiles à arbitrer à cause des conflits d’autorité et d’intérêts au sujet du versement de la zakkat par les éleveurs et d’autres avantages liés aux coûts des règlements des litiges. C’est pour cela que de temps en temps, les Préfets des départements de la Bénoué et de celui de Tcholliré sont obligés de se rendre conjointement sur le terrain pour apaiser les esprits.

Tableau XV. Caractéristiques de la transhumance à Gouna

Période Seeto (tabbugo ndungu) - Début juin – Début Juillet

Lieu Gouna

Raison de choix Début des pluies précoce et présence de beaucoup de pâturage

Nombre d’animaux 90% du troupeau sont concernés. Les autres 10% restent dans le territoire d’attache pour le lait et pour fumer les parcelles

Personnes suivant les animaux

2 bergers pour chaque troupeau pour les raisons suivantes : les vaches peuvent mettre bas en cours de route ; les animaux étant faibles à cette période, il peut arriver que certains ne puissent pas tenir la route. Un des bergers va alors chercher le boucher le plus proche pour les abattre ; c’est aussi pour qu’un des deux bergers s’occupe des commissions pour la

nourriture, le sel, les médicaments pour les animaux, montrer l’emplacement de destination au propriétaire ou parents

Nombre de jours

passés en route 2 jours

Pâturages utilisés Herbes fraîches Arbres utilisés le long

des parcours

Pas de coupes d’arbres sauf pour ceux qui y vont avant juin : Afzelia africana (Kawohi)

Arbres utilisés sur le

lieu de transhumance Pas de coupes d’arbres puisqu’il y a assez d’herbes fraîches Lieu d’abreuvement

des animaux Mayo Bocki, Kokora, Kilbouwol, Boukiwol, Mayo Sala, Mayo Mbaï

Contraintes

C’est le début des semis : bagarres fréquentes avec les agriculteurs ; menaces des coupeurs de route ; tracasseries du sarkin saanou qui demande beaucoup d’argent pour les frais de pâturage et prend souvent en gage les enfants si les éleveurs ne s’en acquittent pas

Conflits

Des sévices corporels fréquents sur les bergers et les animaux infligées par les agriculteurs ; parfois confiscation d’animaux par les agriculteurs pour des dommages causés dans les champs

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Période Seeto (tabbugo ndungu) - Début juin – Début Juillet

complémentarité environnants. Le sel, les médicaments, le riz, le sucre, le thé... sont achetés

sur les marchés de Gouna (mardi) et de Mayo Bocki (dimanche)

Nombre de visites reçues par les bergers

Chaque deux semaines pour le ravitaillement en nourriture, sel et

médicaments pour les animaux, informations diverses, négociation en cas de conflits

Complémentation Natron + sel (3 sacs pour 50 têtes). Le natron est beaucoup plus utilisé par ceux qui ont plus de 200 têtes afin d’augmenter la quantité de complément Itinéraire au retour Même itinéraire comme à l’aller sur la route ou parfois dans les champs Nombre de jours Deux jours

Destination au retour Ndiam Baba et Laïndé Ngobara pour finir de fumer les champs Nombre de jours

avant nouveau départ Entre 1 à 2 semaines

Source : Enquêtes, Kossoumna Liba’a Natali (2006)

La fin de la transhumance dans cette zone s’achève avec la généralisation des pluies, fin juillet. Elle peut également être précipitée par les dégâts dans les champs à proximité, obligeant les éleveurs à s’enfuir plus tôt que prévu. Au retour, toutes les pistes sont fermées par les champs. Les animaux ne peuvent passer qu’en bordure de la route nationale N°1 reliant Ngaoundéré à Garoua (Tableau XVI).

Tableau XVI. Horaires et itinéraires suivis entre le hurum de Gouna et Ndiam Baba

1 heure Départ de Gouna 4 heures

Arrivée à Tongo à 4 heures où ils s’arrêtent pour manger et permettre aux animaux de se reposer. Le matin, les animaux paissent dans la brousse de Tongo jusqu’à 16 heures puis reviennent dans les camps

18 heures Départ de Tongo en passant par Garouawa, Rabinga, Manawassi, Carrefour Touroua et s’arrêtent à Ngong où ils passent la nuit sur la place du marché à bétail

5 heures Départ de Ngong en passant par Djola, carrefour Laïndé Massa, Tchabéwa, Mayo Dadi, Sanguéré Gaoumbaï où ils arrivent à 12 heures.

16 heures Départ de Sanguéré Gaoumbaï pour arriver à Ndiam Baba où ils parquent les animaux pendant un mois dans les champs.

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6.4.3. Les territoires éloignés pour la grande transhumance de saison des pluies

La figure 18 montre que l’accès aux pâturages éloignés pour la grande transhumance d’hivernage passe à l’aller comme au retour par la route. Les pistes de transhumance délimitées traversent les villages et sont obstruées par les cultures.

Limite du territoire de fixation des Mbororo Cultures Zone d’habitation des éleveurs mbororo Route principale  Piste d’accès Lieu de parcage du bétail restant dans le territoire Légende Villages des agriculteurs voisins Cours d’eau Espace de la grande transhumance d’hivernage Piste de transhumance Itinéraire à l’aller et au retour de la transhumance Huttes  des bergers Espace de pâturage dans le territoire des éleveurs

Figure 18. Modélisation de l’utilisation des territoires éloignés

Source : Enquêtes, Kossoumna Liba’a Natali (2006)

La grande transhumance (ruumirde) (juillet – octobre) intéresse de plus grands effectifs et des parcours de grande surface partagés avec un grand nombre d’éleveurs dans le hurum de Kalgué à l’ouest et la région de Dembo au nord peu peuplée du fait du relief. Les éleveurs de type 2 et 4 vont en transhumance plus tôt (dès la mi-juillet) et vont plus loin à cause du nombre assez élevé des animaux dont ils ont la garde. Les éleveurs de type 1 n’ayant pas assez d’animaux peuvent rester sur place ou juste à côté du territoire d’attache, se contentant des espaces de pâturage dans le territoire et autour des territoires voisins (Naéré, Bocklé, Bord de la Bénoué pour les éleveurs de Ndiam Baba et Tchéboa pour ceux de Laïndé Ngobara).

Pendant ce temps, les éleveurs de type 2 et 4 convoient leurs animaux en rangs dispersés et en petits groupes vers les espaces de pâturage de Kalgué pour la plupart des éleveurs de Laïndé Ngobara et de Dembo ou Naddere pour ceux de Ndiam Baba. Cette division du troupeau est choisie afin d’éviter les dégâts des cultures en se frayant un chemin et pour valoriser au mieux les pâturages et pour dissimuler leur capital aux yeux des preneurs d’otage qui les rançonnent et des autorités traditionnelles qui les taxent.

6.4.3.1. Transhumance dans le hurum de Kalgué pour les éleveurs de Laïndé Ngobara

Nous sommes au mois de juillet et presque toutes les cultures de maïs, de coton et d’arachides sont en place. Les conflits sont récurrents car à cette période « partout où

nous passons, il y a des bruits » a déclaré un berger31. Les bergers doivent donc être

31 Communication personnelle le 12 août 2006

105 particulièrement vigilants malgré l’existence d’une piste de transhumance négociée avec l’appui du Projet GESEP (Gestion Sécurisée des Espaces Pastoraux) : Laïndé Ngobara, Mayo Lopé, Douka, Mayo Douka, Kalgué. Malgré le bornage, cette piste à bétail reste très sollicitée à cette période sensible. Avec la présence des cultures, les animaux doivent nécessairement avoir un chemin bien précis et suffisamment large. Mais les paysans riverains de cette piste agrandissent chaque année leurs champs, rétrécissant ou fermant carrément cette dernière. Large de plus de cent mètres au début, la piste n’excède pas dix mètres aujourd’hui. A certains endroits elle n'existe même plus, ce qui entraine des conflits car les éleveurs ne pouvant faire autrement, sont obligés de faire passer leur troupeau sur les cultures.

Le hurum de Kalgué est situé en effet dans le lamidat de Tchéboa au sud de Garoua (Carte 9). Ce hurum est délimité par des barrières naturelles que sont le mayo Douka à l’est, le

mayo Binossi à l’ouest, la piste qui relie Ngong à Touroua au Sud et quasiment jusqu’à la

Bénoué au nord. Cette zone particulièrement vaste d’environ 1 200 km2 est depuis

longtemps réservée à l’élevage et tient ainsi une place prépondérante dans la conduite des troupeaux.

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