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CHAPITRE V : QUEL AVENIR POUR L’ELEVAGE SEMI-SEDENTARISE

Carte 11. Différentes cultures pratiquées à Laïndé Ngobara

129 Le maïs est cultivé seul immédiatement autour des concessions. Dans les autres parcelles plus éloignées des concessions, il est souvent associé à du niébé semé plus tard ainsi qu’à des courges. Toutes les parcelles de maïs reçoivent une fumure organique dans les deux villages avec des doses et des pourcentages de couverture diverses. Les éleveurs utilisent un parcage tournant de nuit avec le troupeau bovin durant la saison sèche et si besoin jusqu’au 20 juillet. Les parcelles sont nettoyées avant le labour avec la coupe des rejets d’arbustes. Elles sont systématiquement labourées tardivement (courant juillet) à cause de la présence des animaux dans le territoire jusqu’à cette date. Une grande partie des éleveurs utilisent de l’herbicide avant ou même après le labour à la charrue. Ce qui constitue un double emploi puisque l’herbicide est censé remplacer le labour. Les éleveurs ne sont donc pas encore édifiés sur les principes du semis direct. En effet, ce qui pourrait diminuer les herbicides dans le semis direct, c’est la couverture végétale. Par contre, certaines couvertures végétales de semis direct ont besoin d’herbicides pour être tuées et laisser la place aux cultures.

Après le labour, les semis interviennent immédiatement. Toutes les parcelles sont semées après le 16 juillet. Les semis sont réalisés par les manœuvres, mais de plus en plus par les éleveurs eux-mêmes qui accusent les manœuvres de jeter les semences en désordre. Un sarclage manuel est réalisé deux à trois semaines après le semis, la plupart du temps par des manœuvres. La mauvaise herbe la plus redoutée est le Commelina bengalensis qui est le fait, selon les éleveurs, de la fumure organique. C’est pour cela qu’ils utilisent des herbicides (Roundup, Gramoxone, Atrazine).

La fertilisation minérale commence à prendre de l’importance, avec des doses cependant réduites (1 sac de NPK de 50 kg mélangé avec 1 sac d’urée de 50 kg pour un hectare). Les éleveurs affirment utiliser plus de fumure minérale sur les champs loués hors de leur territoire d’attache. Ces champs sont en effet loués tardivement alors que les pluies sont avancées et qu’il n’est plus possible d’y parquer les animaux. La deuxième opération est le buttage qui intervient lorsque le maïs est déjà assez haut. Il est systématiquement réalisé mécaniquement.

8.2.1. Le maïs

Le maïs le plus cultivé est de couleur blanche, et donne selon les éleveurs un bon rendement (3 à 4 tonnes/ha), est de bon goût et plus facile à décortiquer. L’essentiel des produits de récolte du maïs est utilisé pour l’alimentation de la famille, pour des dons, pour la production de la semence et une partie pour la vente. L’utilisation de l’argent de la récolte n’est pas standardisée. Mais au vu des données collectées auprès des éleveurs, les sommes issues de la vente des produits agricoles, notamment le maïs, ne sont pas destinées aux grosses dépenses. Elles servent à l’achat de compléments alimentaires, à payer la scolarité des enfants ou à résoudre les problèmes ponctuels et imprévisibles. La culture du maïs sans fumure minérale est moins coûteuse, mais elle rapporte moins en termes de recette lorsque les éleveurs vendent leurs productions (Tableau XXVI).

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Tableau XXVI. Compte d’exploitation d’un ha de maïs avec ou sans fumure minérale (Fcfa) d’un éleveur mbororo à Ndiam Baba

Sans fumure minérale Avec fumure minérale

Herbicides -

4 Roundop (2 200/sachet) = 8 800 Fcfa 4 Atrazine (1 600/sachet) = 6 400 Fcfa Location pompe = 1 000 Fcfa

Main-d’œuvre = 1 000 Fcfa

Engrais - 2 sacs de 50 kg (20 000/sac) = 40 000 Fcfa*

Urée - 2 sacs de 50 kg (18 000/sac) = 36 000 Fcfa*

Semis 8 000 Fcfa* 8 000 Fcfa

Sarclage 8 000 Fcfa * 8 000 Fcfa

Buttage 8 000 Fcfa 8 000 Fcfa

Récolte 12 000 Fcfa 12 000 Fcfa

Achat sacs vides 48 sacs (250/sac) = 12 000 Fcfa 60 sacs (250/sac) = 15 000 Fcfa

Battage 48 sacs (250/sac) = 12 000 Fcfa 60 sacs (250/sac) = 15 000 Fcfa

Total des dépenses 60 000 Fcfa 159 200 Fcfa

Sacs de 90 kg obtenus 48 60

Si vente en novembre :

7 000 Fcfa/sac 48 sacs x 7 000 = 336 000 Fcfa 60 sacs x 7 000 = 420 000 Fcfa

Marge brute en novembre 276 000 Fcfa 260 800 Fcfa

Si vente en août : 20 000

Fcfa/sac 48 sacs x 20 000 = 960 000 Fcfa 60 sacs x 20 000 = 1 200 000 Fcfa

Marge brute en août 900 000 Fcfa 1 040 800 Fcfa

*Prix pratiqué même si la plupart utilisent la main-d’œuvre familiale à cause des vols *Les éleveurs dépensent 3 000 Fcfa s’ils font du sourga

Source : Enquêtes, Kossoumna Liba’a Natali (2006)

8.2.2. Le mbayeeri

La deuxième culture pratiquée par les éleveurs est le sorgho pluvial (mbayeeri). C’est une culture dont les graines sont de couleur ivoire, jaune ou orangée. Elle est semée après le maïs vers la fin du mois de juillet et la récolte se passe entre la fin de septembre et d’octobre. Avec un rendement de 10 sacs par hectare, le mbayeeri est destiné à la consommation familiale (bouillie, boule), mais aussi à la vente.

8.2.3. L’arachide

L’arachide occupe une place marginale dans l’assolement des éleveurs des deux territoires. Les éleveurs justifient le manque d’intérêt pour cette culture à cause de la pénibilité de sa récolte. En effet, la période de récolte de l’arachide a partir de fin août constitue le moment où il y a une raréfaction de la main-d’œuvre recherchée par tous les producteurs aisés : certaines variétés précoces d’arachide germent en terre si la récolte n’est pas faite à temps. A cette période, les manœuvres ont par ailleurs tendance à converger vers les grands bassins arachidiers de la région dont les exploitations cultivent plus du tiers de leur surface en arachide (zones de Ngong, Tongo, Carrefour Lagdo). Les éleveurs qui, pour la plupart, ne cultivent que des petites surfaces en arachide sont confrontés à des problèmes de recrutement de manœuvres. Ceux qui se sont aventurés à cultiver de grandes surfaces voient leurs arachides sécher dans les champs et finalement broutées par les animaux qui rentrent de transhumance dès que les maïs et sorghos sont

131 récoltés. Ce constat montre bien que les éleveurs ne peuvent s’investir dans l’agriculture qu’en rémunérant de la main-d’œuvre.

Photo 13. Association arachide-mil pénicillaire dans le champ d’un Mbororo à Ndiam Baba

Cliché : Dugué Patrick (2006)

L’arachide est cultivée presque toujours en association (Photo 13) avec le sorgho blanc (mbayeeri) ou le mil pénicillaire (nyadiiri). Elle est destinée à la consommation, notamment pour la bouillie. Une petite partie est vendue. L’arachide n’est pas semée dès les premières pluies comme on le voit chez les agriculteurs des villages voisins. Elle est semée en même temps que le maïs et avant le mbayeeri, en direct, sans herbicide, mais avec labour. La plupart du temps, deux sarclages sont réalisés par des manœuvres. La récolte est manuelle et toujours réalisée par les manœuvres qui à ce moment coûtent chers (15 000 Fcfa/quart d’ha). Les fanes d’arachide restent à pourrir au champ lorsque la récolte est précoce. Certains éleveurs rapportent les fanes à la maison et les stockent sur le hangar lorsque la récolte est tardive. Ces fanes servent à complémenter ou à nourrir les animaux d’embouche, notamment les moutons. Les éleveurs n’utilisent pas d’intrants sur les arachides.

8.2.4. Le niébé

La culture du niébé (haricot blanc) est surtout pratiquée par les éleveurs de Ndiam Baba qui l’ont adoptée grâce à l’appui de l’IRAD qui réalise de nombreux essais dans ce terroir dans les domaines de la santé et de l’alimentation des animaux. Le niébé est cultivé en association avec le maïs. Il est destiné à la consommation humaine. Les fanes sont rarement laissées au champ. Elles sont stockées sur des hangars et destinées, comme celles de l’arachide, à la consommation des animaux d’embouche. Quant aux éleveurs de Laïndé Ngobara, ils affirment ne cultiver le niébé ni en association, ni en culture pure à cause des animaux car sa récolte intervient après celle du maïs et du sorgho. Rappelons que la seule association de cultures rencontrée à Laïndé Ngobara est le mbayeeri avec l’arachide. Les éleveurs expliquent ce choix par le fait que la variété d’arachide mise en place se récolte avant le mbayeeri.

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8.2.5. Le riz

Le riz est cultivé en pur près du bas-fond à Ndiam Baba. Il est destiné à l’autoconsommation. La paille est mise en tas et séchées dans les champs puis stockés sur un hangar près de la concession pour l’alimentation du bétail pendant la saison sèche.

8.3. Les rendements

Grâce à la fumure organique utilisée systématiquement par les éleveurs sur toutes les parcelles en propriété et à l’apport important de fumure minérale, les éleveurs ont des rendements importants sur toutes les cultures. De plus, malgré les grosses dépenses effectuées pour l’entretien des parcelles, les éleveurs arrivent à dégager des soldes sur les récoltes à la vente (Tableau XXVII). Les éleveurs de type 2 sont les plus performants.

Tableau XXVII. Rendements par type de culture et par type d’UP de l’échantillon à Ndiam Baba et Laïndé Ngobara

Type 1 Type 2 Type 3 Type 4

Surface moyenne exploitée (ha) 1,3 7 0,75 0

Surface cultivée (ha) 0,75 5,5 0,75

Dépenses effectuées (Fcfa)* 119 250 875 000 119 250

Récolte obtenue (sac 100 kg) 12 88 12

Sacs vendus (11 000 Fcfa/sac) 4 24 3

Maïs

Recette issue de la vente (Fcfa) 44 000 264 000 33 000

Surface (ha) 0,35 0,75 0

Dépenses effectuées (Fcfa) 21 000 45 000 0

Récolte obtenue (sac 100 kg) 1,5 3 0

Sacs vendus (14 000 Fcfa/sac) 0 2 0

Sorgho

mbayeeri

Recette issue de la vente (Fcfa) 0 28 000 0

Surface (ha) 0,1 ha 0,25 0

Dépenses effectuées (Fcfa) 6 000 15 000 0

Récolte obtenue (sac 100 kg) 1 2 0

Sacs vendus 0 0 0

Riz

Recette issue de la vente (Fcfa) 0 0 0

Surface (ha) 0,1 ha 0,5 0

Dépenses effectuées (Fcfa) 6 000 30 000 0

Récolte obtenue (sac 100 kg) 0,5 1 0

Sacs vendus 0 0 0

Arachide/mil pénicillaire

Recette issue de la vente (Fcfa) 0 0 0

Totaux dépenses effectuées (en Fcfa) 152 250 965 000 119 250

Totaux recettes obtenues (en Fcfa) 44 000 292 000 33 000

*Sachant qu’un éleveur dépense en moyenne 159 000 Fcfa sur 1 ha de maïs et 60 000 Fcfa pour 1 ha de sorgho mbayeeri, une règle de trois pour permet d’avoir les dépenses effectuées sur les surfaces cultivées.

133 8.4. Organisation des travaux agricoles

Comme pour l’élevage, la planification et la prise de décision concernant les activités agricoles sont laissées à l’homme. Quelques éleveurs de type 1, surtout ceux de Ndiam Baba, s’occupent eux-mêmes de certaines opérations culturales comme les semis et les récoltes lorsqu’ils ne peuvent ou ne veulent pas utiliser de manœuvres (Photo 14). Quel que soit le type d’exploitation, leurs responsables accusent les manœuvres de bâcler le travail qui leur est confié : ils jetteraient les semences en désordre, sarcleraient mal les champs et voleraient une partie des récoltes38. Même si on a relevé la même appréciation du travail des manœuvres à Laïndé Ngobara, les éleveurs de ce territoire, quel que soit leur type, continuent à utiliser systématiquement les manœuvres pour toutes leurs activités agricoles.

Photo 14. Semis de maïs par les jeunes mbororo eux-mêmes à Ndiam Baba

Cliché : Kossoumna Liba’a Natali (2006)

Les éleveurs de type 2 participent à certains travaux champêtres comme les récoltes, notamment à cause des vols. Quant aux exploitations de type 3, elles utilisent exclusivement la main-d’œuvre rémunérée pour les activités agricoles... Rappelons que les exploitations du type 4 ne pratiquent pas l’agriculture.

Les femmes mariées n’ont pas de champs qu’elles cultivent à leur compte. Cependant, celles des éleveurs des types 1 et 2 font quelques cultures maraîchères de saison des pluies derrière la concession (en moyenne ¼ d’ha) : légumes, gombo, sésame, piment, concombre... Les légumes sont séchés et utilisés en période de pénurie de légumes en saison sèche.

Les femmes ayant des parcelles en propriété sont des veuves. Elles héritent les parcelles de leur défunt époux si les enfants n’ont pas encore fondé de foyer. Elles utilisent des

38 Lors des récoltes, les manœuvres dissimulent une partie du maïs récolté dans les herbes. Ils peuvent aussi revenir la nuit

134 manœuvres rémunérés ou de la main d’œuvre familiale gratuite ou encore organisent des travaux collectifs (sourga). Celles qui vivent chez un membre de la famille ne demandent pas l’avis de leur hôte pour la gestion de leurs récoltes. Elles participent néanmoins aux charges familiales en cédant une partie du maïs pour la consommation.

La majorité de ces spéculations se cultivent en saison des pluies (juillet à octobre). Les périodes de travail les plus intenses se situent aux phases d’implantation et d’entretien des cultures (juillet - août), puis à la période des récoltes (octobre – novembre). Globalement, les rendements sont plus élevés que ceux des agriculteurs mais il subsiste des disparités entre les exploitations. Les moins performantes sont celles des vieux éleveurs. Celles du type 1 ne font que légèrement mieux alors que les exploitations de type 2, plus anciennes dans la pratique de l’agriculture et ayant plus de moyens de travail et de fertilisation des sols à temps sont plus performantes.

8.5. Utilisation systématique de la fumure organique

Toutes les exploitations pastorales fument au moins une parcelle par campagne (Carte 13 et 14) : 43% des parcelles ont été fumées à Ndiam Baba et 63% à Laïndé Ngobara pour la campagne 2006. Les éleveurs mbororo sédentarisés du bassin de la Bénoué ont ainsi élaboré un modèle technique d’association et d’intensification agriculture-élevage Bien que leur entrée dans l’agriculture soit récente, les éleveurs connaissent bien les vertus du fumier animal pour l’entretien du statut organique des sols cultivés.

135 Organique Urée et NPK Organique, Urée et NPK Cultures pratiquées Organique puis urée