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Isothermes montantes : des structures encapuchonnées aux calottes

Chapitre 5. Influence des relaxations : étude de l’icosaèdre

5.2. Isothermes pour l’icosaèdre d’ordre 11

5.2.2. Isothermes montantes : des structures encapuchonnées aux calottes

La figure (5.2) présente les isothermes des différentes couches de l’agrégat obtenues en augmentant ∆μ tout en raffinant le pas en ∆μ (2 meV) dans la zone jouxtant le saut en concentration. Excepté l’isotherme de surface et celles des couches les plus centrales (de c9

à c11), toutes les isothermes présentent un saut en concentration dans le même intervalle de ∆μ (centré autour de 479 meV).

0,470 0,475 0,480 0,485 0,0 0,2 0,4 0,6 0,8 1,0 cp Δμ

Fig. 5.2: Zoom des isothermes à 500 K de l’icosaèdre d’ordre 11 en augmentant progressi-vement la valeur de ∆μ (en eV) par pas de 2 meV. Le code de couleur est le suivant :

c1 c2 c3 c4 c5 c6 c7 c8 c9 c10 c11.

Pour les couches intermédiaires (typiquement de c2 à c7), la borne inférieure de ce saut augmente progressivement de 0, 1 à 0, 5 à l’approche de la surface.

Après le saut, les couches 7 et 8 ne sont que partiellement enrichies en argent : la concen-tration de la couche 7 est proche de 0, 7 et celle de la couche 8 de 0, 2. Rappelons de plus que l’enrichissement de ces couches, ainsi que celui des couches centrales (de c9 à c11), s’effectue alors de façon continue, comme le montre la figure (5.1a).

L’évolution des isothermes, couplée à l’analyse des différentes configurations de l’agrégat, permet de différencier quatre stades lors de la montée des isothermes :

• Stade I (∆μ ≤ 450 meV). Il s’agit du stade de ségrégation superficielle usuelle, qui s’étend jusqu’à l’apparition du cycle d’hystérésis (cf. figure (5.1b)). La première couche de l’agrégat c1 s’enrichit en argent jusqu’à une concentration d’environ 0, 7, alors que les autres couches restent pratiquement pures en cuivre. On retrouve la hiérarchie pré-cédemment observée dans le cuboctaèdre avec un enrichissement préférentiel en argent des sommets suivis des arêtes et enfin des facettes comme le montre la figure (5.3).

0,0 0,1 0,2 0,3 0,4 0,5 0,0 0,2 0,4 0,6 0,8 1,0 cp Δμ

Fig. 5.3: Isothermes à 500 K de la couche 1 de l’icosaèdre d’ordre 11 en fonction de ∆μ (en eV) en distinguant les sommets (en noir), les arêtes (en rouge) et les facettes (en bleu).

• Stade II (450 meV≤ ∆μ ≤ 474 meV). Ce stade, situé dans le cycle d’hystérésis, est caractérisé par l’enrichissement partiel en argent des couches 2 à 6, alors que la surface devient pure en argent (Fig. (5.1b) et Fig. (5.2)). La figure (5.4) présente des configu-rations instantanées et les configuconfigu-rations moyennes de ces couches intermédiaires pour ∆μ = 474 meV. Contrairement à la surface où l’enrichissement procède de la hiérar-chie sommet / arête / facette en raison des nombres de liaisons coupées respectifs, l’enrichissement des couches c2 à c6 s’effectue sous forme de «capuchons» riches en

argent couvrant tous les sommets de façon quasi-identique. Ces capuchons s’emboîtent d’une couche à l’autre et leur taille augmente à mesure que ∆μ croît. Ce stade peut être vu comme un stade de prémouillage, où ce qui est abusivement appelé la «phase encapuchonnée riche en argent» s’étend par la croissance des capuchons au sein de chaque couche et, d’une couche à l’autre, par l’emboîtement d’un nombre croissant de capuchons.

0 0 0 3 10-5

1 1 0,8 6 10-4

Couche 2 Couche 3 Couche 4 Couche 5

cmax

cmin

Fig. 5.4: Configurations instantanées (figures du haut) et configurations moyennes (figures du bas) des couches intermédiaires (2 à 5 de la gauche vers la droite) de l’agrégat à 500 K pour ∆μ = 474 meV. Figures du haut : les atomes d’argent sont représentés en gris et ceux de cuivre en jaune. Figures du bas : les valeurs maximales (rouge) et minimales (bleu) du dégradé de couleur des configurations moyennes des différentes couches sont indiquées au-dessus et en dessous de l’agrégat. Notez les changements d’échelle pour les configurations moyennes des différentes couches, notamment pour la couche 5.

• Stade III (474 meV< ∆μ ≤ 478 meV). Ce stade, situé juste avant le saut en

coalescence entre les capuchons couvrant les sommets des couches intermédiaires. Ces capuchons, identiques les uns aux autres dans le stade précédent (Fig. (5.4)), deviennent dissemblables dans le stade III. Certains grossissent au détriment des autres, cela étant particulièrement visible pour les couches 2 et 3 à ∆μ = 476 meV (figure (5.5)).

0 0 0 0

1 1 1 0,85

Couche 2 Couche 3 Couche 4 Couche 5

cmax

cmin

Fig. 5.5: Configurations instantanées (figures du haut) et configurations moyennes (figures du bas) des couches intermédiaires (2 à 5 de la gauche vers la droite) de l’agrégat à 500 K pour ∆μ = 476 meV. Figures du haut : les atomes d’argent sont représentés en gris et ceux de cuivre en jaune. Figures du bas : les valeurs maximales (rouge) et minimales (bleu) du dégradé de couleur des configurations moyennes des différentes couches sont indiquées au-dessus et en dessous de l’agrégat.

Cette coalescence se poursuit jusqu’à son stade ultime, où les petits capuchons dis-paraissent totalement au profit des plus gros, ces derniers coagulant entre eux pour former une calotte sphérique unique comme on peut le voir pour les couches 4 et 5 à ∆μ = 478 meV (figure (5.6)).

0 0 0 0

1 1 1 1

Couche 2 Couche 3 Couche 4 Couche 5

cmax

cmin

Fig. 5.6: Configurations instantanées (figures du haut) et configurations moyennes (figures du bas) des couches intermédiaires (2 à 5 de la gauche vers la droite) de l’agrégat à 500 K pour ∆μ = 478 meV. Figures du haut : les atomes d’argent sont représentés en gris et ceux de cuivre en jaune. Figures du bas : les valeurs maximales (rouge) et minimales (bleu) du dégradé de couleur des configurations moyennes des différentes couches sont indiquées au-dessus et en dessous de l’agrégat.

Sur cette figure, on observe que l’évolution vers une calotte sphérique n’est pas encore totalement achevée pour les couches 2 et 3. Notons que cette évolution est confrontée à des effets antagonistes, un capuchon pouvant initialement grossir dans l’étape de coalescence puis diminuer dans l’étape de coagulation s’il se trouve dans la partie de la couche opposée à la calotte sphérique. Une telle situation est clairement visible dans les couches 2 et 3 montrées figure (5.6), où le capuchon se trouvant dans la partie supérieure arrière droite de l’agrégat est appelé à disparaître, alors qu’il faisait partie des capuchons ayant crû dans l’étape de coalescence. Cela pose naturellement la question de savoir si les structures observées sont correctement équilibrées, même si

le nombre de pas de simulation peut être considéré comme élevé : 500000 pas MC avec un pas en ∆μ très fin (2 meV), ce qui implique que la simulation, pour une valeur de ∆μ donnée, part d’une configuration censée être déjà proche de l’équilibre.

L’évolution des concentrations instantanées en fonction du nombre de pas Monte Carlo pour différentes valeurs de ∆μ permet de suivre la mise à l’équilibre du système. La figure (5.7) montre ainsi l’évolution de la concentration de la couche c3 en fonction du nombre de pas MC, ceci pour trois valeurs de ∆μ : 476, 478 et 480 meV. Bien que cette dernière valeur, qui correspond au saut de concentration, appartienne au stade suivant, elle se révèle particulièrement utile pour comprendre le régime III.

(a) (b) (c)

Fig. 5.7: Evolution de la concentration instantanée de la couche c3 à T = 500 K en fonction du nombre de pas Monte Carlo (PMC) pour différentes valeurs de ∆μ : 476 (a), 478 (b) et 480 meV (c).

Pour la première valeur de ∆μ (476 meV), la concentration c3 montre un léger dé-crochement au bout d’environ 150000 pas, passant de 0, 2 à 0, 24 (figure (5.7a)). Pour cette couche de 642 atomes, ce décrochement est dû à l’accroissement, pour trois capu-chons, d’une rangée supplémentaire au niveau de leur base. Ainsi, cette valeur de ∆μ correspond au tout début de la disymétrisation des capuchons. Même si la concentra-tion de la couche semble s’être stabilisée à la valeur de 0, 24, il n’est pas exclu qu’une simulation plus longue d’un ou de plusieurs ordres de grandeur pourrait conduire à un accroissement plus prononcé de certains capuchons.

Cette éventualité est renforcée par l’analyse de l’évolution de c3 pour ∆μ = 478 meV (Fig. (5.7b)). On observe des paliers qui correspondent aux stades successifs de l’exten-sion de certains capuchons jusqu’à leur coagulation. Au vu des configurations moyenne et instantanée (en fin de simulation) de cette couche montrées Fig. (5.6), il est probable que des simulations de plus longue durée auraient conduit à la disparition des derniers capuchons isolés au profit de la calotte sphérique, cette configuration étant également celle des couches c2 à c7. Dans cet état (rappelons qu’il ne s’agit que de l’état du bas du cycle d’hystérésis, l’état du haut étant détaillé dans le paragraphe consacré à l’iso-therme obtenue en ∆μ décroissant), l’agrégat est alors formé d’une couche de surface c1

pure en argent, suivie d’une structure démixtée sous forme d’une calotte sphérique pure en argent couvrant une partie des couches c2 à c7, et enfin d’un coeur constitué des couches c8 à c11 pur en cuivre. L’existence d’une telle structure démixtée dans les couches intermédiaires peut paraître très étonnante dans l’ensemble grand canonique. En effet, si les phases pure en argent et pure en cuivre de ces couches intermédiaires ont même énergie libre, une simulation dans l’ensemble grand canonique devrait conduire ces couches à osciller d’une phase à l’autre dans un équilibre dynamique (ou à être dans une seule de ces phases si la barrière d’énergie entre les deux phases est trop élevée pour être franchie durant les simulations) pour éviter ainsi la formation d’une paroi d’interphase. Cet argument classique ne s’applique probablement pas à un objet constitué de sites cristallographiquement hétérogènes, où les contraintes jouent de plus un rôle important en raison de la différence de taille entre Cu et Ag.

La figure (5.7c) montre l’évolution de la concentration instantanée de la couche c3 pour ∆μ = 480meV, valeur située juste après le saut de concentration. Bien qu’appartenant au régime suivant (stade IV décrit ci-dessous), cette valeur de ∆μ montre comment la calotte sphérique croît progressivement (sur les 150000 premiers pas de la simulation)

pour conduire à des couches c2 à c6 pures en argent (figure (5.2)). Notons que cette mise à l’équilibre est très lente par rapport aux régimes I et II, pour lesquels l’équilibre ne nécessite que quelques dizaines de milliers de pas MC.

Nous ne pouvons donc pas exclure que l’évolution lente par paliers observée à 478 meV (qui conduit à la formation de la calotte sphérique avec quelques capuchons résiduels) ne puisse pas aboutir à l’état observé à ∆μ = 480 meV, où la calotte sphérique fait place à une configuration dite en « noyau de cerise », où la majeure partie de l’agrégat est pure en argent (couches c1 à c6), les couches centrales (de c9 à c11, le « noyau de cerise ») étant pures en cuivre. La vérification de la stabilité réelle de la structure à calotte sphérique dans l’ensemble grand canonique nécessiterait donc des simulations supplémentaires de durée beaucoup plus longue. Nous reviendrons cependant sur les implications des présents résultats quand nous les comparerons aux observations ex-périmentales et aux résultats pouvant être obtenus dans l’ensemble canonique (où la concentration nominale de l’agrégat est fixée).

• Stade IV (∆μ ≥ 480 meV). Ce stade, qui commence juste après le saut de concen-tration et qui est donc situé en dehors du cycle d’hystérésis, correspond au rétrécisse-ment progressif du « noyau de cerise » au fur et à mesure que ∆μ augrétrécisse-mente. L’agrégat est désormais riche en argent (cnom > 0, 96, valeur calculée juste après le saut) et les configurations obtenues résultent d’une ségrégation de cuivre au cœur d’un agrégat riche en argent. Rappelons que cette forte ségrégation du cuivre dans les couches cen-trales c9 à c11est due à l’existence d’une contrainte de compression importante sur ces sites [62]. La montée successive (de type « couche par couche ») des isothermes sur ces trois couches reflète la hiérarchie des enthalpies de ségrégation, elle-même parfaite-ment corrélée à la hiérarchie des contraintes sur ces trois couches (tableau (5.1)) [62]. Précisons que les valeurs reportées dans le tableau (5.1) sont obtenues à 0 K dans la

limite infiniment diluée en cuivre.

c9 c10 c11

σ (GPa) 11 18 37

∆Hseg(meV ) -280 -460 -930

Tab. 5.1: Contrainte et enthalpie de ségrégation calculées à 0 K pour les trois couches de cœur c9, c10 et c11 dans l’icosaèdre pur en argent. Une valeur positive de σ indique une contrainte en compression et une valeur négative de ∆Hseg une enthalpie favorable à la ségrégation du cuivre.

Juste après le saut, les couches c7 et c8 jouent le rôle d’interface entre la «cerise» pratiquement pure en argent (couches c1 à c6) et son « noyau» quasi-pur en cuivre (couches c9 à c11). Ces couches d’interface présentent des fluctuations de concentration beaucoup plus importantes que leurs couches adjacentes (c6 et c9), comme le montre la figure (5.8).

Fig. 5.8: Evolution de la concentration instantanée des couches 6 et 9 (a) et 7 et 8 (b) à T = 500 K en fonction du nombre de pas Monte Carlo (Pas MC) pour ∆μ = 482 meV. Le code de couleur est le suivant : c6 c7 c8 c9

.

Ces fluctuations peuvent indiquer la présence d’un équilibre dynamique dans chacune de ces couches. L’analyse de la configuration moyenne et des configurations

instanta-nées de la couche 7 à ∆μ = 482 meV (Fig. (5.9)) montre des analogies entre cette situation et celle rencontrée à la surface du cuboctaèdre à 300 K. Dans les deux cas, toutes les facettes d’un même type (pour l’icosaèdre, il n’y en a que d’un type) ont même concentration moyenne mais les concentrations instantanées peuvent être très différentes d’une facette à l’autre. Si nous avons mis en évidence un équilibre dyna-mique pour la surface du cuboctaèdre en analysant les fluctuations de concentration pour une facette donnée, nous n’avons pas mené une telle analyse pour les couches c7

et c8 de l’icosaèdre. Cependant, l’observation de facettes quasi pures en argent d’une part et quasi pures en cuivre d’autre part dans la configuration instantanée montrée figure (5.9) laisse présager l’existence d’un équilibre dynamique individuel par facette.

0,70

0,86

cmax

cmin

(a) (b)

Fig. 5.9: Configuration instantanée (a) et configuration moyenne (b) de la couche 7 de l’agré-gat à 500 K pour ∆μ = 482 meV. En (a), les atomes d’argent sont représentés en gris et ceux de cuivre en jaune. En (b), les valeurs maximale (rouge) et minimale (bleu) du dégradé de cou-leur de la configuration moyenne sont indiquées au-dessus et en dessous de l’agrégat. Notez l’amplitude restreinte de l’échelle utilisée pour la concentration moyenne.

Une étude détaillée de ce point fait partie des perspectives de ce travail, sachant que le choix d’une température plus basse pour se placer nettement en-dessous de la température critique 2D d’une facette d’icosaèdre serait sans doute judicieux. Ajoutons qu’un tel équilibre dynamique individuel par facette a tout récemment été mis en évidence dans le même système

Cu-Ag, lors d’une simulation à plus basse température (75 K) portant sur la surface d’un icosaèdre de 309 atomes [107], surface qui contient le même nombre d’atomes (162) que la couche 7 de l’icosaèdre étudié dans ce travail.

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