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Chapitre 2. Des surfaces aux facettes

2.4. Equilibre dynamique

Nous détaillons dans ce paragraphe la nature du régime 2 pour les facettes (100) qui se situe, rappelons-le, dans une plage très étroite de valeurs de ∆μ, très proches de la valeur critique de la transition de phase du premier ordre apparaissant dans les isothermes en champ moyen (figure (2.10)).

La figure (2.12) montre deux configurations instantanées de la surface de l’agrégat pour

∆μ = 475, 2meV.

Fig. 2.12: Simulations Monte Carlo pour le cuboctaèdre à 300 K pour ∆μ = 475, 2 meV (régime 2). Deux configurations instantanées (en jaune les atomes de cuivre et en gris ceux d’argent ) (a) et (b) et configuration moyenne correspondante (c). Le dégradé de couleur varie du bleu foncé (cmin = 0) au rouge foncé (cmax= 1).

Au sein d’une même configuration instantanée, les facettes (100) ont des concentrations très différentes, les unes étant pratiquement pures en argent (comme dans le régime 3), alors que les autres ont des configurations typiques de celles du régime 1 (couronnes extérieures enrichies en argent et couronnes centrales pratiquement pures en cuivre). Par ailleurs, d’une configuration instantanée à l’autre, une même facette voit sa concentration changer très fortement, passant là-encore d’une configuration pratiquement pure en argent à une

confi-guration typique du régime 1. La présence simultanée de facettes (100) riches en cuivre et riches en argent dans les configurations instantanées peut évoquer un état biphasé similaire à celui prédit pour les surfaces d’alliages semi-infinis pour le potentiel chimique critique.

Notons néanmoins les différences suivantes entre les deux situations :

• pour l’agrégat, cet état "biphasé" pour les configurations instantanées est observé sur une étroite plage en ∆μ alors que la coexistence des deux états pour des surfaces (100) infinies n’apparaît que pour la valeur critique ∆μ1c et ne peut donc pas être obtenue en pratique dans des simulations MC grand canonique ;

• pour l’agrégat, la concentration d’équilibre d’une facette augmente continûment avec ∆μ alors qu’il existe une discontinuité pour une surface infinie.

Revenons au paradoxe suivant : la concentration d’équilibre (obtenue comme moyenne des configurations instantanées) est homogène d’une facette à l’autre (figure (2.12)), alors que l’observation des configurations instantanées montre de très fortes hétérogénéités. Ceci est le signe de très fortes fluctuations de la concentration instantanée pour un ensemble de sites équivalents. Ainsi, chaque facette est le siège d’un équilibre dynamique entre deux états, l’un aux couronnes centrales pratiquement pures en cuivre et l’autre où ces couronnes sont pratiquement pures en argent. Cet équilibre dynamique est clairement mis en évidence dans la figure (2.13a) montrant les fluctuations de la concentration de la couronne de coeur (consti-tuée des neuf atomes centraux) d’une facette (100) donnée. Si la concentration instantanée de cette facette fluctue considérablement au cours de l’équilibre dynamique (figure (2.13a)), la concentration instantanée de l’ensemble des facettes de même orientation n’est pas soumise à de telles fluctuations comme l’indique la figure (2.13b).

Fig. 2.13: Concentration instantanée de la couronne centrale (9 atomes) d’une facette (100) donnéeen fonction du nombre de pas Monte Carlo à 300 K pour ∆μ = 475, 2 meV (régime 2) (a) et concentration instantanée de l’ensemble des couronnes centrales (6x9 = 54 atomes) des facettes (100) en fonction du nombre de pas dans les mêmes conditions de simulation (b).

Cette bistabilité entre deux états qui caractérise le régime 2 se traduit par des densités d’états configurationnels bimodales (figure (2.14)). Ainsi, dans les régimes 1 (figure (2.14a)) et 3 (figure (2.14c)), ces densités sont monomodales alors qu’elles deviennent bimodales dans le régime 2 (figure (2.14b)). La montée très raide de l’isotherme dans le régime 2 correspond à un peuplement croissant de l’état c ≈ 1 et à un dépeuplement de l’état c ≈ 0, les concentrations caractérisant ces deux états (c = 0, 01 et c = 0, 97) restant pratiquement constantes durant tout le régime 2, comme ce serait le cas pour les limites de solubilité dans un système infini biphasé.

Nous avons ainsi montré l’existence de deux états pour la facette (100), analogues à ceux observés lors de la transition de phase du premier ordre pour la surface infinie (surface de l’alliage semi-infini où le nombre d’atomes par plan parallèle à la surface est infini). La continuité de l’isotherme dans le cas de la facette de l’agrégat vient du dépeuplement progressif d’un état au profit de l’autre. Ceci est un pur effet de la taille finie. En effet, pour une surface infinie, le facteur de Boltzmann dans lequel la différence d’énergie entre les deux

états est proportionnelle au nombre de sites N (et donc tendant vers l’infini quand N → ∞) conduit au peuplement d’un seul état dès que cette différence d’énergie est non nulle (i.e. dès que ∆μ 6= ∆μc). Ce caractère bimodal de la densité d’états doit disparaître au-dessus d’une température critique, analogue de la température critique de la transition de phase du premier ordre pour une surface infinie.

Fig. 2.14: Densités d’états configurationnels (DEC) obtenues par simulation Monte Carlo à 300 K sur les 9 sites centraux d’une facette (100). DEC représentative (a) du régime 1 (∆μ = 473 meV), (b) du régime 2 (∆μ = 475, 2 meV) et (c) du régime 3 (∆μ = 480 meV). Le trait vertical représente la concentration d’équilibre sur cette couronne centrale.

Afin de vérifier cette prédiction, nous avons réalisé la même analyse à 1100 K (fi-gure (2.15)).

Fig. 2.15: Densités d’états configurationnels (DEC) obtenues par simulation Monte Carlo à 1100 K sur les 9 sites centraux d’une facette (100). DEC représentative (a) du régime 1 (∆μ = 310 meV), (b) du régime 2 (∆μ = 465 meV) et (c) du régime 3 (∆μ = 530 meV). Le trait vertical représente la concentration d’équilibre sur cette couronne centrale.

La densité d’états devient effectivement monomodale, centrée autour de la valeur moyenne de la concentration, symbolisée par le trait vertical. Il existe donc bien une température cri-tique pour les facettes (100), température séparant les régimes bimodal et monomodal de

la densité d’états configurationnels. Ajoutons que le même type de comportement est égale-ment observé pour les facettes (111).

Les simulations Monte Carlo montrent que les isothermes des facettes (100) et (111) ne présentent pas de saut en concentration. On observe néanmoins des caractéris-tiques qui rappellent les transitions de phase du premier ordre observées pour les surfaces infinies. Ainsi, les densités d’états configurationnels relatives aux centres des facettes indiquent l’existence de deux états, l’un quasi pur en cuivre et l’autre en argent, le premier se dépeuplant continûment au profit du second lorsque ∆μ augmente. Ce caractère bimodal de la densité d’états disparaît à plus haute tempé-rature, ce qui permet de définir une température critique malgré la continuité des isothermes.

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