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Cette partie est dédiée à l’irradiation du ZIF-8. Nous verrons que ce composé est le MOF le plus sensible aux irradiations γ. Afin de comprendre comment se réalise la dégradation de ce composé, nous avons effectué des analyses complémentaires à la diffraction des rayons X et l’adsorption d’azote à 77 K, telles que la RMN du solide et l’infrarouge. 1)Description du ZIF-8

Le composé ZIF-8[79] est un MOF construit à partir de l’assemblage de ligands 2- méthylimidazole et de cations zinc (Figure II-40). La SBU de ce composé est un tétraèdre ZnN4. Chaque tétraèdre ZnN4 est relié à quatre autres tétraèdres par l’intermédiaire du ligand imidazolate. Cet assemblage génère une topologie de type sodalite (SOD) laissant apparaitre des cages d’un diamètre de 11,6 Å. Ce MOF est réputé pour être un des plus stables en présence d’humidité[67]. T. Nenoff l’a étudié pour la capture de l’iode radioactif[3].

Figure II-40 Illustration du ZIF-8. (haut à droite) représentation du ligand 2-méthylimidazole. (bas à droite) représentation du tétraèdre ZnN4.

2)Observation visuelle

L’irradiation du ZIF-8 conduit à un changement drastique de la couleur du produit (Figure II-41). Cela n’avait pas été observé pour les MOF étudiés précédemment.

La couleur de la poudre de ZIF-8 passe du blanc au jaune, lorsque le composé est irradié. Un constat similaire est observé pour les cristaux du ligand 2-méthylimidazole. Le

changement de couleur suite à l’irradiation a déjà été observé sur des liquides ioniques (dérivés d’imidazolium)[76–78]. Les informations rapportées dans la littérature relatives aux liquides ioniques ne permettent pas d’expliquer ce changement de couleur.

Figure II-41 Illustration du changement de couleur provoqué par l’irradiation γ. 3)Diffraction des rayons X

L’évolution du diffractogramme du ZIF-8 en fonction de l’irradiation montre un élargissement des pics de Bragg, correspondant à une perte de cristallinité (Figure II-42). La diffraction des rayons X ne révèle pas la formation d’une autre phase au cours de l’irradiation.

Figure II-42 Evolution du diffractogramme du ZIF-8 en fonction de la dose d’irradiation γ. (λCu; 2θ)

L’élargissement des raies est surtout perceptible à partir de l’irradiation 1250 kGy. Pour les doses inférieures à 1250 kGy, l’élargissement des raies de diffraction n’est pas visible. Pour les doses supérieures, un élargissement progressif des raies de diffraction est observé. Entre 1250 kGy et 1750 kGy, la largeur à mi-hauteur (FWHM) de la raie 222 (18°2θ) varie linéairement en fonction de la dose d’irradiation (Figure II-43).

L’évolution du diffractogramme du ZIF-8 en fonction de la dose d’irradiation (Figure II-42) indique également l’effondrement des intensités des raies de diffraction aux grands

angles (2θ > 20). Ce constat laisse présager un bouleversement de l’ordre « local » au sein de la matrice hybride du ZIF-8.

Figure II-43 Evolution de la largeur à mi-hauteur (FWHM) de la raie située à 17 °2θ en fonction de la dose d’irradiation.

4)Adsorption d’azote à 77K

Les isothermes d’adsorption de N2 à 77K des matériaux ZIF-8 (de type I, Figure II-44) irradiés et non irradié montrent une perte de la porosité des solides ZIF-8 lorsqu’ils sont soumis à une irradiation. Les valeurs des surfaces BET et de Langmuir, ainsi que le volume microporeux des ZIF-8 irradiés par des doses de 1250, 1500 et 1750 kGy, sont reportés dans le Tableau II-19.

Figure II-44 Comparaison des isothermes d’adsorption de l’azote à 77K du ZIF-8 non irradié (noir) et des ZIF-8 irradiés (1250 kGy en violet ; 1500 kGy en vert ; 1750 kGy en bleu). En ligne continue l’adsorption ;

en ligne pointillée la désorption. STP : Standard Temperature and Pressure

Le ZIF-8 utilisé comme référence a une surface BET de 1326 m²/g. Le solide ZIF-8 irradié par une dose de 1250 kGy perd 136 m²/g (SBET) par rapport au composé non irradié. Lorsque le ZIF-8 est irradié par une dose de 1500 kGy, la surface spécifique chute

considérablement (∆SBET = -550 m²/g). Cette diminution se poursuit pour les doses supérieures (à 1750 kGy ∆SBET = -728 m²/g).

Tableau II-19 Récapitulatif des données obtenues à partir de l’isotherme d’adsorption du N2 à 77K du

ZIF-8 en fonction de la dose d’irradiation γ.

Composé SBET (m2/g) SLangmuir (m2/g)

Volume microporeux (cm3/g) référence 1326 ± 13 1566± 1 0,545 1250 kGy 1190 ± 10 1422 ± 6 0,418 1500 kGy 776 ± 6 927 ± 4 0,269 1750 kGy 598 ± 4 714 ± 4 0,198

Cette chute de la surface spécifique est le signe de l’effondrement de la charpente du ZIF-8. L’étude par la diffraction des rayons X, montrait une amorphisation du solide pour les doses supérieures à 1500 kGy.

5)Analyse RMN du ZIF-8

Les échantillons ZIF-8 et Him non irradiés et irradiés 1750 kGy ont été analysés par RMN solide CP-MAS (rotation à angle magique et polarisation croisée) du 13C et du 15N. Les manipulations ont été effectuées sur un spectromètre 400 MHz.

5a)Analyse RMN 13C

La comparaison des spectres RMN 13C des composés ZIF-8 non irradié, ZIF-8 irradié à 1750 kGy, Him non irradié et Him irradié à 1750 kGy est représentée sur la Figure II-45.

Figure II-45 Comparaison des spectres RMN 13C des composés ZIF-8 non irradié (vert), ZIF-8 irradié à 1750kGy (bleu), Him non irradié (rouge) et Him irradié à 1750kGy (noir). * Bandes de rotation.

Pour le ligand 2-méthylimidazole (Him) non irradié, quatre signaux sont observés correspondant chacun aux quatre atomes de carbone du ligand (C1, C2, C3, et C4) (Figure II-46). Les atomes de carbone C1, C2, C3, et C4 sont respectivement situés à 14,3, 145, 116 et 126 ppm (Figure II-45). Le spectre 13C du ligand irradié est identique à celui du ligand non irradié. Ce constat laisse présager qu’il n’y a pas de modification de l’environnement chimique des carbones du ligand lors de l’irradiation.

Figure II-46 Représentation du 2-méthylimidazole (Him) (gauche) et du ligand im dans le ZIF-8. Le spectre 13C du ZIF-8 non irradié comporte seulement trois signaux situés à 13,7, 124,2 et 151,2 ppm (Figure II-45). Le spectre du ZIF-8 non irradié est en parfait accord avec celui observé par Patarin et al[80]. Cette observation signifie que deux atomes de carbone du ligand sont équivalents dans le solide ZIF-8. Ce constat est en accord avec la structure du ZIF- 8, dans laquelle les atomes d’azote du ligand (im) sont équivalents cristallographiquement. Seuls trois environnements chimiques pour le carbone sont observés (Figure II-46). Les signaux du ZIF-8 sont très fins, reflétant une très bonne cristallinité de l’échantillon.

Le matériau ZIF-8 irradié (1750 kGy) présente un spectre 13C différent (Figure II-45). Les trois signaux du carbone sont présents aux mêmes valeurs de déplacements chimiques. Cependant, un élargissement et un dédoublement sont perceptibles. Cette constatation est le signe que l’environnement des carbones du ligand est modifié, et correspondrait à une nouvelle distribution de longueurs de liaison et/ou d’angles.

5b)Analyse RMN 15N

La comparaison des spectres RMN 15N des composés ZIF-8 non irradié, ZIF-8 irradié à 1750 kGy, Him non irradié et Him irradié à 1750 kGy est représentée sur la Figure II-47.

Figure II-47 Comparaison des spectres RMN 15N des composés ZIF-8 non irradié (vert), ZIF-8 irradié à 1750kGy (bleu), Him non irradié (rouge) et Him irradié à 1750kGy (noir).

Le spectre du ligand 2-méthylimidazole (Him) non irradié présente deux signaux correspondant chacun aux deux atomes d’azote du ligand (N1 et N2) (Figure II-48). Les signatures de ces atomes d’azote sont observées à -135 et -204 ppm. Le spectre du ligand 2- méthylimidazole irradié par une dose de 1750 kGy est superposable à celui du composé non irradié. Cette observation laisse présager l’absence de modification de l’environnement des atomes d’azote du ligand Him lors de son irradiation.

Figure II-48 Représentation du 2-méthylimidazole (Him) (gauche) et du ligand im dans le ZIF-8. En revanche, les spectres du ZIF-8 non irradié et du ZIF-8 irradié à 1750 kGy sont différents (Figure II-47). Le spectre du ZIF-8 non irradié contient un seul signal fin situé à - 175 ppm, correspondant à la présence d’un seul type d’environnement pour les atomes d’azote (N3) dans le ZIF-8. En effet, dans le matériau ZIF-8, les deux atomes d’azote sont déprotonés et liés à un atome de zinc (Figure II-48).

Le spectre du ZIF-8 irradié par une dose de 1750 kGy est relativement similaire à celui du ZIF-8 non irradié, avec deux différences notables. La première est l’augmentation de la largeur du signal. Cette constatation est le signe d’une distribution d’environnement chimique,

qui peut être corrélée à une amorphisation partielle du composé. La seconde différence est l’apparition d’un signal large de faible intensité à -208 ppm. Pour le moment, ce signal (-208 ppm) n’est pas attribué. Il indiquerait la présence d’un nouvel environnement pour les atomes d’azote, associé soit à une cassure de la liaison C-N, soit de la liaison N-Zn.

6)Analyse par infrarouge

Les ligands 2-méthylimidazole irradiés et non irradié, ainsi que les ZIF-8 irradiés et non irradiés, ont été analysés par spectroscopie infrarouge. Cette technique permet d’analyser la présence ou l’absence de groupements fonctionnels générant des bandes d’absorption caractéristiques. De ce fait, il est possible d’observer a posteriori la destruction ou création de liaisons.

L’irradiation du ligand n’implique pas de grands changements de la signature infrarouge du 2-méthylimidazole. Deux légères modifications sont tout de même à signaler : l’une dans la zone 3700-2150 cm-1, l’autre à 1676 cm-1 (Figure II-49). La zone spectrale 3700- 2150 cm-1 est caractéristique des vibrations C-H associées aux cycles imidazoles et aux groupements méthyles. Elle recouvre également les vibrations des liaisons N-H. Une intensification des bandes d’absorption 3500-3000 cm-1 est remarquée pour les spectres Him- 1750 et Him-1500. Cela peut traduire une modification des liaisons hydrogène au sein de l’agencement moléculaire caractérisant le ligand. Pour la bande d’absorption située à 1676 cm-1, un élargissement ainsi qu’une intensification du pic sont constatés lors de l’irradiation. Cette bande est attribuée à une vibration C-N. Compte tenu de ces petites modifications, il semblerait que le composé 2-méthylimidazole soit très légèrement altéré par l’irradiation.

Figure II-49 Evolution du spectre infrarouge du ligand 2-méthylimidazole en fonction de la dose d’irradiation γ.

L’irradiation du solide ZIF-8 modifie la signature infrarouge du MOF. Le domaine spectral le plus affecté par l’irradiation est celui compris entre 1740-1530 cm-1. En effet, sur le composé ZIF-8 de référence, un seul pic situé à 1583 cm-1 est observé. Celui-ci correspond aux vibrations de la liaison C=N (vC=N)[81], tandis que sur les spectres irradiés des solides, un pic très intense est observé à 1638 cm-1. Cette observation pourrait être corrélée à une modification de longueurs des liaisons C-N. Ce changement avait déjà été rapporté par spectroscopie infrarouge in-situ du ZIF-8 sous pression (1,24 GPa)[81]. Le pic additionnel situé à 1354 cm-1 semblerait être associé à une vibration du cycle imidazole et conforterait les modifications de longueur de liaison C-N. Cependant, il est difficile d’en déterminer l’ampleur, car l’allure générale du spectre infrarouge sur la zone 1300-500 cm-1, reste quasiment inchangé, quel que soit le degré d’irradiation.

Figure II-50 Evolution du spectre infrarouge du ZIF-8 en fonction de la dose d’irradiation γ.