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3)Influence de la topologie

Dans un premier temps, l’influence de la topologie sur la capture du diiode a été investiguée. Pour ce faire, nous avons comparé la cinétique d’adsorption de six MOF rigides (MIL-96, MIL-100, MIL-101-NH2, MIL-118, MIL-120 et CAU-1). La Figure II-2 représente l’évolution du taux de décontamination molaire en fonction du temps de contact entre la solution ([I2] = 0,01M) et la poudre de MOF. La topologie d’une structure poreuse est définie par la forme des pores (cavités ou tunnels), la surface spécifique et la taille des ouvertures des pores.

Les résultats obtenus montrent une grande différence vis-à-vis de la capture de diiode entre ces six MOF. Pour un temps de contact de 48 heures, le composé MIL-101-NH2 adsorbe

quasiment quinze fois plus d’iode que le composé MIL-96. Les solides MOF MIL-101-NH2, CAU-1, et MIL-120 montrent une capacité de piégeage supérieure à 75%. Le MIL-118 et le MIL-96 sont beaucoup moins performants puisqu’ils adsorbent respectivement 14 et 6% de l’iode initialement présent en solution. Le MIL-100 n’adsorbe que 40% du diiode dissout dans le cyclohexane.

Figure II-2 Etude de la cinétique d’adsorption du diiode dissout dans le cyclohexane (0,01M) par les six MOF rigides (MIL-96, MIL-100, MIL-101-NH2, MIL-118, MIL -120 et CAU-1).

Il est légitime de penser que la capacité d’adsorption de l’iode est proportionnelle avec la surface spécifique. Ce raisonnement est vérifié en partie, puisque les composés MIL-118 et le MIL-96 (MOF peu poreux) n’adsorbent quasiment pas l’iode. Cependant, l’autre MOF peu poreux, MIL-120 (~300 m²/g), montre une très grande affinité avec l’iode (~80%). Cette argumentation est également mise à défaut avec la comparaison entre les performances des MIL-101-NH2 et CAU-1 par rapport au MIL-100. En effet, le taux de décontamination de la solution de diiode lors de la mise en contact avec la poudre de MIL-101-NH2 (2100 m²/g) ou le CAU-1 (1434 m²/g) est deux fois plus élevé que pour le MIL-100 (2152 m²/g), alors que les surfaces spécifiques sont relativement proches.

Un paramètre pouvant bloquer l’adsorption de l’iode est la taille des fenêtres permettant l’accès aux pores. En effet, il semble logique que des ouvertures de pores plus petites que le diamètre cinétique du diiode, empêchent sa diffusion à l’intérieur du solide. L’adsorption se fera donc uniquement en surface des grains de MOF. Compte tenu du diamètre cinétique du diiode (~4 Å), il est certain que le MIL-118 qui possède une ouverture de pore de 2 X 4 Å, ne puisse capter l’iode. Au premier abord, la différence de taux de

décontamination entre le CAU-1 (~80%) et le MIL-96 (6%) peut paraitre surprenante puisqu’ils ont des ouvertures similaires entre 3 et 4 Å.

Pour comprendre cette différence, il est nécessaire d’aborder la structure du MIL-96. Celui-ci contient des grandes cavités (750 Å3) qui sont reliées entre elles par l’intermédiaire de cavités plus petites (100 Å3). Cependant, il a été noté dans la littérature[16] que les petites cavités du MIL-96(Al) contiennent un cation aluminium en configuration octaédrique. La présence de ce cation métallique n’est pas observée dans les MIL-96(Ga)[29] et MIL-96(In)[30] (Figure II-3). Il est fortement probable que la présence du cation Al3+ dans les petites cavités bloque la diffusion du diiode dans le composé, et par conséquent limite son adsorption.

Figure II-3 Illustration du MIL-96 (In et Ga) (gauche) et MIL-96(Al) (droite) montrant l’obstruction des pores du MIL-96(Al) par la présence de cations aluminium dans les cavités de 100 Å3. Les éléments trivalents (Al, In, Ga) sont en bleu, Al dans les cavités en vert olive, H en blanc, O en rouge et C en noir.

Les autres composés étudiés (MIL-100, MIL-101-NH2, MIL-120) ont des ouvertures de pores supérieures au diamètre cinétique de I2. Ce paramètre n’explique pas seulement leurs différences de comportement vis à vis de son adsorption.

La forme des pores ne semble pas avoir un impact majeur sur le piégeage. En effet, les composés MIL-100 et MIL-101-NH2 ont la même topologie (MTN) mais montrent des capacités d’adsorption différentes. Pour les solides MIL-120 et CAU-1, le constat est inverse, c’est-à-dire qu’ils ont des taux de décontamination similaire (~80%) mais des géométries de pores très différentes (tunnels vs cages).

Il a été montré que si les ouvertures des pores sont inférieures ou comparables au diamètre cinétique de l’iode, la capture de l’iode est limitée (MIL-118 et MIL-96). Cette observation souligne l’influence de la topologie, mais ne permet pas d’expliquer les taux de décontamination des autres MOF. En effet, il ne peut pas être établi de lien direct entre la surface spécifique et le taux de décontamination. Il apparait donc qu’un ou plusieurs autres paramètres régissent l’adsorption de l’iode. Pour répondre à cette interrogation, l’hypothèse

envisagée est la présence de groupements chimiques favorisant l’adsorption de l’iode. Comme le souligne la différence d’adsorption du diiode entre le MIL-100 et le MIL-101-NH2 (40% vs 100%), la présence du groupement amino (-NH2) sur la paroi organique du MIL-101 semble favoriser sa capture. Cette supposition est également appuyée par le taux de décontamination important d’un solide CAU-1 contenant aussi des groupements amino. A ce stade de l’étude, la capacité de capture du MIL-120 (~80%) n’est pas explicable.

4)Influence de la fonctionnalisation

Il vient d’être montré que l’impact de la topologie des MOF sur le piégeage de l’iode est relativement limité. A travers cette étude, l’influence de groupements fonctionnels sur la paroi organique du MOF et notamment la présence d’un groupement –NH2 semble favoriser le piégeage de l’iode. Afin de vérifier cette hypothèse, la série des composés fonctionnalisés MIL-53-X (où X = H, Cl, NO2, COOH, CH3, (COOH)2, (OH)2, Br, (SH)2, NH2) a servi de plateforme pour analyser l’influence des groupements fonctionnels sur la capture de l’iode moléculaire dissout dans le cyclohexane. Les courbes de décontamination en fonction du temps sont présentées sur la Figure II-4.

Figure II-4 Etude de la cinétique d’adsorption du diiode dissout dans le cyclohexane (0,01M) par les MIL- 53-X fonctionnalisés où X= H, Cl, NO2, COOH, CH3, (COOH)2, (OH)2, Br, (SH)2, NH2.

Le suivi cinétique de l’adsorption du diiode indique que le solide non fonctionnalisé, MIL-53, est le moins favorable au piégeage du diiode, puisqu’environ 5% de l’iode en solution est adsorbé après 48 heures de contact. Le constat est complètement différent pour le MIL-53-NH2, puisqu’il piège jusqu’à 60% de l’iode. Le groupement -NH2 n’est pas le seul groupement favorisant fortement la capacité d’adsorption d’iode. En effet, les groupements -

(SH)2, -(OH)2 et -Br permettent d’obtenir des taux de décontamination entre 40 et 50%. L’efficacité des groupements -COOH, -CH3 et -(COOH)2 vis-à-vis de la capture d’iode est moins forte puisque les taux de décontamination associés varient entre 10 et 30%. Les groupements -NO2 et -Cl ne montrent pas de gain particulier par rapport au composé MIL-53 non fonctionnalisé.

Ces observations nous amène à conclure que les groupements électro-donneurs favorisent le piégeage de l’iode. En effet, les groupements les plus électro-donneurs (-NH2, - OH, -Br, -SH) permettent d’avoir un taux de décontamination important. Ce constat explique les différences d’adsorption de l’iode entre les MIL-100, MIL-120, CAU-1 et MIL-101-NH2. Les MOF, CAU-1, MIL-101-NH2 et MIL-100 ont des surfaces spécifiques relativement proches (entre 1434 et 2152 m²/g) mais présentent des taux de décontamination très différents (~80% pour CAU-1, ~95% pour MIL-101-NH2 et 40% pour MIL-100). Cette différence d’affinité envers I2 est facilement explicable par l’absence de –NH2 sur le MIL-100.

Le MIL-120 ne présente ni une surface spécifique élevée, ni des groupements -NH2 sur sa charpente. Pourtant, il s’avère être un très bon candidat pour l’adsorption de I2. Pour comprendre cette affinité, il est essentiel de s’intéresser à la partie inorganique de ce composé. Le MIL-120 est construit à partir de l’assemblage de chaines inorganiques liées les unes aux autres par des ligands pyroméllitates. Ces chaines sont issues de l’assemblage d’octaèdres (AlO2carboxylateO4hydroxo) partageant chacun deux arrêtes de type pont hydroxo (Figure II-5). Ce type d’assemblage permet au MIL-120 d’avoir le rapport OH/Al le plus élevé des MOF étudiés. De plus, la topologie de ce MOF (tunnels) permet un accès facile des groupements hydroxo, car ces derniers pointent vers le centre des tunnels (Figure II-5). L’accès aisé à ces groupements électro-donneurs (OH) expliquerait l’affinité élevée du MIL-120 envers la capture de l’iode.

Figure II-5 (gauche) Vue des tunnels du MIL-120 selon l’axe c. (droite) vue d’une chaine inorganique formant le MIL-120.

5)Détermination des modèles de cinétique d’adsorption

La détermination des modèles de cinétique d’adsorption a été effectuée uniquement sur les composés MOF présentant un taux de décontamination supérieur à 30%, soit les composés MIL-101-NH2, CAU-1, MIL-120, MIL-100, MIL-53-NH2, MIL-53-(OH)2, MIL- 53-(SH)2, MIL-53-Br et MIL-53-(COOH)2. La modélisation des courbes de cinétique d’adsorption a été réalisée avec les trois modèles présentés auparavant (paragraphe II.2.2). Les résultats de ces « fits » sont présentés dans le Tableau II-4.

Tableau II-4 Résultats de la modélisation des données expérimentales avec les modèles cinétiques (pseudo- premier ordre, pseudo-second ordre et intraparticulaire)

Pseudo premier ordre Pseudo second ordre Intraparticulaire

Composés k1 k2 qe ki C MIL-101-NH2 0,970 0,125 0,999 0,0054 127 0,761 11,0 62,8 CAU-1 0,976 0,115 0,999 0,0051 109 0,837 11,2 11,3 MIL-120 0,951 0,127 0,999 0,0056 112 0,795 13,3 13,3 MIL-100 0,971 0,066 0,992 0,0075 55 0,941 6,7 12,9 MIL-53-NH2 0,911 0,103 0,998 0,0066 78 0,764 9,3 21,4 MIL-53-(OH)2 0,947 0,046 0,979 0,0019 65 0,963 8,1 3,2 MIL-53-(SH)2 0,962 0.050 0,996 0,0032 65 0,881 65,6 10,7 MIL-53-Br 0,908 0,088 0,998 0,0041 64 0,797 8,0 12,5 MIL-53-(COOH)2 0,993 0,079 0,976 0,0025 50 0,961 7,1 -2,5

L’application du modèle cinétique du pseudo-premier ordre montre une mauvaise adéquation entre les points expérimentaux et le modèle (Figure II-6). Cette observation est vérifiée pour la majorité des composés étudiés (les valeurs r² oscillent entre 0,908 et 0,976). Seul le composé MIL-53-(COOH)2 présente un facteur de corrélation r² satisfaisant (r² = 0,993).

Figure II-6 Comparaison du modèle cinétique du pseudo-premier ordre (ligne continue) avec les données expérimentales (points).

L’utilisation du modèle cinétique du pseudo-second ordre montre une meilleure corrélation entre les données expérimentales et le modèle (Figure II-7). En effet, les valeurs r² sont assez proches de 1 pour l’ensemble des MOF étudiés (entre 0,976 et 0,999). Pour tous les MOF excepté le MIL-53-(COOH)2, la valeur r² est plus élevée pour le modèle cinétique du pseudo-second ordre que pour le modèle du premier ordre (Tableau II-4).

Cette bonne corrélation avec le modèle cinétique de pseudo-second ordre semble indiquer qu’un processus de chimisorption contrôlant l’adsorption d’iode au sein des MOF étudiés. Dans le cas du MIL-53-(COOH)2, l’affinité avec le modèle de premier ordre pourrait traduire une saturation rapide.

Figure II-7 Comparaison du modèle cinétique du pseudo-second ordre (ligne continue) avec les données expérimentales (points).

Pour le modèle de diffusion intraparticulaire, il n’est clairement pas applicable à l’adsorption d’iode par les MOF (Figure II-8). En effet, les valeurs r² (0,76 et 0,96) ne sont pas très correctes (Tableau II-4).

Figure II-8 Comparaison du modèle intraparticulaire (ligne continue) avec les données expérimentales (points).

II.2.2 Les isothermes d’adsorption

1)Protocole expérimental utilisé pour la détermination des isothermes d’adsorption

Les isothermes d’adsorption ont été déterminées à partir de 100 mg de MOF sec, mis en contact avec 5 mL d’une solution de cyclohexane contenant l’iode moléculaire. Les solutions dont on a fait varier les concentrations de [I2] entre 0,001 et 0,05 mol/L, selon les composés étudiés. Lorsque l’équilibre est atteint (après deux jours de contact), le dosage de la solution en I2 est effectué par mesure de l’absorbance des solutions à une longueur d’onde fixée à 223 nm. Selon les MOF étudiés et les concentrations initiales, le dosage peut nécessiter au préalable des dilutions.

2)Les modèles d’isotherme d’adsorption

Deux modèles seront pris en compte lors de l’analyse des données expérimentales: l’isotherme de Langmuir[31], et l’isotherme de Freundlich[32].

2a)Le modèle de Langmuir

Le modèle de Langmuir[31] repose sur deux hypothèses de base : soit tous les sites d’adsorption sont équivalents, soit l’énergie d’adsorption n’est pas dépendante du taux de couverture de la surface. En d’autres termes, le modèle de Langmuir correspond à une adsorption sur une surface homogène s’effectuant suivant une monocouche. Ce modèle est défini dans l’Équation II-7. kL (L/g) et αL (L/mg) sont les constantes de Langmuir. Ce

représente la concentration à l’équilibre. La capacité maximale d’adsorption est déterminée par le rapport kL/αL.