• Aucun résultat trouvé

4 25 janvier 2018 BRGM 5 22 mars INRA

3. Irma a mis le projecteur sur l'outre-mer.

Cet ouragan a entraîné des taux de destruction inédits. (Rappel: vents jusqu'à 380 km/h). Aucune norme ne résiste au-dessus de 250 km/h. On a eu la double peine: la mer a fait autant de ravages que le vent.

Le problème est celui de l'assurabilité de l'Outre-mer. Les grands assureurs se sont retirés. Le coût total (2 milliards €) exige que l'on s'intéresse à la fréquence des ouragans de niveau 5 (Harvey, Irma et Maria). On a travaillé sur la résilience face à des ouragans plus fréquents, plus puissants, plus longs sur place (3 jours !), et il faut ajouter la submersion marine. Or toutes les activités de l'île sont liées au littoral. Et seul le bord de mer bâti est assuré ! Alors, quelles formes de construction résiliente peuvent être envisagées si l'on veut s'adapter aux contraintes prévisibles (eau qui va et vient). Les recherches actuelles doivent être développées car nous disposons déjà d'expertises nombreuses sur les dégâts sur le bâti (concept 3B: Build Back Better).

En conclusion, nous pouvons dire que (1) la prise de conscience a commencé, (2) qu'il y a un besoin

d'ingénierie financière sur la dynamique littorale, (3) qu'il faut développer une filière de la construction résiliente

Débat

Quid des enjeux à plus long terme et plus graves (par ex. 2 m à 2100 et non 1 m) ?

SP : nous sommes intéressés par tous les modèles de prévisions mais on n'a qu'un mètre en prévisionnel pour le moment. L'échelle du monde est du domaine des réassureurs. Il n'y a pas de réflexion de fond sur le changement climatique et son impact à 2050. Les actuaires classiques (qui font des règles de 3) ont compris que l'échelle des enjeux a changé et qu'il faut raisonner différemment.

Les assureurs ont du mal à associer les revenus d'assurance pour développer des structures sur le littoral avec des contraintes croissantes de risques. Nos engagements vont d'abord aux assurés. Par exemple, nous soutenons collectivement la prévention routière mais l'assurance individuelle est notre métier.

Les assureurs ne sont pas des acteurs de la prévention car cela concerne tout le monde.

Ne peut-on penser à un système de zonage, comme en Australie ?

SP : le problème est celui de l'existant. Les maisons de front de mer doivent pouvoir compter sur la solidarité car pour quelle raison perdraient-elles leur assurabilité? Un assureur ne peut pas refuser d'assurer une maison sauf si l'État déclare la zone « inassurable ». Le fonds Barnier prévoit cela. Si l'on paie la maison au prix de marché, le propriétaire peut accepter de partir. C'est un peu court-termiste mais compréhensible. Il vaut mieux racheter une maison que de l'indemniser 4 fois.

148

SP : si le niveau de la mer s'élève, les EvEx vont devenir plus fréquents; ceux-là, on les assure. Mais on est inquiet sur ce qu'il y a derrière la digue...

Peut-on assurer des services écosystémiques de zones humides ?

SP : On ne le fait pas sauf quand c'est ultra-local. L'assurance a ses limites; c'est de l'artisanat. Pour assurer, il

faut la trilogie suivante: un aléa, un préjudice mesurable (appréciable par un historique, une similarité ou

enfin une modélisation), un lien entre aléa et préjudice.

Un aléa certain n'est plus assurable; et un risque non mesurable non plus (ex : OGM, téléphones portables, nanomatériaux).

Comment évaluez-vous la prévention ?

SP : les assureurs peuvent agir en amont afin d'éviter de pousser au développement de ce qui aggrave des risques. Par exemple, nous ne finançons par le cyber-risque car il y a encore trop d'irresponsabilité à tous niveaux.

Audition 3 : Jean-Paul Billaud (CNRS, Université Paris-Nanterre; Laboratoire des dynamiques sociales et recomposition des espaces LADYSS)

Je suis sociologue, initialement spécialiste de sociologie rurale (thèse avec Henri Mendras) et ai évolué vers les problématiques d'environnement. Mendras a parlé de « la fin des paysans » dès les années 70. La sociologie rurale a été assez pionnière au sein des SHS dans le traitement des questions d'environnement. En Allemagne, la sociologie de l'environnement s’est surtout structurée autour de la thématique du risque industriel. En France, on s'est intéressé très tôt à la gestion des ressources naturelles. Deux voies sont apparues :

- celle de Latour (sociologie des sciences; théorie de l'acteur-réseau, intégrant personnes et objets sans distinction : le sociologue ne sort pas de son champ mais y « importe » des sujets d’intérêt).

- celle de Jollivet (et al), dans un dispositif interdisciplinaire, vers la co-construction des questions.

J'ai travaillé sur l'eau, les zones humides, le marais poitevin, etc., mais je ne suis pas spécialiste du littoral. D'autres experts de valeur ont été sollicités (Mme Meur-Ferenc, B. Kalaora...) mais comme ils n'étaient pas disponibles, j'ai accepté d'analyser ce dossier.

La demande de votre GT s'inscrit dans une méthode précise mais il n'est pas facile de se positionner comme sociologue « en prospective ». Ma posture naturelle serait plutôt d'être un « historien du temps présent » (au sens de Marc Bloch). Ceci s'explique pour partie par mon expérience avec la DGRST. Un texte de Pierre Aigrain (Dir. CNRS) sur l'agriculture en 1969, décrit des usines végétales ou animales où tout sera contrôlé, notamment la dimension climatique : « en 2020, tout problème actuel pourra être résolu si des lois fondamentales ne s'y opposent pas » (in « Le progrès scientifique »). En prospective, toute projection se doit d’être située. Ainsi, la citation précédente s’inscrit dans un contexte de fin des 30 Glorieuses...

149

D'où ma posture de prudence vis-à-vis de la démarche prospective même s'il existe d'excellents experts dans le domaine. Sur le sujet abordé, les géographes sont les plus avancés (« Habiter le littoral » par ex.).

Alain Corbin, dans « La mer et l’émergence du désir du rivage » (1995), souligne la complexification croissante du littoral et la difficulté qui en résulte pour la prospective. Le cadrage de votre travail se fonde sur l'anticipation. Les SHS ne peuvent pas être dans le « premier cercle » des experts, par nature, afin de

conserver leur capacité critique.

Mon exposé sera structuré en trois parties :

1. Les six constats de ce qu’est le littoral pour les SHS 2. La question du risque

3. La question de la « gouvernementalité »