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1.8. Rétrospective et prospective des composantes du système 1 Population littorale

1.8.3. Environnement et ressources naturelles

La composante « Environnement et ressources naturelles » regroupe à la fois les écosystèmes littoraux et côtiers, les services écosystémiques et les ressources naturelles.

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Les écosystèmes littoraux et côtiers présentent une grande diversité :

• l’estran, c’est-à-dire la zone de plage (de sable ou de galets) et les vasières qui sont soumises à l’influence des marées ;

• les côtes et falaises rocheuses ; • les pelouses aérohalines ;

• les cordons dunaires et les zones humides intra-dunaires ;

• les marais maritimes (parmi lesquels les prés-salés, marais salés endigués, ainsi que les forêts de mangroves tropicales) ;

• les lagunes côtières ;

• les estuaires des cours d’eau ; • les lagons récifaux.

Ils abritent une biodiversité très riche tant sur terre qu’en mer et dans les airs et sont plus ou moins sensibles aux conséquences de l’élévation du niveau de la mer.

L’élévation du niveau de la mer n’est qu’un des forçages auxquels sont soumis ces écosystèmes du fait du changement climatique. Il s’ajoute notamment au réchauffement et à l’acidification des eaux, et aux conséquences de l’artificialisation croissante des littoraux sous la pression de l’urbanisation (cf. VI.3.b) et du développement des activités économiques (industrie, agriculture, pèche et aquaculture, tourisme) et des infrastructures qui y sont liées. De ce fait il est difficile de déterminer la part due spécifiquement à l’élévation du niveau des mers dans la dégradation des écosystèmes littoraux et côtiers. On peut dire qu’elle est parfois secondaire en comparaison des effets du réchauffement de l'océan et des interventions humaines diverses (Gattuso et al, 2015) . Cependant les pollutions par lessivages des zones urbaines et industrielles et la salinisation lors des épisodes de submersion réduisent la biodiversité et favorisent les espèces halophytes. L’évolution du trait de côte est par contre une traduction directe de l’élévation relative du niveau des mers, de la fréquence et de l’intensité des tempêtes, et de la disponibilité sédimentaire du système littoral. Elle est parfois accentuée par certains prélèvements (sable, galets…) ou ouvrages de protection qui modifient les transports des sédiments par charriage, saltation ou suspension et leurs dépôts. La vulnérabilité du trait de côte dépend du contexte géologique et topographique. Cette vulnérabilité est accrue par la dégradation, voire la disparition, d’écosystèmes qui constituent une protection naturelle, tels que les mangroves tropicales ou les récifs coralliens.

Au-delà de la biodiversité, deux ressources naturelles majeures sont directement impactées par l’élévation du niveau des mers : l’eau douce et le sol. Toutes deux sont susceptibles d’être dégradées par la conjonction de phénomènes de salinisation ou de pollution des nappes phréatiques et des sols côtiers. Les sols sont également soumis à l’érosion et au lessivage lors des épisodes de submersion suite aux tempêtes.

Analyse rétrospective

Les récifs coralliens sont, avec les forêts tropicales, les écosystèmes les plus riches de la planète. Sur 600 000

km2, soit 0,2% de la surface des océans seulement, ils abritent le quart de toutes les espèces marines

aujourd’hui connues dans le monde (environ 100 000 espèces : coraux, poissons, mollusques, tortues, requins, etc.). Les récifs coralliens, qui dissipent 97% de l’énergie des vagues, sont menacés par les

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conséquences du changement climatique (réchauffement et acidification des océans) et l’élévation du niveau de la mer à un rythme supérieur à l’accrétion du corail. 20% des récifs coralliens sont d’ores et déjà perdus et 25% gravement menacés (Burke et al., 2011). En Australie, la Grande Barrière de corail connait par endroits un taux de mortalité de 60%. Cependant certains travaux récents indiquent la possibilité d’une adaptation des coraux à la montée du niveau de la mer (Duvat, 2018). Les mangroves tropicales sont également des écosystèmes très riches et constituent des zones nourricières. Pourtant, leur surface recule dans le monde : entre 1980 et 2005, 19% des mangroves ont disparu dans le monde, entraînant une exposition et une vulnérabilité croissante aux aléas côtiers du fait de la disparition des protections naturelles des côtes. Outre la promotion immobilière une cause importante est le développement de l’élevage de crevettes à grande échelle par exemple en Indonésie, en Malaisie ou aux Philippines. Dans certaines régions, la mangrove est remplacée à 80% par des bassins à crevettes. La mangrove peut également être remplacée par de la riziculture ou les palétuviers coupés pour en faire du bois de chauffage ou de construction. Avec la montée du niveau de la mer, certains arbres ne pourront subsister alors que les ouragans et les cyclones devenant plus puissants à l’avenir, leur protection est d’autant plus indispensable.

Avec près de 60 000 km2 de récifs coralliens et lagons, répartis dans la zone intertropicale des trois océans, la

France outre-mer compte 10% de la surface des récifs du monde. S’y ajoutent les écosystèmes associés, mangroves (1000 km²) et herbiers de phanérogames (plus de 1200 km²).

Dans les estuaires l’élévation du niveau marin est retranscrite intégralement, voire amplifiée, sur l’ensemble du linéaire de l’estuaire et se traduit par un déplacement des zones de nourriceries des espèces marines migratrices vers l’amont sous l’effet de la remontée de la salinité dans l’estuaire. L’amortissement de la propagation de l’élévation du niveau marin en estuaire est principalement régi par le débit : plus le débit est important moins le niveau marin se propage dans l’estuaire.

Le trait de côte est aussi profondément modifié. Le trait de côte évolue sous l’effet de processus marins (houle, marées, courants), climatiques (vent, gel, précipitations) et anthropiques (prélèvement de galets ou granulats, barrages…). Ceci est particulièrement visible sur la côte atlantique où les blockhaus du mur de l’Atlantique ou certains immeubles construits en bord de mer, tel que Le Signal à Soulac-sur-Mer (33), constituent de bons marqueurs de l’avancée de la mer. Les tempêtes fragilisent également les dunes littorales et les falaises. Ainsi, 24% du littoral français métropolitain recule chaque année, quand 45% est stable, 11% gagne des terres, et les 20% restant sont des terres artificialisées donc fixées (IFEN, 2006). L’action originale mise en place en France au travers du Conservatoire du Littoral permet de sauvegarder certains écosystèmes littoraux des pressions anthropiques et facilite la mise en œuvre d’une gestion adaptée aux évolutions « naturelles ».

Si la quantité d’eau sur Terre est importante, celle-ci est composée à 97,5% d’eau salée et de seulement 2,5% d’eau douce, qui se décompose en 1,8% d’eau douce contenue dans la glace et la neige et 0,7% d’eaux douces de surface ou souterraine. L’eau douce est donc une ressource naturelle rare d’autant qu’elle est très inégalement répartie et que sa disponibilité à tendance à se réduire à la fois du fait du réchauffement climatique et des pollutions (agricoles, industrielles ou urbaines) qui la rendent impropre à certains usages tels que l’eau potable ou l’agriculture. Dans le même temps les besoins augmentent du fait de l’accroissement de la population mondiale. Les prélèvements d’eau annuels au niveau mondial ont été multipliés par plus de 7

entre 1900 et 2000 pour atteindre 4000 km3. Ils devraient atteindre 10 000 km3 avant la fin du siècle. Le

volume d’eau douce de qualité disponible par habitant diminue régulièrement. Selon les normes de l’OMS le Maghreb, l’Afrique saharienne, l’Afrique Australe et le Moyen-Orient sont d’ores et déjà en situation de

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la Chine en situation de vulnérabilité. La Californie ou l’Australie sont déjà soumises à des sécheresses de plus en plus fréquentes.

Ceci est particulièrement vrai dans la grande zone côtière où se concentre 60% de la population mondiale, avec parfois de fortes variations saisonnières, la population pouvant être multipliée par 10 l’été dans certaines stations balnéaires, faisant coïncider les plus forts besoins en eau avec la disponibilité de la ressource la plus faible. En France, les communes littorales accueillent un peu plus de 10% de la population sur seulement 4% du territoire et disposent d’une capacité totale d’accueil de près de 8 millions. Les efforts de sobriété et de recyclage engagés par l’industrie et par l’agriculture, premier secteur de consommation d’eau, n’empêchent pas le développement de conflits d’usage.

Sur les littoraux cette ressource est souvent polluée par les activités économiques et les fleuves qui charrient les pollutions diffuses agricoles (nitrates, phosphore, pesticides…) et urbaines, conduisant à des proliférations d’algues, et les polluants émergents qui ne sont pas traités par les stations d’épuration. Les tempêtes de plus en plus fréquentes et violentes sont également à l’origine de submersions de la zone littorale qui entraînent des pollutions par lessivage. La pénétration du biseau salé dans les nappes phréatiques côtières et dans les estuaires, accentuée par l’intensité des prélèvements et la réduction des débits d’étiage, conduit à une salinisation croissante, dont le coût a été estimé à 12 milliards de dollars US par an en 1995, soit 20 milliards de dollars par an en 2019 (Ghassemi et al., 1995)

Les sols sont une ressource naturelle dont la qualité est susceptible d’être directement impactée par l’élévation du niveau des mers du fait des phénomènes de salinisation, de pollution par lessivage et d’érosion liés aux épisodes de submersion périodiques à l’occasion des tempêtes.

La pression démographique croissante sur les littoraux, et le développement des activités économiques (infrastructures portuaires, zones industrielles ou équipements touristiques) conduit par ailleurs à une artificialisation et une imperméabilisation croissante des sols qui présente des conséquences en termes de fréquence et d’importance des inondations notamment lors de la coïncidence de marées de fort coefficient avec des précipitations importantes.

Les hypothèses d’évolution des variables de la composante « Environnement et ressources naturelles »

EN1- État de la ressource en eau douce (qualité et quantité)

Un accroissement de 2°C conduirait à passer de 2% à 10% de la population mondiale sous le seuil de 500 m3

d’eau douce disponible/an. La concentration des populations et des activités sur les côtes accroit fortement les besoins en eau douce dans la zone côtière et littorale. La mobilisation de toutes les technologies et l’adaptation des comportements pour optimiser l’utilisation de cette ressource et son efficience s’y imposent plus qu’ailleurs.

Il est certes possible d’accroître la ressource en eau douce sur le littoral par dessalement de l’eau de mer. Les technologies existent (osmose inverse, distillation, électrodialyse, condensation) mais restent très coûteuses

et consommatrices en énergie (2 à 5 kWh/m3). Les capacités s’accroissent néanmoins de 10% par an, pour

moitié en osmose inverse avec un coût moyen de 0,5 $/m3. La sobriété, la récupération des eaux de pluie et leur stockage et le recyclage et la réutilisation des eaux usées sont autant de moyens de limiter la tension sur la ressource.

Il est également possible d’envisager d’approvisionner les zones littorales en eau douce par transfert de ressources provenant de l’intérieur des terres par bateaux ou via des canalisations en dérivant des fleuves,

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mais cela ne va pas sans impacts écologiques forts sur les régions concernées et crée parfois des tensions géopolitiques.

 H1 : Maîtrise de l'exploitation et de l’usage des ressources par solutions technologiques et comportements : recyclage maximum, désalinisation massive, repli stratégiques des zones vulnérables, optimisation des usages domestiques et agricoles, réduction des fuites, économies d'eau...

 H2 : Dégradation (salinisation, pollution), altération des fonctions écologiques

 H3 : Transferts de ressources hydriques extérieures vers les zones littorales (nappes fossiles, dérivation de fleuves, pipelines, supertankers d'eau douce...)

EN2- État des sols

Cette variable est reliée à la variable A1 « disponibilité des terres agricoles » (cf. 2.3.4). En effet la dégradation de la qualité des sols liée à leur salinisation, à leur pollution, à leur lessivage ou leur érosion s’ajoute à la pression foncière liée et à leur artificialisation due à la concentration des populations et au développement du tourisme pour réduire la disponibilité des sols pour l’agriculture en zone littorale.

Les hypothèses d’évolution dépendent fortement des actions d’anticipation et de prévention entreprises pour éviter ou réduire les submersions et limiter les pollutions grâce à la dépollution préalable des sites inondables lors des tempêtes.

 H1 : Salinisation et pollution réduites grâce à anticipation et prévention (aménagements pour éviter la stagnation, dépollution des sites soumis aux évènements extrêmes…)

 H2 : Salinisation et pollution modérées (inondations épisodiques courtes)

 H3 : Salinisation et pollution fortes (inondations régulières et/ou prolongées accentuées par l’imperméabilisation des sols ; pollutions par remobilisation des polluants par l'inondation ; progression du biseau salé par pompage excessif en zone basse côtière)

EN3- Dynamiques des écosystèmes littoraux et côtiers

La dynamique d’évolution des écosystèmes littoraux et côtiers va dépendre à la fois de la vitesse des changements permettant ou non leur adaptation et dans certains cas de leur situation géographique permettant ou non leur déplacement en conservant les services écosystémiques qu’ils rendent tels que la fixation de CO2, le filtrage des sédiments, les habitats, la biodiversité et la protection des côtes. Lorsque cette adaptation ou cette translation ne sera pas possible les écosystèmes seront modifiés et leurs fonctions écosystémiques altérées voire disparaitront purement et simplement. Dans ce cas leur rôle dans la protection du littoral disparaîtra également augmentant sa vulnérabilité.

 H1 : Translation et/ou adaptation des écosystèmes sans altération fonctions écosystémiques : adaptation rapide des écosystèmes car la dynamique de montée des eaux est lente et il existe des zones d'accueil

 H2 : Adaptation/Modification in situ mais altération fonctions écosystémiques : changements d'écosystèmes

 H3 : Disparition d’écosystèmes : les changements sont trop rapides ou il n'y a pas de zones refuges (perte de zones de protection type mangrove)

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EN4- Modification du trait de côte

En ex Nouvelle Aquitaine le trait de côte devrait reculer de 50 m/an en cote sableuse et de 27 m en côte rocheuse d’ici 2050 (Bernon et al., 2016). Le Conservatoire national du littoral estime que 2% des espaces qu’il gère vont disparaître, 78% rester stables et 20% seront soumis à une submersion temporaire. Plusieurs stratégies sont possibles : suivre l’évolution naturelle, accompagner le processus naturel avec des aménagements légers, organiser le repli sur une nouvelle ligne de cote ; maintenir à tout prix le trait de côte par des ouvrages de génie civile (défense). Elles dépendent cependant de l’intensité et de l’étendue du phénomène et des connaissances permettant de les prévoir et anticiper suffisamment à l’avance.

 H1 : Erosion modérée, processus aisément mesurables, prévisibles, maîtrisables  H2 : Recul marqué localisé, qui reste prévisible (sur des zones d’estuaire, de delta)

 H3 : Recul localisé imprévisible, lié à des événements extrêmes et phénomènes imprévisibles (courants)

 H4 : Recul marqué généralisé sur de vastes régions