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Chapitre 2 : Micelles fluorées pour l’imagerie par résonance magnétique du fluor

2- IRM du fluor-19

2.1- Avantages du fluor-19

L’IRM du fluor présent un certain nombre d’avantages comme l’abondance naturelle de 100 % du noyau 19F. Les caractéristiques RMN du 19F et du 1H sont relativement proches : ils possèdent tous deux un spin nucléaire de ½, le rapport gyromagnétique du 19F est de 40,05 MHz/T (contre 42,57 MHz/T pour 1H) et sa sensibilité est très proche de celle du proton (83 %).88

Par ailleurs, notre organisme ne contient que très peu de fluor endogène. Il est présent à l’état de traces au niveau des os et des dents mais sa concentration ne dépasse pas les 10−6 M (contre 88 M pour les protons de l’eau). Immobilisé dans une phase solide, le fluor endogène présente un temps de relaxation T2 très court et n’est donc pas « visible » en utilisant des méthodes d’IRM conventionnelles.89 Il est ainsi possible d’enregistrer des images sans bruit de fond et la provenance du signal 19F est, sans ambiguïté, associée à l’agent de contraste fluoré administré. Par ailleurs, et contrairement à l’IRM du proton, le signal mesuré en IRM 19F est directement proportionnel à la concentration en fluor de l’agent de contraste, ce qui autorise des expériences d’imagerie quantitative.

87Wahsner, J.; Gale, E. M.; Rodriguez-Rodriguez, A.; Caravan, P. Chemical Reviews 2019, 119, 957-1057.

88Bartusik, D.; Aebisher, D. Biomedicine & Pharmacotherapy 2014, 68, 813-817.

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Après administration, l’espèce chimique fluorée utilisée comme agent de contraste, se retrouve diluée dans l’organisme. Afin de récolter le maximum de signal, l’acquisition des données nécessite d’augmenter, comparativement à l’imagerie du proton, les temps d’acquisition et de diminuer la résolution spatiale des images pour garantir un rapport signal-sur-bruit suffisant. Avec les techniques actuelles, il est possible de détecter des concentrations en fluor de l’ordre du millimolaire (mM) avec des temps d’acquisition longs (de l’ordre d’une heure) qui ne sont pas toujours compatibles avec des applications in vivo.90 Concilier une durée d’acquisition exploitable pour des applications in vivo avec une qualité d’image suffisante est ainsi l’un des défis à relever pour l’IRM du fluor.

Pour améliorer significativement la sensibilité de détection des images 19F, il faut un agent de contraste possédant une forte densité de noyaux 19F associée à une concentration tissulaire élevée. C’est en s’appuyant sur ces prérequis que les premiers agents de contraste pour l’IRM 19F ont été développés.

2.2- Développement de sondes fluorées

La première image IRM 19F a été obtenue en 1977 à partir de solutions de fluorure de sodium et de perfluorotributylamine. L’imagerie in vivo d’abdomen de rats a été réalisée quelques années plus tard par l’équipe de McFarland en utilisant plusieurs anesthésiants fluorés ou des substituts synthétiques du sang tels que le Fluosol-DA (composé à 14 % de perfluorodecaline et à 6 % de perfluorotripropylamine).91 Depuis, l’IRM 19F a trouvé de nombreux champs d’application, comme la mesure de la pression en O2 au niveau des tissus tumoraux par des modifications des temps de relaxation T1 et T2, le suivi in vivo de cellules marquées par l’agent de contraste fluoré ou encore dans la détection de plaques d’athérome. Ces applications mettent en évidence le potentiel de cette modalité d’imagerie.92,93,94

Les perfluorocarbones (PFC) sont les premiers composés à avoir été utilisés comme agents de contraste en IRM 19F. Ces composés sont généralement inertes et non toxiques in vivo, même à des concentrations élevées. Par ailleurs, ils ne sont pas dégradés à pH physiologique, ne sont pas métabolisés par des enzymes et ont tendance à être éliminés par le système réticulo-endothélial. Du fait de leur faible solubilité en phase aqueuse, ces composés sont souvent formulés en nano-émulsions (100‒300 nm), généralement composées de lipides, phospholipides ou de copolymères (PLGA), permettant également d’améliorer leur temps de circulation dans le sang.90

Le bromure de perfluorooctyle (PFOB), qui compte parmi les PFC les plus utilisés, est biocompatible et a été approuvé par la FDA dans les années 90. Néanmoins ce composé possède un certain nombre de fluors magnétiquement non-équivalents ce qui peut créer des artéfacts de

90Tirotta, I.; Dichiarante, V.; Pigliacelli, C.; Cavallo, G.; Terraneo, G.; Bombelli, F. B.; Metrangolo, P.; Resnati, G.

Chemical Reviews 2015, 115.

91McFarland, E.; Koutcher, J.; Rosen, B.; Teicher, B.; Brady, T. Journal of computer assisted tomography 1985, 8-15.

92Zhao, D.; Constantinescu, A.; Jiang, L.; L, J.; Hahn, E. W.; Mason, R. American journal of clinical oncology 2001, 24, 462-466.

93Srinivas, M.; Heerschap, A.; Ahrens, E. T.; Figdor, C. G.; de Vries, I. J. M. Trends in biotechnology 2010, 28, 363-370.

94Lanza, G. M.; Yu, X.; Winter, P. M.; Abendschein, D. R.; Karukstis, K. K.; Scott, M. J.; Chinen, L. K.; Fuhrhop, R. W.; Scherrer, D. E.; Wickline, S. A. Circulation 2002, 106, 2842-2847.

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déplacement chimique avec des images répliquées. En effet, le spectre RMN du PFOB présente un pic pour le groupement CF3 (arbitrairement assigné au déplacement chimique 10), un deuxième pic pour le groupement CF2Br (à +18 ppm par rapport au CF3) et un massif de six résonances pour les groupements CF2 (Figure 58). Afin d’améliorer la sensibilité de détection, des optimisations au niveau des séquences IRM 19F ont par exemple été développées spécifiquement pour le PFOB.95

Autrement, des sondes perfluorées générant un pic unique en RMN comme dans le cas du composé PFCE, peuvent être utilisées.

L’éther couronne perfluoré (PFCE) est un PFC composé de 20 atomes de fluor qui sont tous magnétiquement équivalents. Cette équivalence génère un pic unique en RMN du fluor ce qui permet d’obtenir une grande sensibilité sans aucun artefact de déplacement chimique.96 En revanche, les résultats in vivo semblent montrer que le PFCE persiste dans l’organisme plusieurs mois après son administration.97

En 2014, un nouveau composé pour des applications en IRM 19F est décrit dans la littérature.98

Il s’agit du PERFECTA (Figure 59) qui est un éther ramifié incorporant 36 atomes de fluor tous magnétiquement équivalents. Il présente une très bonne compatibilité cellulaire et possède des propriétés spectrales (temps de relaxation et sensibilité) particulièrement adaptées à une utilisation in vivo. Il peut être facilement synthétisé et a déjà été formulé en émulsions d’huile de carthame et de lécithine dans l’eau.

95 Giraudeau, C.; Flament, J.; Marty, B.; Boumezbeur, F.; Mériaux, S.; Robic, C.; Port, M.; Tsapis, N.; Fattal, E.; Giacomini, E.; Lethimonnier, F.; Le Bihan, D.; Valette, J. Magnetic Resonance in Medicine 2010, 63, 1119-1124.

96Kislukhin, A. A.; Xu, H.; Adams, S. R.; Narsinh, K. H.; Tsien, R. Y.; Ahrens, E. T. Nature materials 2016, 662-668.

97 Jacoby, C.; Temme, S.; Mayenfels, F.; Benoit, N.; Krafft, M. P.; Schubert, R.; Schrader, J.; Flogel, U. NMR in

Biomedicine 2014, 27, 261-271.

98Tirotta, I.; Mastropietro, A.; Cordiglieri, C.; Gazzera, L.; Baggi, F.; Baselli, G.; Bruzzone, M. G.; Zucca, I.; Cavallo, G.; Terraneo, G.; Baldelli Bombelli, F.; Metrangolo, P.; Resnati, G. Journal of the American Chemical Society 2014, 136, 8524-8527.

Figure 58 : Structures des molécules de PFOB et PFCE avec les spectres RMN 19F et les images IRM 19F associées.97

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Les propriétés IRM du PERFECTA ont été évaluées sur des fantômes qui ont permis de déterminer la concentration minimale en fluor détectable via l’utilisation d’un imageur préclinique de 7 T (Figure 60, A). Ces émulsions ont ensuite été utilisées afin de marquer des cellules dendritiques qui ont été injectées par voie intra-musculaire à des souris et des images ont été obtenues in vivo en seulement 10 minutes d’acquisition (Figure 60, B et C).

Ces séries d’optimisations autour du développement d’agents de contraste pour de l’imagerie IRM 19F nous permettent aujourd’hui d’en décrire les caractéristiques idéales. L’agent de contraste doit répondre à un certain nombre d’exigences : i) contenir un grand nombre d’atomes de fluor équivalents, ii) être stable chimiquement, iii) être peu toxique et iv) présenter un spectre RMN simple (pic unique en RMN 19F).90

Afin de valoriser le potentiel des sondes fluorées pour des applications diagnostiques et thérapeutiques, de nombreuses approches ont été envisagées pour leur administration, dont l’utilisation de formulations nanométriques. Ces dernières permettent d’améliorer la solubilité des sondes en milieu physiologique et peuvent être fonctionnalisées de manière à y incorporer des agents de ciblage et/ou des molécules thérapeutiques.

Figure 59 : Structure de la molécule de PERFECTA

Figure 60 : (A)Expériences IRM 19F réalisées sur des fantômes contenant des nanoémulsions de PERFECTA diluées dans de l’eau à différentes concentrations. (B) Mode opératoire utilisé pour

l’injection de cellules dendritiques (DC) marquées par les nanoémulsions de PERFECTA et (C) image IRM 19F in vivo.98

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