• Aucun résultat trouvé

Inversion locale et équations implicites

Dans le document Topologie et calcul différentiel (Page 124-126)

Notons K = R ou K = C.

Théorème 7.13 (Théorème d’inversion locale) Soient E et F deux espaces de Ba- nach sur K, U un ouvert de E, k un élément de (N − {0}) ∪ {∞} et f : U → F une application de classe Ck. Si, en un point a de U, la différentielle df

a: E→ F est bijective,

alors il existe un voisinage ouvert V de a contenu dans U, et un voisinage ouvert W de f (a), tels que f : V → W soit un Ck-difféomorphisme.

Remarque. Ce résultat est encore vrai si E = F = Kr pour un r ∈ N − {0} et k = ω,

voir [Die1, page 264].

Preuve. Quitte à composer f à la source par la translation par −a et au but par la translation par −f(a) (qui sont de classe C∞), on peut supposer que a = 0 et f(a) = 0.

Par le théorème de Banach 6.27, l’inverse de l’application df0: E→ F (linéaire, continue,

bijective) est continue. Quitte à remplacer f par df−1

0 ◦ f (qui fixe 0), on peut donc

supposer que F = E, que a = f(a) = 0 et que df0= idE. Soit g : x 7→ f(x) − x, qui est

une application continuement différentiable de U dans E, et qui vérifie g(0) = 0. Comme dgx= dfx− df0, G L (E, E) est ouvert dans L (E, E) et x 7→ dfxest continue, il existe

r > 0 tel que pour tout x dans B(0, r), nous avons x∈ U, dfxest inversible et ||dgx|| ≤12.

Donc, par le théorème 7.2 des accroissements finis, l’application g est1

2-lipschitzienne sur

B(0, r). En particulier, g fixant 0, nous avons

g(B(0, r))⊂ B(0,r2) . (∗)

Remarquons que f est injective sur B(0, r), car si x, x′∈ B(0, r) et si f(x) = f(x),

alors par définition de g et puisque g est 1

2-lipschitzienne, nous avons

||x − x′|| = ||g(x) − g(x)|| ≤ 1

2||x − x

|| ,

donc x = x′.

Posons W = B(0,r

2) et X ={ψ ∈ C (W, E) : ψ(W ) ⊂ B(0, r)}. Alors, par continuité

de l’évaluation en un point, X est un fermé, donc un sous-espace métrique complet, de l’espace de Banach C (W, E) pour la norme uniforme. De plus, l’application identité idW

de W , considérée aussi comme à valeurs dans E, appartient à X. L’application de X dans C(W, E) définie par

ψ7→ idW− g ◦ ψ

est à valeurs dans l’ensemble des applications ψ ∈ C (W, E) telles que ψ(W ) ⊂ B(0, r), donc est à valeurs dans X, car B(0,r

2) + B(0, r 2)⊂ B(0,

r

2) et par (∗) ci-dessus. Elle est

de plus1

2-lipschitzienne, car g l’est. Donc par le théorème 3.19 du point fixe de Banach,

elle admet un point fixe ϕ. Comme idW − g ◦ ϕ = ϕ, nous avons f ◦ ϕ = idW. Notons

V = f−1(W )∩ B(0, r), qui est un ouvert. Alors f : V → W est continue, injective car

V ⊂ B(0, r), surjective car f ◦ ϕ = idW, d’inverse égal à ϕ qui est continu. Donc f est un

homéomorphisme. Puisque dfxest inversible pour tout x ∈ V ⊂ B(0, r), l’application

est donc Ckpar la proposition 7.11 (5).

Notons que si E = F = Rn(muni de n’importe quelle norme), et plus généralemen

si E et F sont de même dimension finie, alors on peut bien sûr remplacer « bijective par « injective » dans le théorème 7.13. Les corollaires suivants sont des applications immédiates (aussi valides si k = ω).

Porisme 7.14 (Théorème de l’image ouverte) Soient k ∈ (N − {0}) ∪ {∞} et f U → F une application de classe Ck. Si la différentielle de f en tout point de U est

bijective, alors f(U) est un ouvert de F . Si de plus f est injective, alors l’application f : U→ f(U) est un Ck-difféomorphisme.

Remarquons que l’inclusion standard de Rn dans Rn+1, définie par (x

1, . . . , xn)

(x1, . . . , xn, 0), est un C∞-difféomorphisme sur son image, mais que celle-ci n’est pas un

ouvert de Rn+1.

Porisme 7.15 Si k ∈ (N−{0})∪{∞}, une application bijective entre deux ouverts de R différentiable de classe Ck, dont le jacobien ne s’annule pas, est un Ck-difféomorphisme

entre ces ouverts.

Le résultat suivant est essentiellement équivalent au précédent (voir l’exercice E.104). donne des conditions suffisantes pour pouvoir résoudre une équation de la forme f(x, y) 0 d’inconnue y et de paramètre x, de sorte que l’inconnue y = g(x) dépende en plus manière régulière du paramètre x.

Théorème 7.16 (Théorème des fonctions implicites) Soient E, F, G trois espac de Banach sur K, U un ouvert de E ×F , k un élément de (N −{0}) ∪{∞}, et f : U → une application de classe Ck. Si, en un point (a, b) de U tel que f(a, b) = 0, la différentiel

partielle par rapport à la seconde variable ∂2f(a,b): F→ G est bijective, alors il existe

voisinage ouvert U′ de (a, b) contenu dans U, un voisinage ouvert V de a dans E et une

application g : V → F de classe Cktels que l’assertion

(x, y)∈ U′ et f (x, y) = 0

soit équivalente à l’assertion

x∈ V et y = g(x) .

En particulier, g(a) = b et, pour tout x suffisamment proche de a dans V , dgx=− ∂2f(x,g(x))

−1

◦ ∂1f(x,g(x)).

Remarque. Ce résultat est encore vrai si E = F = Krpour un r ∈ N − {0} et k =

par la remarque suivant l’énoncé du théorème 7.13 d’inversion locale.

Preuve. Soit ϕ l’application de U dans E × G définie par ϕ(x, y) = (x, f(x, y)). Alors est de classe Ck(car ses composantes le sont), et sa différentielle en (a, b) est, en calculan

par blocs, triangulaire inférieure, de blocs diagonaux inversibles, d’expression (h, k)7→ h, ∂1f(a,b)(h) + ∂2f(a,b)(k)

 .

Donc dϕ(a,b)est bijective, d’inverse

(h′, k)7→h, ∂

2f(a,b)−1 k′− ∂1f(a,b)(h′)

 . (∗∗)

Par le théorème d’inversion locale, il existe un voisinage ouvert U′ de (a, b) dans U et

un voisinage ouvert U′′ de ϕ(a, b) = (a, 0) dans E × G tels que ϕ : U→ U′′ soit un

Ck-difféomorphisme, dont on note ψ l’inverse, qui est de la forme (x, z) 7→ (x, ψ 2(x, z)).

En particulier, comme f(x, y) = 0 si et seulement si ϕ(x, y) = (x, 0), les assertions (x, y)∈ U′ et f (x, y) = 0

et

(x, 0)∈ U′′ et ψ(x, 0) = (x, y)

sont équivalentes. Notons V = {x ∈ E : (x, 0) ∈ U′′}, qui est un ouvert de E, et

g : x7→ ψ2(x, 0), qui est une application de classe Ck de V dans F . Le premier résultat

en découle.

La dernière assertion découle de (∗∗) (qui est vrai en remplaçant (a, b) par tout (x, y) ∈ U′), par linéarité de la seconde projection pr

2 et de x 7→ (x, 0), et par le théorème de

dérivation des applications composées, car

dgx(h′) = pr2◦ dψ(x,0)(h′, 0) = pr2◦ d(φ−1)(x,0)(h′, 0) = pr2◦ d(φ(x,g(x)))−1(h′, 0) . 

Comme précédemment, si F = G = Rn, et plus généralement si F et G sont de même

dimension finie, alors on peut remplacer « bijective » par « surjective » dans cet énoncé. Le corollaire suivant est une application immédiate.

Porisme 7.17 Soient p, n ∈ N − {0}, U un ouvert de Rp× Rn, k ∈ (N − {0}) ∪ {∞, ω},

et f : U → Rnune application de classe Ck. Si, en un point (a, b) de U tel que f(a, b) = 0,

le jacobien partiel par rapport aux n dernières variables det∂fi

∂xj(a, b)



1≤i≤n, p+1≤j≤p+nest

non nul, alors il existe un voisinage ouvert U′ de (a, b) contenu dans U, un voisinage

ouvert V de a dans Rpet une application g : V → Rn de classe Cktels que l’assertion

(x, y)∈ U′ et f (x, y) = 0

soit équivalente à l’assertion

x∈ V et y = g(x) . 

Voici quelques applications classiques des théorèmes précédents. On fixe p, q ≤ n dans Net k un élément de (N − {0}) ∪ {∞, ω}. Un Ck-difféomorphisme local de Knen un point

a est un Ck-difféomorphisme d’un voisinage ouvert de a sur un voisinage ouvert de a, qui

envoie a sur a. Les applications

(x1, . . . , xp)7→ (x1, . . . , xp, 0, . . . , 0) de Kpdans Kn, (x1, . . . , xn)7→ (x1, . . . , xq) de Kndans Kq, et (x1, . . . , xp)7→ (x1, . . . , xr, 0, . . . , 0) 249

de Kp dans Kq où r ≤ min{p, q}, sont respectivement une immersion, une submersion,

une application de rang constant r. Les résultats suivants disent que ces exemples son localement et modulo changements de coordonnées (en général non linéaires) locaux, les seuls.

Porisme 7.18 (Théorème de forme normale locale des immersions) Soient un ouvert de Kp contenant 0 et f : U → Kn une application de classe Ck, qui est une

immersion en 0 telle que f(0) = 0. Alors il existe un Ck-difféomorphisme local ψ de K

en 0 tel que, au voisinage de 0, on ait

ψ◦ f (x1, . . . , xp) = (x1, . . . , xp, 0, . . . , 0) .

Preuve. Quitte à appliquer un isomorphisme linéaire de Kn, nous pouvons supposer

que l’image de df0soit engendrée par les p premiers vecteurs de base de Kn. Soit alors

V = U× Kn−pqui est un ouvert de Kncontenant 0, et

g(x1, . . . , xn) = f (x1, . . . , xp) + (0, . . . , 0, xp+1, . . . , xn) .

L’application g : V → Kn est de classe Ck au voisinage de 0, envoie 0 sur 0, et

différentielle de g en 0 est inversible. Par le théorème 7.13 d’inversion locale, ψ = g−1est

un Ck-difféomorphisme local de Knen 0, et, au voisinage de 0,

(x1, . . . , xp, 0, . . . , 0) = ψ◦ g(x1, . . . , xp, 0, . . . , 0) = ψ◦ f(x1, . . . , xp). 

Géométriquement, ce ré- sultat dit que l’image d’une immersion peut être, au voisinage de chaque point, redressée en un (ouvert d’un) sous-espace vectoriel par un difféomorphisme au but. f Rn U⊂ Rp ψ ψ◦ f 0 Rn−p x f (x)

Porisme 7.19 (Théorème de forme normale locale des submersions) Soient un ouvert de Kn contenant 0 et f : U → Kq une application de classe Ck, qui est une

submersion en 0 telle que f(0) = 0. Alors il existe un Ck-difféomorphisme local ϕ de K

en 0, tel que, au voisinage de 0, on ait

f◦ ϕ (x1, . . . , xn) = (x1, . . . , xq) .

Preuve. Quitte à appliquer un isomorphisme linéaire de Kn, nous pouvons supposer que

les images par df0 des q premiers vecteurs de la base canonique de Knforment une base

de Kq. Soit alors

g : (x1, . . . , xn)7→ (f(x1, . . . , xn), xq+1, . . . , xn) .

L’application g : U → Kn est de classe Ck au voisinage de 0, envoie 0 sur 0, et sa

différentielle en 0 est inversible. Par le théorème 7.13 d’inversion locale, ϕ = g−1 est un

Ck-difféomorphisme local de Kn en 0, et, en considérant les q premières coordonnées de

g◦ ϕ = id, nous avons, au voisinage de 0,

f◦ ϕ(x1, . . . , xn) = (x1, . . . , xq) . 

Géométriquement, ce résultat implique qu’au voisinage de chaque point de la source, la préimage de l’image de ce point par une submersion peut être redressée en un (ouvert d’un) sous-espace vecto- riel par un difféomor- phisme à la source. Rq f (x) U⊂ Rn f◦ ϕ x ϕ Rn−q f 0

Porisme 7.20 (Théorème de forme normale locale des applications de rang constant) Soient U un ouvert de Kp contenant 0 et f : U → Kq une application de

classe Ck, qui est une application de rang constant r ≤ min{p, q} sur un voisinage de

0 avec f (0) = 0. Alors, il existe un Ck-difféomorphisme local ψ de Kq en 0 et un Ck-

difféomorphisme local ϕ de Kpen 0, tels que, au voisinage de 0, on ait

ψ◦ f ◦ ϕ (x1, . . . , xp) = (x1, . . . , xr, 0, . . . , 0) .

Preuve. Notons (e1, . . . , ep) la base canonique de Kp et (f1, . . . , fq) celle de Kq. Nous

pouvons supposer, quitte à appliquer un isomorphisme linéaire à la source et au but, que df0(ei) = fipour i = 1, . . . , r, et df0(ei) = 0 pour i = r + 1, . . . , p.

Soit π la projection sur les r premières composantes dans Kq, et

F : (x1, . . . , xp)7→ (π(f(x1, . . . , xp)), xr+1, . . . , xp) .

Comme F : U → Kpest de classe Cket dF

0= id, l’application F admet un inverse local

G au voisinage de 0, qui vérifie π◦ f ◦ G(x1, . . . , xp) = (x1, . . . , xr). Autrement dit, en

faisant un changement de coordonnées à la source, on s’est ramené au cas où f (x1, . . . , xp) = (x1, . . . , xr, g(x1, . . . , xp)) ,

où g : U → Kq−rest de classe Ck.

Soient i, j > r. Pour x proche de 0, considérons le mineur de la matrice jacobienne Jfx, obtenu en ne gardant que les r premières lignes et colonnes, la i-ème ligne et la j-ème

colonne. Ce mineur est nul, puisque dfxest de rang r.

· ·· ···· j 1 r id i 0 ... 0 1 r ∂gi−r ∂xj Donc∂gi−r

∂xj (x) = 0 pour i = r + 1, . . . , q. Ainsi, gi−r(x1, . . . , xp) = gi−r(x1, . . . , xr, 0, . . . ,

et g ne dépend que des r première variables. Donc

f (x1, . . . , xp) = f (x1, . . . , xr, 0, . . . , 0) .

Considérons maintenant l’application f restreinte à Kr× {0} : elle est immersive en

si bien qu’on peut la transformer au voisinage de 0 en (x1, . . . , xr)7→ (x1, . . . , xr, 0, . . . ,

par un Ck-difféomorphisme local au but. Ceci conclut.

Remarque. Ce résultat est moins anodin qu’il n’y paraît. Essayez par exemple de montrer le résultat suivant : soit f : R2→ R2dont la différentielle est partout de rang 1, égale

l’identité sur R × {0}. Alors l’image de f est incluse dans R × {0}. Directement, ce n’est pas évident que f ne va pas s’écarter de la droite des abscisses, et que la condition rang de la différentielle est une contrainte suffisante.

Dans le document Topologie et calcul différentiel (Page 124-126)