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Groupes et corps topologiques

Dans le document Topologie et calcul différentiel (Page 37-40)

Groupes topologiques.

Un groupe topologique est un ensemble G muni d’une structure de groupe et d’une structure d’espace topologique compatibles, i.e. telles que l’application

G× G −→ G

(x, y) 7→ xy−1

soit continue. (L’ensemble produit G × G est bien sûr muni de la topologie produit.) P composition d’applications continues, il revient au même de demander que les applications d’inverse x 7→ x−1(composée de x 7→ (e, x), où e est l’élément neutre, et de (x, y) 7→ xy

et de multiplication (x, y) 7→ xy (composée de (x, y) 7→ (x, y−1) et de (x, y)7→ xy−1) soien

continues.

Un morphisme de groupes topologiques entre deux groupes topologiques est un mor- phisme de groupes qui est continu. Un isomorphisme de groupes topologiques est un iso- morphisme de groupes qui est un homéomorphisme. Deux groupes topologiques sont iso- morphes s’il existe un isomorphisme de groupes topologiques de l’un sur l’autre.

La composante neutre d’un groupe topologique est la composante connexe de son élément neutre.

Soit G un groupe topologique, d’élément neutre e. Définissons la translation à gauche Lg: G→ G et la translation à droite Rg : G→ G, respectivement par x 7→ gx et x

xg−1. Ces applications sont des homéomorphismes, car continues et bijectives d’inverses

Lg−1 et Rg−1 respectivement. Il est à remarquer que ces applications commutent : pour

tous g, h dans G,

Rg◦ Lh= Lh◦ Rg.

Si f : G → G′ est un morphisme de groupes, avec Gun groupe topologique, alors, pour

tout g dans G,

f◦ Lg= Lf (g)◦ f .

Donc un morphisme de groupes entre deux groupes topologiques est continu si et seule- ment s’il est continu en l’élément neutre.

Si Hom´eo(G) désigne le groupe des homéomorphismes de G, alors les applications G dans Hom´eo(G) définies par g7→ Lget g 7→ Rg sont des morphismes de groupes :

Lgh= Lg◦ Lh, Rgh= Rg◦ Rh.

(C’est pour cette dernière propriété que l’on définit de la manière ci-dessus la translation à droite. Certains ouvrages notent à tort Rg l’application x 7→ xg.) En particulier, Le

id, (Lg)−1= Lg−1, Re= id, (Rg)−1= Rg−1.

Exemples.

(1) Soit G un groupe. Muni de la topologie discrète, G est un groupe topologique. Un groupe topologique, dont la topologie est discrète, est appelé un groupe discret.

(2) Les groupes (R, +), (R∗,×), (C, +), (C,×), munis de leur topologie usuelle, son

des groupes topologiques (abéliens).

(3) Un sous-groupe d’un groupe topologique, muni de la structure de groupe induite de la topologie induite, est un groupe topologique. Par exemple, si S1={z ∈ C : |z| = 1

alors (S1,×) est un groupe topologique.

(4) Il découle immédiatement de la définition de la topologie produit que si (Gi)i∈I

est une famille de groupes topologiques alors l’ensemble produit G =Qi∈IGi, muni de la

structure de groupe produit (de loi terme à terme ((xi)i∈I, (yi)i∈I)7→ (xiyi)i∈I) et de la

topologie produit, est un groupe topologique, appelé groupe topologique produit. (5) Soit ((Gi), (fij)) un système projectif de groupes topologiques, i.e. (I,) est un

ensemble ordonné ; Gi est un groupe topologique pour tout i ∈ I ; fij: Gj→ Giest un

morphisme de groupes topologiques pour tous i, j ∈ I tels que i  j ; et ces données vérifient que fii= id si i∈ I et fij◦ fjk= fiksi i  j  k. Alors, muni de la topologie

limite projective et de la structure de groupe limite projective (sous-groupe du groupe produitQi∈IGi), l’ensemble limite projective lim

←−Giest un groupe topologique.

Nous renvoyons au paragraphe 2.9 suivant pour la notion de groupe topologique quo- tient.

(6) Par continuité de l’application (x, y) 7→ xy−1, l’adhérence d’un sous-groupe d’un

groupe topologique est encore un sous-groupe.

(7) La multiplication de deux matrices carrées réelles (resp. complexes) est polyno- miale en les coefficients, donc continue. Par la formule M−1 = 1

det M

tComatrice(M) ex-

primant l’inverse d’une matrice inversible, l’inverse d’une matrice carrée inversible réelle (resp. complexe) est rationnelle (de dénominateur ne s’annulant pas) en les coefficients, donc continue. Donc, pour K = R ou K = C, le groupe GLn(K), muni de sa structure

de sous-espace topologique de l’espace vectoriel normé Mn(K) = Kn

2

, est un groupe topologique.

(8) Les applications exponentielles x 7→ exde (R, +) dans (R

+,×) et de (C, +) dans

(C∗,×) sont des morphismes de groupes topologiques. Les applications déterminants x 7→

det x de GLn(R) dans (R∗,×) et de GLn(C) dans (C∗,×) (qui sont polynomiales en les

coefficients) sont des morphismes de groupes topologiques.

(9) Pour tout g dans un groupe topologique G, la conjugaison ig: G→ G définie par

x7→ gxg−1est un isomorphisme de groupes topologiques (d’inverse i g−1).

Proposition 2.16 Si G0 est la composante neutre d’un groupe topologique G, alors

• G0est un sous-groupe distingué de G,

• les composantes connexes de G sont les classes à gauche (ainsi que les classes à droite) de G modulo G0,

• si G0est ouverte, alors le groupe topologique quotient (i.e. l’ensemble quotient muni

des structures de groupe quotient et d’espace topologique quotient – qui est un groupe topologique, voir le paragraphe 2.9 –) G/G0est discret.

Preuve. L’application de G0× G0dans G définie par (x, y) 7→ xy−1 est continue, donc

son image est contenue dans G0par connexité, donc G0 est un sous-groupe. Pour tout g

dans G, l’application de G0dans G définie par x 7→ gxg−1est continue, donc son image

est contenue dans G0par connexité, donc G0est distingué. En particulier classes à gauche

et classes à droite coïncident.

Les translations à gauche étant des homéomorphismes, pour tout g dans G, la classe à gauche gG0est le plus grand connexe contenant g, donc est égal à la composante connexe

de g.

Les images réciproques des singletons par la projection canonique G → G/G0sont les

classes à gauche de G0. Comme une composante connexe est fermée (voir le paragraphe

2.3), si G0 est ouverte, alors les classes à gauches sont ouvertes et fermées, donc les

singletons de G/G0 sont ouverts et fermés, et G/G0est discret. 

Exercice E.37 Montrer que tout groupe topologique connexe est engendré par tout voi- sinage de son élément neutre.

Montrer qu’un groupe topologique est séparé si et seulement si {e} est fermé. Si X est un espace topologique et G un groupe topologique, si f, g : X → G sont deux applications continues, alors l’application produit fg : X → G définie par x 7→ f(x)g( est continue, par composition d’applications continues (l’application x 7→ (f(x), g(x)) est continue de X dans G × G). De même, l’application x 7→ f(x)−1 est continue (on fera

attention à ne pas confondre les applications réciproques et les inverses des éléments). Les groupes classiques.

Nous renvoyons à [MT] pour tout complément sur ce paragraphe.

Soit n ∈ N − {0}. On note GLn(C) le groupe linéaire complexe des matrices complexes

n-n inversibles et GLn(R) son sous-groupe des matrices à coefficients réels, appelé le group

linéaire réel, muni de leur structure de groupe topologique vue dans l’exemple (7) ci-dessus (ce sont des ouverts de Mn(C) = Cn

2

et Mn(R) = Rn

2

). Une matrice A de Mn(C) est

dite hermitienne si A∗= A où A=tA est la matrice adjointe de A

Soient

SLn(C) ={x ∈ GLn(C) : det x = 1}

le groupe spécial linéaire complexe,

U(n) ={x ∈ GLn(C) : x−1= x∗}

le groupe unitaire, et SU(n) = U(n) ∩ SLn(C) le groupe spécial unitaire. Soient

SLn(R) ={x ∈ GLn(R) : det x = 1}

le groupe spécial linéaire réel,

O(n) ={x ∈ GLn(R) : x−1=tx}

le groupe orthogonal, et SO(n) = O(n) ∩ SLn(R) le groupe spécial orthogonal.

Exercice E.38 1. Montrer que SLn(C), U(n), SU(n), GLn(R), SLn(R), O(n) ainsi que

SO(n) sont des sous-groupes fermés de GLn(C).

2. Montrer que les groupes topologiques SO(2) et U(1) sont isomorphes au groupe to- pologique (S1,×).

3. Montrer que U(n), SU(n), SO(n) sont connexes par arcs, et que O(n) possède deux composantes connexes, donc deux composantes connexes par arcs.

4. Soit H (respectivement H+) le sous-espace topologique de l’espace vectoriel normé

usuel Mn(C) = Cn

2

formé des matrices hermitiennes (respectivement hermitiennes définies positives). Montrer que l’application exponentielle est un homéomorphisme de H sur H+. Montrer qu’il existe un homéomorphisme x 7→x et un seul de H

dans lui-même tel que (√x )2= x pour tout x dans H+. Montrer que l’application

H+× U(n) → GL

n(C) définie par (x, y) 7→ xy est un homéomorphisme (app

décomposition polaire de GLn(C)), d’inverse x7→ (

x∗x,xx−1x). En déduir

que GLn(C) est homéomorphe à U(n)×Rn

2

, que SLn(C) est homéomorphe à SU(n

Rn2−1

, que GLn(R) est homéomorphe à O(n)×R

n(n+1)

2 , que SLn(R) est homéomorphe

à SO(n) × Rn(n+1)

2 −1. En particulier, en déduire que SL2(R) est homéomorphe

Anneaux et corps topologiques.

Un anneau topologique est un ensemble A muni d’une structure d’anneau et d’une structure d’espace topologique compatibles, i.e. telles que les applications

A× A −→ A

(x, y) 7→ x − y et

A× A −→ A

(x, y) 7→ xy

soient continues. En particulier, le groupe additif (A, +) est un groupe topologique. Un morphisme (d’anneaux topologiques) entre deux anneaux topologiques est un morphisme d’anneaux qui est continu. Un isomorphisme d’anneaux topologiques est un isomorphisme d’anneaux qui est un homéomorphisme. Deux anneaux topologiques sont isomorphes s’il existe un isomorphisme d’anneaux topologiques de l’un sur l’autre.

Tout sous-anneau d’un anneau topologique, muni de la topologie induite, est un an- neau topologique. Le produit d’une famille d’anneaux topologiques, muni des structures d’anneau produit et d’espace topologique produit, est un anneau topologique. Par conti- nuité des opérations, l’adhérence d’un sous-anneau d’un anneau topologique est encore un sous-anneau.

Exemple. Muni de la topologie discrète, tout anneau, et en particulier l’anneau Z/pnZ,

est un anneau topologique. Muni de la structure de sous-anneau de l’anneau produit Q

n∈NZ/pnZ, l’espace topologique limite projective Zp= lim ←− Z/p

nZ, défini à la fin du

paragraphe 2.4, est un anneau topologique.

Un corps topologique est un ensemble K muni d’une structure de corps (commutatif) et d’une structure d’espace topologique compatibles, i.e. telles que les applications

K× K −→ K (x, y) 7→ x − y , K× K −→ K (x, y) 7→ xy et K∗ −→ K∗ x 7→ x−1

soient continues, où K∗ = K− {0}. En particulier, le groupe additif sous-jacent (K, +)

est un groupe topologique, l’anneau sous-jacent est un anneau topologique, et le groupe multiplicatif (K∗,×) est un groupe topologique. Toute application polynomiale P : Kn

K est continue.

Un morphisme (de corps topologiques) entre deux corps topologiques est un morphisme de corps qui est continu. Un isomorphisme de corps topologiques est un isomorphisme de corps qui est un homéomorphisme. Deux corps topologiques sont isomorphes s’il existe un isomorphisme de corps topologiques de l’un sur l’autre.

Exemples.

• Le corps C, muni de sa topologie usuelle, est un corps topologique.

• Tout sous-corps d’un corps topologique, muni de la topologie induite, est un corps topologique (par exemple Q et R !). Par continuité des opérations, l’adhérence d’un sous- corps d’un corps topologique est encore un sous-corps.

• Si K est un corps topologique séparé, alors la topologie produit sur Knest plus fine

que la topologie de Zariski sur An(K) = Kn, pour la même raison que lorsque K = R : les

polynômes sont continus et le singleton {0} est un fermé de K (voir le paragraphe 2.1). • Si K est un corps topologique, alors l’anneau des matrices carrées n-n sur K, muni de la topologie produit de Mn(K) = Kn

2

, est un anneau topologique. Le groupe GLn(K), muni de la topologie induite par celle de Mn(K), est un groupe topologique.

77

L’application déterminant x 7→ det x de GLn(K) dans (K∗,×) est un morphisme

groupes topologiques. (Tout ceci pour les mêmes raisons que lorsque K = R.) Corps valués.

Soit K un corps. Une valeur absolue sur K est une application | · | de K dans [0, +∞ telle que, pour tous x, y dans K,

(i) |x| = 0 si et seulement si x = 0, (ii) |xy| = |x||y|,

(iii) |x + y| ≤ |x| + |y| .

Par (ii), on a |x| = |1||x|, et comme K contient un élément non nul, (i) implique que |1| = 1. Donc | − 1|2= 1 et| − 1| = 1.

Par (ii) encore, on en déduit que | − x| = |x|. Toujours par (ii), nous avons |x−1| = 1

|x|.

On montre comme pour les distances que |x| − |y| ≤ |x − y|.

Une valeur absolue est dite ultramétrique si la troisième condition est remplacé par condition (qui implique (iii) bien sûr)

|x + y| ≤ max{|x|, |y|} .

Une valeur absolue est dite triviale si elle est constante égale à 1 en dehors de l’élémen neutre.

Un corps valué est un corps muni d’une valeur absolue. Il est dit non discret si valeur absolue n’est pas triviale. Un isomorphisme de corps valués d’un corps valué dans un corps valué K′ est un isomorphisme de corps f : K → Ktel que |f(x)| =

pour tout x dans K.

Par exemple, les valeurs absolues usuelles sur R et C sont des valeurs absolues, et et C (qui seront munis, sauf mention contraire, de leur valeur absolue usuelle) sont des corps valués.

L’application d : K × K → [0, +∞[ définie par d(x, y) = |x − y| est une distance sur K, qui est ultramétrique si la valeur absolue l’est. La topologie induite par cette distance munit K d’une structure de corps topologique (la preuve est la même que celle pour C Un corps valué sera muni de la topologie induite par la distance associée à sa valeur absolue. Ainsi, un corps valué est un corps topologique.

Exercice E.39 Montrer que la topologie d’un corps valué K est la topologie discrète et seulement si la valeur absolue de K est triviale.

Exemples.

(1) Soit p un entier naturel premier. Tout rationnel non nul r s’écrit de manière unique pna/b avec n∈ Z, a ∈ Z − {0}, b ∈ N − {0} tels que a et b soient premiers entre eux

ne soient pas divisibles par p. Posons alors νp(r) = n, et par convention νp(0) = +∞.

n’est pas difficile de montrer que l’application νp: Q→ (Z ∪ {+∞}) vérifie, pour tous

x, y dans Q,

(i) νp(x) = +∞ si et seulement si x = 0,

(ii) νp(xy) = νp(x) + νp(y),

(iii) νp(x + y)≥ min{νp(x), νp(y)} .

On appelle valeur absolue p-adique l’application | · |pde Q dans [0, +∞[ définie par

|r|p= p−νp(r)

(avec la convention usuelle p−∞ = 0). Par les propriétés de νp, l’application | · |p est

une valeur absolue ultramétrique. Remarquons que |pn|

p=p1n pour tout n dans N, donc

(pn)

n∈N converge vers 0 dans Q pour la valeur absolue p-adique (alors qu’elle converge

vers +∞ pour la valeur absolue usuelle de Q !).

(2) Soient K un corps et K(X) le corps des fractions rationnelles à coefficients dans K à une indéterminée X. Pour x =P

Qdans K(X), avec P et Q des polynômes en X, posons

ν∞(x) = deg Q− deg P .

Il n’est pas difficile de montrer que l’application ν∞: K(X)→ (Z ∪ {+∞}) vérifie, pour

tous x, y dans K(X),

(i) ν∞(x) = +∞ si et seulement si x = 0,

(ii) ν∞(xy) = ν∞(x) + ν∞(y),

(iii) ν∞(x + y)≥ min{ν∞(x), ν∞(y)} .

L’application | · |∞de K(X) dans [0, +∞[ définie par

|x|∞= e−ν∞(x)

pour tout x dans K(X) (avec la convention usuelle e−∞ = 0) est une valeur absolue

ultramétrique sur K(X).

Exercice E.40 Montrer que la restriction au sous-corps K des fractions rationnelles constantes de K(X) est la valeur absolue triviale de K, donc que le sous-espace K est discret.

(3) Soient K un corps et bK = K((X−1)) le corps des séries formelles de Laurent,

i.e. des expressions formelles

+∞

X

i=n

aiX−i

où n ∈ Z et ai∈ K pour n ≤ i < ∞, muni de l’addition et de la multiplication des séries.

Pour x =P+∞

i=naiX−idans bK− {0}, posons ν∞(x) la borne inférieure des i∈ Z tels que

ai6= 0, et par convention ν∞(0) = +∞. Il n’est pas difficile de montrer que l’application

ν∞: bK→ (Z ∪ {+∞}) vérifie, pour tous x, y dans bK,

(i) ν∞(x) = +∞ si et seulement si x = 0,

(ii) ν∞(xy) = ν∞(x) + ν∞(y),

(iii) ν∞(x + y)≥ min{ν∞(x), ν∞(y)} .

L’application | · |∞de bK dans [0, +∞[ définie par

|x|∞= e−ν∞(x)

pour tout x dans bK (avec la convention usuelle e−∞= 0) est une valeur absolue ultramé-

trique sur bK.

Nous construirons d’autres exemples dans le paragraphe 5.3.

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