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52 inventer des modalités de densification interactive entre pleins et

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vides, entre des espaces denses et des espaces moins denses; - faire évoluer les systèmes réglementaires en les faisant passer de la

prescription de normes urbanistiques de densité fixant les droits des propriétaires vers la prestation de règles hypothétiques (Norberto Bobbio parle de "normes hypothétiques") qui, en définissant les devoirs et obligations des propriétaires, leur permettent en partie de choisir leur propre densité.

3.2. P

ROJET URBAIN ET TRADUCTION REGLEMENTAIRE

La démarche développée dans la ville de Montreuil (première couronne de l'Est parisien) repose sur la définition préalable d'un projet urbain qui détermine les nouvelles orientations du POS, non en termes de contraintes mais en termes de potentialités de développement : le projet de ville ne part donc pas d'un découpage fonctionnaliste de zones de densité différentes, mais d'une analyse fine du territoire existant, à partir de laquelle il devient possible de proposer des stratégies différentielles de densification ou de dédensification. La démarche retourne l'hypothèse fondatrice des pratiques d'urbanisme : ce n'est pas le projet qui fabrique le territoire, c'est le territoire qui fabrique le projet. Le projet, en un sens, est toujours déjà là. Encore faut- il le révéler et ne pas le concevoir comme un objet à réaliser mais comme un outil de dialogue, qui sert à éclairer la collectivité sur les choix stratégiques et sur les modalités spatiales, sociales et temporelles de les mettre en oeuvre.

Devant l'hétérogénéité et le caractère chaotique de la ville de Montreuil, la réflexion prospective, menée avec l'aide de divers concepteurs architectes, urbanistes et paysagistes, a conduit à proposer trois processus de densification différents (sédimentation, développement, et évidement) suivant trois grands secteurs de la ville.

Le Bas-Montreuil, situé en bordure de Paris dans le prolongement du faubourg Saint-Antoine, est un quartier industrieux en déprise qui est actuellement confronté à l'émergence de friches industrielles dues à la mutation de la production. Mais ce quartier présente des qualités riches de potentialités : mitoyenneté réussie et plus ou moins résolue d'immeubles d'habitation et d'immeubles d'activités; mixité sociale produite par le mélange d'habitants très riches et très pauvres; diversité des formes bâties qui juxtapose et entremêle de très grands îlots et de très petits îlots (insertion d'usines de grande dimension dans un habitat minuscule) tout en produisant une grande unité d'ensemble grâce à la présence d'un matériau dominant, la brique, et d'un rythme régulier conféré par la largeur constante et l'orientation commune des anciennes parcelles maraîchères. L'analyse historique révèle ici que c'est la forme de la parcelle qui a déterminé la forme urbaine; la parcelle est la seule règle d'urbanisme sur laquelle l'identité de ce quartier hétérogène s'est construite et sur laquelle il convient donc de s'appuyer pour autoriser une redensification de la ville sur elle-

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même. Dans ce contexte, la stratégie plaide pour une sédimentation de l'ancien parcellaire existant et consiste à expérimenter une réglementation

qui génère un "urbanisme filamentaire", en lignes, qui se conforme aux parcelles existantes, mais dans lequel :

- des immeubles de grande hauteur peuvent co-exister avec des immeubles de faible hauteur;

- des réserves foncières peuvent être faites pour reconstituer les segments manquants de la trame viaire interparcellaire;

- le déficit d'espaces publics peut être comblé par la reconquête de quelques grandes friches industrielles;

- la mixité habitat-travail maintenue par le maintien des parcelles industrielles en parcelles d'activités (bureaux, services, commerces). Le Haut-Montreuil, dans la partie Est de la ville, longtemps resté maraîcher et arboricole, apparaît aujourd'hui comme une friche agricole de culture de pêchers, qui a été largement entamée par de grandes cités d'habitat social des années 60, sur lesquelles se concentrent tous les problèmes que la municipalité rencontre (chômage, échec scolaire, ...). Les qualités et potentialités du lieu sont alors ici moins celles de la parcelle en tant que telle que celles du mur de pêche (murs le long desquels les arbres poussaient en espalier et qui subsistent aujourd'hui comme murs de clôture des propriétés). L'absence de lotissement, le fait que les parcelles aient été anciennement vendues une à une et la petite taille des parcelles généralement inférieure à 300m2 (alors que le POS interdisait de construire en-dessous de 500 m2) ont préservé la présence de ces murs sur le territoire, inscrivant dans le paysage à la fois un désordre d'alignements divers en damier ou en éventail et un principe d'ordonnancement des maisons ou petites usines qui paraissent se déplacer à l'intérieur de leur parcelle filiforme comme un curseur le long de son rail. C'est donc cette fois la pérennité du système des murs qui détermine historiquement la forme urbaine de ce quartier et lui confère une identité propre tout en assurant une mixité fonctionnelle : c'est lui qui constitue la règle d'urbanisme sous-jacente à partir de laquelle il convient de développer une stratégie réglementaire pour permettre une densification harmonieuse de ce territoire

pavillonnaire. Davantage, face à la déstructuration produite par les grandes

opérations d'urbanisme des années 60, la stratégie plaide pour un

redéploiement du système des murs et pour ce que l'on pourrait appeler

un "urbanisme fragmentaire" en proposant une redivision cadastrale dans les grandes entités territoriales où ce type de parcellaire a disparu. D'où les principes réglementaires suivants :

- désenclaver les grandes cités par la reconnexion pentagonale (projet Devillers) et l'homogénéisation des grandes voies récentes;

- autoriser la construction sur des parcelles de moins de 6m de large et jusqu'à 150 m de long, avec des prospects quasiment inexistants dans le sens de la largeur mais très grands dans le sens de la

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