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P REMIÈRE P ARTIE : MATÉRIALITÉ DU NOM PROPRE

D. Introduire le nom dans le récit

Nous souhaitons dans ce chapitre proposer une approche complémentaire de celle choisie par Florence Plet-Nicolas dans son ouvrage. Dans une section consacrée à la quête du nom, l’auteure examine à partir de l’étude des demandes d’identité la façon dont le roman met en scène la révélation ou l’énoncé d’un nom propre4. Ces situations, courantes dans le roman arthurien, appelleront également des analyses de notre part mais de manière plus ponctuelle, à différents moments de la recherche5. Nous choisissons plutôt, pour l’étude de l’introduction du nom propre dans le roman, de nous attacher strictement aux premières occurrences des

1 Plusieurs acceptions du renom peuvent cohabiter d’un sein d’un même texte, y compris des définitions qui peuvent paraître contradictoires. Nous le verrons notamment dans l’étude des Merveilles de Rigomer où la renommée demeure ambiguë, même au terme du roman.

2 La vantardise de certains personnages et le désir aveugle d’être reconnu apparaissent, à un moment ou à un autre, dans tous nos romans. Claris et Laris fait ainsi rimer « loer » et « lober » dans une sévère critique de la

« vantise » (v. 23481 sqq.) Cette inflexion de la quête de renommée sera étudiée plus en détail ultérieurement.

Voir p. 525 sqq.

3 Voir p. 203203 sqq.

4 La création du monde…, op. cit. p. 153-253.

5 Par exemple p. 154 sqq.

122 noms propres du corpus. Pour Florence Plet-Nicolas, la requête d’une identité et la réponse qu’on lui apporte suivent des étapes ritualisées1. Nous voudrions savoir si la façon dont l’auteur introduit le nom propre dans son récit se soumet à la même régularité.

1. Termes introducteurs

Le relevé précis de la première occurrence de chaque nom propre permet de différencier plusieurs stratégies narratives2. Alors que la plupart des romans à l’étude proposent un système mixte et font apparaître les noms propres aussi bien dans le discours de la voix conteuse que dans celui des personnages, l’introduction du nom propre dans le roman de Froissart est le privilège du narrateur3.

Les procédés d’introduction du nom varient également au sein d’un même roman.

Tous font appel à plusieurs techniques. Le nom propre peut apparaître dans le texte sans que rien ne vienne donner d’information sur son référent. Cette méthode, que Michèle Perret identifie comme la « nomination abrupte »4, est la plus fréquemment employée et son usage est systématique pour les toponymes réels et les références culturelles. À l’inverse, le nom est parfois introduit de manière plus ou moins progressive. Plusieurs modes opératoires sont alors repérables. Le relevé des formes nous amène à distinguer les lexèmes utilisés (« avoir a non »,

« appeler », « estre », « nommer »), leur voix (passive ou active), les présentations assumées par une subjectivité et celles prises en charge par un pronom indéfini. Nous proposons, en croisant ces approches, d’observer les modalités de l’introduction du nom propre dans le roman médiéval et de définir les enjeux de l’acte de nomination dans le récit.

Présence et absence de terme introducteur et hiérarchie actantielle

La variété des procédés employés par la voix conteuse pour introduire les noms propres contribue à structurer le récit. La première occurrence du nom présage notamment de l’importance du référent cité. Une hiérarchie assez nette se dégage en effet lorsque sont mises

1 La création du monde…, op. cit. p. 156 sqq.

2 Voir l’annexe G.

3 Ce travail de l’information n’est pas sans lien avec ce que nous avons observé du rapport particulier à la mémoire et à l’information de l’auteur de Melyador.

4 Michèle Perret, « Histoire, nomination, référence », LINX 1995, 32, p. 173-189. Elle définit la nomination abrupte, ou « référence extra-discursive au moyen de noms propres » (p. 177), en ces termes : « Cette nomination abrupte repose en effet sur la présomption que le nom propre jeté dans la conversation sera immédiatement identifié par l’interlocuteur parce que célèbre pour lui » (p. 178). Voir également son article

« Statut du nom propre dans Le Bel Inconu », dans Le Chevalier et la merveille dans Le Bel Inconnu ou le beau jeu de Renaut, Jean Dufournet (dir.), Paris, Champion, 1996, p. 100 sqq.

123 en relation la façon dont un nom est introduit et l’importance du rôle occupé par son référent1. Du protagoniste au figurant, voici comment les noms propres des personnages apparaissent dans le texte.

Les noms des personnages principaux, à l’échelle de l’ensemble du roman ou pour le temps d’une aventure seulement, sont insérés de deux manières. Ils peuvent être précédés de termes introducteurs. Dans Melyador, le nom de la jeune femme dont la main fait l’objet d’une quête est ainsi introduit : « La fille eut a nom Hermondine » (v. 56). En prenant le temps de préciser le nom de la jeune femme, en déployant l’élucidation de son identité sur tout un vers, l’acte de nomination marque une pause dans le récit et attire l’attention du lecteur sur cet élément nouveau. En revanche, quand il est question de noms bien connus, comme ceux des grands chevaliers de la compagnie d’Arthur, le récit préfère la simple mention du nom, sans introduction. Dans chaque texte à l’étude, ces noms, qu’ils apparaissent dès le prologue, comme dans Melyador ou Les Merveilles de Rigomer, ou au contraire plus loin dans l’intrigue, comme dans Claris et Laris et Floriant et Florete, ne sont jamais précédés d’éléments introducteurs. Suffisamment connus, ils ne nécessitent pas d’être présentés. Leur passé littéraire suffit à les faire reconnaître immédiatement.

Vient ensuite une forme de nomination « mixte »2 constituée de la mention du nom propre enrichie d’une expansion du nom caractérisante. Celle-ci ne vise pas tant à identifier le personnage qu’à le classer, à rendre sa place dans le schéma actantiel immédiatement perceptible. Le statut social de Rigal, écuyer de Cristal, et par là le rôle qu’il est amené à jouer dans le roman, est ainsi précisé en même temps que son nom : « Rigal, ses escuiers » (CC, v. 537). Le roman de Melyador, lorsqu’il introduit l’écuyer d’Agamanor, procède de la même manière : « Bertoulet, son escuier » (Mel. v. 4477). Bon nombre des chevaliers du roman de Froissart, qui ne sont pas les élus de la quête mais qui sont malgré tout plus présents que de simples figurants, font leur entrée dans le récit de cette manière. Citons par exemple les premières apparitions d’« Albanor,/ un chevalier d’outre Saverne » (v. 6692-3) et de

« Dagoriset,/ un chevalier de grant afaire » (v. 6867-68). Dans Claris et Laris et Floriant et Florete, les personnages destinés à gonfler les rangs des batailles dans les épisodes à tonalité épique voient leurs noms enrichis lors de leur première apparition. Dans Claris et Laris, entrent ainsi en scène « rois Lemprés d’Aragon » (v. 14646), « li rois Henris » (v. 29765),

1 Voir Danièle James-Raoul, Chrétien de Troyes… op. cit. p. 314. Et Vanessa Obry, Et pour ce fu ainsi nommee… op. cit., p. 265.

2 Michèle Perret, « Histoire, nomination, référence », art. cit. p. 180. Elle définit ainsi la nomination mixte, entre la nomination abrupte sans apport d’information et la nomination progressive : « N+ qui + estre apelé/ avoir a non + N.P.»

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« Saris/ Qui estoit rois de Honguerie » (v. 29771-71), « roys Archelas » (v. 20024), « roys Celias de Puille » (v. 6296)... L’expansion, le plus souvent réduite au seul titre de roi, vise moins l’individualisation de l’actant que la saisie immédiate et sans effort pour le lecteur de sa place dans le procès en cours. La mention du rang de ces personnages suffit à indiquer leur statut dans le combat. Ils sont destinés à mener des corps de bataille, à mettre leurs hommes au service d’un protagoniste, à étendre les territoires concernés par le conflit1. Aucune information fondamentale ne nous est donnée sur leur identité, mais ils participent à l’élaboration de la tonalité épique du passage. Ces noms gravitent autour de ceux des personnages centraux et ne se situent qu’au second plan de l’intrigue. Leur dénomination, qui permet de les caractériser mais qui ne suffit pas à les distinguer les uns des autres, en rend compte. La fonction de second rôle de ces personnages est ainsi évidente dès leur première apparition2.

La nomination abrupte ne se limite pas à l’introduction de grands noms de la Table Ronde. Elle est aussi le procédé privilégié pour introduire le nom des référents au rôle plus limité. Ces noms ne sont pas destinés à revenir dans le roman, et leur référent n’a droit à aucune caractérisation. Ils apparaissent au détour d’une action d’éclat pour enrichir l’univers romanesque et peuvent mettre en valeur par contraste le nom d’un héros. Dans Claris et Laris, deux personnages mineurs font leur apparition de cette manière :

Atant i est venuz Claris, Gauvains et Yvains et Datis,

Delïon et Lïodaras. (CL, v. 19093- 95)

Ainsi ajoutés aux protagonistes sans aucune explication, ils étoffent l’univers du récit et, par l’effet de nombre ainsi produit, contribuent à la tonalité épique du texte. Employée aussi bien lorsqu’un personnage fameux n’a nul besoin d’être présenté que lorsqu’un figurant doit être mentionné avec efficacité et sans perdre de temps, la nomination abrupte est de fait le procédé le plus fréquemment employé.

Deux cas de figure échappent à cette hiérarchie pourtant assez fiable. La nomination hybride, le plus souvent utilisée pour introduire des actants inconnus ou au rôle modéré, est détournée par l’auteur de Claris et Laris. Lorsqu’Érec entre en scène pour la première fois, la voix conteuse cite « Herec li bien connu » (v. 6328) et redouble la renommée du chevalier, que son nom seul suffisait à rappeler.

1 Pour une impression encore plus forte de peuplement et de profusion, ces mêmes noms sont égrainés non sans un certain plaisir à plusieurs reprises dans ces deux romans. Voir par exemple pour FF v. 3028-3072 ou 3254- 3276, et pour CL les v. 13257-13281. Pour une étude des listes de noms, voir p. 396 sqq.

2 Voir Vanessa Obry, Et pour ce fu ainsi nommee…, op. cit. p. 265.

125 Dans le roman de Froissart, le nom d’un personnage n’est pas introduit en une fois mais disséminé dans le texte et le lecteur n’a connaissance de l’anthroponyme complet que lorsque sa signification peut éclairer le sens de l’aventure. Alors que Melyador chemine en forêt, il rencontre une demoiselle qui le met en garde :

« Sire chevaliers, dist elle, or Vous retournés, je vous en pri, Car, se Carentron venoit ci Mon ami, qui est ens ou bois, Il li desplairoit toutes fois

Ce que fait en avés desor. » (Mel. v. 26648- 53)

Il est exceptionnel dans ce roman qu’un nom propre apparaisse ainsi pour la première fois dans le discours d’un personnage1. En réalité, Melyador, sans aucune mauvaise intention, a suivi la demoiselle qui chantait seule dans la forêt pour le plaisir de l’écouter. Son ami arrive rapidement sur les lieux et constate avec hostilité la présence de Melyador. Le nom complet de ce personnage est alors livré, par la voix conteuse cette fois : « Quarentron li Rous » (v. 26706). Tel que le laisse entendre son surnom, le chevalier appartient à la catégorie des traîtres ou des vindicatifs. Le nom complet du personnage, dont le texte retarde l’apparition pour ne pas trahir le tour que doit prendre l’aventure, fonctionne dans ce passage comme un pivot qui fait basculer la scène. Le sème de la rousseur réoriente une scène courtoise lyrique et convenable en piège dans lequel tombe Melyador, tout à fait innocent2. La révélation du nom du personnage, ainsi éclatée sur plusieurs vers, accompagne les revirements de la narration.

Introduire le nom créé et le nom emprunté

En plus de dénoter l’importance des référents sur le plan actantiel, la façon dont les noms sont introduits permet aussi de les répartir selon qu’ils sont supposés ou non relever des connaissances du lecteur3. S’opposent alors la nomination abrupte, qui prend en charge les référents dont l’auteur estime qu’ils n’ont pas besoin d’être présentés, et la nomination par étoffement, qui au contraire construit petit à petit l’identité du référent. Sont introduits selon le principe de la nomination abrupte les toponymes puisés dans le réel tels que Palerme (FF,

1 Le seul autre cas recensé est celui de Phénonée, sœur de Melyador, v. 3350.

2 Accusé à tort d’un comportement inconvenant par la demoiselle, il est attaqué par le chevalier roux mais finit par le vaincre.

3 Voir Danièle James- Raoul, Chrétien de Troyes…, op. cit, p. 315 : « Deux voies sont possibles. Soit le nom est immédiatement donné et présente le personnage comme une vieille connaissance que la narration précisera ultérieurement à sa façon ; soit le nom est une information retenue qui inscrit le personnage dans une construction progressive de ce qui, au départ, est inconnu ou présenté comme tel ». Voir également Michèle Perret, « Statut du nom propre dans le Bel Inconnu », art. cit. p. 100, et Francis Corblin, « Noms et autres désignateurs dans la fiction », Le Texte et le nom, op. cit. p. 97-98.

126 v. 612), l’Écosse (Mel. v. 9) et l’Afrique (CL, v. 5891, FF, v. 2862), les références littéraires telles que Chrétien de Troyes (CL, v. 627), historiques, comme Aliénor d’Aquitaine et Henri II Plantagenêt (Mel. v. 28997), mythologiques, comme Écho ( Mel. v. 9127), ainsi que les noms de saints, les dates et fêtes, les noms abstraits, et les monuments, comme l’Église Sainte Sophie (FF, v. 6552). La nomination abrupte est aussi employée lors de l’entrée en scène de personnages appartenant à la tradition arthurienne. La première mention du roi d’Arthur et de ses chevaliers et des toponymes marquants la matière de Bretagne n’est associée à aucun développement. Il est naturel de les insérer directement dans le texte dans la mesure où ils seront immédiatement reconnus. Arthur, Gauvain et Lancelot font ainsi leur apparition dans le prologue des Merveilles de Rigomer :

Del roi Artu et de ses houmes Est cis roumans que nos lisoumes…

Si est tels chevaliers le roi, U plus ot sens et mains desroi, Quant plus ot sens, de desroi mains, Dont fu ço mesire Gauwains.

Or ai talent que je vos die

De Lanselot del Lac partie (…). (LMR, v. 7-14)

Contrastant avec ce mode de saisie qui fait surgir le nom propre dans le récit sans que rien ne vienne aiguiller le lecteur, la nomination par étoffement1 est au contraire privilégiée quand sont introduits des noms inconnus de personnages ou de lieux. Se distinguant nettement des nombreuses occurrences de nomination abrupte, les noms propres ainsi amenés dans le récit, nettement moins fréquents, se trouvent déjà mis en valeur par leur seul mode d’apparition dans le texte. Dans les romans à l’étude, cette approche concerne le personnel nouveau aux yeux du lecteur, créé par l’auteur pour interagir avec les fondateurs du cycle arthurien.

L’auteur prend alors le temps d’identifier ses personnages, et attire par ce simple fait l’attention du lecteur sur eux. À la différence de noms de Gauvain, Lancelot, ou Agravain, ceux de Claris, Laris, Floriant et Florette sont rehaussés :

(…) Uns damoisiax

Qui des autres iert li plus biax ; Fiuz iert au franc duc Edaris

Et estoit apelez Claris (CL, v. 147-49)

Les noms cités dans Cristal et Clarie n’appartiennent à aucune tradition notable. À de rares exceptions, tous les anthroponymes de ce roman bénéficient donc d’une introduction en

1 Pour Michèle Perret, la progression extraction indéfinie- reprise définie-introduction ultérieure du nom propre, qui nous est aujourd’hui familière, n’est pas évidente au début de l’écriture du récit de fiction et met du temps à se mettre en place. Voir « Histoire, nomination, référence », art. cit. p. 188.

127 règle1. L’entrée en scène de Cristal, particulièrement soignée, survient après un long prologue et marque le véritable début du roman :

Or je voeil faire mon retor A un chevalier de valor.

Por mon romans asavorer Voeil en la fin de lui parler.

Icil estoit Cristals només,

Mout estoit sages et senés. (CC, v. 397- 402).

Suivant une identification progressive du personnage, la dénomination passe ainsi d’une expression indéfinie (« uns chevaliers »), reprise par un pronom objet (« lui ») puis par un pronom démonstratif (« icil ») dont le I initial est peut-être emphatique, à la précision du nom propre (« Cristals »). Une organisation du personnel naît donc de la diversité des modes d’introduction du nom, qui permet, en n’observant que la première occurrence d’un nom propre, de classer un personnage ou un lieu selon qu’il appartient à la tradition ou qu’il constitue une nouveauté2. Par ce moyen, l’auteur signale sa part de création et la superposition de son univers sur ceux, préexistants, de la tradition et du monde réel3.

L’impression de lecture née d’un tel procédé peut aussi cependant n’être qu’une feinte et, parfois, des noms tout à fait inconnus4 sont placés au rang des têtes d’affiche, comme s’ils faisaient partie de l’univers de référence du lecteur. Mador, personnage compté parmi les membres de la Table Ronde dans le roman de Floriant et Florete, et dont le nom n’apparaît qu’une fois dans le texte sans que le référent soit caractérisé, est pourtant mentionné comme si sa connaissance était acquise. Le mode de nomination lors de la première occurrence du nom propre permet d’établir, même de manière superficielle et fictive, la renommée du personnage :

Pres le suit mesire Gauvain Et ses compains, mesire Yvain, Agravains et Guaheriez, (…)

Et Mador et li Lais Hardis. (FF, v. 4765-72)

Ainsi placé à la suite de grands noms de la matière arthurienne, introduit selon le même procédé qu’eux, le nom « Mador » profite d’une notoriété qui s’étend par contiguïté5. Réciproquement, des chevaliers pourtant aisément identifiables bénéficient parfois

1 Pour 18 des 20 anthroponymes du roman, nous relevons la présence de termes introducteurs.

2 Michèle Perret, « Histoire, nomination, référence », art. cit. p. 180. La nomination abrupte suppose une notoriété. L’explication crée au contraire un effet d’altérité.

3 Sur les noms empruntés voir p. 239 sqq.

4 Sauf erreur de notre part. Malgré une recherche dans différents index, ils n’ont pas été élucidés ou comptent trop peu d’illustrations pour être lus avec certitude comme une référence connue du lecteur.

5 Voir Danièle James-Raoul, Chrétien de Troyes…, op. cit. p. 322.

128 d’une présentation de l’auteur. Au tout début de Floriant et Florete, alors que le jeune Floriant entreprend son initiation chevaleresque, la première épreuve de son parcours le mène à libérer quinze chevaliers d’Arthur emprisonnés par Moradas. Les preux sont ainsi énumérés :

Et si estoit emprisonnez .XV. de ses plus haus barons Dont je vous nomerai les nons : Li uns ert Keus li seneschaus Et li autres Gales li Chaus Et li tiers ert mesire Yvains Et li quars ot non Agravains, Li sinquiemes ot non Lucans (…)

Dodinias ot non li quinziemes. (FF, v. 944- 964)

Il est évident qu’une telle liste, structurée par le décompte des chevaliers et le refrain de l’expression « avoir non », n’a pas vocation à rappeler au lecteur qui sont ces personnages.

Elle permet plutôt de grandir la prouesse à venir de Floriant. Le jeune homme parvient en effet à libérer quinze prisonniers, mais il réussit surtout à surpasser, seul, celui qui fut suffisamment fort pour vaincre plusieurs membres de la Table Ronde1.

Introduction du nom propre et « effet de réel »

La nomination abrupte, mode d’introduction du nom propre largement préféré par les auteurs, n’est employée que pour certaines catégories de noms. Elle est surtout utilisée pour insérer les référents connus de tous, nous venons de le voir, sans distinguer les différents champs possibles dont peut relever cette connaissance. Il en résulte une uniformité dans le traitement des noms censés être facilement identifiables. Noms fictifs et noms réels, introduits de la même manière, se fondent en un seul ensemble, composite et hybride, ce qui n’est pas sans conséquence sur la nature de l’univers constitué. Portons en particulier notre attention sur les toponymes. Relevant de deux savoirs différents, la culture littéraire d’une part et la

La nomination abrupte, mode d’introduction du nom propre largement préféré par les auteurs, n’est employée que pour certaines catégories de noms. Elle est surtout utilisée pour insérer les référents connus de tous, nous venons de le voir, sans distinguer les différents champs possibles dont peut relever cette connaissance. Il en résulte une uniformité dans le traitement des noms censés être facilement identifiables. Noms fictifs et noms réels, introduits de la même manière, se fondent en un seul ensemble, composite et hybride, ce qui n’est pas sans conséquence sur la nature de l’univers constitué. Portons en particulier notre attention sur les toponymes. Relevant de deux savoirs différents, la culture littéraire d’une part et la

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