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Chapitre 3 : La biologie du macrophage

III.1. Introduction : la réponse immune

epuis son existence, l’Homme a toujours vécu dans la perspective de trouver des solutions préventives et/ou thérapeutiques aux maladies auxquelles il est confronté. Même si des décalages importants existent entre le début d’une nouvelle maladie et la compréhension, la lutte et le traitement, l’histoire retiendra en général que tôt ou tard émergent des perspectives encourageantes menant à l’éradication des maladies. Nos ancêtres nous ont laissé à travers des écrits ou des œuvres d’arts des signes caractéristiques des maladies dont ils souffraient comme la peste, la variole, la rougeole, la tuberculose etc…

Le terme immunité provient du latin immunis qui désigne une exemption de charges, telles que les services et les impôts accordés aux sénateurs romains, soustraits du droit commun. Le terme immunité doit son nom au fait que les bactériologistes à l’époque observaient des phénomènes immunitaires de protection de certaines personnes contre les infections. En effet depuis fort longtemps il est connu qu'une personne guérie de certaines maladies ou ayant été mis en contact avec de faibles quantités de certaines substances responsables des maladies était protégée contre la répétition de ces maladies. Un des exemples est la variolisation pratiquée en Chine dès la fin du 17ème siècle. Ce procédé consistait à inoculer à des personnes saines des produits de pustules de malades ayant une variole bénigne avec pour objectif de prévenir une variole mortelle.

Des efforts considérables de recherches ont été déployés pour comprendre les mécanismes de l’immunité. Il existe une grande diversité d’agents pathogènes ce qui va de pair avec une grande diversité de mécanismes de défense de l’hôte contre les pathogènes. Chez les mammifères la réponse immune implique une variété de cellules (les lymphocytes T, les lymphocytes B, les macrophages, les neutrophiles, les cellules dendritiques etc…), une variété de médiateurs de l’inflammation (l’histamine, les cytokines, les chimiokines, les leucotriènes, les prostaglandines etc…) et de réponses anti pathogènes (les facteurs chimiques solubles

comme le monoxyde d’azote NO, les espèces réactives oxygénées ROS, les peptides antimicrobiens, les mécanismes spécifiques comme la phagocytose etc…).

Au cours du 20ième siècle, le rassemblement de données a fait émergé un modèle de défense de l’hôte contre l’infection chez les mammifères conduisant à la distinction entre l’immunité de type 1 et celle de type 2. Les travaux de Parish au début des années 1970 ont apporté les bases du modèle en montrant une corrélation inverse entre le niveau de production d’anticorps et l’hypersensibilité retardée liée par une immunité à médiation cellulaire. Un intérêt grandissant s’est donc porté sur la caractérisation de ces formes alternatives de défense de l’hôte : immunité à médiation cellulaire ou type 1 et immunité humorale ou type 2 (Parish, 1971, 1973; Parish and Liew, 1972).

Au début des années 1980 deux sous types de lymphocytes ont été décrits, les T helper, exprimant la protéine de surface CD4 (CD4+), et les T cytotoxiques, exprimant le marqueur CD8 (CD8+). Les cellules T helper CD4+ stimulent la production d’anticorps par les cellules B, alors que les cellules CD8+ cytotoxiques provoquent la lyse de cellules autologues infectées par des pathogènes intracellulaires. Puis deux sous populations de cellules CD4+ ont été caractérisées : les lymphocytes T helper de type 1 (Th1) et les T helper de type 2 (Th2) (pour revue (Spellberg and Edwards, 2001)).

Les deux types cellulaires Th1 et Th2 se distinguent par leur phénotype : les Th1 produisent de l’interféron γ (IFNγ), IL-2, TNF-α, alors que les Th2 produisent de l’IL-4 ainsi que de l’IL-5, IL- 10 et IL-13. Ces deux types cellulaires se différencient à partir de cellules lymphocytes naïfs Th0 non activées libérées par le thymus. L’immunité de type 1 induite par les Th1 conduit à une réaction proinflammatoire avec une stimulation de la phagocytose, une poussée oxydative, la destruction de microbes intracellulaires et une augmentation de l’expression de MHC classe I et II sur les cellules présentant des antigènes aux lymphocytes T. L’IFNγ produit par les Th1 permet aussi d’induire la production de cytokines et chimiokines proinflammatoires par d’autres types cellulaires, et stimule aussi l’expression de molécules d’adhésion par les cellules endothéliales et la rétraction des cellules endothéliales responsables des signes de l’inflammation rougeur-douleur-chaleur. Dans la réponse Th2, les cytokines IL-4, IL-5 et IL-13 permettent l’activation de la prolifération des cellules B suivie de la stimulation de la production d’anticorps. L’IL-5 stimule le recrutement et la prolifération des éosinophiles. Les cytokines Th2 sont fortement impliquées dans les réactions allergiques et atopiques (pour revue (Spellberg and Edwards, 2001)).

La régulation des cytokines Th1 et Th2 est effectuée d’une manière croisée. L’IFN-γ supprime la sécrétion de 4 et empêche la différenciation de Th0 en Th2, inversement l’IL-10 et l’IL-4 sont des cytokines anti-inflammatoires qui inhibent la sécrétion d’IL-12 et d’IFN- γ et bloque la polarisation Th0 en Th1. La polarisation des cellules T activées dans les ganglions lymphatiques, en cellules matures Th1 ou Th2 est régulée sur le site de « danger » par plusieurs facteurs :

· L’environnement cytokinique: la présence de l’IL-12 et de l’IL-4 permet la polarisation des lymphocytes naïfs en Th1 et Th2 respectivement. De plus, la présence de cellules quiescentes permet la réversion de la population cellulaire dominante dans un environnement cytokinique changeant.

· Les hormones: la présence d’hormones immunologiquement actives, comme les glucocorticoïdes stimulent la réponse Th2 en supprimant la sécrétion et l’effet de l’IFN-γ et de l’IL-12 alors que la testostérone induit la sécrétion d’IL-2 et l’établissement de la réponse Th1.

· Les cellules présentatrices d’antigènes : les macrophages et les cellules dendritiques peuvent induire des réponses Th1 et Th2 (pour revue (Spellberg and Edwards, 2001)).

Le système immunitaire inné est programmé pour détecter dans le microenvironnement des « signaux de dangers » qui avec des facteurs systémiques jouent un rôle dans la polarisation cellulaire. Les cellules présentatrices d’antigènes agissent sur ce microenvironnement en sécrétant des cytokines polarisantes. Les macrophages ont été identifiés au début du 20ième

siècle comme des phagocytes impliqués dans l’élimination des pathogènes, et dans les années 1970 il a été montré que les macrophages sont largement activés par les cytokines produites par les lymphocytes. Les macrophages activés, en particulier par l’IFN-γ, sont des cellules ayant une forte activité de présentation d’antigènes et sécrétant des cytokines pro-inflammatoires et des médiateurs toxiques pour les agents pathogènes parmi lesquels les espèces réactives oxygénées. Ce type de macrophage activé définit le type classique ou M1. Au début des années 1990, il a aussi été montré que l’IL-4 convertit les macrophages chez lesquels la production des dérivés oxygénés est inhibée suivie d’une augmentation de l’expression du récepteur de mannose (CD206). Ainsi, le concept d’activation alternative des macrophages, ou M2, a été posé. Un large spectre d’activation des macrophages a progressivement été défini où les M1 pro-inflammatoires et M2 anti-inflammatoires représentent les extrêmes (pour revue (Spellberg and Edwards, 2001)).

Les microbes possèdent des molécules appelés PAMPs (Pathogen-Associated Molecular Patterns) capables d’induire directement la sécrétion de cytokines en se liant à des récepteurs non polymorphes des cellules de l’immunité appelés PRRs (Pattern Recognition Receptors). Plusieurs classes de récepteurs PRRs permettent de reconnaître de multiples PAMPs parmi eux les TLRs (Toll-Like Receptors). Les TLRs sont des récepteurs très conservés durant l’évolution qui jouent un rôle important dans l'immunité innée et notamment dans les mécanismes de défense de l’hôte contre les microorganismes.

La défense de l’hôte contre les pathogènes s’effectue par deux formes d’immunité : l’immunité innée et l’immunité adaptative. L’immunité innée se met en place rapidement à la suite de l’infection et elle est caractérisée par une réponse non spécifique au pathogène avec une production de molécules inflammatoires et anti-pathogènes dans l’objectif de détruire le pathogène ou même simplement grâce à une présence de barrières épithéliales qui empêchent l’entrée des organismes étrangers. L’immunité adaptative quant à elle est mise en place progressivement au cours de l’infection avec pour objectif de prendre le relai en cas d’incapacité de l’immunité innée de venir à bout de l’infection. Initiée par la réponse immune innée, l’immunité adaptative est mise en place par l’interaction des cellules présentatrices d’antigènes (APC) ; comme leur nom l’indique, ces cellules présentent des peptides antigéniques aux lymphocytes T. Les interactions font intervenir du côté des APC le complexe majeur d’histocomptabilité CMH qui présente le peptide antigénique reconnu par le récepteur des cellules T (TCR). Les cellules T recevront par ailleurs des signaux de costimulation via leurs récepteurs CD28 ou CTLA-4 par le CD80 (B7.1) et CD86 (B7.2) exprimés par les APCs. L’immunité adaptative fait intervenir les lymphocytes T et les anticorps produits par les cellules B avec pour objectif un ciblage précis du pathogène. En réalité, l’immunité innée et l’immunité adaptative restent deux réponses coordinatrices et indissociables pour une lutte efficace contre le pathogène.

La réponse immune, innée et adaptative, pour la défense de l’hôte fait appel à des diverses cellules hématopoïétiques différenciées tout en limitant les dommages « collatéraux ». Pour ce faire, un des mécanismes est l’induction de phénotypes cellulaires assurant ainsi une plasticité fonctionnelle des cellules. Les cellules sanguines spécialisées sont issues des cellules souches multipotentes dont les différentes étapes de différenciation sont présentées ci-dessous

Figure 9 : Différenciation des cellules sanguines à partir des cellules souches multipotentes.

Pour résumer, une cellule souche multipotente est capable de se transformer en deux types de cellules progénitrices primitives :

· Les cellules progénitrices lymphoïdes qui donneront à l’issue de leur différenciation les lymphocytes B, T et NK

· Les cellules progénitrices myéloïdes qui elles, se différencieront en érythrocytes, granulocytes, plaquettes ou monocytes/macrophages.

Dans ce chapitre, les caractéristiques phénotypiques associées aux fonctions particulières des macrophages seront abordées. Un accent particulier sera également mis sur le métabolisme du fer par les macrophages sous différents phénotypes.