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introduction de l'objet a p.107 3-5 – Conclusion : l'émergence du sujet p

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3-1. Introduction.

« Qu'est ce qui ne serait pas en rapport avec l'angoisse ? Il s'agit justement de savoir où est vraiment l'angoisse » 1. Jacques Lacan

«

L

’angoisse c’est la réaction au danger »2, écrit Sigmund Freud en 1926, introduisant ainsi le chapitre X d’« Inhibition, Symptôme et Angoisse »3. Ces trois termes sonnent en cascade. Ils s'ordonnent logiquement lors « du retour à Freud » initié par Lacan. Tout au long des huit pages du chapitre, un jeu de correspondances s'établit entre l'affect : l’angoisse, la situation : le danger et l'organisation : la névrose. Le travail de lecture et l'intérêt porté aux processus de construction, d'éclosion et d'évolution de l'affect, révélent son rôle structurel. Cet enrichissement théorique ne sera pas sans effets dans le dispositif clinique.

Dans sa recherche d’« une cause ultime, tangible et unique »4 à toutes les angoisses, Freud ouvre une porte sur l'inscription singulière de chacun dans son rapport au monde. Il questionne cette particularité de tout un chacun à faire son chemin, à tracer sa voie avec son ressenti, son imaginaire ... . Il part de ce « particulier » pour construire et déterminer une structure générale du dispositif clinique, servant de repère dans l'agencement des mécanismes en jeu. Le danger, comme incontournable rencontre inhérente à la vie même, génère les vacillements, les effondrements de l’être psychique. Il est, certainement, des dangers en provenance du dehors qui ont un impact sur le sujet, et d’autres plus indicibles qui le heurtent de l'intérieur, dans son être, dans cette part de lui-même qui lui échappe.

Danger, angoisse, douleur, frayeur, terreur, panique, anxiété, effroi, hantise, peur, épouvante ... autant de termes rencensés pour signifier l'expérience d'une souffrance à multiples facettes, mais qui pris séparément renvoient à un sens particulier voire exclusif, permettant de dégager

1

Lacan, J., Le séminaire, Livre X, L'angoisse (1962-1963), Paris, Editions du Seuil, 2004, p.21.

2 Freud, S., Inhibition, symptôme et angoisse (1926), Paris, Presses Universitaires de France, 1986, p.77, l.1. 3 Ibid., p.77-84.

4

Page | 84 le statut spécifique de l’angoisse5. Ils traduisent le déchaînement d'une violence intérieure provoquée par l’irruption de l’affect. Charles Baudelaire dans son poème « Spleen IV » des Fleurs du Mal, exprime toute la férocité et le déchirement qui s’entendent là :

« ...et l’angoisse, atroce, despotique,

Sur mon crane incliné plante son drapeau noir. »6. 7

Pour traiter de l'angoisse, Freud ne se cantonne pas à la seule névrose d'angoisse. Il étend son investigation au champ entier de la psychanalyse et des structures psychiques, et la recherche systématique des mécanismes inconscients, l'articulation des concepts dans leur ordonnance logique l'amènent à construire, à développer et finalement à fonder le statut de l'angoisse. S’appuyant sur la souffrance névrotique pour en expliquer le fonctionnement, partant de l’importance du fait clinique, il instruit des hypothèses, indique des pistes futures8.

Freud distingue, dans le titre même de son ouvrage de 1926, l'inhibition et le symptôme. Si l’inhibition peut ne pas être pathologique le « symptôme, écrit-il, ... est synonyme de signe d’un processus pathologique »9, l'un comme l'autre sont susceptibles d'entraver les fonctions sexuelles, locomotrices ou alimentaires, et de perturber l’écriture ou le travail professionnel. Vient alors s'ajouter aux deux premiers termes un troisième, celui d'« angoisse ». Pour éviter son développement, dans ce moment inadapté évoqué précédemment, le moi renonce à l’accomplissement de tout ou partie des fonctions entravées, pour ne pas entrer en conflit avec le ça ou avec le surmoi.

« L'inhibition, écrit Freud, ... est alors, une limitation que le moi s’impose pour ne pas éveiller le symptôme d’angoisse »10. C'est bien la sexualité ajoute-t-il qui est : « source de

traumatismes psychiques et facteur motivant du rejet et du refoulement de certaines

5

Freud, S., Introduction à la Psychanalyse (1917), Paris, Editions Payot, Petite bibliothèque Payot, 1983, p.372, l.31-41.

6

Baudelaire, C., Les fleurs du Mal (LXXVIII Spleen, pp.79-80), Paris, Editions de Cluny, 1857. C'est le troisième des quatre Spleen appartenant à la première partie « Spleen et Idéal » dans Les Fleurs du Mal.

7

Charles Baudelaire (1821-1867) l'angoisse est comme une épée plantée dans le corps même de Baudelaire.

8 Ces dernières incitent à faire des détours dans les approches actuelles et diverses, pour prendre en compte les

conceptions autres, multiples et différentes, qui s’attachent, elles aussi, à la description, l’explication, la compréhension et au traitement de l’angoisse. Voir chapitre 5 : L’angoisse « couteau suisse » ou l’angoisse dans tous ses états.

9

Freud, S., Inhibition, symptôme et angoisse (1926), Paris, Presses Universitaires de France, 1986, p.1, l.13-14.

10

Freud, S., Introduction à la Psychanalyse (1917), Paris, Editions Payot, Petite bibliothèque Payot, 1983, p.19,

Page | 85 représentations hors du conscient ». L'acte sexuel interdit est symbolisé dans la fonction alors entravée. « La fonction qu’un organe remplit au service du moi est atteinte, précise Freud, ... lorsque son érogénéité, sa signification sexuelle, s’accroît »11. Dans sa sévérité, le surmoi va

interdire au moi de réaliser pleinement des actions pouvant lui apporter le succès. Ce sont là des formes d'autopunitions liées à la pulsion de mort. Les mouvements pulsionnels et la pression surmoïque vont imposer au moi l’inhibition et la formation du symptôme, afin d'éviter le développement de l’angoisse. Le moi est donc le lieu où se subissent ces mouvements et ces pressions.

Quel est donc ce "point de rendez-vous" où nous convie Lacan, à la suite de Freud, dès les premières lignes de son séminaire ? Point de rendez-vous « où vous attend, dit-il ... tout ce qu'il en était de mon discours antérieur »12. Freud n'avait-il pas fait lui aussi du « problème de l’angoisse, (ce qui) forme un point vers lequel convergent les questions les plus diverses et les plus importantes, une énigme dont la solution devrait projeter des flots de lumière sur toute notre vie psychique »13. Dans Le séminaire, Livre X, L’angoisse (1962-1963) 14, ce questionnement prend singulièrement toute son importance. L'introduction par Jacques Lacan de l’objet a fait date dans la clinique du sujet.

« Cet objet a, écrit-il, ... c’est lui dont il s’agit partout où Freud parle de l’objet quand il s’agit de l’angoisse »15. L'angoisse comme point de nouage des concepts déjà abordés, présente dès la constitution du sujet, a un rapport étroit avec ce qu'il en est du sujet.

11

Freud, S., Inhibition, symptôme et angoisse (1926), Paris, Presses Universitaires de France, 1986, p.4, l.20-22.

12

Lacan, J., Le séminaire, Livre X, L'angoisse (1962-1963), Paris, Editions du Seuil, 2004, p.11, l.12-14.

13

 Freud, S., Conférence 25, L’angoisse (1917), in Introduction à la psychanalyse, Paris, Editions Payot, Petite

Bibliothèque Payot, 1983, pp. 370-388.

14 Lacan, J., Le séminaire, Livre X, L'angoisse (1962-1963), Paris, Editions du Seuil, 2004. 15

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