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C

es trois textes, éclairent le renversement théorique opéré par Freud. Ils rendent compte, non seulement du chemin parcouru dans la formalisation de la psychanalyse, mais également, de l'incontournable écriture de l'affect dans le corps. Dans le premier texte, Freud puise littéralement dans cette inscription somatique pour élaborer, à partir de la désintrication des symptômes, la névrose d'angoisse. La logique même de la construction topique de l'inconscient, dans le second texte, renforce le lien étroit entre somatique et psychisme, lien qu'il confirmera dans le dernier des trois par la théorie des pulsions de vie et de mort et leur intrication structurelle.

Le corps reçoit « la marque déposée » de l'angoisse. L'organisme, de n'être plus seulement considéré à travers le prisme de la lunette biologisante, s'étoffe de sa dimension de corps propre dans lequel se lit l'affect. « On ne connait pas d'affect qui n'ait son répondant corporel, écrit Colette Soler, ... et pour penser l'affect il faut « en passer par le corps » »63.

« Affectant » le sujet, l'angoisse se vit mais ne se déchiffre pas. Cependant, l'impact que la parole a sur l'affect, fait qu'il n'est pas étranger à la structure langagière. Il faut bien tout de même revenir à Télévision et à cette position que prend Lacan : « Qu'on me réponde seulement sur ce point : un affect, ça regarde-t-il le corps ? Une décharge d'adrénaline, est-ce du corps ou pas ? Que ça en dérange les fonctions, c'est vrai. Mais en quoi ça vient-il de l'âme ? C'est de la pensée que ça décharge »64.

Si l'angoisse se pose là comme question, comme question de ce qui est à comprendre de la vérité du sujet, de ce qu'il ne peut en dire et qui en revanche l'envahit dans son corps, comme question de ce qu'il en est du sujet du signifiant, de sa position d'être au monde, et aussi comme question posée par sa plainte, qui de ne trouver aucune réponse demande une adresse ;

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Soler, C., Les Affects Lacaniens, Paris, Presses Universitaires de France, 2011, p.49, l.2. Est cité ici un passage de Télévision de Jacques Lacan.

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Page | 76 alors, que peut-elle bien être en tant que réponse ? Elle fait appel au savoir dont elle lui en suppose un sujet. A ce sujet supposé savoir est demandée une réponse à la question qu'elle pose.

C'est toute une année de séminaire que Lacan consacrera à l'angoisse. L'appréhension de cet affect situe sa fonction dans l'apparition de l'objet a et dans l'émergence du sujet. L'angoisse est là, présente dès la mise au monde du sujet. Ce moment générique, singulier dans ses ratés ou dans ses atermoiements, ne s'en inscrit pas moins dans la phylogenèse. Cette prise en compte de la naissance comme prototype de l'angoisse, Lacan, après Freud, la caractérise comme inscription du sujet au lieu de l'Autre. Deuxième naissance qui le fait advenir au statut de sujet du signifiant.

L'angoisse est là, au moment de la séparation de l'objet a qui laisse émerger le $, le sujet barré, au lieu de l'Autre du signifiant. Elle est entre inconnu x et désir, entre la naissance du sujet mythique et celle du sujet du désir. Lacan conceptualise ces deux naissances dans le chapitre XII, « L'angoisse, signal du réel », dans le troisième schéma de la division.

A S x L’abord de l’Autre où le sujet a à se poser a A angoisse Constitutif de l’apparition de la fonction de a $ désir Apparition du sujet du désir

Troisième schéma de la division65

Cependant dès la première leçon, c'est dans le graphe du désir, dont il rapproche la forme de « la poire d'angoisse », ou du « plexus solaire », dans cette « quadrature » établie, entre le fantasme, le désir, le signifiant dans l'Autre et l'identification narcissique, qu'elle est à rechercher.

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Page | 77 Le graphe du désir66

Entre « les deux étages du graphe, écrit Lacan, ... l'étage formé par $◊a - mathème du fantasme - et d - le désir, et l'étage formé par m - signifiant dans l'Autre ou s(A) - et i(a) - l'identification narcissique, … pour autant qu'ils structurent ce rapport du sujet au signifiant qui me paraît devoir être la clé de ce qu'introduit sur la subjectivité la doctrine freudienne, Che vuoi ?, Que veux-tu ? Poussez un petit peu plus le fonctionnement, l'entrée de la clé, et vous avez Que me veut-il ?, avec l'ambiguïté que le français permet sur le me, entre le complément indirect ou direct. Ce n'est pas seulement Que veut-Il à moi ?, mais aussi une interrogation suspendue qui concerne directement le moi, non pas Comment me veut-il ?, mais Que veut-Il concernant cette place du moi ? »67.

Si le désir (d), le signifiant dans l'Autre s(A) et l'identification narcissique i(a), participent de l'avènement du sujet, qu'en est-il de la part du fantasme $◊a ? La structure de l'angoisse écrit Lacan est à l'identique de celle du fantasme68. Quelle correspondance entretiennent donc angoisse et fantasme ?

Dans « Inhibition, symptôme et angoisse » Freud à propos du petit Hans écrit : « Il ne s'agit nullement, ... d'une angoisse indéterminée du cheval, mais de l'attente anxieuse de cet

66 Ibid., p.15. 67 Ibid., p.14, l.20-29. 68

Page | 78 événement précis : le cheval va le mordre »69.

Il y aurait donc d'un côté, « le choix de l'objet d'angoisse », le cheval du petit Hans, (Objet ?) et de l'autre « le développement de l'angoisse »70 sous-tendu par « l'attente anxieuse de la

réalisation d'un événement »71, se faire mordre par le cheval (Fantasme ?).

Dans sa fonction de signal, l'angoisse nous met sur la trace de l'objet a. Cependant elle semble se décliner en deux versions: - les points d'angoisse, comme points de nouage; - les moments d'apparition de l'angoisse, permettant de s'orienter dans ce rapport entre désir et identification, rapport dialectique qui les rend à la fois homologues et distincts.

69 Freud, S., Inhibition, symptôme et angoisse (1926), Paris, Presses Universitaires de France, 1986, p.19, l.4-5. 70 Ibid., p.19, l.4-5.

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CHAPITRE 3.

ANGOISSE AVEC UN PETIT a ... OU DE L'OBJET a