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2.3. Préparation de 4-désoxy hexopyrannoses optiquement actifs

2.3.5. Néosidomycine

2.3.5.1. Introduction à la néosidomycine

La néosidomycine (1.28) (Figure 1.6) a été isolée en 1979 d’une souche de

Streptomyces hygroscopicus par le groupe de Furuta.41 Cet indole-N-glycosyle fait partie

d’une famille incluant trois autres membres, soient le SF-2140 (1.29),42 la kahakamide A

(1.30) et la kahakamide B (1.31) (Figure 1.6).43 La néosidomycine (1.28) possède de faibles propriétés antibiotiques envers les bactéries Gram-négatives et ne semble pas

active contre les bactéries Gram-positives.41 D’autre part, la SF-2140 (1.29) a démontré des propriétés antibactériennes contre les bactéries à la fois Gram-positives et Gram- négatives, en plus d’avoir des propriétés d’antiprolifération envers le virus de l’influenza.42 La structure originalement proposée pour la néosidomycine est montrée à la Figure 2.2 et a été déduite à partir, entre autre, d’un spectre RMN 1H, assumant une conformation chaise 4C1(D) de la molécule.41

 2 &20H 1 +1 2 2+ +2

Figure 2.2. Structure originalement proposée pour la néosidomycine (2.33)41

De tous les membres de la famille des indole-N-glycosyles, une seule stratégie de synthèse a été rapportée et a été appliquée à la préparation de la néosidomycine (1.28) et du SF-2140 (1.29).44 La préparation, réalisée par le groupe de Wightman, sera ici décrite. Cette synthèse utilise une approche chiron débutant avec la protection du méthyl α-D-

mannopyrannoside 2.34 sous la forme du bis-isopropylidène en milieu acide suivie par l’hydrolyse sélective du 4,6-isopropylidène en milieu basique (Schéma 2.9).45 La benzoylation sélective de l’alcool primaire 2.35 a par la suite permis la préparation du dérivé 4-thiocarbonylimidazolide 2.36.46 Une réduction radicalaire a été effectuée en présence de tributylétain dans le toluène donnant accès au dérivé 4-désoxy hexopyrannoside dans un rendement de 87%. Ensuite, la déprotection de l’hydroxyle protégé par un groupement ester a généré le dérivé méthyl 4-désoxy-D-lyxo-

hexopyrannoside 2.37.47 Le groupement alcool primaire présent sur le composé 2.37 a

ensuite été transformé en groupement méthyl uronate (2.38) par la méthode d’oxydation de Sharpless à base de ruthénium, suivie d’une méthylation au diazométhane.48 Par la suite, après l’installation des 2,3-di-O-pivaloyles,49 la préparation d’un chlorure de glycosyle 2.40 a été effectuée dans un rendement de 96%.

Schéma 2.9. Préparation de la néosidomycine (1.28) via une approche chiron, réalisée

par le groupe de Wightman44

L’étape-clé a consisté en la création du lien entre l’unité indole et le glucide. Pour ce faire, le traitement du chlorure de glycosyle avec le sel de sodium de 2.41 a donné un mélange anomérique inséparable d’indole-N-glycosyle dans un rendement de 43% (6:1, α:β). Afin d’obtenir uniquement l’indole-N-glycosyle de configuration α, le chlorure de glycosyle 2.40 a été traité avec le trifluorométhanesulfonate d’argent, la 2,6-lutidine et l’indole 2.41. Uniquement l’α-indole-N-glycosyle 2.42 a été isolé dans un faible rendement de 36%. L’achèvement de la synthèse a été accompli avec la conversion du groupement nitrile en amide primaire, puis avec la déprotection des groupements hydroxyles, suivant une séquence en deux étapes: i) saponification des esters en présence

d’hydroxyde de lithium et ii) reformation de l'ester de méthyle à l’aide du diazométhane. La néosidomycine (1.28) a été isolée dans un rendement total de 3%, nécessitant 16 étapes à partir du méthyl α-D-mannopyrannoside 2.34. L’utilisation d’une approche de

novo ainsi que l’optimisation de l’étape-clé de cette synthèse (union de l’unité indole et

du glucide) permettrait d’obtenir la néosidomycine plus efficacement. Il est important de noter que le SF-2140 (1.29) a été préparé suivant une méthode similaire, mais utilisant un dérivé indole différent comme partenaire pour l’étape-clé.

Notre analyse rétrosynthétique (Schéma 2.10) montre que la néosidomycine (1.28) pourrait être préparée via l’union d’un glycosyle donneur et du 3- cyanométhylindole (2.41). La formation d’un lien indole-N-glycosyle de type α peut être générée via une participation anchimérique d’un ester en position O-2 sur l’unité saccharidique. À l’instar du groupe de Wightman, le choix des pivaloyles comme groupements protecteurs est apparu évident.44 Par la suite, le glycosyle donneur pourrait aussi être fabriqué suivant deux approches complémentaires. Premièrement, une nouvelle approche chiron débutant avec le méthyl α-D-mannopyrannoside 2.34 permettrait la

formation du glycosyle donneur désiré. Deuxièmement, une approche de novo pourrait débuter avec les dihydropyrannes 2.6 et 2.30. Il a été montré dans les sections précédentes que les dérivés méthyl 4-désoxy-β-D-ribo-hexopyrannosides peuvent

facilement être accessibles via une simple dihydroxylation. Compte tenu que le glycosyle donneur (Schéma 2.10) a une configuration 4-désoxy-β-D-lxyo-hexopyrannoside, une

nouvelle méthode de synthèse doit être appliquée pour l’obtention de ce type de configuration. Les prochaines sections présenteront dans un premier temps la synthèse des glycosyles donneurs via une approche chiron, suivie de l’approche de novo. Finalement, l’achèvement de la préparation de la néosidomycine (1.28) sera présenté et accompagné d’une évaluation biologique préliminaire de celle-ci sur la ConA par FACS.

Schéma 2.10. Analyse rétrosynthétique de la néosidomycine (1.28)

2.3.5.2. Approche chiron

La stratégie synthétique que nous proposons pour fabriquer le glycosyle donneur repose sur la préparation d’un dérivé mannosyluronate de méthyle, suivie d’une désoxygénation de l’hydroxyle en position 4. De plus, cette stratégie devrait permettre une production à grande échelle (de l’ordre du gramme) du produit désiré. Pour ce faire, plusieurs voies synthétiques ont été tentées. La première préconise la préparation du dérivé mono-isopropylidène 2.35 à partir du méthyl α-D-mannopyrannoside 2.34 dans un rendement de 75% (Schéma 2.11).50 Par la suite, le dérivé alcool primaire 2.35 a été oxydé en acide après réaction avec TEMPO/BAIB, pour être ensuite transformé en groupement ester de méthyle 2.44 dans un rendement de 71% pour deux étapes.51 La désoxygénation de l’hydroxyle résiduel a été réalisée dans des conditions classiques. L’utilisation du thiocarbonyle diimidazole a permis de former le composé 2.45 dans un rendement de 63%. La désoxygénation radicalaire a été effectuée en présence d’AIBN et de Bu3SnH dans le toluène à reflux pour mener au dérivé 4-désoxy-β-D-lxyo-

hexopyrannosiduronate de méthyle 2.46 dans un rendement de 62%. Par la suite, le clivage du 2,3-isopropylidène a été effectué en milieu acide dans un rendement de 75% et les groupements hydroxyles ont été estérifiés en présence du chlorure de pivaloyle dans un rendement de 91%, formant le composé 2.39.

Schéma 2.11. Approche chiron pour la préparation des intermédiaires 2.39, 2.51 et 2.52

Dans le but de déterminer la meilleure voie synthétique pour la préparation du composé 2.39, une autre méthode de désoxygénation a été tentée. Dans un premier temps, l’oxydation de l’alcool primaire du méthyl α-D-mannopyrannoside 2.34 a donné le

méthyl mannosiduronate de méthyle 2.48 (après un traitement basique en présence de MeI) dans de faibles rendements variant entre 5 et 15% pour deux étapes.52 Cette réaction s’est avérée non reproductible lorsque réalisée à grande échelle (supérieure à 1 gramme). En outre, le composé 2.48 a pu être obtenu via le clivage de l’isopropylidène 2.44 en milieu acide dans un rendement de 88%. L’estérification du dérivé triol 2.48 a été accomplie dans des conditions standard, avec un rendement de 86%. Par la suite, la

formation d’un dérivé méthyl 4-désoxy-L-thréo-hex-4-ènopyrannosiduronate 2.50 a été

réalisée en présence de DBU dans un rendement quantitatif.53 La réduction catalytique de la double liaison du composé 2.50 a ensuite été réalisée dans un rendement de 97% en présence de Pd/C et d’hydrogène gazeux. Le spectre RMN 1H du brut réactionnel n’a pas décelé la présence d’un autre diastéréoisomère (glucide de configuration L). Finalement,

une acétolyse du composé 2.39 a donné l’ester anomérique dans un rendement de 83% (α:β = 6:1). Bien que les deux diastéréoisomères aient été inséparables par chromatographie sur gel de silice, une recristallisation dans le pentane a permis l’obtention d’un seul isomère (α) 2.51 dans un rendement de 67%. La configuration α a pu être déterminée via la constante de couplage directe entre le proton et le carbone (91.3 ppm) anomérique (1JC-H). Une constante de couplage de 177.8 Hz a été déterminée,

confirmant la configuration α du groupement anomérique (une constante 1JC-H de 160 Hz

correspond généralement à une configuration β).54

Par la suite, la préparation d’un deuxième glycosyle donneur a été réalisée en traitant le composé 2.51 dans un mélange de 33% HBr/AcOH pour former le dérivé α- bromé 2.52 dans un rendement quantitatif (Schéma 2.16). Il est important de noter que le composé 2.52 se décompose lorsque conservé plus d’une semaine à 4 oC. À la lumière des résultats obtenus, la séquence réactionnelle la plus efficace pour la synthèse du glycosyle donneur 2.51 s’est avérée être la préparation du composé 2.48 qui provient de l’intermédiaire 2.44 (rendement global de 26% pour 8 étapes). Finalement, l’approche chiron est très efficace pour l’obtention des dérivés 4-désoxy-β-D-lxyo- hexopyrannosiduronate de méthyle et une nouvelle stratégie impliquant l’hydrogénation catalytique d’un dérivé ènopyrannosiduronate provenant d’un dérivé mannopyrannoside a été présentée.