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Originellement réservé à une minorité de la haute société anglaise, le rugby est devenu au fil des années un phénomène mondial. Au début du XIXème siècle, le rugby est une des nombreuses variantes du folk football descendant du harpastum romain, un jeu très populaire dans l’empire qui reposait sur le principe suivant : porter dans l’en-but adverse un ballon en cuir fourré de plumes (Figure 1) (Bath, 2015). Cette activité qui oppose désormais deux équipes de quinze joueurs est un jeu de mouvement entrecoupé de phases de combat. La professionnalisation du rugby à XV en 1995 a entraîné une évolution considérable du nombre de rencontres ainsi que de l’ensemble des paramètres du jeu (Williams et al., 2005). Les joueurs sont devenus de véritables athlètes de haut-niveau (Quarrie and Hopkins, 2007), capables de répéter des séquences de course, de combat à très haute intensité pour répondre à l’accroissement du temps de jeu effectif (Quarrie et al., 2013) conduisant à produire un jeu plus rapide et plus physique. La préparation physique est donc devenue aujourd’hui un élément incontournable pour optimiser la performance des joueurs tout au long de la saison.

Ces dernières années, la préparation physique dite empirique a laissé place à une préparation physique dite scientifique. Celle-ci emprunte les données récentes de la littérature scientifique pour proposer des programmes d’entraînement individualisés basés sur de nouvelles méthodes de pointes issues de la recherche. Aujourd’hui, il est possible d’analyser les caractéristiques des courses au cours d’un match par analyse cinématique en équipant les joueurs de récepteurs GPS et de centrales inertielles miniaturisées. Ces analyses se sont peu à peu démocratisées au début du 21ème siècle et sont aujourd’hui utilisées dans la majorité des clubs de haut-niveau. Les données recueillies nous renseignent sur les vitesses de déplacement, les distances parcourues et les accélérations permettant l’optimisation et l’individualisation de la charge d’entraînement (Cummins et al., 2013). Les membres du staff sportif des clubs de haut-niveau fondent désormais la préparation physique sur cette approche scientifique qui leur permet de développer de manière optimale les qualités physiques en jouant sur les intensités d’entraînement (Cunningham et al., 2018a; Pollard et al., 2018; Reardon et al., 2017) et de contrôler la charge d’entraînement (Dubois et al., 2017) dans le but de prévenir les blessures (Gabbett, 2016a; Malone et al., 2017).

La capacité à répéter des sprints est une composante essentielle de la performance en rugby à XV. Ainsi, de nouvelles modalités d’entraînement se sont développées ces dernières années avec l’entraînement par répétition de sprints en hypoxie (Repeated sprint-training in Hypoxia, RSH) (Brocherie et al., 2017). Une approche innovante de terrain à base de blocages respiratoires à bas volume pulmonaire (voluntary hypoventilation at low lung volume, VHL) s’est montrée efficace dans la création d’un stress hypoxique (Woorons et al., 2010, 2017). La désaturation en oxygène que permet cette méthode respiratoire, couplée à la répétition d’efforts à haute intensité (Trincat et al., 2017) pourrait offrir une nouvelle perspective de travail aux préparateurs physiques dans la mise en place de protocoles de terrain dans un objectif d’optimisation de la performance.

L’entraînement intensif réalisé par les joueurs de rugby à XV amène à de nombreuses adaptations physiologiques au niveau des grandes fonctions de l’organisme. L’une d’entre elles a attiré l’attention des physiologistes et a fait l’objet de nombreux travaux scientifiques : l’adaptation morphologique et fonctionnelle cardiaque (Chevalier et al., 2013; Galanti et al., 2016; Mandigout et al., 2016; Ternacle et al., 2017). Les efforts réalisés quotidiennement comprennent à la fois des exercices à dominante aérobie et d’autres à dominante force. Les entraînements « mixtes » vont induire un remodelage spécifique du muscle cardiaque (Fagard, 2003). Ces dernières années, l’utilisation de l’échocardiographie a permis d’analyser de manière non-vulnérante ces adaptations (Fagard, 2003; Nottin et al., 2008; Pluim et al., 2000). Toutefois, ces analyses restent souvent incomplètes, basées sur des études morphologiques ou fonctionnelles globales. Or, depuis quelques années, le développement de nouveaux outils permet une analyse fine de la fonction régionale au travers de l’évaluation de la mécanique ventriculaire gauche (Lang et al., 2015).

Dans ce contexte, j’ai élaboré un projet de Recherche & Développement (R&D) dans le but d’apporter un éclairage scientifique à l’optimisation de la performance (Figure 2). Ainsi, une thèse de Convention Industrielle de Formation par la Recherche (CIFRE) a été mise en place au sein du Rugby Club Toulonnais (RCT) en collaboration avec le Laboratoire de Pharm-Ecologie Cardiovasculaire (LaPEC) de l’Université d’Avignon et des Pays de Vaucluse (UAPV). J’ai réalisé cette activité R&D, unique dans un club élite de rugby à XV (championnat TOP14), qui englobe un ensemble de travaux scientifiques innovants dans le domaine des sciences du sport avec plusieurs objectifs. Premièrement, il a été question de réaliser une analyse fine des déplacements en matchs grâce à des analyses cinématiques, en prenant en compte d’une part le poste de jeu et d’autre part le niveau de compétition (national vs.

Européen). Deuxièmement, il est apparu pertinent de mettre en place de nouvelles méthodes sur le terrain pour améliorer la performance des joueurs et ainsi rendre l’équipe plus

compétitive. Troisièmement, il a été intéressant d’évaluer à l’aide d’échocardiographies de repos l’adaptation morphologique et fonctionnelle du ventricule gauche suite à la pratique au plus haut-niveau (TOP14) d’un sport « mixte » comme le rugby à XV. Ce travail de doctorat s’est donc déroulé en trois parties comprenant à la fois une recherche appliquée (analyse de l’activité, protocole d’entraînement) et une recherche fondamentale (physiologie cardiaque).

La première partie de ce travail a porté sur l’analyse de l’activité en rugby à XV qui est devenue indispensable pour comprendre les demandes physiques au cours d’un match de haut-niveau. Dans une première étude, l’objectif a été d’analyser les déplacements en prenant en compte l’impact du niveau de compétition (championnat national vs. coupe d’Europe) et du poste de jeu. Dans une deuxième étude, l’objectif a été d’observer l’évolution des variables fournies par la centrale d’analyse cinématique au cours de différentes périodes d’un match de rugby à XV en dissociant les postes de jeu.

La deuxième partie de ce travail s’est appuyée sur les résultats obtenus au cours de l’analyse de l’activité montrant l’importance de la capacité à répéter des efforts intenses tout au long d’un match de rugby à XV. L’objectif a donc été ici de mettre en place une méthode d’entraînement innovante permettant aux joueurs de repousser l’apparition de la fatigue induite par les nombreux sprints réalisés en match.

Enfin, la troisième et dernière partie de cette thèse a consisté à évaluer l’impact de la pratique du rugby à XV à haut-niveau sur la morphologie et la fonction du ventricule gauche. En effet, ce sport se caractérise par des activités de force et des efforts à la fois aérobie et anaérobie qui entraînent des adaptations différentes. Les boucles d’images enregistrées au cours d’échocardiographies de repos ont été analysées par le biais d’un logiciel de pointe permettant d’évaluer de manière précise la mécanique régionale du ventricule gauche. L’objectif ici sera

de différencier les adaptations selon le poste de jeu chez les joueurs de rugby à XV de haut-niveau.

Après une présentation générale de l’activité rugby, les trois parties inclueront une revue de littérature spécifique qui débouchera sur des objectifs, hypothèses et sur la méthodologie employée avant de présenter les études scientifiques réalisées. Enfin, le manuscrit se terminera par une discussion et les perspectives qui découlent de ces travaux de recherche amenant à la conclusion de ce travail de recherche.

Figure 2. Objectifs des différentes études réalisées au cours de la stratégie de Recherche & Développement mise en œuvre durant la CIFRE.

CARACTERISTIQUES DU