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Partie IV- Résultats :

I. 1.1) Introduction

La fraîcheur du poisson est un paramètre critique pour l’industrie agroalimentaire puisque la valeur commerciale du poisson ainsi que ses qualités gustatives sont directement reliées à son état de fraîcheur. Afin de préserver la qualité et la fraîcheur des produits de la mer, des conditions de stockage strictes doivent être respectées depuis l’instant ou le poisson est pêché jusqu’à sa consommation. De mauvaises conditions de conservation peuvent en effet conduire à une dégradation de ces produits mais également, dans les cas extrêmes, à certains cas

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d’intoxication alimentaire. Ainsi, pour garantir la qualité de ces produits, il est essentiel d’utiliser des méthodes analytiques permettant une détermination rapide et fiable de ces différents paramètres.

Immédiatement après la pêche et la mort du poisson, l’altération du poisson débute que ce soit par des procédés autolytiques ou microbiens. La quantité de bactéries et la teneur de certains produits de décomposition peuvent ainsi être utilisées comme indicateurs post-mortem de la qualité du poisson. Le schéma de dégradation du poisson conservé sous glace est composé de quatre phases :

- Une première phase où le poisson est extrêmement frais, également qualifiée d’ultra-fraîcheur, durant laquelle la dégradation est principalement autolytique. Ce stade dure environ deux jours pour la majorité des espèces et durant celle-ci la chair a une saveur douce et délicate.

- Une seconde phase caractérisée par une perte progressive de saveur des tissus. La chair possède alors un goût neutre mais la texture reste agréable. Les processus de détérioration sont majoritairement autolytiques. Cette étape dure également quelques jours et varie en fonction des espèces.

- Lors de la troisième phase, une altération importante des qualités gustatives et de la texture des tissus a lieu, cette dernière devenant soit molle et aqueuse, soit dure et sèche. Un certain nombre de substances volatiles à l’odeur désagréable (ammoniacale) apparaissent suivant les espèces et le type d’altération (aérobie, anaérobie). Les changements sont essentiellement bactériens et la principale réaction microbienne est la réduction du OTMA-N en TMA-N.

- Une dernière phase où le poisson est impropre à la consommation, celui-ci étant considéré comme trop altéré et putride.

Actuellement, plusieurs méthodes analytiques officielles sont recommandées dans le but d’évaluer la fraîcheur et la qualité du poisson se basant sur des techniques sensorielles, microbiologiques, chimiques, physiques et physico-chimiques146,147. Du point de vue des méthodes chimiques, trois méthodes sont couramment utilisées : l’Azote Basique Volatil Total (ABVT)148, la teneur en triméthylamine (TMA-N)148 et la mesure des catabolites de nucléotides à travers la valeur K149,150.

L’Azote Basique Volatil Total est un indicateur de la dégradation du poisson par dégradation autolytique (dégradation de certaines protéines par des enzymes présentes dans le poisson)

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mais également par l’action de certaines bactéries (dégradation de l’oxyde de triméthylamine) et consiste en la détermination de la teneur en ammoniaque (NH3), monométhylamine, dimethylamine (DMA), triméthylamine (TMA-N) et d’autres amines volatiles148. La méthode officielle de référence (règlement CE n°2074/2005), permettant de mesurer l’ABVT, implique tout d’abord une première étape de déprotéinisation de l’échantillon par un acide (acide perchlorique ou acide borique) suivie d’une distillation de l’extrait acide à la vapeur d’eau et enfin une titration avec un acide fort (par exemple l’acide chlorhydrique) afin de déterminer la quantité de bases distillée. D’autres méthodes utilisant des cellules à microdiffusion de Conway151 ou la distillation directe152 existent également.

L’analyse du TMA-N réside dans la mesure de la réduction de l’oxyde de triméthylamine (OTMA-N) par des bactéries, durant la conservation du poisson, en triméthylamine qui est un composé volatil responsable de la forte odeur du poisson. La réduction de l’OTMA-N est principalement associée à des bactéries marines telles que Photobacterium, Alteromonas,

Vibrio et S. putrefacien mais également à certains microbes intestinaux de la famille des Enterobacteriaceae.

Une méthode officielle existe pour le dosage de la triméthylamine (AOAC 971.14) et consiste, tout d’abord, en une extraction du TMA-N de l’échantillon à l’aide d’un alcène (toluène ou benzène) puis d’un ajout d’acide picrique à l’extrait précédemment obtenu qui va engendrer la formation d’un complexe coloré. Des méthodes non officielles sont également utilisées telles que la micro diffusion ou la distillation d’un extrait acide (méthodes identiques à celles citées pour la détermination de l’ABVT sauf qu’une étape additionnelle consistant en l’ajout de formaldéhyde pour bloquer les amines primaires et secondaires est nécessaire) ou des méthodes enzymatiques153.

La valeur K est un indicateur chimique international qui mesure le processus autolytique de dégradation de l’ATP (Adénosine-5’-Triphosphate) qui est le vecteur de l’énergie permettant de transporter l’énergie de certaines réactions ayant lieu au sein d’un organisme vers les cellules qui en ont besoin. La rigor mortis survient lorsque le niveau d’ATP est inférieur à 1mmole/g, cette molécule jouant également le rôle d’agent plastifiant. En effet, la contraction musculaire est contrôlée par le calcium (Ca2+) et l’enzyme ATP-ase présente dans les cellules musculaires. Le ramollissement du muscle à la fin de la rigor mortis coïncide avec le début des processus autolytiques.

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A partir de la mort du poisson et donc de l’arrêt de la respiration cellulaire, la production d’ATP cesse et les stocks d’ATP sont dégradés une fois la rigor mortis finie par des enzymes endogènes selon l’équation suivante :

Avec les abréviations suivantes : ADP : Adésonine-5’-DiPhosphate, AMP : Adénosine-5’-MonoPhosphate, IMP :Inosine-5’-Adénosine-5’-MonoPhosphate, HxR : inosine et Hx : Hypoxanthine.

La valeur K est déterminée en mesurant le rapport des concentrations de ces six nucléotides selon la formule suivante :

Aucun lien direct n’a pu être établi entre la dégradation des catabolites de nucléotides et la cause de l’altération de la fraîcheur. Cependant, l’hypoxanthine est un composé responsable de l’arrière-goût amer du poisson détérioré et l’IMP est quant à lui responsable du goût recherché de poisson frais seulement retrouvé dans les produits extrêmement frais. Ce dernier est également considéré comme étant à l’origine de la saveur unami, qui est l’un des 5 goûts de base au Japon154.

Dans la littérature, la valeur K est considérée comme le meilleur indicateur chimique de la fraîcheur du poisson155 pour la détermination de l’ultra-fraîcheur.

A la différence des deux autres méthodes précédemment décrites, la détermination de la valeur K ne présente pas de méthodes officielles. Cependant, la technique de détection la plus communément utilisée pour la mesure de la concentration des différents nucléotides est la CLHP. Néanmoins, avant l’analyse par CLHP, une étape préliminaire d’extraction des amines est requise à l’aide d’acide perchlorique ou d’acide chloroacétique. Les amines extraites sont alors dérivées en utilisant des d’halogénures d’acides afin de permettre leur détection par CLHP sur une colonne chromatographique en phase inverse. La méthode enzymatique, basée sur la mesure de la consommation de l’oxygène durant la dernière étape de dégradation de l’ATP, catalysée par l’enzyme xanthine oxidase, est également largement employée. L’évaluation de la quantité d’oxygène est réalisée par des électrodes d’oxygène156

ou, plus récemment, par un dispositif microfluidique électrochimique157.

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Quelques études portant sur la détermination de la fraîcheur ou de la qualité du poisson ont été réalisées par RMN haute résolution. Tout d’abord, Sitter et al158 ont démontré qu’à l’aide de spectre RMN liquide haute résolution 1H enregistrés sur des extraits de flétan d’Atlantique, il était possible de déterminer la teneur des différents composés impliqués dans la valeur K par simple intégration ou déconvolution des signaux RMN correspondant. Au cours de cette étude, les auteurs ont également démontré que la valeur K n’était pas affectée par la congélation préalable à l’analyse du poisson, une propriété que Ehira et Uchiyama155

avaient déjà observé sur d’autres espèces de poissons. Howell et al159

ont, quant à eux, montré que la spectroscopie RMN 1H pouvait être utilisée pour estimer le niveau de TMA-N au sein d’extraits de poisson et que les mesures élevées au sein de cabillauds et haddocks indiquaient qu’une dégradation bactérienne importante avait eu lieu. Enfin, Erikson et al160

ont récemment publié une revue des applications de la RMN (RMN liquide, Imagerie par Résonance Magnétique et RMN bas champ) dans le but d’optimiser les processus de transformation du poisson.