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Partie 2 : Exposomes

5. Introduction au concept des réseaux

Désignant un ensemble d’éléments interconnectés, la notion de réseau s'est popularisée, notamment avec les réseaux sociaux de type Facebook, Twitter, LinkedIn ou encore BiomedExperts. Le concept des réseaux renvoie à la théorie des graphes faisant référence à la théorie des réseaux qui s’intéresse aux réseaux du monde réel plutôt qu’au concept mathématique. La théorie des réseaux est ainsi régie par des concept-clefs, dont la compréhension est un point fondamental pour l’exploitation de ces systèmes complexes.

5.1. Le concept des réseaux

Le point de départ de l'étude des réseaux consiste à structurer les individus de manière différente des bases de données conventionnelles.

5.1.1. Structure des données

Les bases de données conventionnelles sont construites sur un modèle classique où les individus, en lignes, sont décrits par des attributs en colonnes. L’analyse conventionnelle de ces informations consiste à examiner les distributions et les corrélations de ces variables parmi les individus.

Les données relatives aux réseaux se présentent sous la forme d’une matrice carrée symétrique (Figure 16). Les lignes et les colonnes de cette matrice décrivent exactement les mêmes individus. Chaque cellule de la matrice décrit une relation réciproque entre deux individus. A la différence des données conventionnelles qui se focalisent sur la distribution d'attributs parmi un ensemble d'individus, les données de réseaux s'intéressent aux relations entre les individus. La différence est conséquente pour les choix qu’un chercheur peut être amené à faire en décidant de la structure des données.

Figure 16 : Schéma illustratif de la structure des données.

Bien qu’il soit possible de décrire les données matricielles comme une forme spéciale de données conventionnelles, l’analyse des réseaux s'intéresse aux données de manière différente. Plutôt que de penser comment un individu se lie aux autres, on observe une structure dans laquelle les individus s’intègrent en fonction de leurs ressemblances. L'organisation des données sous la forme de réseaux nous amène à observer les individus sous un angle nouveau.

5.1.2. Composantes des réseaux

Un réseau, également appelé "graphe", est formalisé par deux composantes essentielles :

Les nœuds

Les nœuds caractérisent les acteurs du réseau auxquels il est possible d'attribuer des descripteurs de nature qualitative et/ou quantitative. La théorie des graphes fait références aux nœuds par des

vertices (sommets), représentés le plus souvent par des cercles [Wasserman]. Par exemple, dans un

réseau social, un nœud pourrait formaliser un individu de sexe masculin de poids supérieur à 70Kg.

Les liens

Les relations entre ces nœuds sont conceptualisées par des liens, caractérisables par des descripteurs de type qualitatif ou quantitatif. Par exemple, un lien renseigne la nature de la relation entre deux nœuds ou individus, marital ou amical par exemple. Mais un lien peut aussi être de nature quantitative en renseignant par exemple le nombre de points communs entre deux individus.

La théorie des réseaux a inspiré de nombreux travaux de recherche, favorisant l'interdisciplinarité des domaines ; comme la sociologie, la biologie moléculaire ou encore le domaine de la santé.

5.2. Les réseaux dans la littérature scientifique

Aujourd'hui, les réseaux sociaux connaissent une véritable explosion sur le net ; 77% des internautes déclarent être membres d'au moins un réseau social (96% chez les 18-24 ans) (source : ifop), nous donnant un aperçu de leur efficacité et de leur pouvoir communautaire. Mais les réseaux au sens large sont plus que des "communautés de contacts" : il s'agit d'un cadre conceptuel qui attire particulièrement l'attention des scientifiques pour résoudre des problèmes complexes [Oltvai 2002].

5.2.1. Les réseaux sociaux

Pour les sociologues, la théorie des graphes a permis de comprendre les phénomènes sociaux dans une grande variété de disciplines ; de la psychologie à l'économie [Borgatti 2009]. Un réseau social est défini comme un ensemble d'individus, représentés par des nœuds, connectés entre eux par des interactions sociales, représentées par des liens. La science des réseaux sociaux, ou social

networking, étudie principalement les comportements entre des individus ou des communautés

d'individus [Wasserman 1994].

A titre illustratif, Fowler et al. ont étudié la cohorte "Framingham Heart Study", composée de 12 067 individus de 1971 à 2003 [Fowler 2008]. Parmi les études réalisées sur ces données, leurs objectifs étaient d'évaluer la propagation du bonheur au sein d'un groupe d'individus et d'identifier les sources de bonheur. Ce travail a montré que le bonheur est un phénomène de réseau, pouvant se propager entre les individus en fonction de la nature des liens sociaux (époux, parents, amis).

5.2.2. Les réseaux en biologie moléculaire

Les biologistes appellent "interactome" un ensemble d'interactions moléculaires dans les cellules, et représentent ce système sous la forme d'un réseau. Ce terme a été crée en 1999 par un groupe de chercheurs français [Sanchez 1999]. L'interactome se réfère à des réseaux de type protein-protein

interaction network (PPI) ou protein interaction network (PIN). Par exemple, des chercheurs ont

démontré qu'il existait un faible nombre de protéines qui jouent un rôle essentiel dans la levure de bière car elles interagissent avec un grand nombre de protéines [Zotenko 2008]. Cette étude a

5.2.3. Les réseaux en santé

Dans les réseaux sociaux, les liens entre les individus déterminent la force de leur relation dans la survenue d’une maladie. Comme exemple, nous pouvons citer une étude sur la propagation de l’obésité où Christakis a utilisé le concept des réseaux relationnels en liant les individus qui partagent des liens sociaux de même nature pour suivre l’évolution de leur poids au cours du temps [Christakis 2007]. Partant de l’hypothèse que la prise de poids d’un individu peut être influencée par son entourage, cette approche a permis de soulever l’hypothèse que le réseau social pouvait être un des facteurs de l’obésité.

En médecine, le nombre de points communs entre les individus atteints de la même maladie déterminent l’intensité de leur relation. Sur cette idée, Barabási a conceptualisé ce réseau sous le terme de "diseasome" [Barabási 2007 a]. Ainsi, le réseau social des obèses, par exemple, peut être couplé à un réseau d’expositions plus large permettant ainsi d’étudier l’ensemble de ces facteurs génétiques, environnementaux ou comportementaux de manière collective pour prendre en compte la combinaison des composantes potentiellement étiologiques dans les effets sur la santé.

D'autres auteurs raisonnent en termes de "Human Disease Network", un réseau de pathologies humaines partageant des mutations génétiques similaires alors que les malades ne développent pas forcément la même pathologie. Cette approche a pour but d’émettre des hypothèses quant aux rôles des mutations génétiques dans l’apparition des maladies [Goh 2007 ; Barabási 2011].

Des approches prédictives ont également été développées sur le concept des réseaux pour l'étude de la propagation des épidémies dans un réseau social, comme par exemple la transmission des maladies infectieuses [Keeling 2005], où l’intensité de la relation est utilisée pour prédire la force de l’infection.

Ces exemples ont en commun la recherche de caractéristiques similaires pour la compréhension des mécanismes et l’identification des facteurs-clés dans le développement et la manifestation des pathologies. Ainsi, la recherche des similitudes entre des situations apparemment différentes est l’élément structurant des analyses qui peuvent en découler. Différents domaines de recherche utilisent les réseaux relationnels pour représenter et comprendre des systèmes complexes. Il s'agit d'une science commune dont les propriétés mécanistiques et structurelles sont universelles [Strogatz 2001].

5.3. Topologies des réseaux

Décrire la forme des réseaux constitue un travail essentiel pour comprendre son organisation. La structure des réseaux contribue ainsi à caractériser ses propriétés intrinsèques. On distingue classiquement trois formes de réseaux qui fonctionnent selon leurs propres propriétés (Figure 17).

Figure 17 : Trois types de réseau (Illustration extraite de [Barabási 2004]).

A. Random network

Les random networks sont basés sur le modèle de Erdös - Rényi [Barabási 1999 ; Derényi 2005] conçus sur le principe que chaque paire de nœud a la même probabilité d'être connectée au sein du réseau. Cette caractéristique permet de créer un graphe dans lequel les nœuds ont approximativement le même nombre de liens, ou voisins directs.

B. Scale-free network

Les scale-free networks sont basés sur le modèle de Barabási - Albert [Barabási 1999] qui ont découvert leurs propriétés en 1999. Supposant que les sites internet étaient reliés entre eux de manière aléatoire, un logiciel a été utilisé pour analyser les liens entre les sites. Selon la théorie des graphes, la plupart des sites auraient du présenter le même nombre de liens. Mais en réalité, la plupart des sites étaient connectés à un très faible nombre d'autres sites, et seulement un faible nombre de sites possédaient un très grand nombre de liens. Cette découverte a transformé la perception des scientifiques dans différents domaines, par exemple en sociologie et en biologie moléculaire. Les scale-free networks permettent aujourd'hui de développer des modèles pour la lutte des épidémies ou encore l'analyse des faiblesses sur la Toile.

nécessitent néanmoins un nombre suffisant de nœuds hautement connectés pour fonctionner. En l'absence de ces nœuds, la structure du réseau s'effondre.

C. Hierarchical network

Les hierarchical networks sont également représentés sous la forme d'arbre hiérarchique. Ces systèmes sont structurés de manière hiérarchique par de petits groupes de nœuds ; les nœuds sont reliés à un nœud central, appelés "root". Chaque nœud est relié à un certain nombre de nœuds de niveau inférieur dans la hiérarchie. Ce nombre est appelé facteur de branchement ("branching factor").

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Résumé

5. Introduction au concept des réseaux

Un réseau est un ensemble d'éléments, appelés nœuds, et reliés entre eux par des liens. Un réseau est formalisé par un "graphe". L'étude des réseaux est basée sur des concepts fondamentaux, applicables et appliqués dans de nombreux domaines scientifiques.

Dans la littérature, le domaine de la sociologie utilise largement ce concept, mais ce système tend à se généraliser dans d'autres domaines comme en biologie moléculaire ou en santé. Dans ces domaines d'application, une des principales exploitations de ces systèmes est de caractériser la structure globale du réseau ("clustering") afin d'identifier des regroupements de nœuds en sous-réseaux. Nous présentons ainsi les formes les plus courantes de réseaux répertoriés dans la littérature ; les scale-free networks, les random networks et les hierarchical networks.

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