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2 Biochimie de l’halogénation et de la déhalogénation

2.5 Introduction aux enzymes de l’halogénation

Dans la nature plusieurs familles d’enzymes ont été caractérisées pour leur capacité à oxyder les halogénures. Actuellement quatre groupes d’enzymes impliquées dans l’halogénation ont été décrits et classés selon la nature de leurs cofacteurs (Figure I.11) et utilisent des mécanismes catalytiques bien distincts [pour revue : Vaillancourt et al., 2006; Butler and Sandy, 2009].

Le premier groupe rassemble les enzymes qui ont une flavine adénine dinucléotide (FADH2) comme cofacteur, telle que l’halogénase chloramphénicol CmlS isolée de Streptomyces venezuelae impliquée dans la voie de biosynthèse du chloramphénicol

[Podzelinska et al., 2010]. Ces halogénases FADH2-dépendantes ont été isolées de plusieurs bactéries et présentent une molécule de FADH2 dans leur site actif. Durant le cycle catalytique, le cofacteur réagit avec une molécule d’oxygène, conduisant à la formation d’une liaison enzyme-flavine. Un ion chlorure peut attaquer cette flavine hydroperoxydase entraînant la formation d’acide hypochloreux qui pourra spontanément chlorer une molécule organique.

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Figure I.11 – Centre rédox présent dans différents sites actifs des (A) haloperoxydases à hème ou (B) dépendante du vanadium et C d’halogénases dépendantes du FAD(2 ou (D) dépendantes du Fe non-héminique.

Figure I.12 – Réactions enzymatiques des haloperoxydases. Les halogénures (X : Cl, Br et I) sont oxydés en présence de peroxyde d’hydrogène et peuvent ensuite réagir avec des composés organiques R-H) ou une seconde molécule d’(2O2.

Le second groupe est composé d’halogénases dépendantes du Fe non-hèminique. La première enzyme fut caractérisée chez Pseudomonas syringae et est impliquée dans la voie de biosynthèse de la syringomycine E, une molécule phytotoxique [Vaillancourt et al., 2005]. Ces enzymes montrent des homologies de séquence avec les oxygénases dépendantes du fer non-hèminique et sont capables de catalyser uniquement la chloration ou la bromation de

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composés organiques. Ces enzymes sont aussi dépendantes de l’α-kétoglutarate et du dioxygène [Vaillancourt et al., 2005].

Le troisième groupe rassemble les haloperoxydase (HPO) à hème. Historiquement la première enzyme impliquée dans un mécanisme d’halogénation fut détectée chez l’ascomycète terrestre Leptoxyphium fumago (anciennement Caldariomyces fumago) puis caractérisée comme étant une chloropéroxydase à hème. L’un des produits de cette enzyme est un composé chloré antimicrobien, la caldariomycine [Hager et al., 1966]. La découverte de cette molécule fut à l’origine du test spectrophotométrique utilisant le monochlorodimédone pour détecter les activités haloperoxydase. Chez les halopéroxydases hème-dépendantes, l’atome de fer joue le rôle d’agent redox. Durant le cycle catalytique, le peroxyde d’hydrogène oxyde l’atome de Fe(III) en Fe(IV) et cette réaction crée une double liaison Fe(IV)=O. Cet intermédiaire peut ensuite oxyder un anion Cl- pour former une molécule de OCl-, qui peut ensuite réagir avec une molécule organique ou avec une seconde molécule d’H2O2.

Enfin le dernier groupe réunit les halopéroxydases dépendantes du vanadium (cf. insert

2) et est décrit plus longuement dans le paragraphe suivant. Les halopéroxydases dépendantes du vanadium (VHPO), tout comme les HPO à hème, catalysent l’oxydation des halogénures (X-: Cl-, Br-, I-) en présence de peroxyde d’hydrogène et produisent l’acide hypohalogéneux correspondant (XOH) ou un intermédiaire halogéné du type OX-, X3- or X2

(Figure I.12). Ces intermédiaires diffusibles sont très réactifs et peuvent halogéner une large variété de composés nucléophiles [pour revue : Carter-Franklin and Butler, 2004; Butler and Sandy, 2009; Wischang and Hartung, 2011]. En absence de substrats organiques, une seconde molécule d’H2O2 peut être oxydée pour former du dioxygène et un anion X-. Les VHPO sont nommées en fonction de l’halogène le plus électronégatif qu’elles peuvent oxyder. Les chloroperoxydases (VCPO) peuvent oxyder le chlorure, le bromure et l’iodure ; les bromoperoxydases (VBPO) peuvent quant à elles réagir avec le bromure et l’iodure ; enfin les iodoperoxydases (VIPO) sont spécifiques de l’oxydation de l’iodure.

41 Insert 2

Du Panchromium au Vanadium

Gravure représentant la Déesse Freyja conduisant son char tiré par des chats d’Alexander , Cristal de vanadinite sur baryte de la mine de Mibladene, Maroc.

La découverte du Vanadium eut lieu deux fois au cours de l’histoire. La première fois date de , lorsque Andrès Manuel del Río (minéralogiste espagnol) traita de la vanadinite (Pb5(VO4)3Cl par l’acide sulfurique et isola un nouvel élément. )l le nomma tout d’abord Panchromium du grec, pancromo signifiant « toutes les couleurs ») dans un premier article publié dans un journal espagnol en 1803 [de la

Quadra, 1803]. Il envoya l’article décrivant ses travaux au chimiste français Jean-Antoine Chaptal.

Malheureusement l’article fut perdu lors du naufrage du bateau le transportant au large du Brésil. del Río renomma par la suite cet élément Erythronium du fait de sa couleur rouge lorsqu’il est chauffé en milieu acide. Mais lorsque del Río lut les résultats du chimiste français Fourcroy sur la découverte du chrome, il pensa que ses conclusions étaient erronées. Le chimiste français Collet-Descotils [1805], après avoir analysé un échantillon de vanadinite, conclura d’ailleurs que l’élément isolé par del Río était bien du chrome.

Trente ans plus tard, en 1830, le chimiste suédois Nils Sefström découvrit le vanadium à partir de minéraux extraits d’une mine de fer et nomma cet élément Vanadium, dérivé de Vanadis surnom de Freyja, déesse suédoise de la beauté et de la jeunesse). Par la suite le chimiste allemand, Friedrich Wöhler découvrant les résultats de del Río, réhabilita ce dernier comme la première personne ayant découvert cet élément mais le nom resta Vanadium.

Le vanadium est utilisé principalement dans les alliages depuis le début du XXème siècle et est un sous-produit de l’extraction du fer, du cuivre, du plomb,... )l sert aussi en tant que catalyseur et entre dans la composition de pigments [pour revue : Crans et al., 2004].

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3 Les haloperoxydases à vanadium de la structure à l’exploration de leurs