• Aucun résultat trouvé

1 Caractérisation biochimique d’une iodotyrosine déiodinase chez Z. galactanivorans

1.1. Analyse in silico de la protéine Zg-4305

La recherche de domaines conservés dans la séquence protéique codée par le gène zg-4305 (Zg-4305, 230 acides aminés) prédit la présence d’un domaine caractéristique des iodotyrosine déiodinases antérieurement dénommées iodotyrosine déhalogénases (Figure III.30). L’analyse bioinformatique du gène zg-4305 montre l’absence de peptide signal qui permettrait son adressage à la membrane ou sa sécrétion dans le périplasme.

Figure III.30 - Résultat de l'analyse de la séquence protéique de Zg-4305 sur le serveur CDD (NCBI, http://www.ncbi.nlm.nih.gov/cdd/)

L’analyse par Blast contre la banque de protéines « nr » révèle que des protéines sont potentiellement présentes chez plusieurs bactéries appartenant à différentes classes de Bacteroidetes (Flavobacteriia, Sphingobacteriia et Cytophagia). Ceux-ci présentent de forts taux

98

d’identité avec Zg-4305, mais la fonction de ces protéines reste encore inconnue (Table III.8). Malgré cette grande variété, toutes ces bactéries ont été isolées dans des milieux marins ou aquatiques hormis Spirosoma spitsbergense qui a été isolée dans le permafrost en Arctique [Finster et al., 2009].

Table III.8 - Résultat de l’analyse par Blast NCB) de la protéine Zg-4305. Seules les séquences bactériennes présentent

dans la banque de séquence de protéines non-redondantes (nr) et présentant plus de % d’identité avec Zg-4305 sont présentées.

Espèce Classe Couverture

(%)

Valeur E Identité (%)

Environnement

Maribacter sp. HTCC2170 Flavobacteriia 100 1e-126 73 Marin

Aquimarina agarilytica Flavobacteriia 99 3e-115 69 Marin

Lewinella cohaerens Sphingobacteriia 97 4e-112 69 Côte océanique

Gramella forsetii Flavobacteriia 96 2e-107 66 Marin

Flavobacterium sp. ACAM123 Flavobacteriia 96 9e-101 62 Marin

Marivirga tractuosa DSM4126 Cytophagia 96 3e-100 63 Marin

Flavobacterium frigoris Flavobacteriia 99 2e-96 60 Lac d’Antarctique

Fulvivirga imtechensis Cytophagia 96 4e-96 61 Marin

Algoriphagus sp. PR1 Cytophagia 94 3e-94 61 Marin

Owenweeksia hongkonggensis DSM17368 Flavobacteriia 93 5e-94 66 Marin

Microscilla marina Cytophagia 93 3e-86 62 Marin

Lewinella persica Cytophagia 90 1e-88 60 Marin

Fibrisoma limi Cytophagia 90 2e-88 60 Boue côtière

Spirosoma spitsbergense Cytophagia 88 6e-88 61 Permafrost

Halicomenobacter hydrosis DSM1100 Cytophagia 85 3e-87 61 Eau douce

La séquence codante de zg-4305 montre des pourcentages d’identité élevés avec les iodotyrosine déiodinases humaines (49% d’identité) et celle de la souris Mus musculus (48% d’identités). Elle présente aussi des pourcentages d’identité importants avec des IYD putatives identifiées dans les génomes de Xenopus tropicalis (Xt-Q5M8L2) et de Danaus plexippus (Dp-G6CZZ4) [Hellsten et al., 2010; Zhan et al., 2011]. Chez Xenopus laevis de nombreux articles ont montré le rôle d’hormones thyroïdiennes et de la IYD dans le développement de cet organisme

[Simon et al., 2002; Fujimoto et al., 2012],mais aucun article ne fait référence au rôle de l’iode ou de métabolites iodés chez D. plexippus ou plus largement chez les papillons.

L’alignement de la protéine Zg-4305 avec ces différentes IYD animales est présenté dans la

Figure III.31. L’analyse montre l’absence de la région membranaire chez Zg-4305. Toutefois cette

région permet l’ancrage de cette enzyme dans δm-IYD et Hs-IYD [Friedman et al., 2006; Thomas et al., 2009]. Les résidus décrits comme liants le substrat et la FMN dans la structure établie pour la région cytoplasmique de l’IYD de souris [Thomas et al., 2009] sont fortement conservés chez Zg-4305. Seules une valine et une thréonine sont, respectivement, remplacées par une leucine et une histidine chez Zg-4305 au niveau d’un des motifs contribuant à cette liaison de la Fδε. La

99

recherche de contacts entre le résidu thréonine 233 (numérotation de la structure de Mm-IYD) et la FMN par les logiciels Pymol v1.6 et Ligand Explorer ne montre aucune interaction directe. Cependant ce résidu est impliqué dans des liaisons hydrogènes avec un feuillet β qui stabilise la boucle contenant des résidus liants le cofacteur (Figure III.32). La substitution de la thréonine en histidine peut ne pas gêner la liaison de la Fδε. Au vu de l’alignement protéique, il est possible d’émettre certains doutes quant à l’existence d’une IYD chez le papillon D. plexippus du fait de l’absence d’une grande partie de la région C-terminal, ainsi que de la plupart des résidus liants la Fδε et les substrats. Cependant, des erreurs lors du séquençage et de l’annotation du génome pourraient être à l’origine d’un codon stop prématuré dans la séquence.

Figure III.31 - Alignement de Zg-4305 avec les iodotyrosine déiodinases humaines (Hs-IYD) et de souris (Mus musculus, Mm-IYD) ainsi qu’avec les )YD putatives de

Xenopus tropicalis (Xt-Q5M8L2) et

de Danaus plexippus (Dp-G6CZZ4).

La séquence de Mm-IYD caractérisée comme transmembranaire est soulignée en rouge. Celle correspondant à sa structure 3D (code PDB : 3GFD) est soulignée en bleu. Les résidus liants la FMN et le substrat (monoiodotyrosine, MIT) sont respectivement entourés en vert et en orange

100

Figure III.32 – Thréonine 233 impliquée dans la liaison de la FMN. La FMN et la 3-iodo-L-tyrosine

(MIT) sont représentées en bâtonnet. Les carbones sont colorés en gris. Les thréonines 233 et 234 et la leucine 258 (numéro de la structure de Mm-IYD, code PDB : 3GFD) sont représentées en bâtonnet et les carbones sont représentés en bleu. Les liaisons hydrogènes et les interactions polaires sont représentées en lignes pointillées jaunes.

L’analyse phylogénétique a été menée en construisant un arbre suivant le maximum de vraisemblance, fondé sur 147 positions informatives de 62 séquences protéiques alignées par le programme MUSCLE (http://www.ebi.ac.uk/Tools/msa/muscle/) (Figure III.33). La protéine Zg-4305 appartient à un groupe comprenant l’ensemble des IYD de mammifères, qui est bien séparé des nitro-réductases bactériennes, avec un embranchement fortement soutenu par une valeur de bootstrap de 99%. Ce groupe peut être divisé en deux sous-groupes, avec d’un côté les IYD animales et de l’autre des IYD putatives annotées dans le génome de flavobactéries marines. Jusqu’à présent, aucune enzyme du second sous-groupe n’a été caractérisée, tant au niveau biochimique qu’au niveau structural. Dans le sous-groupe contenant les IYD de mammifères, seules les enzymes Hs-IYD et Mm-IYD ont été caractérisées au niveau biochimique. La structure tridimensionnelle a été obtenue pour la région cytoplasmique de Mm-IYD (code d’accession PDB : 3GFD) [Thomas et al., 2009].

101

Figure III.33 – Analyse phylogénétique simplifiée des iodotyrosines déiodinases. Arbre construit suivant le maximum

de vraisemblance à partir d’un alignement de 62 protéines et de 147 positions

Zg-4305 semble donc très proche au niveau phylogénétique des IYD de mammifères. L’analyse in silico a montré une forte identité entre ces enzymes et la conservation des résidus impliqués dans la liaison avec le cofacteur FMN ou le substrat 3-iodo-L-tyrosine (δIT). L’analyse de la structure de Mm-IYD a montré que les substitutions de deux résidus pourraient ne pas perturber la liaison de la FMN. L’ensemble de ces résultats renforce l’annotation initiale de la protéine Zg-4305, qui correspondrait à une iodotyrosine déiodinase.

Certains génomes de bactéries isolées de milieux aquatiques, possèdent protéines aux fonctions inconnues, mais présentant de fortes identités avec la protéine Zg-4305 (≥ 60%). Il est intéressant de noter que, dans la plupart de ces bactéries, des gènes homologues aux iodoperoxydases à vanadium de Z. galactanivorans ont également été identifiés (cf. partie 4.1). La protéine Zg-4305 peut, sans doute, avoir un rôle associé à ces VHPO et en particulier dans la déiodation de composés halogénés. Enfin la présence de ces protéines uniquement chez les animaux et chez les Bacteroidetes semble indiquer un transfert latéral de gènes entre ces deux phyla au cours de l’évolution.

102