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A l’inverse de Z. galactanivorans, la localisation de l’iode chez L. digitata, est connu et se situe principalement dans le compartiment extracellulaire pariétal sous la forme d’iodure (cf. partie

I.2.2.1) [Verhaeghe et al., 2008b; Küpper et al., 2008]. Dans le contexte large du cycle de l’iode en

milieu marin, le projet KELPS vise à analyser finement la spéciation chimique et la distribution de l’iode chez cette algue brune en combinant plusieurs approches d’imagerie chimique et de spectrométrie de masse. Ce projet vise à compléter certaines informations manquantes sur la spéciation et la distribution de l’iode dans différents tissus de L. digitata (en fonction de l’âge, de la localisation géographique Roscoff/Cherbourg)

2.1 Imagerie et spéciation chimique par spectrométrie de masse chez L. digitata

Dans le cadre du projet KELPS, des analyses par DESI-TOF ont été entreprises par Diane Lebeau (DEN/DANS/DPC/SECR/LRMO, Saclay) et par Nathalie Leroy au cours de son stage d’ingénieur, d’une part sur des plantules fraiches et des coupes transversales de stipes de L. digitata (Figure V.70), d’autre part sur des fragments de lames lyophilisées (résultats non présentés). Malgré des problèmes importants de déshydratation de L. digitata dû au solvant et à la température élevée dans l’enceinte, il a été possible d’obtenir des informations précises et reproductibles sur la spéciation de l’iode dans cette algue. Dans les différents organes et aux différents stades de développement, l’iode se retrouve majoritairement sous la forme I- et I2

-(Figure V.70-A). Du fait de la très forte concentration en iode dans cette algue, la présence d’I2

-semble être due à la condensation des ions I- dans le spectromètre de masse. En effet, la concentration en iode des plantules de L. digitata est supérieure à 70 mM [Küpper et al., 1998], soit une concentration bien supérieure à celle où l’iodure se condense et forme l’iode I2- (0,5 mM). Néanmoins, ces résultats confirment que L. digitata concentre l’iode majoritairement sous la forme labile I- [Küpper et al., 2008]. Dans les différents échantillons l’espèce chimique IO- est présente mais de façon moins importante. Cela suggère une oxydation partielle de l’iodure dans cette algue.

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L’image partielle obtenue montre que l’iode semble être réparti sur la globalité de la surface de la plantule (Figure V.70-B). Enfin, les expériences menées sur une coupe transversale de stipe montrent que l’iode est réparti à la périphérie du stipe, majoritairement sous forme d’iodure (Figure V.70-C), corroborant ainsi les résultats de Verhaeghe et al. [2008b].

Figure V.70 - Analyse de la spéciation et de la répartition de l’iode chez L. digitata. (A) Spectre de masse obtenu par DESI-MS

avec une plantule fraiche. (B) Image reconstituée à partir des spectres de masse représentant la répartition des ions I- et I2-. La concentration d’iode est représentée par différentes couleurs échelle dans la figure . C )mage reconstituée à partir d’une coupe transversale de stipe provenant d’une algue adulte.

A C

B

Du fait de la forte concentration en iode dans L. digitata, il est possible d’utiliser la technique de MALDI-TOF (Désorption ionisation laser assistée par matrice couplée à un spectromètre de masse à temps de vol), moins sensible que la technique précédente, mais qui possède une résolution spatiale plus importante. Elle permet aussi d’étudier la spéciation de l’iode dans l’échantillon. L’utilisation d’un vide poussé nécessite une préparation de l’échantillon pour le fixer au porte échantillon. Les résultats de l’analyse par δALDI-TOF montrent une distribution de l’iode en périphérie du stipe (Figure V.71-A) sous forme d’iodures. Des essais d’imagerie par MALDI-TOF ont aussi été réalisés sur une lame de plantule de L. digitata, stimulée par une solution

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d’oligoguluronates. Ces éliciteurs de défense induisent une production locale et massive d’ERO et peuvent conduire à l’émission d’I2 chez L. digitata (cf. partie I.2.2.1). Les régions mises en contact avec cette solution montrent une augmentation du signal iode en surface (Figure V.71-B). Cette technique ayant une intrusion dans l’échantillon de l’ordre de 0,1 à 20 µm suivant la puissance du laser, nous observons des variations de concentration en surface de l’algue. Ceci suggère la remobilisation, en surface des iodures stockés dans le méristoderme et de leur émission sous la forme I2.

Figure V.71 - Distribution et spéciation de l’iode d’une section transversale de stipe d’un individu adulte A et sur la lame d’une plantule B de L. digitata. Les régions stimulées par des oligoguluronates sont notées par une étoile blanche

sur la lame.

A B

Ces analyses confirment que l’iode est stocké majoritairement en surface sous forme d’iodures chez L. digitata. De plus, les résultats préliminaires obtenus, suite à l’application d’un éliciteur de défense, montrent qu’il est possible d’utiliser l’imagerie par spectrométrie de masse pour étudier de façon très localisée la remobilisation de l’iode à la surface de l’algue.

2.2 Distribution chimique de l’iode par PIXE chez L. digitata

Afin d’obtenir la distribution tissulaire de l’iode chez L. digitata à partir de coupes de tissus dans différentes zones (lame, stipe, méristème) chez des plantules et des lames adultes ; des échantillons sont analysés simultanément, par RBS et par PIXE, sur la plate-forme AIFIRA de

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Gradignan avec l’équipe de Richard Ortega afin de quantifier les éléments et obtenir des images élémentaires. Ces techniques permettent d’atteindre des résolutions suffisantes pour observer la distribution au niveau subcellulaire dans cette algue.

L’analyse révèle que l’iode est majoritairement concentré dans les tissus périphériques et plus particulièrement au niveau du méristoderme et du cortex, tout autant dans le stipe que dans la lame (Figure V.72 et Figure V.73). Un gradient de concentration existe de l’extérieur vers l’intérieur. La distribution de l’iode est corrélée avec celle du carbone et correspond à la région apoplastique très riche en polysaccharides. Cette analyse complète les résultats obtenus précédemment chez L. digitata [Verhaeghe et al., 2008b]. Le brome est, quant à lui, présent dans la couche extérieure du méristoderme du stipe. Sa distribution est plus diffuse dans la lame adulte. Dans le cas de plantules, il ne semble pas que le brome soit présent en forte concentration. Ces résultats suggèrent que la concentration et le stockage de l’iode et du brome s’effectuent par deux mécanismes distincts.

Figure V.72 - Distribution élémentaire d’une section transversale de stipe de L. digitata plante adulte .

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Figure V.73 - Distribution élémentaire d’une section transversale de stipe dans une plantule (A) et une plante adulte chez L. digitata. (cx) cortex ; (me) médulla ; (mr) méristoderme.

A B