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Le changement climatique attendu sur la France va modifier les conditions propices aux incendies sur le territoire. Outre l’augmentation des températures attendue, les régimes de précipitations, de vent et l’humidité relative de l’air vont évoluer. Toutes ces variables contribuent au risque d’incendie en agissant à la fois sur les probabilités d’éclosion et la facilité de propagation du feu.

De façon à quantifier l’influence de ces variables, on utilise dans une première approche présentée dans ce chapitre des indices de danger climatique permettant de quantifier les conditions propices aux feux (voir Encadré 1.1, Chapitre 1). Le Fire Weather Index (FWI) par exemple est l’un des plus utilisés dans le monde, et il est calculé quotidiennement par Météo- France pendant la saison de feu pour calibrer les moyens de prévention et de lutte mis en œuvre. Il est possible de projeter cet indice sous climat futur, en utilisant des simulations climatiques produites sous différents scénarios d’émission. De telles projections avaient été réalisées par Météo France à l’occasion de la mission interministérielle Chatry, montrant une extension du risque vers les franges méditerranéennes et l’apparition d’une nouvelle zone à risque dans l’Ouest de la France, en zone ligérienne. La mission avait cependant soulevé la question de l’incertitude autour de ces projections, indiquant la pertinence de considérer plusieurs modèles climatiques pour quantifier l’incertitude.

Le calcul de l’indice à partir de ces simulations au pas de temps journalier demande quelques adaptations par rapport à l’indice canadien originel utilisant des données mesurées à midi. Nous avons comparé plusieurs combinaisons des variables climatiques journalières à l’indice calculé à partir des données horaires, obtenant des résultats en accord avec ceux de (Bedia et al. 2014a). Ce travail, ainsi qu’une discussion de l’impact de l’utilisation des données journalières concernant la vitesse du vent sont présentés en Annexe 2.

Comme expliqué dans le Chapitre 1, un premier niveau d’incertitude est lié au scénario de changement climatique. Dans le cadre des travaux du GIEC (GIEC 2014), ces scénarios correspondent à des trajectoires de forçage radiatif à l’horizon 2300 associées à des évolutions probables des concentrations atmosphériques en gaz à effet de serre, appelés RCP

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(Representative concentration pathway). Il existe quatre scénarios chacun donnant une variante probable de l’évolution du climat futur menant à des forçages radiatifs : 2.6 W.m-2 ;

4.5 W.m-2, 6 W.m-2, 8.5 W.m-2. Parmi ces derniers les RCP4.5 et 8.5 sont les plus utilisés dans

les études climatiques et d’impact, car ils représentent une trajectoire cohérente avec celle conduite jusqu’à ce jour.

Un second niveau d’incertitude est lié aux modèles climatiques eux même. En effet, les simulations climatiques utilisées aujourd’hui sont produites grâce à une chaîne de modèles permettant de tenir compte des processus impliqués dans le climat, intervenant depuis les échelles planétaires jusqu’aux échelles locales (c.à.d. au point d’intérêt). Ainsi, le premier élément de la chaîne est ce qu’on appelle un modèle de circulation générale (GCM, Global

circulation model) qui fonctionne à l’échelle planétaire. Il existe une diversité de ces modèles

qui diffèrent par leur structure (représentation des processus, de la surface, prise en compte plus ou moins détaillée des échanges avec l’océan, résolution spatiale, horizontale et verticale, etc) ce qui constitue une première couche d’incertitude. Les GCM sont toutefois limités à des résolutions spatiales trop grossières (100 à 300 km de résolution horizontale) pour permettre des études d’impact réalistes. Pour résoudre ce problème, les climatologues ont développé des modèles de circulation régionale (RCM) qui sont forcés par les sorties des GCM à leurs bornes spatiales (Feser et al. 2011). Le couplage GCM-RCM permet d’atteindre des résolutions de l’ordre de la dizaine de kilomètres (10 à 70 km), ce qui est bien plus pertinent pour les études d’impact (Giorgi et al. 2009).

L’étude soumise à Climatic Change qui constitue le corps de ce chapitre propose de quantifier l’ampleur de l’effet du changement climatique sur l’évolution du FWI ainsi que les différentes sources d’incertitude climatique associées aux trajectoires climatiques. Nous avons utilisé cinq combinaisons GCM-RCM contrastées, sous deux scénarios d’émission de gaz à effet de serre (RCP4.5 et RCP8.5). Une description du changement climatique projeté par chacun des modèles à horizon 2040 et 2080 sous les deux scénarios est disponible en Annexe 3, rassemblant des statistiques déclinées à l’échelle nationale et méditerranéenne, ainsi que des cartes d’évolution des variables climatiques d’intérêt. Une évaluation des biais des modèles est également proposée, démontrant leur importance, et justifiant par conséquent l’étape de correction de biais réalisée dans notre étude.

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Nous avons considéré trois sources d’incertitude climatique :

(i) L’incertitude modèle qui mesure le degré d’accord entre les différents couples GCM- RCM.

(ii) L’incertitude scénario qui est reliée à la différence entre les deux scénarios de forçage radiatif utilisés, l’un optimiste (RCP4.5) et l’autre pessimiste (RCP8.5).

(iii) La variabilité interannuelle qui représente la variabilité naturelle du climat au pas de temps annuel. Elle permet d’évaluer le bruit autour du signal de changement climatique et de fournir l’intervalle de confiance autour duquel la trajectoire moyenne se manifeste.

Nous invitons le lecteur à se rapporter au manuscrit ci-dessous pour comprendre les détails de l’étude. En résumé, nous avons pu montrer que la répartition de l’incertitude entre ces trois sources varie pendant la période d’étude. Les deux scénarios d’émission ne divergent réellement qu’à partir de la seconde moitié du siècle, mettant en évidence un effet retard (une inertie) des réductions d’émissions associées au RCP4.5. L’incertitude modèle est dominante pendant une bonne partie de la période. La variabilité interannuelle est également très importante, brouillant le signal de changement climatique avec quelques années très à risque au milieu d’autres années « normales ».

La quantification de cette variabilité interannuelle nous a permis d’évaluer l’intensité du changement attendu sur le danger d’incendie. Des conditions sévères observées en moyenne tous les 6 ans vont ainsi voir leur fréquence passer à une année sur deux à la fin du siècle dans le cas du scénario pessimiste.

La spatialisation de ces différentes incertitudes est également riche d’enseignements : elle permet de mettre en évidence que la zone d’extension dans l’ouest de la France mise en évidence dans le rapport Chatry, que nous retrouvons dans nos simulations, est aussi l’une des zones où l’incertitude modèle est la plus importante. A l’inverse, la région méditerranéenne (où le risque est déjà fort) présente une augmentation du risque très importante (la plus importante au niveau national) et cette augmentation est très certaine, car les différents modèles s’y accordent (§3). Ce dernier résultat nous a mené à compléter l’analyse au niveau national avec une analyse focalisée sur la région méditerranéenne dans la section 3 de ce chapitre. Elle révèle une incertitude modèle plus forte sur la partie ouest de la zone, confirme la très forte variabilité interannuelle (déjà observée aujourd’hui) et nous montre que le Languedoc est la région où les différences projetées entre les deux scénarios sont les plus fortes.

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Projections of fire danger under climate change over France: where do the