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Dans cette section, nous cherchons à caractériser la combustibilité des différents types identifiés dans la section précédente.

3.1 Approches empiriques

Dans les données de l’IFN, une variable permet aux techniciens de noter si des traces d’incendie sont visibles sur la placette. Ces traces sont mentionnées dans 286 placettes entre 2006 et 2016. Ces relevés ne concernent pas que le Sud de la France, bien qu’on note une forte densité de points sur le pourtour méditerranéen (Figure 6.6). Cependant, ces relevés contiennent peu d’information : on ne dispose pas de la date exacte du passage de l’incendie, ni d’évaluation précise de son intensité. Il est donc difficile de quantifier l’évolution du peuplement depuis l’incendie. De plus, la description des placettes n’est réalisée qu’après le passage de l’incendie, ce qui explique que le type 1 y soit surreprésenté (type présentant le moins de biomasse arborée, ce qui est attendu après un incendie). Cette description ne permet donc pas d’accéder à ce qui se trouvait sur la placette avant le passage du feu.

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Figure 6.6 : Distribution spatiale des placettes de l’IGN spécifiant la présence d’un feu

Comme certaines placettes de l’inventaire ont été échantillonnées plusieurs fois, nous avons tenté d’utiliser les données de retour sur placette 5 ans après pour déterminer des placettes sur lesquelles on aurait à la fois une description avant le passage de l’incendie et un signalement de feu postérieur. Sur ces placettes, on sait donc que l’incendie est « récent » (au cours des cinq dernières années). Mais le nombre de placettes correspondant à ce recoupement est très faible (18 placettes), et de ce fait insuffisant pour une étude statistique. La localisation de ces placettes et le type associé est représenté pour information dans la Figure 6.7.

Une autre approche statistique a été envisagée dans cette thèse, consistant en l’inclusion de la proportion de types par unité spatiale dans le modèle INLA. L’approche s’appuie conceptuellement sur les travaux réalisés par Marchal et al. (2016). Cette étude s’appuyait sur les proportions de différents types d’usage des sols au sein de larges pixels pour évaluer la propension de ces types à brûler, sans nécessiter la localisation exacte des types de peuplement au sein du pixel (et donc d’affecter chaque observation de feu à un type donné). La question de l’échelle spatiale à laquelle mener cette étude est centrale, et non triviale. Dans notre cas, on cherche une échelle qui permettrait d’estimer correctement la proportion des huit types identifiés au sein de chaque pixel, en sachant que cette estimation utilise les points de l’inventaire dont l’échantillonnage n’est pas homogène sur le territoire. Pour dépasser les difficultés liées à ce caractère ponctuel et à l’hétérogénéité de l’échantillonnage, une

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exploration a été menée en regroupant par 4 les pixels Safran, à une résolution de 16 km. Cette démarche n’a pas abouti du fait de la trop grande incertitude concernant les proportions obtenues pour les différents types.

Figure 6.7 : Distribution spatiale des placettes de l’IGN spécifiant la présence d’un feu et ayant fait l’objet d’une première description avant le passage du feu.

Concernant ces approches empiriques, des travaux analogues ont été menés récemment par Nunes et al. (2019) dans la Péninsule Ibérique. Cette étude utilise les données des inventaires forestiers portugais et espagnols. Un croisement est réalisé avec des données de contours de feux issues de la télédétection (feux de plus de 30 ha environ). Cependant, les surfaces parcourues dans ces pays sont beaucoup plus importantes qu’en France. Ainsi, dans leur étude, 18% des placettes portugaises ont brûlé au moins une fois après les mesures de l’inventaire. La proportion est moins importante en Espagne, mais l’échantillon y étant plus vaste (60 000 placettes), ils obtiennent un échantillon intéressant de plus de 1000 placettes ayant brûlé au moins une fois après. Ce croisement entre données ponctuelles issues des inventaires forestiers et données issues de la télédétection est une perspective intéressante à explorer dans le cas de la France.

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3.2 Approche mécaniste

3.2.1 Démarche envisagée

L’objectif principal de la réalisation de cette typologie était d’en évaluer la combustibilité à partir d’un modèle physique, ces approches étant largement développées dans l’équipe d’accueil de la thèse, avec notamment le FuelManager pour la modélisation physique du combustible et FIRETEC pour la modélisation physique du feu. La Figure 6.8 illustre le schéma conceptuel sous-jacent. La comparaison entre les vitesses et intensités du feu calculées selon FIRETEC pour les différents types de combustible pour un niveau de danger donné (et donc un FWI) permettrait ainsi de comprendre comment les différents types structurels affectent la relation feu climat et de raffiner la prédiction de l’activité selon le cas.

Figure 6.8 : Schéma conceptuel illustrant la démarche de modélisation mécaniste envisagée pour prendre en compte l’impact de la structure du combustible sur la relation feu climat.

Cette approche, illustrée ci-dessus pour FIRETEC pourrait en pratique être appliquée à n’importe quel modèle de comportement du feu susceptible de prendre en compte les effets de structure de combustible. Par exemple, la hauteur de base du houppier, combinée à l’état hydrique des feuilles permettrait de définir un seuil d’initiation dans l’équation de Van Wagner (1977), reprise par Cruz et al. (2004)

𝐼′= [𝐶𝐵𝐻 ∗ (460 + 25.9 ∗ 𝐹𝑀𝐶)

100 ]

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Où I’ est l’intensité critique d’initiation d’un feu de cime, CBH est la hauteur de base du houppier et FMC et la teneur en haut des feuilles de la canopée.

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3.2.2 Variables-clé manquantes

Quel que soit le modèle de comportement du feu, plus ou moins mécaniste ou empirique, des variables-clé sont nécessaires pour estimer la vitesse et l’intensité du feu. La hauteur de base du houppier, par exemple,est une variable essentielle pour décrire la structure verticale d’un peuplement. C’est la variable principale utilisée dans les modèles de passage en cime permettant de prédire le type de feu (voir paragraphe précédent), les feux de cime actifs étant les plus destructeurs et les plus difficiles à contrôler. Malheureusement, cette grandeur n’est pas disponible dans les données de l’inventaire français (contrairement à l’inventaire espagnol).

D’autres grandeurs clés sont nécessaires pour caractériser le comportement du feu. Ce sont les charges en kg/m2 de combustible fin. Elles traduisent la quantité de combustible à brûler

dans un peuplement, et son organisation dans l’espace. Les charges de végétation de surface (litière et herbacées) et de végétation arbustive sont déterminantes par rapport au comportement du feu. Combiné au taux de couvert de chaque espèce, la hauteur de la végétation arbustive permet de quantifier la biomasse du sous-étage. Elle est en effet nécessaire pour quantifier les enveloppes, ou « phytovolumes », que l’on peut ensuite utiliser pour estimer les charges à l’aide de relations allométriques. Malheureusement, la hauteur des strates arbustives n’est pas disponible dans les données de l’inventaire français (contrairement à l’inventaire espagnol, à nouveau). L’absence de relevés de hauteurs pour les arbustes et les herbacées dans l’inventaire français s’explique par la dynamique saisonnière de ces variables, ce qui pose le problème de la date d’inventaire (jour dans l’année).

Afin de combler ces manques, nous avons envisagé l’utilisation de modèles pour la hauteur de base du houppier ou les strates arbustives, mais ces approches nous ont semblé trop imprécises, compte-tenu de la sensibilité des modèles feux à ces paramètres. Nous avons donc renoncé à évaluer la combustibilité de nos différents types de combustible.

Conclusion

Ce chapitre s’est intéressé à l’aspect structurel du combustible, et à l’importance de son inclusion pour la projection du risque incendie au niveau national. Il propose une utilisation originale des données issues de l’IFN dans le but de réaliser une typologie structurelle du combustible à l’échelle du territoire métropolitain. D’autres études ont proposé d’utiliser les données d’inventaire forestier comme sources de description du combustible, en particulier l’étude de Nunes et al. (2019) déjà citée précédemment. En France, une étude récente s’est aussi appuyée sur ces données pour réaliser une étude de la vulnérabilité des forêts dans les Alpes face au passage d’un feu (Dupire et al. 2019). Toutefois, cette étude, menée à une

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échelle plus restreinte, s’appuyait sur des données détaillées de description du combustible, mesurées sur le terrain, les données de l’IFN servant surtout à extrapoler ces modèles de combustible.

L’exploration menée a permis de mettre en évidence certains points durs concernant cette utilisation, comme l’absence de variables-clé pour la caractérisation du combustible, et la difficulté de validation de la typologie obtenue. Concernant ce premier point, l’IFN pourrait s’inspirer des techniques utilisées par les inventaires forestiers espagnols ou portugais pour relever certaines mesures complémentaires. La hauteur de base du houppier est ainsi relevée depuis les années 1960 en Espagne sur un échantillonnage, et depuis 1990 de manière systématique sur les placettes portugaises (Nunes et al. 2019). Concernant le second point, le développement d’approches mécanistes, modélisant les processus, semble une perspective centrale pour mieux comprendre les évolutions d’activité dans des domaines de variations pour l’instant non réalisés (changement climatique).

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