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1.1 Projections du danger météorologique d’incendie

Pour répondre à la question de l’évolution du risque incendie, la première étape consiste à décrire le climat de demain. Notre étude a permis d’actualiser les résultats du rapport Chatry en utilisant les scénarios d’émission de GES les plus récents (RCP4.5 et 8.5), confirmant l’augmentation généralisée des niveaux de danger attendue sur le territoire métropolitain. La quantification des différentes sources d’incertitudes a permis de mettre en évidence que la partition des incertitudes entre scénario, modèle et variabilité interannuelle allait varier au cours du siècle. Dans les premières décennies, la variabilité interannuelle domine les autres sources d’incertitude. L’incertitude modèle augmente tout au long du siècle, dominant largement toutes les autres sources à horizon 2100. L’incertitude scénario n’apparait que tardivement, à horizon 2060, augmentant ensuite progressivement. Cet élément souligne l’inertie du système climat, nous informant que les trajectoires entre scénarios ne divergeront que bien après la mise en place des différentes politiques de réduction des émissions. Par ailleurs, l’analyse à l’échelle métropolitaine de l’étude a souligné des patrons spatiaux particuliers, comme par exemple l’incertitude modèle plus importante dans la partie Nord- Ouest du pays.

Cette évaluation dynamique et spatialisée des incertitudes est rendue possible par l’approche multimodèle. Les cinq modèles utilisés ont montré des projections de changement climatique contrastées. Ils présentent un relatif accord sur l’augmentation de la température et la diminution des précipitations, mais présentent des variations dans l’amplitude du changement projeté. Les tendances liées au vent et à l’humidité relative sont moins nettes. L’évaluation des biais (Annexe 3) a permis de démontrer la nécessité d’une correction de biais préalable au calcul des indices de danger, soulignant des lacunes importantes des modèles concernant la vitesse du vent et la fréquence des jours de pluie par exemple.

1.2 Compréhension de la relation climat-feu

La thèse propose une architecture de modèle probabiliste novatrice, prenant en compte de manière découplée les phénomènes d’occurrence et de développement du feu. Un des avantages du modèle proposé est son échelle fine : celle du jour et du pixel de 8 km de côté. De plus, il permet d’intégrer la dimension stochastique du phénomène, rendant possible une

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quantification des incertitudes liées à la relation climat-feu. L’ajustement d’effets spatio- temporels, sans a priori sur la forme des réponses, fait ressortir l’importance des facteurs non- climatiques sur le risque en zone méditerranéenne. En résumé, un FWI identique entre deux pixels n’implique pas la même probabilité de feu, cette probabilité étant également fortement influencée par la surface forestière, le moment de l’année et la localisation du pixel. Cette idée d’amélioration du FWI par la prise en compte du contexte local se retrouve dans une étude récente s’intéressant aux grands feux du Portugal entre 2001 et 2011 (Fernandes 2019), rejoignant nos conclusions.

Le modèle ajusté permet de reproduire la plupart des patrons spatio-temporels observés pendant la période historique de référence, tout en soulignant des éléments nouveaux. Les simulations sur la période historique mettent ainsi en évidence un décrochage de l’activité après 2003 comparativement au niveau de danger météorologique observé, suggérant une amélioration de l’efficacité des actions de prévention et de lutte. La non-linéarité très marquée de la relation entre FWI et probabilité d’occurrence, avec en particulier une forte convexité de la réponse au FWI, indique une potentielle sous-estimation du risque sur la base de projections d’indice de danger uniquement. Par ailleurs, un effet saisonnier important est mis en lumière, conduisant la probabilité d’occurrence à être multipliée par un facteur de près de 8 pour un niveau de FWI donné en fin d’hiver, comparativement à d’autres périodes de l’année. Cet effet saisonnier permet à notre modèle de reproduire le pic de feux d’hiver observé en Méditerranée française, le rendant applicable tout au long de l’année. La projection des feux d’hiver intéresse particulièrement les opérationnels, qui nous ont communiqué avoir peu de visibilité sur l’évolution à attendre sous climat changeant. Cette question revient d’autant plus que les années 2018 et 2019 ont été marquées par des bilans anormalement importants en fin d’hiver : plus de 2000 ha parcourus entre le 01/01 et le 31/03, avec un feu parcourant plus de 1000 ha dans chacun des cas, contribuant bien sûr fortement à ce bilan exceptionnel. Très peu d’études de projection européennes ou françaises ont tenté d’apporter des réponses sur ce point (mais voir les travaux de Sousa et al. (2015) sur une zone au nord de la Péninsule Ibérique pour le mois de mars).

La dimension stochastique intégrée dans le modèle est un pas supplémentaire vers une comparaison de l’ensemble des sources d’incertitude présentes dans les projections du risque à horizon 2100. Enfin, l’extrapolation sur la moitié Sud du territoire a permis de souligner les bonnes performances du modèle sur le massif landais, région aux caractéristiques pourtant assez différentes des conditions méditerranéennes, et sur laquelle le modèle n’a pas été

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calibré. Les simulations du modèle entre 2006 et 2017 y sont en effet comparables aux données d’observations de la BDIFF agrégées à l’échelle du département.

1.3 Évolution du régime de feu

Les projections d’activité du feu réalisées dans la thèse mettent en évidence deux éléments. D’une part, le réchauffement climatique entraîne des augmentations plus élevées pour les métriques d’activité de feu, en particulier pour les surfaces brûlées, que pour les métriques de danger fondées sur le FWI. D’autre part, les projections varient fortement suivant le modèle climatique et le scénario considéré.

En région méditerranéenne, le nombre de feux et les surfaces brûlées pendant la période estivale devraient ainsi augmenter respectivement de 33% à 112% et de 48% à 202% selon les modèles à l’horizon de la fin du siècle et selon le scénario le plus pessimiste, alors que l’augmentation du FWI moyen estival serait de 25% à 59%. L’étude des patrons spatiaux montre une forte intensification du risque dans la partie méditerranéenne littorale du continent, ainsi qu’en Corse, deux zones déjà confrontées à un niveau élevé d’aléa. Une extension dans l’arrière-pays est également mise en évidence, en particulier sur le Massif Central. La saison estivale de feu s’étendrait sur 3 à 5 semaines supplémentaires à horizon 2100. Toutefois, cet allongement de la saison de feu n’a qu’un effet mineur sur l’augmentation d’activité des feux de la saison, l’essentiel de l’augmentation étant réalisée au cours de la saison de feu actuelle correspondant aux mois de juillet et août.

Pour le reste du territoire métropolitain, l’extrapolation de notre modèle permet de souligner une augmentation généralisée de l’activité. L’Aquitaine pourrait être concernée par des niveaux de surface brûlée comparables à ceux observés en moyenne dans les départements du littoral méditerranéen actuellement, l’augmentation ayant lieu uniquement au cours de la période estivale. En effet, la zone Prométhée se démarque comme étant la seule zone sur laquelle le modèle prédit une augmentation de l’activité hivernale. L’évolution des conditions météorologiques sur le reste du territoire métropolitain ne conduirait donc pas à des conditions de danger important en fin d’hiver.