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Chapitre 6 Photoionisation de N 2 par un train d’impulsions attosecondes

6.2 Mesure de la phase mol´ eculaire de photoionisation ` a deux couleurs dans N 2

6.2.4 Interpr´ etation des mesures dans N 2

La mod´elisation th´eorique d´evelopp´ee par J´er´emie Caillat, Richard Ta¨ıeb et Alfred Maquet montre que la pr´esence d’un ´etat r´esonant interm´ediaire peut induire des sauts de phase importants dans les ´elements de matrice de transition `a deux photons deux couleurs. Nous avons voulu confronter nos r´esultats exp´erimentaux `a ce mod`ele, ce qui n´ecessite au pr´ealable l’identification de ´etats interm´ediaires impliqu´es.

6.2.4.1 Etats r´´ esonants autoionisants

La section efficace de photoionisation de N2 entre 715 et 740 ˚A, mesur´ee par exemle

dans [Dehmer 84], est repr´esent´ee sur la figure 6.10. La chaˆıne laser ayant une longueur d’onde centrale de 793 nm, l’harmonique 11 se situe `a 72,1 nm avec une largeur spectrale d’environ 0.7 nm, et recouvre partiellement une r´esonance `a 72.3 nm. Nous avons identifi´e cette r´esonance comme ´etant la cause du saut de phase observ´e sur le terme ∆ϕ12.

Chapitre 6. Photoionisation de N2 par un train d’impulsions attosecondes E Etat autoionisant H11 H13 E H11 H13 phase phase Etat autoionisant a b

Figure 6.9 – Effet du saut de phase de l’´el´ement de transition `a deux photons T2q(±)sur le terme de phase

∆θ12, dans le cas o`u les harmoniques 11 et 13 sont au-dessus de l’´etat autoionisant (a) et dans le cas o`u

l’´etat autoionisant se trouve entre les harmoniques 11 et 13.

Complex resonance Ph otoi on iz at ion c ro ss sec ti on H11 of 793nm

Figure 6.10 – Section efficace de photoionisation de N2, extraite de [Dehmer 84]. L’harmonique 11 du

6.2. Mesure de la phase mol´eculaire de photoionisation `a deux couleurs dans N2

Cette r´esonance est attribu´ee `a la pr´esence d’´etats de Rydberg de N2autoionisants : ces

´etats sont des ´etats li´es de N2, mais dont l’´energie est sup´erieure au potentiel d’ionisation

des canaux A et X. Ces ´etats (non repr´esent´es sur la figure ?? par soucis de clart´e) convergent vers l’´etat ionique B 2Σ+u, auquel ils sont quasi-parall`eles (la forme de leur potentiel est tr`es semblable `a celle de l’´etat ionique B). Ces ´etats autoionisants participent `

a une r´esonance complexe, dite de Hopfield, qui fait intervenir d’autres ´etats de Rydberg convergents vers l’´etat A de N+2.

Les courbes de potentiel associ´ees `a ces ´etats mol´eculaires et ioniques sont repr´esent´ees sur la figure6.11.

6.2.4.2 Influence sur les populations vibrationnelles

A priori, les populations des ´etats vibrationnels observ´es sur la figure 6.6(a) doivent suivre une distribution de Franck-Condon. Cette propri´et´e est en partie v´erifi´ee :

ˆ Les courbes de potentiel de l’´etat ionique X et du fondamental de N2 poss`edent

une distance internucl´eaire `a l’´equilibre tr`es semblable (1.11 ˚A pour le fondamental de N2, 1.12 ˚A pour X, voir figure 6.11). Une transition verticale de N2 vers l’´etat

ionique X va donc peupler peu d’´etats vibrationnels, ce qu’on observe pour les harmoniques 13 et 15 (observation de v0 =0 et faible v0 =1).

ˆ La courbe de potentiel de l’´etat ionique A poss`ede une distance internucl´eaire `a l’´equilibre de 1.18 ˚A. Ce d´ecalage par rapport `a l’´etat fondamental de N2 explique

l’´elargissement observ´e de la population vibrationnelle avec peuplement d’´etats plus ´elev´es (observations jusqu’`a v0 =5).

L’influence de l’´etat autoionisant r´esonant est cependant visible sur la population vibrationnelle de l’harmonique 11 du canal X, qui s’´ecarte de la distribution Franck- Condon classique et pr´esente de la population dans des ´etats vibrationnels ´elev´es (jusqu’`a v0 =3). L’effet de cette r´esonance est sch´ematis´e sur la figure 6.12 :

1. l’harmonique 11 tranfert la population du fondamental de N223 vers l’´etat autoioni-

sant r´esonant (´etat du neutre N2). Du fait de la largeur spectrale de l’harmonique,

plusieurs ´etat vibrationnels de cet ´etat quasi-parall`ele `a B sont peupl´es (suivant le principe de conservation d’´energie).

2. ces diff´erents ´etats vibrationnels sont ensuite projet´es sur l’´etat X (´etat de l’ion N+2), qui a une forme de potentiel proche de celle de l’´etat r´esonant : la distribution vibrationnellement ´elargie sur cet ´etat r´esonant sera alors r´epercut´ee sur celle de l’´etat X ([Parr 81]).

Si on calcule les populations vibrationnelles th´eoriques pour une transition de N2 vers

l’´etat X de N+2 via les ´etats de Rydberg quasi-parall`eles `a B (et non plus de fa¸con directe), on trouve un bon accord avec les populations mesur´ees (voir table 6.1).

23. L’´ecart entre les niveaux vibrationnels de N2 est de quelques centaines de meV (voir figure 6.11)

 kBT ≈ 25 meV `a temp´erature ambiante. On peut donc consid´erer que la population initiale de N2se

Chapitre 6. Photoionisation de N2 par un train d’impulsions attosecondes

6.2. Mesure de la phase mol´eculaire de photoionisation `a deux couleurs dans N2 Population initiale Population finale Population initiale Population finale Population intermédiaire 0 0 0 0 1 2 3 0 1 a) b) 1

Figure 6.12 – Influence de la pr´esence d’un ´etat r´esonant de N∗2 sur la population vibrationnelle finale

de l’ion N+2 (b), par rapport `a une transition sans ´etat interm´ediaire (a). Les trois ´etats N2, N+2 et N∗2

ont des potentiels quasi-parall`eles.

valeur th´eorique valeur mesur´ee v0=0 58% 58% v0=1 26% 20% v0=2 12% 12% v0=3 4% 10%

Table 6.1 – Populations vibrationnelles th´eoriques et mesur´ees pour l’´etat X de N+2 en prenant en compte un ´etat de Rydberg interm´ediaire avec la mˆeme forme de potentiel que l’´etat B de N+2

6.2.4.3 Influence sur le terme ∆θmol

12 de l’´etat X de N + 2

La pr´esence de ces ´etats autoionisants se traduit par un saut de phase important sur ∆θ12mol pour l’´etat X de N+2.

Dans nos mesures, nous avons vu que ce saut de phase d´ependait de l’´etat vibrationnel consid´er´e. La figure6.8montre que l’effet du saut de phase est particuli`erement important lorsque le niveau atteint par l’harmonique 11 est en dessous de la r´esonance (en ´energie). A partir de ces simulations, nous avons essay´e de reconstruire sch´ematiquement le processus de photoionisation dans les conditions de l’exp´erience (voir figure 6.13).

Le paquet d’onde initial du neutre est transf´er´e par l’harmonique 11 sur les premiers ´etats vibrationnels de l’´etat de Rydberg quasi-parall`ele `a B (v00 =0 et v00 =1). La partie centrale de l’´energie de l’harmonique se situe au-dessus de v00 =0, ce qui affectera peu la phase mol´eculaire acquise selon ce chemin. Par contre, l’harmonique se retrouve en dessous de l’´etat vibrationnel v00=1. La position de l’harmonique par rapport aux diff´erents ´etats va avoir une cons´equence directe sur les sauts de phases observ´es sur les niveaux v0 de l’´etat X, qui vont ˆetre diff´eremment peupl´es `a partir des ´etats vibrationnels de l’´etat autoionisant. Le calcul des facteurs de Franck-Condon montre que :

Chapitre 6. Photoionisation de N2 par un train d’impulsions attosecondes

v'=0

v'=1

v''=0

v''=1

v'=2

Etat de Rydberg autoionisant quasi-parallèle à B

Etat X  de l'ion

Coordonnée radiale

Energie

Figure 6.13 – Description sch´ematique du processus de photoionisation prenant en compte la r´epartition vibrationnelle des ´etats impliqu´es

ˆ l’´etat X,v0=0 re¸coit principalement la contribution de v00=0, et dans une moindre

grande proportion de v00=1. Le saut de phase (dˆu uniquement `a la contribution de v00=1) aura donc peu d’effet sur le terme ∆θmol

12 .

ˆ pour les ´etats X,v0 =1 et X,v0 =2, la contribution majeure provient de l’´etat v00 =1,

ce qui induira un fort saut de phase sur les termes de phase mol´eculaire correspon- dant.

Nous n’observons pas de ph´enom`ene similaire sur les bandes lat´erales associ´ees `a l’´etat A, ce qui peut s’expliquer par le faible couplage dipolaire entre les ´etats autoionisants et A.

Cette description reproduit qualitativement les r´esultats exp´erimentaux, mais elle peut cependant paraˆıtre trop simpliste au vu de la richesse spectroscopique de N2 dans cette

r´egion. Des ´etudes th´eoriques plus developp´ees sont actuellement en cours, incluant une meilleure description des ´etats de N2 et N+2.