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2.2. Interfaces de manipulation d’objets pour l’A/D virtuel

2.2.3. Interfaces de contrôle en effort

Nous nous intéressons dans cette partie aux interfaces réalisant le contrôle en effort d’objets virtuels manipulés pour la simulation interactive d’une opération d’A/D virtuelle. Ce type de contrôle sous-entend la perception de données en termes d’efforts (forces et/ou moments) lors de la manipulation virtuelle. Avant la présentation des principales interfaces permettant de réaliser le contrôle en effort, nous allons expliquer un principe de ce type de contrôle en classifiant des interfaces comportementales nécessaires.

2.2.3.1. Principe d’un contrôle en effort

Lors de la simulation d’une opération d’A/D et de maintenance virtuelle, comme dans d’autres catégories de simulations virtuelles, l’opérateur définit un objectif à atteindre (une configuration de montage final pour l’assemblage, par exemple) et essaye d’y parvenir en contrôlant en permanence et éventuellement en corrigeant ses actions sur la base des données de sortie durant la manipulation d’une pièce virtuelle. On a vu que pour le contrôle en postions, la visualisation temps réel des déplacements et, le cas échéant, des déformations de la pièce manipulée ainsi que l’affichage de l’environnement extérieur sont nécessaires. Néanmoins, afin d’étudier plus finement une opération virtuelle compte tenu du poids de la pièce ou des efforts lors d’une collision avec des obstacles, de planifier la trajectoire d’A/D sans collision (voire interdire les collisions durant la manipulation) et de l’optimiser dans le but de diminuer les efforts nécessaires à appliquer (car chaque simulation virtuelle doit être « reproductible » physiquement et ceci nécessite obligatoirement le développement d’un certain effort par un être humain), etc., il est également indispensable de pouvoir générer des efforts lors de la manipulation d’un objet virtuel. Ainsi, ces efforts, associés à une manipulation et nécessairement contrôlés en temps réel, deviennent des paramètres importants mis en jeu qui sont également des données de sortie. Ceci forme un autre type de contrôle d’actions de l’utilisateur à effectuer : un contrôle en effort (Figure 2.14).

Donc, comme dans le cas de contrôle en position, le contrôle en effort s’effectue à partir des données d’entrée, définissant les actions de l’utilisateur et capturées par une interface motrice de RV puis traduites et transmises à un système de simulation de RV (Figure 2.6). A son tour, le système de simulation produit un événement virtuel et fournit un ensemble d’informations associé à cet événement en temps réel. Dans le cas d’un contrôle en effort, une information de sortie comprend (Figure 2.14) :

• les efforts associés à une manipulation donnée,

• les déplacements de l’objet virtuel manipulé,

Chapitre 2. Réalité virtuelle : méthodes et modèles

Cette information sera transmise à l’utilisateur manipulant un objet virtuel par l’intermédiaire d’une interface sensorielle. Le but principal d’une telle interface dans le contexte de contrôle en effort est de percevoir des efforts produits par le système de simulation. Alors, l’utilisateur peut sentir les efforts associés aux déplacements d’un objet (dus au poids de cet objet, par exemple), à la déformation de l’objet ainsi que de son environnement extérieur, aux collisions avec des obstacles, etc. La perception de ces efforts s’obtient en utilisant des interfaces particulières appelées interfaces haptiques qui seront présentées dans cette partie.

Utilisateur Action Système de simulation de RV Perception Données d’entrée : déplacements Données de sortie : efforts, déplacements

Figure 2.14. Communication entre l’utilisateur et le système de simulation de RV dans le cas d’un contrôle en effort.

Ainsi, en se basant sur cette information d’effort en sortie, l’utilisateur tâche intuitivement d’atteindre une cible donnée en corrigeant éventuellement ses actions et sa stratégie. Néanmoins, dans la plupart des cas, le seul retour en terme d’efforts ne suffit pas : du fait de la difficulté de compréhension et d’analyse d’un événement virtuel à partir de la perception uniquement des efforts générés, mais aussi du fait de sa nature multi-sensorielle, un être humain a besoin d’observer un résultat de manipulation concernant les déplacements imposés à l’objet virtuel au début d’une boucle du contrôle en effort, le positionnement de cet objet par rapport à l’environnement extérieur, la déformation éventuelle d’un objet flexible, etc. Donc, durant la manipulation virtuelle et, notamment, la simulation de l’A/D virtuel, le contrôle en effort est souvent couplé avec le contrôle en position, i.e. le retour visuel en terme de déplacements imposés par l’utilisateur mais aussi de déformation d’un objet produite par le système de simulation de RV est organisé à l’aide d’interfaces sensorielles visuelles. Par ailleurs, d’autres interfaces sensorielles d’aide à la compréhension peuvent être utilisées, par exemple, des interfaces sonores pour signaler une collision détectée avec un obstacle.

Ainsi, les interfaces comportementales, utilisées dans la simulation des opérations d’A/D virtuelles dans le cas d’un contrôle en effort avec/sans un contrôle en position, sont :

• les interfaces sensori-motrices permettant de capturer et de transmettre des données d’entrée

géométriques à un système de simulation de RV. Les données d’entrée dépendent des capacités technologiques des interfaces sensori-motrices choisies, des objectifs de l’utilisateur et des moyens financiers mis en jeu, et représentent :

- les déplacements linéaires et/ou angulaires de la main de l’utilisateur,

- les mouvements capturés du corps entier ou d’une partie du corps de l’utilisateur, etc. ;

• les interfaces sensori-motrices et sensorielles permettant de fournir à l’utilisateur les résultats

de manipulation en termes d’efforts et de géométrie associés à la simulation. Les données de sortie peuvent représenter :

- les efforts dus au poids, la raideur, l’inertie d’un objet manipulé,

- les efforts dus à la déformation éventuelle d’un objet à caractère flexible,

- les efforts de réaction lors des collisions d’un objet avec son environnement,

- les déplacements linéaires et/ou angulaires d’un objet manipulé : la trajectoire d’A/D,

les formes déformées,

- le blocage mécanique d’une action de l’utilisateur afin d’éviter la pénétration d’un objet manipulé à l’intérieur de son environnement, etc.

2.2.3.2. Interfaces sensori-motrices à retour d’effort

Pour que l’utilisateur perçoive une information mécanique en retour et, notamment, les efforts requis lors de la simulation d’une action virtuelle, des interfaces haptiques sont nécessaires. Parmi ces interfaces, les dispositifs les plus utilisés en pratique sont à :

• sensibilité cutanée,

• retour d’effort.

La première famille de dispositifs haptiques – dispositifs à retour tactile – ont pour objectif de faire sentir à l’utilisateur en temps réel les différents contacts entre la main de l’utilisateur et un objet manipulé : l’état de surface (la rugosité), la température, les glissements, etc. Les interfaces à sensibilité cutanée sont des interfaces purement sensorielles et leur utilisation dans les applications d’A/D virtuel est encore très réduite actuellement. Nous allons présenter ici les principaux dispositifs à retour d’effort couramment employés dans le domaine de la simulation des opérations d’A/D et de maintenance virtuelles.

Les interfaces à retour d’effort ont une particularité intéressante : elles mesurent une information géométrique d’entrée concernant la position/orientation d’une partie du corps d’un être humain qui dirige la manipulation (le plus souvent, ce sont les déplacements de la main de l’utilisateur) et, en même temps, elles transmettent en temps réel des données de simulation de sortie en terme d’efforts à appliquer à cette même partie (la main, par exemple). Donc, ces interfaces ont un rôle moteur mais aussi générateur des stimuli, en agissant essentiellement sur les muscles de l’utilisateur [Burdea 1999], [Fuchs & al. 2001].

Dans le domaine d’A/D virtuel, les interfaces à retour d’effort sont associées aux manipulations virtuelles faites par la main de l’utilisateur. Ainsi, un effort évalué par le système de simulation de RV pour être appliqué à la main est une fonction des déplacements de celle-ci, mesurés par un dispositif haptique. En outre, ces déplacements de la main sont en général égaux aux déplacements de l’extrémité de ce dispositif haptique : ces mesures sont faites sur le même dispositif qui est donc une interface sensori-motrice.

On peut classer l’application du retour d’effort produit par une interface haptique selon les catégories suivantes :

• efforts retournés constants, propres aux caractéristiques physiques de l’objet virtuel manipulé :

sa masse, sa raideur, etc.,

• efforts constants ou variables, caractérisant la déformation d’un objet virtuel,

• efforts variables prenant en compte la dynamique des mouvements des objets manipulés

[Khatib & al. 2002], [Chablat & al. 2002],

• efforts constants ou variables pour modéliser le contact entre un objet manipulé et son

environnement. Par exemple, un effort constant d’une valeur importante, quelle que soit la collision, informerait l’utilisateur sur la présence d’un obstacle, en bloquant le mouvement correspondant du périphérique et donc, ceux de l’utilisateur (sensation de frontière) [Chablat & al. 2002], etc.

Afin de pouvoir exercer un retour d’effort vers l’opérateur, les dispositifs haptiques sont réalisés selon deux techniques principalement [Burdea 1996], [Burdea 1999], [Le Roy 1999], [Thalmann & al. 1999], [Chedmail & al. 2001], [Fuchs & al. 2001] :

• des dispositifs non-portables dont la base est liée au sol,

• des dispositifs portables, liés à une partie du corps d’un être humain (la main, par exemple).

Dispositifs haptiques non-portables :

Les dispositifs haptiques non-portables les plus utilisés pour l’assemblage virtuel sont des mécanismes de manipulation à bras articulé. La manière d’exploiter ces mécanismes est similaire à celle de commandes manuelles de manipulateurs pour les téléopérations : la manipulation d’un bras maître d’un télé-manipulateur. A la différence des bras maîtres, les interfaces de retour d’effort privilégient la légèreté, le confort, la sensibilité, la sécurité au détriment de la réduction d’un espace de

Chapitre 2. Réalité virtuelle : méthodes et modèles

travail de l’utilisateur ainsi que de la difficulté de produire des efforts important lors d’une manipulation virtuelle [Burdea 1999], [Fuchs & al. 2001].

Généralement, le dispositif à retour d’effort dispose de 2 à 6 DDL selon le modèle. Les interfaces les plus utilisées ont 3 ou 6 DDL en fonction des besoins de l’utilisateur. Ainsi, durant une manipulation virtuelle donnée, l’opérateur impose des déplacements en translation et/ou rotation (de 2 à 6 DDL) à un stylet ou à une poignée du bras articulé d’un dispositif à retour d’effort, et ces déplacements sont mesurés par ce dispositif. Alors, au cours de la manipulation, le système de simulation évalue les efforts à retourner, et le dispositif haptique agit donc sur la main de l’utilisateur en reproduisant en temps réel les efforts calculés selon le nombre de DDL autorisés. Par exemple, les interfaces à retour d’effort à 3 DDL retournent souvent soit trois forces, soit trois moments. Il existe également des interfaces à 6 DDL, produisant trois forces et trois moments, mais ces interfaces sont plus difficiles à réaliser mécaniquement [Fuchs & al. 2001]. Par conséquent, elles sont plus onéreuses. Les interfaces à retour d’effort de type PHANToM de la société SensAble [Massie & al. 1994], [Sensable 2002] permettent l’acquisition des mouvements de la main selon 6 DDL et sont capables de produire un retour d’effort de 3 ou 6 DDL. Par exemple, le modèle PHANToM 1.5/6DOF a 6 DDL et restitue en retour d’effort à 6 DDL (trois forces et trois moments) sur une poignée (Figure 2.15a). Cette interface permet de générer une force maximum instantanée de 8,5 N et continue de 1,4

N dans l’espace de travail de 195×270×375 mm3 en translation et jusqu’à 260° en rotation. Le modèle

PHANToM Desktop est encore plus compact, disposant de 6 DDL pour l’acquisition des données d’entrées (les mouvements de la main) et restituant un retour d’effort de 3 DDL. Ce modèle permet de générer une force maximum instantanée de 6,4 N et continue de 1,7 N dans l’espace de travail de

160×130×130 mm3 avec une résolution en position de 0,02 mm.

L’interface à retour d’effort Virtuose d’Haption [Haption 2003], déjà présentée et similaire au PHANToM, a une structure mécanique de type robot manipulateur, permet l’acquisition de 6 DDL en déplacements et en efforts et restitue un retour d’effort soit de trois, soit de six DDL. Par exemple, le modèle Virtuose 6D 35-40 (Figure 2.15b) permet de générer une force maximum instantanée de 35 N et continue de 10 N, un moment maximum instantané de 3 Nm et continu de 1 Nm dans l’espace de

travail de 400×400×400 mm3 en translation et 270°×120°×160° en rotation.

Il existe également des manettes ou joysticks à retour d’effort, mais ils ont une difficulté à produire des moments et possèdent d’un espace de travail très limité (quelques centimètres cubes).

Enfin, il convient de noter que les informations concernant les efforts maximum des systèmes haptiques sont des valeurs fournies par les constructeurs et qu’elles ne sont pas constantes dans tout le volume de travail au cours de la manipulation virtuelle.

( a ) ( b ) ( c ) ( d )

Figure 2.15. Exemples d’interfaces à retour d’effort :

( a ) PHANToM à 6 DDL de SensAble [Sensable 2002], ( b ) Virtuose à 6 DDL d’Haption [Haption 2003],

( c ) CyberForce de Virtual Technologies, ( d ) CyberGrasp deVirtual Technologies [Immersion 2003].

Dispositifs haptiques portables :

On trouve parfois des dispositifs haptiques portables dans certaines applications d’assemblage virtuel. Un tel dispositif mécanique, attaché à la main de l’utilisateur ou même placé tout au long du bras, permet de réaliser un retour d’effort sur le poignet ou le bras en utilisant un système de tringles. L’inconvénient de tels dispositifs est leur poids important atteignant jusqu’à 5 kg selon des modèles. Afin de diminuer l’influence du poids d’un dispositif haptique portable, des modèles semi-portables,

dont la base peut être liée à un bâti, comme le mécanisme Dextrous Arm Master de la société Sarcos, sont proposés.

Les interfaces haptiques portables sont souvent réalisées sous forme d’exosquelette pour reproduire plus fidèlement le poids et l’inertie d’un objet virtuel tenu en main et contraindre une action de l’utilisateur si cet objet rentre en collision avec un obstacle [Fuchs & al. 2001]. Il est également intéressant d’utiliser ces dispositifs dans la simulation d’une tâche de préhension et de déformation d’un objet virtuel car les efforts de retour sont transmis à chaque doigt de l’utilisateur.

Le dispositif à retour d’effort CyberForce de la société Virtual Technologies [VirtTech 2002] comprend un gant de données CyberGlove, mesurant les déplacements de la main, muni d’un système à retour d’effort et relié à un bras articulé, et propose un retour d’effort à 8 DDL : trois efforts pour le bras articulé et cinq pour le gant (Figure 2.15c). Pour l’interface CyberGrasp, les forces sont fournies aux doigts par un réseau de câbles dont les tensions sont réglables à l’aide de cinq moteurs à courant continu (Figure 2.15d). La force continue maximale de retour, générée par ce dernier dispositif, est de 12 N par doigt pour un poids de 350 g sans le gant de données.

2.2.3.3. Interfaces sensorielles

Grâce à la construction originale de dispositifs haptiques, le retour d’effort est réalisé par la même interface que la capture des mouvements de l’utilisateur. Donc, ces interfaces ont une fonction de transmission sensorielle d’information au niveau des efforts, associés à une manipulation virtuelle. Toutefois, le retour visuel d’un résultat de simulation virtuelle est souvent nécessaire afin de mieux comprendre une action réalisée, de redéfinir une stratégie de recherche de trajectoire d’A/D, d’optimiser des opérations de manutention et de montage virtuelles, de contrôler la déformation de pièces à caractère flexible, etc. Donc, la fonction de visualisation de la RV est fréquemment utilisée durant la simulation d’opération d’A/D virtuelle basée sur l’exploitation des interfaces à retour d’effort pour le contrôle en effort d’une manipulation d’objet virtuel.

Les interfaces sensorielles de visualisation dans ce type de contrôle assurent le retour d’un résultat de simulation, produit par un système de RV, i.e. la visualisation des déplacements d’un objet virtuel imposés par l’utilisateur à l’aide d’un dispositif haptique, l’affichage d’une nouvelle forme déformée d’un objet flexible et de l’environnement extérieur à l’objet en question, l’indication des collisions par un changement de couleur des pièces en contact, etc. Les interfaces sensorielles de visualisation, utilisées pour le contrôle en effort, sont généralement les mêmes que dans le cas du contrôle en position, i.e. les systèmes de visualisation monoscopique et stéréoscopique, présentés ci-dessus. Donc, nous renvoyons le lecteur à la partie correspondante, illustrant les systèmes de visualisation de RV.