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2.2. Interfaces de manipulation d’objets pour l’A/D virtuel

2.2.5. Analyse des concepts de manipulation d’objets

Un des objectifs de la RV, présentés au début de ce chapitre, est de permettre à un être humain de pouvoir non seulement créer un monde virtuel, simuler un événement irréel, mais également offrir à l’homme un outil pour étudier un processus ou un phénomène donné ainsi que ses propriétés en se basant sur l’interaction avec l’objet étudié. Cette section a présenté les principales interfaces d’interaction de RV pour la simulation et l’étude des opérations d’A/D et de maintenance virtuelles. Les interfaces présentées utilisent principalement deux des cinq sens d’un être humain : la vision et le toucher. Cependant, il faut préciser qu’il existe d’autres interfaces de RV qui regroupent différentes sensations au niveau du toucher, autres que celles présentées dans cette section. Toutefois, ces interfaces sont encore en stade de développement ou d’essai et ne sont pratiquement pas utilisées (à part quelques interfaces sensorielles sonores) dans le domaine de l’A/D virtuel.

En ce qui concerne des interfaces employées actuellement ou susceptibles d’être employées en simulation d’assemblage virtuel, elles sont assez nombreuses sur le marché et leur utilisation dépend des besoins de l’utilisateur, de l’application de RV, et surtout des caractéristiques techniques de ces interfaces et des moyens financiers mis à disposition pour la réalisation d’une telle simulation. Toutefois, les interfaces présentées sont classées en fonction de leurs capacités à contrôler un événement virtuel, notamment, la simulation d’un objet à caractère rigide ou flexible pour l’A/D virtuel, à étudier le processus et les propriétés d’un objet virtuel déformable au cours d’une manipulation pour l’A/D en se basant principalement sur deux catégories de données d’entrée/sortie et,

par conséquent, deux types de contrôle : une information géométrique (trajectoire d’A/D,

Chapitre 2. Réalité virtuelle : méthodes et modèles

efforts associés à une manipulation donnée (sollicitation d’un objet rigide ou flexible, retour d’efforts dus aux propriétés physiques de cet objet, à la déformation, aux collisions avec des obstacles,…). Les interfaces motrices, utilisées généralement pour capturer une information d’entrée (déplacements d’une main, mouvements corporels de l’opérateur, efforts appliqués à un objet virtuel, …), sont les interfaces de type :

• localisation spatiale des mouvements : les souris 2D ou 3D, les joysticks, les gans de données,

les capteurs de mouvement, etc.,

• haptiques, à savoir les dispositifs à retour d’effort munis d’un capteur d’effort.

La perception temps réel d’une information de sortie, à savoir des données de nature géométrique comme la trajectoire d’A/D, la déformation d’une pièce flexible, l’environnement extérieur, les données mécaniques comme les efforts dus à la manipulation, la déformation ou la collision, fournies par le système de simulation de RV, le contrôle et l’analyse des résultats de simulation d’une opération d’A/D virtuelle se réalisent principalement à l’aide des interfaces sensorielles de type :

• visuelles : les systèmes de visualisation monoscopiques/stéréoscopiques comme les écrans

d’un ordinateur ou d’une salle immersive, les lunettes de vision stéréoscopique, les visiocasques, etc.,

• haptiques : les dispositifs à retour d’effort de type bras articulé, les exosquelettes, etc.

Bien évidemment, le choix d’une interface d’interaction dépend des objectifs de la simulation. Néanmoins, les caractéristiques technologiques et ergonomiques de telle ou telle interface influent fortement sur la qualité de la manipulation virtuelle et donc, sur les résultats de la simulation. Ceci est un facteur très important dans l’étude, l’analyse, l’optimisation d’une opération d’A/D ou de maintenance. Par exemple, le résultat de la simulation dépend beaucoup des données d’entrée, mesurées à l’aide des interfaces motrices. Ainsi, les interfaces motrices de localisation spatiale ont de très bonnes caractéristiques techniques, en ce qui concerne la précision de mesure d’une variable géométrique (jusqu’à 0,01 mm pour la position et 0,1° pour l’orientation) et un volume de travail assez considérable par rapport à celui des interfaces haptiques (jusqu’à quelques mètres cubes selon l’interface). La plupart de ces interfaces sont moins contraignantes par rapport aux actions de l’utilisateur, qui peut réaliser pratiquement toutes les configurations dans l’espace en manipulant un objet virtuel, et considérablement moins onéreux que les mécanismes haptiques. Ainsi, les interfaces de localisation spatiale possédant 6 DDL permettent de fournir une bonne information d’entrée ce qui sous-entend l’obtention de résultats cohérents durant la manipulation virtuelle. En outre, un ensemble de capteurs de mouvement, placés sur un corps de l’opérateur, permet d’animer en temps réel un mannequin virtuel dont l’utilisation est souvent indispensable pour l’étude la plus complète d’une opération d’A/D ou de maintenance, i.e. pour l’évaluation de l’ergonomie des gestes d’un monteur, le contrôle de collisions entre le corps humain et l’environnement, la vérification d’accessibilité, etc.

Néanmoins, il est aussi intéressant et parfois indispensable d’avoir une manipulation d’objet virtuel soumis à une sollicitation, mais aussi d’avoir un retour en termes d’efforts afin de simuler le plus fidèlement possible une opération virtuelle compte tenu du comportement physique d’un tel objet. Technologiquement, ce problème est actuellement résolu en utilisant les interfaces sensori-motrices haptiques à retour d’effort. Ces interfaces permettent de réaliser non seulement un retour temps réel d’efforts dus à la masse, l’inertie, la déformation d’un objet manipulé, aux collisions avec des obstacles, etc., mais aussi de fournir des données d’entrée en termes d’efforts, si elles sont munies d’un capteur d’effort. Donc, ces interfaces permettent d’effectuer un contrôle en effort en en position, contrairement à la plupart des interfaces motrices de localisation spatiale, qui ne sont utilisables que pour un contrôle en position.

Il existe certaines interfaces motrices ou sensori-motrices de type souris 3D SpaceMouse ou SpaceBall et les joysticks, dont le principe de fonctionnement peut être basé sur la mesure des efforts appliqués. Toutefois, ces dernières interfaces souffrent d’un couplage des efforts, car il est difficile d’appliquer des forces sans moments [Fuchs & al. 2001]. De plus, l’utilisation fréquente de capteurs de pression ne permet pas de mesurer ou de déduire parfaitement les efforts à appliquer à un objet virtuel par rapport à ceux qui sont réellement appliqués à un tel dispositif. Par conséquent, cela a un impact sur la manipulation cohérente d’un objet virtuel et donc sur la simulation. En effet, les efforts

appliqués à un tel dispositif et mesurés ou calculés à partir des déformations d’une SpaceBall, par exemple, et appliqués ainsi à un objet virtuel et ceux, que l’on pense appliquer réellement, peuvent être de nature tout à fait différente. Notamment, il faut pouvoir déduire les forces et les moments à appliquer à un objet virtuel à partir de la pression sur la boule et d’un changement de son orientation afin de générer des déplacements de l’objet virtuel. Alors, les efforts trop approximatifs transmis par l’interface comportementale au système de simulation vont produire une simulation incohérente d’un comportement d’un objet virtuel tant au niveau du calcul de trajectoire d’un objet rigide qu’en matière de génération d’une forme déformée d’un composant flexible.

En revenant aux dispositifs haptiques à retour d’effort souvent utilisés dans la simulation des opérations d’A/D ou de maintenance virtuelles, ces interfaces sont capables de mesurer des efforts appliqués grâce à un capteur d’effort intégré, comme l’interface Virtuose 6D d’Haption. En effet, les interfaces, dont la construction est basée sur la manipulation d’un bras articulé, sont moins contraignantes que celles à base de boule ou de joystick, car elles disposent d’un volume de travail plus important et leur construction est plus adaptée en ce qui concerne la manipulation d’un objet virtuel et notamment dans le domaine de l’A/D virtuel. Les dispositifs à base de bras articulé permettent la mesure des efforts appliqués qui vont servir à la génération des déplacements d’un objet virtuel. Cependant, le but principal des interfaces haptiques est de réaliser en temps réel un retour d’effort en se basant sur l’utilisation d’une des fonctions de perception d’un être humain – le toucher. Ainsi, ces interfaces sont très utiles pour de meilleures compréhension, étude, analyse d’une manipulation virtuelle. Ceci est particulièrement intéressant dans l’optimisation des opérations d’A/D et de maintenance, de l’architecture d’un produit développé ainsi que dans l’apprentissage du personnel.

Néanmoins, comme tout mécanisme, le dispositif haptique à retour d’effort comprend une partie motrice, une transmission d’efforts, des capteurs d’effort, etc. avec un équipement correspondant selon le modèle (moteurs électriques à courant continu ou brushless avec l’utilisation des électroaimants, transmissions hydrauliques, engrenages, câbles ou courroies de transmission, manettes ou bras métalliques,…). Par conséquent, les dispositifs haptiques ont des éléments perturbateurs, influençant la qualité de capture de mouvements et d’efforts ainsi que lors de la perception de données de sortie en termes de retour d’efforts, à savoir :

• la masse/inertie des éléments du dispositif haptique,

• les frottements dans les éléments mécaniques de transmission,

• la difficulté de production de forces ou de moments importants due aux particularités

constructives des dispositifs haptiques à retour d’effort,

• etc.

En effet, le problème d’une solution constructive d’un mécanisme haptique est très important. La masse et l’inertie du dispositif haptique, les pertes par frottements, etc. modifient les données d’entrée/sortie pour la simulation/perception ce qui peut perturber considérablement une simulation de comportement mécanique d’un composant virtuel à caractère déformable, i.e. le chargement d’une structure et donc, les résultats de simulation du comportement ne seront plus cohérents par rapport à la réalité malgré l’intégration d’un modèle mécanique de déformation, par exemple. Un effort parasite dû au poids d’un dispositif haptique peut également transformer sensiblement la perception d’un résultat de la simulation virtuelle, en particulier, lorsque qu’un tel dispositif ne permet pas de développer des efforts de retour importants et ne travaille que dans une zone réduite concernant la sensation d’efforts. D’autres problèmes, liés à la conception des interfaces haptiques, souvent contradictoires et difficilement évitables, sont présents et abordés dans [Buttolo & al. 1995], [Kuehne & al. 1995], [Ellis & al. 1996], [Clover & al. 1997], [Buttolo & al. 2002]. En particulier, une mauvaise conception d’une interface haptique à retour d’effort peut conduire à :

• l’apparition de singularités mécaniques du mécanisme,

• la réduction du volume de travail en termes d’accessibilité pour l’utilisateur,

• au manque de compacité, de rigidité de l’interface, etc.

Les problèmes énumérés ci-dessus peuvent finalement conduire à l’obtention de résultats de simulation incohérents ou parfois, complètement faux par rapport à la réalité car ils sont basés sur les

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données d’entrée/sortie modifiées par des éléments parasites, perturbateurs, etc. Par conséquent, la difficulté de produire des efforts réalistes mène tout simplement à l’approximation des efforts de retour, ce qui parfois est assez convenable, notamment, lorsque l’utilisateur n’a besoin que d’éviter des collisions avec des obstacles. En particulier, la technique la plus utilisée dans ce cas est basée sur la génération d’un effort très élevé et donc, le blocage complet d’un mouvement de l’opérateur conduisant à une collision. Ici, la valeur d’un tel effort peut être approximée par une relation de proportionnalité entre un effort de blocage et une distance de pénétration (avec un coefficient de proportionnalité assez important) ou par la génération d’un effort très important bloquant instantanément le mouvement (l’interdiction de passer à l’intérieur d’un obstacle avec la création d’une sensation de présence d’un mur) [Chablat & al. 2002]. Par ailleurs, la technique, basée sur la relation de proportionnalité entre un effort de réaction à évaluer et une distance de pénétration, est couramment utilisée dans le calcul approximatif temps réel des efforts de réaction lors d’une collision d’un objet virtuel avec un obstacle rigide [Salisbury & al. 1995], [Amundarain & al. 2003]. Cependant, ces techniques simplifiées restent assez restreintes vis-à-vis d’une tâche à réaliser et de composants virtuels à manipuler. Notamment, lorsqu’il s’agit d’une manipulation d’un composant à assembler à caractère flexible avec la génération temps réel d’une forme déformée réaliste due à une collision, ces techniques ne sont plus applicables car les résultats de simulation ne seront plus valables. En conclusion, bien que s’en rapprochant, les interfaces à retour d’effort ne réalisent pas encore un retour d’efforts complet et réaliste. En conséquence, ceci soulève un problème d’exploitation et de validation des résultats d’une simulation virtuelle basée sur un retour d’informations incohérentes [Chedmail & al. 2001], [Burinage 2000]. Vis-à-vis de ces problèmes des interfaces sensori-motrices haptiques, les interfaces motrices de localisation spatiale semblent être plus répandues en termes d’adaptation et d’application dans différentes tâches de simulation virtuelle. Ces interfaces ont un volume de travail considérable par rapport aux dispositifs haptiques, ne gênent pratiquement pas les mouvements de l’opérateur et permettent de réaliser quasiment toutes les configurations possibles lors d’une action d’un être humain en l’absence de pertes de transmission des données d’entrée, d’informations parasites de différentes natures, de singularités mécaniques parce que l’homme est tout à fait libre dans le choix de ses actions. Néanmoins, certains capteurs de mouvements sont sensibles à la présence de pièces métalliques dans l’espace de travail de l’opérateur.

Malgré une certaine flexibilité des interfaces motrices de localisation spatiale par rapport aux interfaces haptiques, l’inconvénient le plus important des interfaces ne fournissant qu’une information géométrique en tant que données d’entrée est une certaine incohérence entre le comportement réel d’un être humain et la perception de l’information de retour lors des différents contrôles (en admittance, en impédance,…), basée bien évidemment sur l’information d’entrée. Malgré le fait que ces interfaces permettent de fournir une information géométrique d’entrée quasi parfaite (sans perturbations), malgré la simulation correcte d’un comportement physique à partir de cette information et la visualisation temps réel des résultats, malgré la possibilité d’être immergé dans le monde virtuel grâce aux interfaces de vision immersive, et souvent le prix beaucoup plus attractif (2500 dollars américains pour un système des capteurs Polhemus contre un dispositif haptique de type PHANToM à 20000 dollars), l’information d’entrée en termes de géométrie ne reflète que des résultats d’une action d’un être humain. En effet, à chaque mouvement de l’homme, la génération des déplacements d’un objet réel pour une opération d’A/D s’effectue en réalité à partir d’un certain effort physique, développé par l’homme et exprimé sous la forme d’un travail musculaire. Ce travail est traduit par l’application d’efforts développés par l’homme à un tel objet réel. Le résultat est la génération de déplacements de cet objet dans l’espace, l’objet qui est dans la main de l’homme, par exemple, et donc, attaché à sa main. Alors, les déplacements de cet objet sont bien les résultats du travail de l’homme à travers les efforts appliqués. Ainsi, l’homme ne génère pas directement une information géométrique qui peut être parfaitement transmise par les interfaces de RV, mais il fournit une information physique en termes d’efforts, traduite ensuite en données d’entrée géométriques par les interfaces motrices ou sensori-motrices de RV. Donc, il convient de favoriser le développement d’interfaces permettant de mesurer des efforts et les transmettre à un système de simulation de RV. Ceci permettrait, par ailleurs, de rendre le fonctionnement du système de RV encore plus réaliste, car la réalisation physique des actions d’un être humain, leurs détection et transmission à l’aide d’interfaces motrices mesurant les efforts appliqués, ne seront plus séparées du résultat d’application de ces efforts, i.e. la génération de déplacements d’un objet virtuel contrôlés lors de sa manipulation.