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Interactions entre implantation cochléaire, pattern vestibulaire, contrôle postural et

B. Implantation cochléaire et capacité posturale

B.2.3 Perception de la verticale gravitaire

V. Discussion Générale

2. Interactions entre implantation cochléaire, pattern vestibulaire, contrôle postural et

La seconde partie de ce manuscrit traite des effets de l’implantation cochléaire sur le contrôle postural. Comme nous l’avons détaillé dans l’état de l’art, les résultats de l’implantation

cochléaire sur le contrôle postural sont disparates (Buchman et al., 2004 ; Krause et al., 2010; Melvin et al., 2009 ; Ogawa et al., 2010). C’est pourquoi, pour avoir une vision globale de l’impact de l’implantation cochléaire sur le contrôle postural, nous avons subdivisé les différents éléments qui le composent (schéma n°1).

Schéma n°1, Etude de l’impact de l’implantation cochléaire sur la réponse physiologie vestibulaire, sur le comportement moteur et sur l’intégration cognitive.

Le schéma n°1 montre les interactions entre les versants vestibulaire, comportemental et cognitif au sein de la composante « Equilibre ». Le versant vestibulaire représente la réponse de l’organe que nous avons étudié par le biais de tests nystagmographiques. La composante comportementale correspond aux stratégies utilisées pour maintenir l’équilibre (cf. test d’organisation sensoriel et méthode de l’entropie). Enfin, la composante cognitive représente l’interaction avec l’environnement par le biais de la représentation de son propre corps et de l’environnement (schéma corporel).

Il est vrai que l’objectif principal de l’implantation cochléaire est le recouvrement des informations auditives pour les patients. Cependant, l’intervention chirurgicale représente une

Contrôle Postural Versant Vestibulaire Versant Comportemental Versant Cognitif Individu

effraction labyrinthique potentiellement délétère pour l’organe vestibulaire. En effet, l’intervention chirurgicale a un impact significatif sur le profil vestibulaire dans le test calorique chez les patients normoréflexiques, car l’asymétrie vestibulaire évolue de la normoréflexie vers l’hyporéflexie. Cette mise en évidence présente un aspect non négligeable pour les cliniciens. Il apparaît alors que l’implantation cochléaire n’engendre pas d’aréflexie vestibulaire postopératoire lorsque les patients sont normoréflexiques avant l’intervention. Cette donnée peut être considérée comme un facteur de robustesse qui permet d’isoler le risque d’aréflexie vestibulaire unilatérale ou bilatérale. Ce critère peut s’avérer déterminant dans le choix du côté à opérer par le chirurgien.

De plus, nous avons démontré que les patients présentant un pattern vestibulaire normal ne manifestent pas de troubles posturaux associés directement après l’opération. Ces résultats tendent à montrer qu’une perturbation vestibulaire (hyporéflexie postopératoire) n’est pas suffisante pour perturber l’ensemble du système postural. La complexité de régulation du contrôle postural ne peut se cantonner qu’à l’unique implication des informations vestibulaires. En effet, par son expérience et ces différents apprentissages, l’individu possède d’autres moyens pour contrecarrer les effets délétères d’une atteinte vestibulaire. La robustesse du système postural est donc suffisamment importante pour lutter contre une perturbation unilatérale. Néanmoins, il est important de considérer que l’intervention nécessaire à l’implantation cochléaire n’est pas comparable à une déafférentation vestibulaire (type voie translabyrinthique, cf. schwannome). Cette étude montre qu’une intrusion dans l’organe n’est pas obligatoirement délétère pour le contrôle postural.

En revanche, l’implantation cochléaire impacte significativement la perception de la verticale gravitaire (versant cognitif). Nous observons une augmentation de l’erreur de perception de presque 5° dans le sens opposé au côté opéré. L’utilisation de cette donnée est innovante puisque c’est la première étude qui s’intéresse à la perception de la verticale chez le sujet sourd

profond implanté. Cela met en évidence que le labyrinthe du vestibule est un capteur de la gravité qui renseigne un modèle interne de représentation de la gravité permise par cas d’étude pathologique (implantation cochléaire) et rejoint les constatations de la littérature (Massion, 1998 ; Prieur et al., 2004 ; Maurer et al., 1997). Nous pouvons alors le mettre en relation avec le modèle de Massion (1998) décrit dans l’introduction de ce manuscrit. En effet, par les résultats de cette étude, nous voyons que l’organe vestibulaire joue un rôle dans la captation d’informations gravitaires renseignant un schéma corporel. Cependant, il a été décrit que le schéma corporel possède des interactions avec le réseau postural permettant de fournir une réponse motrice adaptée. Il apparait que cette perturbation du schéma corporel n’est pas suffisante pour agir sur le comportement des patients.

Dans cette étude, nous avons étudié le schéma corporel à travers la perception visuelle de la gravité. Cependant, nous devons envisager d’étudier/évaluer le schéma corporel de manière plus précise. Dans de futures études, nous pourrons évaluer la perception de la gravité par l’utilisation du corps des patients par rapport au vecteur gravitaire (schéma n°2).

Schéma n°2, décorrélation de l’axe Z passant par la verticale gravitaire.

Dans cette situation expérimentale, le patient est aligné suivant l’axe de la gravité sans ses informations visuelles (yeux bandés), avec des informations proprioceptives limitées - elles ne sont plus plantaires car le patient est assis sans contact avec le sol - et avec la tête maintenue

Vertical gravitaire passant par l’axe du participant

Déplacement par l’expérimentateur

Déplacement par le sujet A la recherche de la verticale

dans l’axe et solidaire de la chaise. L’expérimentateur va déplacer le patient d’un côté ou de l’autre pour le substituer à l’axe de la gravité. Ensuite, le patient a pour consigne de se placer de nouveau dans l’axe de la gravité à l’aide d’un joystick ou d’une manette. L’utilisation de cette méthode permettra de mettre plus en lumière les résultats de la précédente étude car le schéma corporel est surtout alimenté par la perception de son propre corps dans l’espace (représentation de son corps par rapport à la gravité). Dans cette situation, ce n’est pas le même référentiel qui est utilisé (par rapport à l’évaluation visuelle de la verticale subjective). Ce référentiel permet d’évaluer la perception qu’a le patient de la verticale en fonction de sa propre position. Les conséquences posturales sont a priori les mêmes, son évaluation permet de montrer que nous avons conscience que l’évaluation du schéma corporel est plus pertinente en mesurant le déficit de perception entre l’axe verticale ressenti par le patient et la gravité (schéma n°2).

Le travail réalisé à travers ces études met en évidence différents modes d’évaluation de la posture comportant plusieurs facettes (individu, réponse vestibulaire, comportement moteur et schéma corporel). Cela permet dans un premier temps de pouvoir prédire la récupération post chirurgie chez les patients normoréflexiques. L’absence d’aréflexie combinée à une absence de dégradation des troubles de la posture peut être un facteur à prendre en compte lorsque le clinicien propose l’implantation cochléaire au patient (en plus du recouvrement de l’ouïe). En pratique, l’implantation cochléaire est une thématique complexe qui apporte plus de questions que de réponses. En effet, elle semble dépendante du statut vestibulaire préopératoire, ce qui sous-entend une exploration vestibulaire complète adaptée avec un suivi complet au travers de bilans rapprochés. Il semble également difficile de résumer les conséquences de l’implantation cochléaire (chirurgie et réhabilitation des informations auditives) sur le contrôle postural. C’est pourquoi il est nécessaire d’avoir une multiplicité de regards à porter sur l’équilibration pour appréhender le plus globalement possible les effets de l’implantation cochléaire (versant

comportemental, cognitif, individu, etc.). De plus, il est difficile de corréler l’ensemble de ces évaluations entre elles, en raison de l’hétérogénéité de la population cible. Nous pouvons alors envisager d’étudier l’impact de l’implantation cochléaire sur des groupes de populations strictement similaires, avec une atteinte cochléo-vestibulaire connue, une tranche d’âge établie, un statut vestibulaire commun pour pouvoir contrôler et évaluer les interactions entre la chirurgie, le recouvrement des informations auditives et la posture.