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I. Rôles et mécanismes de la fonction d’équilibration

6. De la régulation posturale à la locomotion

Comme l’énonce le modèle de Massion (1998), l’Homme possède un système de « contrôle de la posture » mais également un système de « contrôle du mouvement » (Figure n°13).

Figure n°13, Modèle de Massion (1998) : Contrôle du mouvement Les croix entourées d’un cercle représentent la voie musculaire.

Les mouvements des segments Tête, Tronc et jambes renseignent le réseau postural entretenant des dialogues avec le système nerveux central.

Ce système de contrôle du mouvement intervient donc lors d’une tâche locomotrice ou lors de la survenue d’une perturbation qui engendrerait des mouvements des différents segments corporels. Lorsque l’on fait référence au contrôle de la posture, il est indispensable de faire référence à la locomotion. En effet, de façon ancestrale, il en va de la survie de l’espèce humaine de sa capacité à marcher/courir pour fuir ses prédateurs. Pour se mouvoir, l’Homme induit alors un déséquilibre en déplaçant ses segments vers l’avant. Cela a pour conséquence de modifier la position des différents segments engendrant une modification de la surface du polygone de sustentation et induit un déplacement du centre de pression pour maintenir l’état d’équilibre. La marche est définie comme un événement cyclique et automatique caractérisé par la foulée ou cycle de marche (Gage, 1990). Les paramètres spatiotemporels permettent de rendre compte d’une activité normale de marche (représentée sur la figure n°14). Cela permet dans un second temps d’être le reflet d’une éventuelle pathologie ou d’un dysfonctionnement dans l’élaboration de la commande motrice. Le cycle de marche se subdivise en une phase d’appui et phase d’oscillation du pied, et est constituée d’événements dont la position temporelle est exprimée en pourcentage de la durée totale du cycle (0% contact initial → 100% pour le contact final,

Figure n°14) (Inman et al., 1981, Alexander, 2003).

(1) La phase de double appui qui débute le cycle de marche correspond à l’attaque du talon sur le sol et au décollement des orteils du pied controlatéral (10% de la durée du cycle).

(2) La phase unipodale se terminant au contact du talon controlatéral avec le sol (40% de la durée du cycle).

(3) La phase de double appui (propulsion, 10% du cycle), se terminant au décollement des orteils qui amène à l’initiation de la phase d’oscillation.

(4) La phase d’oscillation (40% du cycle). Lors de cette phase, le pied n’est plus en contact avec le sol.

Nous notons par ailleurs que la durée de double appui diminue proportionnellement avec l’augmentation de la vitesse de locomotion (Nilsson et al., 1985), jusqu’à disparaître à la course (Kirtley et al., 1985).

Figure n°14, Représentation du cycle de marche.

Lorsque l’on évoque le contrôle de la posture et la locomotion, il est courant de faire le distinguo entre un contrôle dynamique et contrôle statique. Cependant, nous avons montré plus en amont que l’équilibre n’était pas parfait car l’Homme oscille en permanence pour maintenir la posture érigée. De ce fait, la régulation posturale n’est jamais réellement statique. Elle est dynamique puisque le maintien du centre de pression dans le polygone de sustentation nécessite des mouvements du centre de pression dans les plans antéro/postérieur et médio/latéral. C’est pourquoi dans ce travail, nous considérons que le contrôle postural est dynamique, que ce soit lors d’une tache de stabilisation posturale ou lors de la locomotion.

Au-delà des mécanismes connus que nous avons détaillé en amont - intégration sensorielles / capteurs / modèles / réponses motrices -, apparaît l’étude de la rythmicité de la marche par les centres nerveux. En effet, une activité locomotrice est une répétition de cycle de marche et fait appel à de nouveaux processus. Matsuyama & Drew (2000) & Orlovsky (1972a) supposent qu’il existe chez l’animal un programme rythmique d’activités musculaires ou un générateur central de pattern localisé dans la moelle spinale (activité de la voie vestibulospinale et rôle du cervelet, Figure n°15). L’existence d’un programme spinal est confirmée depuis longtemps par l’observation d’activités locomotrices chez des animaux décapités (le saut de la grenouille sans

tête). Roaf & Sherrington (1910) sont d’ailleurs les premiers à mener des études chez le chat spinal. Ils mettent en évidence qu’une stimulation électrique répétitive de la moelle spinale entraine une alternance rythmique des membres supérieurs. Grillner (1969) est arrivé à des résultats similaires en utilisant ce même paradigme par injection de dopamine.

Chez l’animal, il a été démontré que la voie vestibulospinale présente une activité phasique associée à la phase d’appui corrélée à l’activité des fléchisseurs plantaires. Il a été observé qu’elle module l’activation musculaire, augmente le tonus musculaire (Matsuyama & Drew, 2000) et présente une activité cyclique corrélée aux coordinations musculaires (Orlovsky, 1972a). Comme l’illustre la Figure n°15, une stimulation électrique invasive de la voie vestibulospinale engendre une augmentation significative de l’activation musculaire à l’appui. Cependant, les auteurs notent que la stimulation n’a pas d’impact sur les cycles fonctionnels de la marche (coordinations musculaires, Orlovsky, 1972a).

Figure n°15, Influence de voie vestibulospinale sur les contractions musculaires chez le chat. Chez l’Homme, Brandt et al. (1999) ont démontré chez des patients présentant des lésions vestibulaires unilatérales, que la déviation des sujets lors de locomotion est augmentée à la marche comparée à la course. Dakin et al. (2013) ont révélé qu’il existe une diminution de l’activation musculaire à l’appui avec l’augmentation de la vitesse de locomotion. Ces auteurs concluent qu’il existe une inhibition des informations vestibulaires périphériques au profit des centres locomoteurs spinaux. Des études plus récentes basées sur l’imagerie motrice ont confirmé cette hypothèse à partir de données recueillies en imagerie par résonance magnétique fonctionnelle

(Deutschländer et al., 2009 ; Jahn et al., 2004, 2008 ; la Fougère et al., 2010). D’autres études

volontaire des membres postérieurs chez le chat (McCall et al., 2015). Les neurones de la formation réticulaire ponto-médullaire reçoivent quant à eux des entrées convergentes des membres

postérieurs et du labyrinthe (Miller et al., 2016).

Les études neuroscientifiques montrent clairement une implication directe ou indirecte de l’organe vestibulaire dans la régulation de la posture et dans la locomotion. Bien que l'organe vestibulaire soit défini classiquement comme l’organe de l’équilibre, les résultats semblent varier en fonction de la lésion mais également en fonction du versant de l’équilibre que l’on étudie (moteur, cognitif).

Pour explorer de manière élargie les interactions posturo-vestibulaires, nous nous sommes donc

intéressés à plusieurs cas d’études privilégiés.