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Interactions au sein d'une suspension de bres

Rhéologie des suspensions de bres : état de l'art

2.5 Interactions au sein d'une suspension de bres

Nous venons de voir que la conguration d'une suspension de bres est sensible aux interactions entre bres. Nous allons maintenant décrire la nature de ces interactions. Dans le présent travail, nous considérons des suspensions de bres non-browniennes. L'eet du mouvement brownien est quantié par le nombre de Péclet qui est déni par le rapport des eets hydrodynamiques sur les eets thermiques, NP e=

˙γ

DB, où DBest le coecient de

diusion brownienne [Brenner 1974]. La taille des bres que nous étudions est assez grande pour que les eets hydrodynamiques dominent les eets browniens. Le nombre de Péclet NP e est ainsi très grand :

NP e=

η0˙γπL3

3kBT ln(ar)

2.5. Interactions au sein d'une suspension de bres 47

Il est important de souligner que le coecient de diusion brownienne, DB, déni ici est

diérent de celui introduit par Folgar & Tucker dans l'équation (2.18).

En négligeant les interactions d'origine brownienne, les interactions qui subsistent dans la suspension proviennent de la contribution de la matrice uide que nous considérons newtonienne et incompressible, et de la présence des bres. Le uide en mouvement est régi par l'équation de Stokes (équation (1.29)), alors que mouvement d'une bre dans un uide obéit au principe fondamental de la dynamique. Lorsqu'on considère le bilan des forces agissant sur une bre i, il faut tenir compte des forces et moments hydrodynamiques de la matrice uide agissant sur la bre, ~FH, ~ΓH, ainsi que des forces et des moments inter-

bres non hydrodynamiques, ~FC, ~ΓC. On obtient alors dans l'approximation non inertielle,

l'équation du mouvement d'une bre dans une matrice uide :

md~V

dt = ~FH+ ~FC ,

d(I~ω)

dt = ~ΓH + ~ΓC (2.26)

Le problème consiste à dénir ces interactions hydrodynamiques dans un système uide- particules, dans le cas d'écoulements à faible nombre de Reynolds Re << 1, et pour des

particules de type cylindrique. Diérentes méthodes de calculs sont combinées an de déter- miner la perturbation apportée par une bre à l'écoulement. [Batchelor 1970] utilise la théorie des corps minces et la méthode des singularités stokeslet analysis, [Pozrikidis 1992], [Happel & Brenner 2012]. Dans le calcul du champ de vitesse autour d'une particule, l'idée est de considérer la présence du corps mince "bre" comme un ensemble de singularités, qui sont des perturbations élémentaires apportées à l'écoulement sous la forme de forces ponctuelles, de doublets de forces ou encore de combinaisons de moments de forces d'ordre supérieur qui interviennent dans l'équation de Stokes.

Dans la suite nous allons donner une description générale pour exprimer ces termes d'inter- action (pour le détail des calculs, voir les références citées ci dessus).

2.5.1 Forces Hydrodynamiques

Les forces et les moments hydrodynamiques traduisent l'action du uide en mouvement au voisinage de la surface d'une bre qui va déterminer sa trajectoire et s'expriment ainsi :

~ FH = Z ∂Ωs ¯ ¯ Σ · ~n · dS , Γ~H = Z ∂Ωs [~x − ~X] × [ ¯Σ · ~¯ n](dΩs) (2.27)

où ¯¯Σ est le tenseur de contrainte tel que déni dans l'équation (1.2), ∂Ωs est la surface de

la bre, ~n, la normale à la surface, ~X, le barycentre de la bre, et ~x est la position d'un point situé sur la surface de la bre

La bre sera donc animée d'un mouvement de translation et de rotation autour de son axe de révolution conduisant à une orientation privilégiée ou non de la bre en écoulement. Par ailleurs, la présence de la particule dans l'écoulement va perturber l'écoulement autour d'une autre bre voisine. Cette perturbation sera d'autant plus importante que les bres sont proches. Du fait de la linéarité de l'équation de Stokes, les forces hydrodynamiques peuvent être principalement décomposées en trois contributions : ~FH

d

qui est la force de traînée (drag force), ~FH

i

qui est la force d'interaction à longue portée entre bres, et ~FH l

est la force à courte portée entre bres de type lubrication :

~ FH = ~FH d + ~FH i + ~FH l (2.28) La force de traînée ~FH d

induit un mouvement de translation et le moment associé induit un mouvement de rotation de la bre. Pour une bre en mouvement de translation relativement au uide de vitesse ~v = ~vp+~vt, où ~vpet ~vtsont respectivement, les composantes longitudinale

et transverse de la vitesse par rapport à la bre. La force de traînée s'écrit :

~ FH

d

= ςp~vp+ ςt~vt (2.29)

où ςp et ςt sont les coecients de friction parallèle et perpendiculaire respectivement. Pour

une bre cylindrique de rapport d'aspect ar =

L

2.5. Interactions au sein d'une suspension de bres 49

uniquement valable pour ar>> 1 [Doi & Edwards 1988] :

ςp =

2πη0L

ln(ar)

, ςt= 2ςp (2.30)

D'autre part, le moment ~ΓH d

qui résulte de la rotation d'une bre autour d'un de ses petits axes s'écrit :

~ ΓH

d

= ςr(~ωp− ~ω) (2.31)

où ςr est le coecient de friction en rotation et dans l'approximation ar >> 1, est égal à

[Doi & Edwards 1988] :

ςr=

πη0L3

3ln(ar) (2.32)

L'existence des autres forces hydrodynamiques dépend du régime de concentration de la suspension. En eet, lorsqu'on considère plusieurs particules en mouvement, chaque par- ticule va induire une perturbation dans l'écoulement qui va être transmise à une particule voisine. Dans ce cas, c'est la portée de la perturbation qui est pertinente. Par exemple, dans le cas des suspensions diluées ou semi-diluées, ce sont les interactions à longue portée, ~FH

i

, qui sont dominantes, alors qu'en régime concentré ou très concentré, lorsque la distance moyenne entre bres diminue, ce sont les interactions à courte portée, ~FH

l

, qui dominent. En plus, en régime concentré, il faudra prendre en considération les autres interactions non-hydrodynamiques pour tenir compte des éventuelles collisions entre bres.

2.5.2 Forces inter-particulaires non hydrodynamiques

Ce sont des interactions à courte portée qui interviennent entre particules, lorsque la concentration de la suspension devient importante. Elles peuvent jouer un rôle prédominant dans la rhéologie des suspensions de bres, lorsque les particules sont très proches les unes des autres. Dans la suite nous allons passer en revue quelques interactions couramment rencontrées dans les suspensions de particules :

- Interactions colloïdales :

Ces forces peuvent être attractives de type van der Waals, conduisant dans ce cas à une agrégation des particules, qui peut être irréversible, et éventuellement à une déstabilisation de la suspension. Pour stabiliser la suspension, cela nécessite d'introduire des forces

répulsives, de type électrostatique ou stérique. Les interactions colloïdales peuvent être classées comme suit :

 Interactions attractives : van der Waals :

Elles sont dues à des interactions dipolaires entre particules. Généralement, elles traduisent l'interaction entre deux dipôles induits. Ce sont des interactions qui se manifestent quand deux bres sont très proches l'une de l'autre et qui peuvent être tellement intenses qu'elles conduisent à une agrégation irréversible de la suspension. Ces forces traduisent ainsi le contact adhésif entre les surfaces de deux bres.

[Van der Schoot & Odijk 1992] ont proposé une expression des forces adhésives pour deux bres séparées d'une distance he très faible devant leur diamètre d et pour une

plage d'angles de contact entre bres, δ, compris entre 1 ar et π 2 : FV DW = A 12 d h2 e (2.33)

Où A est la constante de Hamaker liée aux polarisabilités électroniques des particules, et les valeurs typiques de la constante de Hamaker varient entre 10−21 et 10−18J.

 Interactions répulsives : Répulsion stérique :

Ce sont des interactions à courte portée qui traduisent une gêne volumique apportée par un ou plusieurs substituants encombrants (polymère, agents tensioactif...) présents à la surface des particules. Les particules ne peuvent donc pas s'approcher à des distance inférieures à l'épaisseur de la couche formée. Le potentiel décrivant ce type d'interactions par exemple pour deux particules sphériques de rayon r et séparées d'une distance D s'écrit :

Us =    ∞ si D = 2r 0 si D > 2r (2.34)

Introduire des eets stériques constitue une bonne stratégie pour stabiliser la suspension, mais du fait de la courte portée de ces interactions, les interactions stériques seules, ne sont pas toujours susantes pour contrebalancer les interactions de van der Waals. Il est alors nécessaire d'introduire des forces répulsives de plus

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longue portée an de parvenir à stabiliser la suspension.

 Interactions répulsives : Répulsion électrostatique :

Les interactions électrostatiques résultent de la présence de charges portées naturelle- ment par les particules solides, ou bien apportées par la présence d'ions absorbés à la surface des particules. Dans un liquide ces ions diusent légèrement, cependant le po- tentiel d'interaction ainsi créé n'est pas un simple potentiel coulombien. La diusion créée par ces ions en solution donne lieu à la formation d'une double couche diuse. Les interactions entre les particules chargées résultent alors du recouvrement de leurs couches diuses lorsque leur surface se rapprochent. Pour deux particules séparées d'une distance D, le potentiel d'interaction électrostatique s'écrit :

Ue = 0ψ0rexp(−κD) (2.35)

où ψ0 est le potentiel électrique de surface des particules et κ−1 est la longueur de

Debye, la longueur caractéristique décrivant la portée de la répulsion électrostatique due à la présence des ions qui écrantent le potentiel coulombien :

κ−1=r 0KBT

2Nae2I (2.36)

où 0 est la permittivité diélectrique du vide,  est la la permittivité diélectrique

relative du solvant, e, la charge d'un électron et I la force ionique du liquide, I = 1

2P ciz

2

i, ci étant la concentration en ions i de valence z. La longueur de Debye,

κ−1, décroît avec la concentration ionique du solvant ci. Donc, si la force ionique est

trop importante, les charges portées par les particules sont fortement écrantées et la suspension n'est plus stable.

- Interactions de contact :

Pour une suspension de bres diluée, les interactions de contact entre bres sont quasi ab- sentes, alors qu'en régime semi-dilué, elle deviennent signicatives, et prennent une impor- tance majeure en régime concentré. Du fait que la distance moyenne entre bres est faible, les bres en écoulement se touchent constamment induisant des eets d'enchevêtrement et

de collision. Il est crucial de dénir ces types d'interaction. De nombreux auteurs ont exprimé ces forces d'interaction bre-bre [Djalili-Moghaddam & Toll 2005], [Férec et al. 2009], [Lindström & Uesaka 2009]. En se basant sur les travaux de [Servais et al. 1999], l'idée est que, à des concentrations de bres susamment élevées, les bres en entrant en contact interagissent via des forces de friction, Ff rc, et des forces de lubrication, Fl, en chaque

point de contact comme illustré sur la gure 2.6. Dans son approche, [Toll 1993] exprime le

ffr+fl fn Force de  lubrification Force de  lubrification Force de  friction Point de contact e1 e3 v Fluide  Fibres en contact

Fig. 2.6  Représentation schématique d'un point de contact entre deux bres. Les forces en présence sont la force hydrodynamique de lubrication, fl, la force de friction, ff r, et une force

normale, fn, qui peut avoir diérentes origines : van der Waals, force élastostatique....

nombre moyen de bres dont les axes croisent une enveloppe cylindrique autour d'une bre test, et trouve :

ni = 8

πarf φ (2.37)

où, f, est un scalaire d'orientation dans le plan déni par les vecteurs d'orientation des 2 bres :

f = I I

|~p ∧ ~p|ψ(~p0)ψ(~p)d~pd~p0 (2.38) où, ~p∧~p0 = sin(θ − θ0), θ, est l'angle d'orientation de la bre test, θ0, l'angle d'orientation de

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de, f, sont calculées pour diérents états d'orientation et on trouve qu'elles varient de 0 pour des bres parfaitement alignées à π/2 pour des bres ayant une orientation isotrope. Pour un nombre de bres, n, par unité de volume, le nombre de points d'interaction Ni,

par unité de volume est déni par :

Ni = 1 2n

in = 16f φ2

π2d3 (2.39)

Le nombre de contacts augmente ainsi avec la fraction volumique, φ, et le rapport d'aspect, ar.

2.5.3 Critère de stabilité d'une suspensions de bres

En absence de force répulsive stérique ou électrostatique la seule force qui peut contre- balancer l'interaction de WDV est la force hydrodynamique.

La présence des agrégats dans une suspension en écoulement peut être quantiée par le rap- port des forces adhésives caractéristiques, F , sur la force hydrodynamique caractéristique, Fh = Σ12d2 : NA= F Fh = F Σ12d2 (2.40)

NAest le paramètre d'agrégation, qui traduit le comportement rhéologique de la suspensions

de bres. En eet, si NA > 1, les forces adhésives dominent les forces hydrodynamiques et

gouvernent ainsi la rhéologie des suspensions, alors que si NA< 1, celles-ci sont négligeables

et seules les interactions hydrodynamiques jouent un rôle important. On peut alors déduire le taux de cisaillement caractéristique, ˙γc, qui détermine la destruction des agrégats :

˙γc=

F

ηsd2 (2.41)

où, ηs, est la viscosité de la suspension. Dans la suite de ce travail de thèse , le chapitre

5 est consacré à l'étude de ce phénomène d'agrégation. Nous étudierons le comportement de suspensions de bres pour des gammes de taux de cisaillement allant de ˙γ ≤ ˙γc où la