• Aucun résultat trouvé

Des intentionnalités et des perceptions du phénomène de surveillance diffuse : entre technophilie et technophobie

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 85-100)

naissance et développement d’un phénomène de société

Paragraphe 2: Des intentionnalités et des perceptions du phénomène de surveillance diffuse : entre technophilie et technophobie

88. Comprendre l'apparition de la surveillance diffuse en tant que phénomène, c'est d'abord envisager d'analyser les perceptions, les représentations voire les intentionnalités tant positives que négatives liées à ce concept. C'est aussi situer ce phénomène, le restituer, comprendre son affiliation avec l'histoire des techniques. Cette dernière, et par voie de conséquences, le phénomène de surveillance diffuse sont partagés entre la mythification, voire, pour reprendre les termes de Stéphane Vial le « fétichisme235 » et la phobie qu'engendrent la technique. Ces deux éléments permettent de comprendre l'ensemble des ambiguïtés que peut soulever le traitement du concept de surveillance diffuse, et de le concevoir tel qu'il est vraiment.

89. Aborder la surveillance diffuse en tant que phénomène c'est d'abord opérer un retour à l'adage : « toute conscience est conscience de quelque chose236 ». Cet adage représente le fondement même de l'analyse phénoménologique puisque cette dernière est retour à la conscience des choses, aux intentionnalités. Ces dernières peuvent être positives (A) ou négatives (B). Il faut alors évoquer les représentations liées au concept de surveillance diffuse pour pouvoir, par la suite, s'en défaire et aborder la notion telle qu'elle est vraiment, c'est-à-dire revenir à son essence même.

A. Les intentionnalités positives du phénomène de surveillance diffuse: le paroxysme de la technophilie

Vial définit le fétichisme qu'entoure la notion de technique et de système technique comme une « tendance à croire

235

que la technique est une chose en soi, dotée d'une volonté abstraite qui dirige le cours des événements humains en poursuivant ses propres fins, comme un processus sans sujet. » Op. Cit. p. 43. Nous nous éloignerons, dans notre premier paragraphe, quelque peu de cette définition pour en revenir à la conception classique du fétichisme c'est-à-dire le respect scrupuleux, l'admiration sans réserve pour quelqu'un ou quelque chose (définition du dictionnaire de français Larousse en ligne). La surveillance est effectivement présentée comme le seul élément possible à mettre en place pour éviter les menaces, les risques et potentiellement le terrorisme. C'est en cela qu'elle devient un fétiche.

Il est nécessaire de rappeler les propos du philosophe allemand, Eugen Fink : « Le mouvement phénoménologique

236

est, dès son origine, « anti-spéculatif », son inspiration propre est déterminée par un renoncement passionné à toute forme de violence, telle qu’en comporte une interprétation spéculative du monde. Ce qu’il lui importe, c’est de montrer les choses elles-mêmes, sans présuppositions préalables et sans constructions systématisantes, de dire ce qu’elles sont et comment elles sont, en elles-mêmes et en deçà de toute falsification. Elle veut donner le premier et le dernier mot aux

« choses elles-mêmes ». Elle veut les préserver de la trame obnubilante des « interprétations » hâtives et ainsi rendre possible cette rencontre par laquelle l’homme vient aux choses dans une confiance humble et profonde à ce qu’elles sont en elles-mêmes, par laquelle il se livre à elles et s’éprouve ainsi libéré de la prison qu’il s’était jusque-là fabriqué lui-même et que, lorsqu’il est « philosophe », il nomme avec orgueil son « système ». ». FINK Eugen, Problèmes actuels de la phénoménologie, p. 57, cité par AMSELEK Paul, Méthode phénoménologique et théorie du droit, Paris, LGDJ, 1964, p. 10.

90. L'approche positive de la surveillance diffuse se veut technophile : la technique et, plus globalement, la technologie peuvent emporter des effets positifs sur la société, et même régler les maux qui la frappent (1). Pour certains auteurs, tels que Evgueny Morozov ou Jacques Ellul, cette représentation positivée des technologies et de la technique engendre la mise en place d’un véritable

« solutionnisme technologique237 », d’un « bluff technologique238 ». L’une des illustrations les plus éclairantes à ce sujet reste celle de la prise en charge et de la gestion du terrorisme par le politique (2).

1. La surveillance diffuse: une solution pour régler les maux de la société contemporaine

91. Analysant le « bluff technologique », Ellul écrit qu’il « consistait essentiellement à réordonner toute chose, de façon exemplaire et proclamée, en fonction du progrès technique (…).

On charge maintenant les techniques de centaines de réussites et d’exploits (dont on ne pose jamais ni les coûts, ni l’utilité, ni les dangers) et que la technique nous est dorénavant présentée expressément à la fois comme la seule solution à tous nos problèmes collectifs (le chômage, la misère du tiers-monde, la pollution, la menace de guerre) ou individuels (la santé, la vie familiale, et même le sens de la vie) (…). Dans ce discours l’on multiplie par cent les possibilités effectives des techniques et l’on voile radicalement les aspects négatifs239 ». Plus récemment, pour Morozov, le solutionnisme technologique pourrait être illustré par l’évolution du slogan des entreprises de la Silicon Valley passant de « l’innovation ou la mort240 » à « l’amélioration ou la mort241 ». Et d’ajouter, que « dans l’ensemble, l’essentiel n’est pas tant de savoir précisément ce qui est amélioré, mais c’est plutôt le fait d’être en mesure de changer les choses, d’amener les êtres humains à adopter un comportement plus responsable et durable, et de parvenir à une efficacité optimale. (…). La technologie peut nous rendre meilleurs, et c’est ce qu’elle fera. Ou pour le dire à la manière des geeks: avec les bonnes applications, tous les bogues de l’humanité deviennent mineurs242 ».

MOROZOV Evgeny, L’aberration du solutionnisme technologique - Pour tout comprendre cliquez ici, Editions FYP,

237

Collection Innovation, 2014

ELLUL Jacques, Le bluff technologique, préface de Jean-Luc Porquet, Ellul l'éclaireur, Hachette, 1988 ; réédition

238

Hachette Littératures, collection « Pluriel », 2004 Ibid, p. 26.

239

MOROZOV Evgeny, Op. Cit., p. 12

240

Ibid.

241

Ibid.

242

92. En réalité, derrière les expressions de « solutionnisme technologique » ou de « bluff technologique » se cache un même dénominateur: la pensée relativement admise dans nos sociétés que la technologie, la technique et le progrès permettent de résoudre l’ensemble des problèmes que rencontre la société. Cette pensée touche l’individu, séduit le politique et est fortement suscitée par les entreprises du numérique. Conjointement, ces acteurs développent, consciemment ou non, un discours et des pratiques permettant de démontrer la puissance de résolution des technologies du numérique, et d’entretenir cette pensée.

93. Si le phénomène de surveillance a pris de l’ampleur ces dernières années243, c’est bel et bien du fait de l’usage croissant de l’informatique dans la vie quotidienne. Plus globalement l'usage des technologies de l'information et de la communication, l'implantation de technologies de sécurité, l'interconnexion et l'interopérabilité (encore appelée connectabilité) de ces différentes technologies, la généralisation des fichiers, et la création de toujours plus de bases de données personnelles ont permis à la surveillance de devenir elle-même automatisée, technicisée. Plus l'informatique et les technologies ont évolué, plus elles se sont combinées, plus elles ont interagi entre elles, plus elles ont fait naître de nouvelles formes de communication et de connexion, et donc de possibilités de surveillance. Aujourd’hui, chaque objet de notre vie est susceptible de devenir un outil communiquant, un objet connecté. Demain, ces objets deviendront invisibles (puces RFID, nanotechnologies), et évolueront dans leur manière d'être : d'une surveillance d'un individu par ses données (dataveillance), on passera à la surveillance d'un corps, pour enfin envisager la surveillance intra-corporelle. Qu’il s’agisse du réfrigérateur connecté permettant de surveiller notre consommation et notre alimentation; de l’instauration du numérique à l’école244, du règlement des impôts en ligne, de l’invocation récente d’une République du numérique; mais aussi, dans une certaine mesure, des pratiques des entreprises de la Silicon Valley245; le progrès technologique est présenté comme la solution pour vivre mieux, en sécurité, protéger des menaces, de se prémunir des

En ce sens, et du point de vue sécuritaire, voir: Stasi Versus NSA, Quelle place prendraient les armoires d’archivage

243

de la STASI et de la NSA - si la NSA décidait d’imprimait ses 5 zettaoctet de fichiers? (0,0019 km² pour la Stasi, 17 millions de km² pour la NSA), En ligne: https://apps.opendatacity.de/stasi-vs-nsa/francais.html (dernière consultation: 5 mars 2018)

Voir en ce sens: LELIEVRE Claude, Le numérique à l’école: une (vieille) affaire présidentielle ?, 10 novembre

244

2014, Médiapart, En ligne: https://blogs.mediapart.fr/claude-lelievre/blog/101114/le-numerique-lecole-une-vieille-affaire-presidentielle (dernière consultation: 5 mars 2018)

On citera par exemple la récente ambition de Facebook de s’inscrire pleinement dans la lutte contre le terrorisme par

245

l’intelligence artificielle. Voir: GAROSCIO Paolo, Facebook: l’IA pour lutter contre le terrorisme, 16 juin 2017, Clubic, En ligne: http://www.clubic.com/internet/facebook/actualite-832002-facebook-ia-lutter-terrorisme.html (dernière consultation: 5 mars 2018)

risques, et même, en France d’inverser la courbe du chômage246. Et ce sont ces raisons qui font de ces exemples des symptômes du bluff ou du solutionnisme technologique. La technologie, ses implications - allant de l’information et de la communication à la surveillance - les progrès sans cesse renouvelés de la technologie sont présentés comme un remède à chaque problématique particulière et sociétale.

94. Au-delà du potentiel de surveillance des technologies utilisées, c’est en fait une nouvelle pratique qui est engendrée par le progrès technologique, et validée par ce bluff, ce solutionnisme technologique: la surveillance. A chaque nouvelle problématique collective et individuelle liée à l’environnement, la finance, au domaine du sanitaire; ou de certaines problématiques individuelles (santé, alimentation, sécurité), correspond aujourd’hui, par effet miroir, une forme de surveillance:

surveillance sismique, surveillance des centrales nucléaires, surveillance de l'environnement et de l'eau, surveillance et contrôle des maladies, surveillance d’Internet… Pour paraphraser ce que Jacques Ellul écrivait à propos du progrès technique247, il est possible d’affirmer aujourd’hui que chaque pratique de surveillance est destinée à résoudre un certain nombre de problèmes, ou plus exactement en face d’un danger, d’une difficulté, on trouve forcément la surveillance technicisée adéquate.

2. Illustration du solutionnisme technologique: la surveillance diffuse comme réponse au terrorisme

95. Le terrorisme a toujours été présent dans nos sociétés248. La lutte contre le terrorisme

Voir en ce sens: DE LA BROSSE Julie, Paul Duan, ce petit génie qui a élaboré un algorithme anti-chômage, 25

246

février 2016, L’express, En ligne: https://www.lexpress.fr/emploi/paul-duan-ce-petit-genie-qui-a-elabore-un-algorithme-antichomage_1766940.html (dernière consultation: 5 mars 2018)

« Chaque progrès technique est destiné à résoudre un certain nombre de problèmes. Ou plus exactement: en face

247

d’un danger, d’une difficulté précis, limités, on trouve forcément la réponse technique adéquate ». ELLUL Jacques, Le bluff technologique,Op. Cit., p. 112

Jacques Derrida déclare que, « si on se réfère aux définitions courantes ou explicitement légales du terrorisme, qu’y

248

trouve-t-on ? La référence à un crime contre la vie humaine en violation des lois (…) y implique à la fois la distinction entre civil et militaire (…) et une finalité politique (…). Ces définitions n’excluent donc pas le « terrorisme d’État ».

Tous les terroristes du monde prétendent répliquer, pour se défendre, à un terrorisme d’État antérieur qui, ne disant pas son nom, se couvre de toutes sortes de justifications plus ou moins crédibles ». in. Borradori Giovanna, Entretiens avec deux grands intellectuels sur le « concept » du 11 septembre 2001 - qu'est ce que le terrorisme ?, Le monde diplomatique, février 2004, p. 16, En ligne: https://www.monde-diplomatique.fr/2004/02/DERRIDA/11005 (dernière consultation: 5 mars 2018). En guise de référence générale, on évoquera des exemples de terrorisme dit individuel (pratiqué par des anarchistes à la fin des années 1890), de terrorisme organisé (Al Quaeda ou encore DAESH), mais également des formes de terrorisme d’État, des terrorismes revendiquant l'indépendance ou le séparatisme (la fondation de l'IRA en 1919 par exemple). Et: COOLSAET Rick, Au temps du terrorisme anarchiste, Le Monde diplomatique, septembre 2004, p. 26, En ligne: https://www.monde-diplomatique.fr/2004/09/COOLSAET/11443 (dernière consultation: 5 mars 2018)

s’organise, quant à elle, traditionnellement autour de la surveillance249. De fait, les affaires récentes liées aux révélations de Edward Snowden, s’inscrivent dans une continuité250, pour les Etats-unis, dans la collecte de renseignements à grande échelle contre le terrorisme, et, plus globalement, leur sécurité nationale. Néanmoins, la technicisation de la surveillance, son caractère massif tant en volume d’individus surveillés que d’informations collectées, les discours de légitimation de ces pratiques sont des caractéristiques de la surveillance qu’il faut analyser à la lumière du bluff ou du solutionnisme technologique.

96. Avec le 11 septembre 2001, et sous couvert de la guerre contre le terrorisme, des logiques discursives sont apparues : menaces, risques, dangers, prévention, sécurité, ennemis protéiformes sont devenus des notions et concepts manipulés au gré des discours politiques permettant l'effacement progressif des limites posés par l’État de droit. Comme le rappelle Mireille Delmas-Marty, « au vu de ces évolutions récentes apparemment convergentes apparaît l'hypothèse d'un effet indirect des attentats du 11 septembre 2001 qui auraient en quelque sorte libéré les responsables politiques, symboliquement et juridiquement, de l'obligation de respecter les limites propres à l’État de droit ; et ainsi déclenché, par une série d'ondes de choc, des mouvements qui sont d'autant moins contrôlables qu'ils relèvent pour une large part des interdépendances liées aux phénomènes d’internationalisation du droit251 ». Parmi ces ondes de choc, les glissements sémantiques tels que l'évocation, voire « l'invocation quasi-diabolique », des notions de menaces, de risques, de peurs, mais également d'ennemis, ont eu des répercussions importantes sur le Droit, sur la notion même d’État de droit, sur notre perception du monde. Par exemple, si nous nous intéressons à la rhétorique

La Conférence internationale de Rome pour la défense sociale contre les anarchistes de 1898 permet, par exemple, la

249

mise en place d’une coopération inter-étatique et policière contre un mouvement considéré comme terroriste. Cette coopération a engendré la surveillance et le recueil d’information sur ce groupe. Pour une référence générale, voir BAUSARDO Thomas, « Quel passé pour Prism et Snowden ? », Vacarme 2014/1 (n°66), Op. Cit. . L’auteur retrace brièvement une histoire de la surveillance et débute son article ainsi: « ça le fait doucement rire, l’historien, de lire en marge de l’affaire Snowden, qu’entre les services de renseignement occidentaux le niveau de coopération en matière d’anti-terrorisme est des plus élèves. Parce que cela ne date pas d’hier, ni même des débuts du renseignement d’origine électromagnétique. Faut-il voir dans Prism, X-Keyscore, Muscular, Tempora, etc., des révélations véritables ou fondamentales ? Ou seulement des témoignages de la permanence des luttes anti-terroristes depuis la fin du XIXe siècle

? Comment concevoir le présent de ces luttes à la lumière des pratiques du passé ? ». Nous partageons totalement le questionnement ironique de l’auteur. Un simple regard à l’histoire du renseignement en France et à l’international, montre que l’utilisation de la surveillance en matière de lutte contre le terrorisme n’a rien de nouveau.

Du programme Echelon au programme Prism, les enjeux restent effectivement les mêmes pour les Etats-Unis:

250

sécurité nationale, lutte contre le terrorisme, hégémonie économique. Ainsi que le rappelle Thomas Bausardo, dans l’article précité, ces pratiques ne sont pas propres aux Etats-Unis. « De tous temps, l’espionnage. (…). Tous les Etats, selon des stratégies, des intérêts et des moyens qui leur sont propres - espionnent. Ils l’ont toujours fait - et continueront de le faire. Le renseignement a toujours été une donnée fondamentale de l’art de gouverner », in. BAUSARDO Thomas, Op. Cit., p. 144 - 145.

DELMAS-MARTY Mireille, Libertés et sûreté dans un monde dangereux, Éditions du Seuil, Collection « La

251

couleur des idées », 2010, p. 8

de la guerre contre l'ennemi prônée dans chacun des discours politiques et médiatiques qui ont suivi le 11 septembre 2001252, on s'aperçoit que la vision humaniste du droit pénal253 s'est progressivement effacée au profit d’une vision positiviste254 dite de « défense sociale ». Aujourd’hui cette vision du droit pénal se déplace de l’idée de défense à l’application d’une logique de prévention totale. Cette « déshumanisation du droit pénal255 » couplée à « une anthropologie guerrière256 », rendue possible par ces discours médiatiques et politiques qui contribuent à insuffler une « culture de la peur257 », ont permis le passage de la notion de criminel personnifié à la notion d'ennemi désincarné. Ainsi, on a vu proliférer des concepts comme celui aux Etats-Unis « d'ennemi combattant illégal258 », mais également, en Europe avec le passage du concept « d'ennemi intérieur à l'ennemi transversal259 », « d'ennemi de l'ordre public260 » ; autant de notions relevant de la désincarnation du droit pénal et de « l'anthropologie guerrière » pour reprendre l'expression utilisée par Mireille Delmas-Marty.

97. Ces stratégies discursives et logiques d'argumentation guerrière ne s'arrêtent pas simplement

Cela vaut également pour les discours politiques et médiatiques qui ont suivi les meurtres perpétrés à Charlie Hebdo

252

le 7 janvier 2015. On notera, pour s'en convaincre, une phrase issue du livre de Marc Crépon, La culture de la peur, Paris, Galilée, 2008, p. 14. L'auteur évoque le développement « d'une culture de la peur à laquelle aucun discours politique, aucune mise en scène médiatique de l'information ne semble résister ».

Les tenants de la vision humaniste et classique du droit pénal sont Kant (école de la justice absolue), Beccaria (école

253

classique) et Ortolan (école néo-classique). La doctrine néo-classique pourrait se résumer par l'adage suivant : « punir ni plus qu'il n'est juste, ni plus qu'il n'est utile. » La répression doit prendre en compte la double exigence de la justice phénomène est éclairé par deux concepts : le déterminisme (le crime est le résultat de causes exogènes ou endogènes), ainsi que l'irresponsabilité morale du délinquant (l'homme étant déterminé, il est insensé pour les positivistes de raisonner en termes de responsabilité morale, de culpabilité ou encore de libre arbitre). L'individu est alors objet de la science pénale, non plus acteur individualisé doué de raison

DELMAS – MARTY Mireille, Op. Cit., p.41 et suivantes

255

Ibid., p.84

256

Voir le livre de Marc Crépon précité. La culture de la peur sera analysée par la suite de nos développements.

257

CANTEGREIL Julien, « La doctrine américaine de « l'ennemi combattant illégal » », in DELMAS – MARTY

258

Mireille, HALPERIN Jean - Louis et GIUDICELLI – DELAGE Geneviève (dir.), Les politiques sécuritaires à la lumière de la doctrine pénale du 19 ème au 21 ème siècle, Revue de Sciences Criminelles (RSC), Dalloz, 2010 n°81, 15 mars 2010

RIGOUSTE Mathieu, « L’ennemi intérieur, de la guerre coloniale au contrôle sécuritaire », Cultures & Conflits, 67,

259

automne 2007, 4 janvier 2010, En ligne: http://conflits.revues.org/3128 (dernière consultation: 5 mars 2018); et du même auteur, La généalogie coloniale et militaire de l'ordre sécuritaire dans la France contemporaine, Collection La Découverte Poche/Essais n°348, Éditions Broché, juin 2011

JAKOBS Günther, Aux limites de l'orientation par le droit : le droit pénal de l'ennemi , in RSC, 2009, n°1, p7. Plus

260

globalement, le dossier consacré au droit pénal de l'ennemi – droit pénal de l'inhumain paru à la revue de science criminelle dans son numéro 1/2009.

à des mots que nos responsables politiques auraient préférés utiliser à la place d'un autre, ni à de simples glissements sémantiques. Métamorphose de la justice pénale, mais aussi, plus insidieusement, du contrôle social par l'entretien d'une culture de la peur sont des conséquences nettes et palpables de ces stratégies. Plus loin encore, ces dernières ont permis la légalisation de la surveillance. A la suite des attentats du 11 septembre 2001, lorsque Georges Bush emploie pour la première fois l'expression de « guerre contre le terrorisme », ce n'est pas dans le simple but de frapper les esprits avec cette métaphore. En effet, à l'inverse de la Constitution française qui prévoit expressément l'état d'exception261, permettant, dans le cas où l’État se trouve en situation de péril grave, de méconnaître les règles légales qui régissent normalement son activité afin d'assurer sa sauvegarde ; la Constitution américaine, elle, ne prévoit pas ce genre de mesures. Ainsi, seul l'état de guerre permet un transfert de pouvoirs au président des États-Unis. Six semaines après les attaques du 11 septembre 2001, le Congrès américain approuvait le USA Patriot Act262 proposé par le président Bush. Cette loi a rendu possible, grâce à la métaphore « guerre contre le terrorisme », la surveillance de masse et technicisée, ainsi qu'un régime pénal d'exception (torture, assassinats

à des mots que nos responsables politiques auraient préférés utiliser à la place d'un autre, ni à de simples glissements sémantiques. Métamorphose de la justice pénale, mais aussi, plus insidieusement, du contrôle social par l'entretien d'une culture de la peur sont des conséquences nettes et palpables de ces stratégies. Plus loin encore, ces dernières ont permis la légalisation de la surveillance. A la suite des attentats du 11 septembre 2001, lorsque Georges Bush emploie pour la première fois l'expression de « guerre contre le terrorisme », ce n'est pas dans le simple but de frapper les esprits avec cette métaphore. En effet, à l'inverse de la Constitution française qui prévoit expressément l'état d'exception261, permettant, dans le cas où l’État se trouve en situation de péril grave, de méconnaître les règles légales qui régissent normalement son activité afin d'assurer sa sauvegarde ; la Constitution américaine, elle, ne prévoit pas ce genre de mesures. Ainsi, seul l'état de guerre permet un transfert de pouvoirs au président des États-Unis. Six semaines après les attaques du 11 septembre 2001, le Congrès américain approuvait le USA Patriot Act262 proposé par le président Bush. Cette loi a rendu possible, grâce à la métaphore « guerre contre le terrorisme », la surveillance de masse et technicisée, ainsi qu'un régime pénal d'exception (torture, assassinats

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 85-100)