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4. Diminuer le déficit

4.3 Intensité et contenu des traitements

Il faut une activité répétée pour induire un renforcement de la synapse concernée. La représentation corticale d’un membre est dépendante de l’activité de celui-ci. Il existe généralement une relation dose-réponse pour l’apprentissage d’une tâche. A partir de ces trois constatations, on comprend que chez le sujet cérébrolésé qui souhaite retrouver des fonctions perdues, que ce soit par restitution ou par substitution/compensation, l’intensité et le contenu des traitements proposés sont critiques.

4.3.1 Intensité des traitements Motricité

En ce qui concerne la motricité, plusieurs revues de littérature confirment l’importance de l’intensité du traitement sur la vitesse de récupération [279] et sur le résultat [191, 192, 280].

Dans une méta-analyse de 2004, sur 20 études retenues, 14 rapportent un meilleur résultat pour le groupe avec plus de thérapie, 6 pas de différence significative. En moyenne le groupe expérimental reçoit 16 heures de plus que le groupe contrôle, soit 2 fois plus par jour (44.5 minutes de physiothérapie et 13,9 minutes d’ergothérapie/ jour contre respectivement 21,2 minutes et 7 minutes). Plus la différence de durée est marquée plus l’étude se montre significative [280]. Verbreek et al [192] a revu 467 études jusqu’à juin 2011. 80 études comparent des durées différentes d’une même thérapie. Le groupe avec plus de traitement (en moyenne 17 heures en plus sur 10 semaines) montre un gain significatif, notamment de la fonction motrice des membres supérieurs et inférieurs et de la vitesse de marche.

Un effet dose –réponse semble donc bien exister.

L’intensité d’une thérapie ne dépend pas seulement de la fréquence, du nombre et de la durée des séances. La répétition un certain nombre de fois de la même tâche au sein d’une séance est sans doute aussi critique, au moins en ce qui concerne la marche [281].

Langage

En ce qui concerne le langage, une revue de la Cochrane inclut 30 études entre 1996 et avril 2009 dont 4 comparent un traitement conventionnel (80 minutes à 4 heures par semaine) à un traitement intense (4 à 10 heures par semaine). Les résultats sont en faveur de la prise en charge plus intense [282]. Dans une méta-analyse incluant les études publiées entre 1975 et 2002, les auteurs concluent que la logopédie 2 heures par semaine sur 22,9 semaines est inefficace, alors qu’on constate un effet dès 8,8 heures par semaine sur 11,2 semaines. Ce n’est donc pas seulement le nombre d’heures total de thérapie qui est important. Un meilleur

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effet sur le langage semble obtenu avec une thérapie groupée sur une petite période par rapport à un traitement disséminé sur un plus long laps de temps [283].

Intensité de prise en charge

L’intensité de traitement idéal n’est pas encore déterminée de façon certaine. Une dose minimale semble nécessaire pour obtenir un effet. Dans un certain intervalle, il semble y avoir un effet dose-réponse. Après un certain seuil, non seulement un gain supplémentaire n’est pas certain, mais surtout la faisabilité en pratique diminue [284] et cela sans même aborder le problème des coûts.

Une remise en question de l’utilité d’augmenter les traitements est d’ailleurs amenée par un article récent de Byblow et al [285] qui conclu à l’existence de 2 catégories de patients . Ceux qui améliorent leur score de Fugl-Meyer du membre supérieur de départ, le font à 70%, et ce quelque soit la dose du traitement. La possibilité d’amélioration serait ainsi principalement en lien avec l’intégrité du tractus corticospinal et non avec l’intensité de la prise en charge. La difficulté est qu’actuellement la clinique de départ et l’imagerie ne permettent pas d’établir un pronostic fiable comme l’illustre le cas ci-dessous (vignette 5).

Vignette clinique 5 : Evolution inhabituellement favorable d’un Locked-In syndrome complet Il s’agit d’un homme de 68 ans avec

thrombose du tronc basilaire traité par lyse avec recanalisation de celui-ci mais AVC ischémique pontique bilatéral constitué.

Il présente le tableau classique et complet du Locked-In syndrome avec une diplégie facio-glosso-pharyngo-masticatrice et une tétraplégie flasque. Seuls les mouvements verticaux des yeux sont préservés.

Les troubles de la déglutition nécessitent la mise en place d’une trachéotomie et d’une nutrition par sonde de gastrotomie. On note de surcroit un iléus paralytique nécessitant une colostomie.

IRM cérébrale, 1 an après l’AVC, révèle la lésion pontique étendue (flèches). Tb : tronc basilaire/ c : cervelet / p : pont

Le patient 17 mois après son LIS L’évolution est lente mais favorable malgré

l’atteinte étendue du faisceau corticospinal au niveau pontique. A 17 mois le patient parle de façon intelligible, mange

normalement, peut marcher avec une canne et est indépendant pour les AVQ [286].

46 4.3.2 Contenu des traitements

L a prise en charge du patient cérébrolésé comprend de la physiothérapie, de l’ergothérapie, de la logopédie et/ou de la neuropsychologie, sans oublier l’intervention quotidienne des soins infirmiers pour favoriser la mobilité et l’autonomie dans les activités de la vie quotidienne.

Les méthodes qui peuvent être utilisées dans chacune de ses thérapies sont très diverses.

Par exemple, en ergothérapie ou physiothérapie, les techniques de facilitation et de reprogrammation neuromusculaire, comprennent en particulier les méthodes de Bobath, Perfetti, PNF (Facilitation Neuromusculaire Proprioceptive), Brunnstrom, Rood, Temple Fay et Kabat.

En logopédie l’accent peut être mis sur la production orale avec notamment travail sur l’articulation et l’accès au mot, mais aussi sur la compréhension avec tache de discrimination phonémique par désignation d’images, sur le freinage de stéréotypies, ou employer des stratégies de « réorganisation » comme la thérapie mélodique rythmée qui utilise la chanson.

Il y a, pour des raisons évidentes d’éthique, peu d’études qui comparent le devenir de patients cérébrolésés avec ou sans cette prise en charge de base. Cela a cependant été étudié pour la logopédie avec un résultat positif de ce traitement sur la fonctionnalité de la communication, la lecture, l’écriture et l’expression orale [287]. L’efficacité de la physiothérapie, sur

l’amélioration de la fonction motrice, l’équilibre ou la vitesse de marche, a aussi ainsi été démontrée [288]. Cependant la supériorité claire d’une méthode par rapport à une autre n’apparait pas et il y a peu d’étude comparant une méthode avec une autre. Le concept Bobath, largement utilisé en physiothérapie ne semble ainsi par exemple pas supérieur à une autre approche neurophysiologique [288, 289]. Certains aspects de la théorie, comme ne pas favoriser les compensations, sont d’ailleurs discutables et si le concept a déjà évolué, il n’est pas à appliquer de façon dogmatique ou seul.

Choisir le contenu de la séance est critique d’autant qu’il existe maintenant un large panel de techniques à disposition. Une large méta-analyse de 467 études (publiés avant juillet 2011), portant sur 53 thérapies physiques différentes, confirme un effet positif significatif de 30 d’entre elles [192] . C’est le cas du travail sur tapis roulant avec harnais ou avec un robot de marche mais aussi des circuits de marche en groupe. Pour la rééducation du membre

supérieur cela concerne notamment la thérapie motrice par la contrainte, la thérapie par le miroir, l’utilisation de robots épaule/coude et la stimulation électrique fonctionnelle

déclenché par un enmg des extenseurs du poignet et des doigts. La revue Cochrane des interventions pour améliorer la fonction du membre supérieur après AVC, retient aussi,

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même si c’est avec une évidence de qualité modérée, un bénéfice de la thérapie motrice par la contrainte, de la thérapie par le miroir et de l’utilisation de robots [290]

Comment choisir ?

En se basant sur ce que l’on sait sur l’apprentissage et la plasticité cérébrale, la rééducation manuelle individuelle ne doit pas se limiter à une mobilisation des articulations et à un renforcement musculaire mais bien exercer de la façon la plus active possible un mouvement utile, orienté vers une tâche et relevant pour la personne [291]. Dans l’état actuel des

connaissances, il n’existe pas une méthode de facilitation /reprogrammation musculaire univoque qui puisse être préconisée de façon générale. Il faut privilégier l’association de différentes techniques. L’objectif du traitement doit être fixé de manière individuelle en fonction des déficits présentés et en collaboration avec le patient. La décomposition en étapes, répétées, dont la difficulté sera réajustée en fonction des progrès, semble importante. Un retour sensoriel et/ou un feedback externe sont aussi essentiels. Il faut intégrer ce qui a été exercé dans les activités de la vie quotidienne. L’ajout d’exercices que le patient peut faire seul est aussi indiqué.

Page suivante (Schéma 3) un arbre d’aide décisionnelle pour choisir la rééducation motrice appropriée en fonction de la phase (aigüe/subaigüe) et du degré d’atteinte du membre

supérieur et inférieur. Le passage de la prise en charge de phase « aigüe » à « subaigüe » doit être fait le plus tôt possible, dès que la situation médicale le permet.

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Schéma 3 : Quelle rééducation de la motricité, pour quel patient, à quel moment ?

En phase aiguë Pour tous

Rééducation manuelle individuelle avec mobilisation passive et/ou active assistée

des différentes articulations mobilisation passive et/ou active assistée

des différentes articulations. Techniques de facilitation et de reprogrammation

neuromusculaire combinées

Verticalisation, Travail position debout.

Travail retournement et transfert couché-assis , assis-assis et/ou

assis –debout.

Rééducation fonctionnelle individuelle de la marche (avec si nécessaire orthèse, moyen auxiliaire de marche, sécurisation

par système type Vector ®).

En cas de parésie membre

supérieur

Travail actif ou actif assisté de gestes avec une utilité fonctionnelle, choisis avec le patient, décomposés en petites étapes répétées dont la difficulté peut être

adaptée

Rajouter robot +/- réalité virtuelle

Intégration membre supérieur dans le AVQ et envisager ,si possible, thérapie par la

contrainte

Mettre à disposition des exercices que le patient peut faire seul.

Pour augmenter la vitesse et l’endurance, rajouter des séances de tapis roulant (+/-

harnais).

Dès que possible, activités sportives adaptées, circuits de marche en groupe,

entraînement autonome.

En cas d'atteinte sévère

tronc-membre inférieur

Robot avec aide au déplacement du membre inférieur.

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4.4 Thérapie assistée par ordinateur, réalité virtuelle et robotique