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Intérêts de la thérapie cellulaire appliquée à l’hémophilie B

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CHAPITRE 3 : PREUVE DE CONCEPT POUR LA TRANSPLANTATION AUTOLOGUE

A. Intégrité génomique des iPSC et des cellules différenciées

V. Intérêts de la thérapie cellulaire appliquée à l’hémophilie B

Comme nous l’avons vu précédemment, le traitement prophylactique suivi par les patients HB permet de réduire la fréquence des épisodes hémorragiques mais ce traitement n’est pas curatif et son coût ainsi que le renouvellement régulier des injections (2 à 3 fois par semaine pour les cas les plus sévères) sont des paramètres qui nécessitent de développer d’autres approches thérapeutiques. L’amélioration des FIXr, comme par exemple le FIXr pegylé évoqué en introduction, permettrait d’espacer les injections, mais cela n’empêchera pas le traitement à vie des patients, et les conséquences d’injections répétées de protéines pegylées dans l’organisme est aujourd’hui inconnue. Une autre approche développée est de diminuer le taux d’antithrombine naturellement présente chez les patients, en utilisant des ARN antisens504, mais cette technique, également applicable aux patients atteints d’hémophilie A, présente des risques de thrombogènes importants et pose également le problème de la durée du traitement à vie.

L’hémophilie B est un bon candidat pour la thérapie génique et plusieurs essais ont déjà été réalisés, utilisant maintenant le plus souvent des vecteurs AAV (Adenovirus associated virus). L’adenovirus est un virus non pathogène pour l’homme et, contrairement au virus sauvage qui a tendance à s’intégrer dans le génome, l’ADN proviral des vecteurs AAV reste épisomal. L’utilisation des vecteurs AAV entraîne donc une extrêmement faible fréquence d’insertion du vecteur dans le génome et donc un risque minime de mutagenèse insertionnelle, même si des études menées chez le singe505 ou la souris506 ont montré que ce risque d’intégration n’était pas nul. Plusieurs types d’AAV ont été utilisés, mais les récents essais utilisant l’AAV8 semblent très prometteurs car celui-ci possède un fort tropisme pour les hépatocytes et permet donc son injection dans la circulation sanguine, à la différence de l’AAV2 précédemment utilisé qui devait être injecté directement dans l’artère hépatique405,406. Nous avons aujourd’hui un recul de 6 ans sur l’essai de thérapie génique de l’équipe d’Amit Nathwani et les résultats sont très encourageants507. Quatre des 6 premiers patients inclus dans l’étude ont arrêté leur traitement mais la toxicité hépatique observée chez les patients ayant reçu la plus forte dose de vecteur 7 à 10 semaines après injection n’avait pas été anticipée

Discussion générale

173 dans les modèles animaux, pas même chez le singe508, montrant bien la limitation de certains modèles et le risque d’extrapolation à l’homme. Cette toxicité a été prise en compte pour l’élaboration d’un autre essai clinique en cours, dans lequel les vecteurs ont été purifiés afin d’éliminer les capsides vides, permettant ainsi de diminuer les réactions immunitaires et de permettre une expression maximale du FIX. En effet, comme dans toutes les productions de vecteurs, une partie des capsides ne contient pas de génome codant le FIX mais est reconnue par le système immunitaire. La purification des vecteurs est donc une étape capitale pour diminuer la toxicité due, non seulement à la présence d’une trop forte quantité de capsides vides, mais aussi à d’éventuelles contaminations par de l’ADN ou des protéines des cellules utilisées pour leur production.

Si les résultats obtenus jusqu’alors sont très encourageants, l’utilisation de vecteurs non-intégratifs entraînera un jour ou l’autre la diminution de l’expression du FIX, potentiellement sous le seuil thérapeutique. Des approches de modification ciblée du génome in vivo, validées chez la souris419, comme celle de la société Sangamo Therapeutics sont testées actuellement chez l’homme, mais leur utilisation en clinique nécessitera certainement plusieurs années de mise au point, les risques de clivages non ciblés évoqués précédemment présentant évidemment un risque bien plus important chez un patient que dans des cellules en culture. De plus, l’utilisation de ZFN in vivo requiert l’injection de deux vecteurs AAV (1 pour les ZFN et 1 pour l’ADNc du FIX), nécessitant donc la production de deux vecteurs en parallèle et donc la mise en place de deux processus de purification et de production. Là encore, des améliorations sont en cours de développement comme l’utilisation de nanoparticules d’or, utilisées chez la souris pour corriger, à l’aide des CRISPR/Cas9, la mutation responsable de la dystrophie musculaire de Duchenne509.

La thérapie génique semble très prometteuse pour les patients HB et on peut se demander si le développement d’une stratégie de thérapie cellulaire et génique a véritablement un intérêt. Il faut savoir que la thérapie génique ne pourra pas être applicable à tous les patients, en partie à cause du taux d’anticorps anti-AAV naturellement présents dans l’organisme. De plus, il faut noter que l’ensemble des patients ayant reçu l’injection de vecteurs a développé une réaction immunitaire contre la capside, empêchant une seconde injection si celle-ci est nécessaire. Il me semble donc important de développer des alternatives afin de ne pas limiter le traitement à une seule stratégie. De plus, les essais cliniques se déroulant aujourd’hui sont basés sur des résultats pré-cliniques obtenus il y a plusieurs années et il est donc important de poursuivre ces études in vitro, mais aussi chez l’animal, afin d’approfondir nos connaissances et de permettre le développement de nouveaux outils de thérapie. Les résultats obtenus avec les iPSC présentent l’avantage d’être transposables à plusieurs maladies, comme nous l’avons nous-mêmes montré en utilisant la stratégie de correction au site AAVS1 décrit dans ce manuscrit dans un modèle d’iPSC reprogrammées à partir de cellules d’un patient atteint d’hypercholestérolémie familiale (Caron et al. – soumis pour publication).

Le premier essai de thérapie cellulaire autologue à partir des iPSC a été réalisé en 2014 pour traiter une patiente de 77 ans atteinte de DMLA510. Cependant, ces approches de thérapie cellulaire autologue ne pourront peut-être pas être applicables avant que les conditions de reprogrammation soient plus « sécurisées », rapides et surtout moins coûteuses. La création en 2010 d’une bio-banque d’iPSC de grade clinique (CiRA, située sur le campus de l’université de Kyoto au Japon) regroupant des cellules utilisables chez des patients HLA-compatibles a cependant permis une grande avancée dans l’utilisation des iPSC en thérapeutique. Son directeur, Shinya Yamanaka, annonçait d’ailleurs au

174 congrès de l’ISSCR de cette année avoir déjà développé 10 lignées iPSC homozygotes HLA de grade clinique. Treize de ces lignées ont également été obtenues en Corée du Sud511. L’utilisation de ces cellules HLA-compatibles permettrait après sélection des donneurs, d’obtenir des cellules compatibles avec une grande partie de la population, selon l’origine ethnique et le patrimoine génétique. Ainsi, la dérivation de 2 lignées d’iPSC reprogrammées à partir de cellules d’individus homozygotes HLA pourrait permettre de couvrir environ 20 % de la population japonaise et 50 lignées 90.7 % de la population512,513. Au Royaume-Uni, 150 lignées HLA-compatibles permettraient de couvrir 93 % de la population514. Utilisant un modèle de probabilité, une étude a montré que la

dérivation de 100 lignées pour chacune de ces populations permettrait de couvrir les besoins en cellules compatibles de 78 % des habitants de l’Europe du Nord, 63 % des asiatiques, 42 % des hispaniques et 45 % des afro-américains515.

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