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Applications des hESC

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CHAPITRE 2 : CELLULES SOUCHES ET REPROGRAMMATION

D. Applications des hESC

En raison de leurs propriétés exceptionnelles, les hESC sont utilisées dans de nombreuses applications développées plus en détails dans les paragraphes suivants.

a. Modèles d’étude du développement

La possibilité de cultiver des hESC in vitro a permis tout d’abord d’améliorer notre compréhension de la biologie du développement précoce de l’embryon. Le développement des techniques d’analyses comme la CGH-array (Comparative Genomic Hybridization-array), la possibilité d’étudier les SNP (Single Nucleotide Polymorphism) ou encore des technologies plus courantes comme la PCR quantitative, ont permis d’étudier les cellules de l’embryon à différents stades de son développement. Une étude a par exemple montré que 60 à 80% des embryons au stade précoce (2e ou 3e jour de développement) sont porteurs d’une anomalie chromosomique, et que ce taux diminue à 40% au stade blastocyste (5e ou 6e jour de développement)102, mettant ainsi en avant la nécessité d’étudier les mécanismes impliqués dans la perturbation du cycle cellulaire à ce stade, mais également ses mécanismes de régulation. Plus récemment, le séquençage du transcriptome, appelé RNA-seq, a également permis d’étudier l’ARN au cours des différents stades du développement, et d’établir le profil d’expression allélique de certains gènes103.

En termes de médecine de reproduction, l’utilisation des hESC a également ouvert de nouvelles portes sur la recherche sur le développement de l’ovocyte, comme par exemple l’étude de sa capacité à se développer en fonction de son environnement. Ceci a permis d’améliorer la sélection des embryons utilisés pour les Fécondations in vitro (FIV) et donc d’obtenir des grossesses plus rapidement.

Enfin, l’utilisation des hESC a permis de montrer que les deux chromosomes X étaient encore actifs au stade blastocyste chez l’humain104, à la différence des autres mammifères où l’un des deux chromosomes X est inactivé très précocement afin d’égaliser la quantité de protéines produites dans les cellules mâles (XY) et femelles (XX). Cette découverte a permis de mettre en évidence une différence majeure entre les cellules animales et humaines, et donc la nécessité de mener des études chez l’homme.

b. Médecine régénérative et essais cliniques

L’accès aux hESC et le développement de protocoles de différenciation dirigée de ces cellules en différents types cellulaires par modulation de leurs conditions de culture offrent de nouvelles perspectives de traitement, en remplaçant par exemple les cellules défaillantes d’un patient par des cellules obtenues après différenciation in vitro. C’est ce qu’on appelle la thérapie cellulaire, ou médecine régénérative. Cette approche a d’abord été appliquée dans des modèles animaux, en utilisant par exemple des cellules souches embryonnaires humaines ou murines pour traiter des pathologies comme la maladie de Parkinson105, le diabète106, la dystrophie musculaire107, l’infarctus du myocarde108 chez la souris, ou chez le singe109.

32 Chez l’homme, le premier essai clinique utilisant des cellules dérivées de hESC a été mené par la société californienne Geron110 en 2010. Celui-ci était basé sur l’utilisation d’oligodendrocytes dérivés à partir de la lignée hESC H1 pour le traitement de lésions de la moelle épinière. Le traitement, administré dans les quinze jours après la lésion, devait permettre de régénérer la gaine de myéline. En effet, avant le lancement de cet essai, des études précliniques réalisées par une équipe de chercheurs de la compagnie Geron et publiées en mai 2005 ont montré que l’injection d’oligodendrocytes dérivés à partir de hESC (appelés GRNOPC1) rétablissait la locomotion dans un modèle de rat présentant une lésion artificielle de la moelle épinière reproduisant les mêmes signes cliniques que chez l’humain111. En comparaison avec le groupe témoin, les animaux ayant reçu l’injection de GRNOPC1 ont présenté une reprise de l’activité locomotrice de leurs pattes. De plus, l’analyse histologique de la moelle épinière au niveau des injections a montré une remyélinisation et une augmentation du nombre d’axones à proximité des zones d’injection. Des analyses réalisées neuf mois après l’injection ont permis de montrer que les cellules qui se développaient dans les zones de lésions étaient bien des cellules issues de GRPNOPC1.

Le premier des 4 patients inclus dans la phase 1 de l’essai clinique, servant à s’assurer de l’innocuité du traitement, a reçu son injection de GRPNOPC1 en 2010. En octobre 2011, la société Geron annonçait des données préliminaires indiquant qu’aucune amélioration de l’état des patients n’avait été constatée mais qu’aucun effet secondaire grave n’avait été observé non plus. L’essai a cependant été stoppé le mois suivant, pour des raisons plus économiques et stratégiques que de sécurité112. Le GRNOPC1 a par la suite été racheté par la société Asterias Biotherapeutics113, qui a réalisé également une étude de phase 1 avec ce produit (rebaptisé AST-OPC1) sur 5 patients suivis pendant 5 ans, et n’ayant montré aucun effet secondaire. Chez 4 de ces 5 patients, un potentiel effet positif des cellules injectées a été noté montrant un rétrécissement du site de lésion et une diminution de la détérioration du tissu lésé. Les résultats encourageants de cette phase I ont permis à l’entreprise d’obtenir l’autorisation de poursuivre ces essais en une phase I/IIa en novembre 2014. A ce jour, plusieurs patients ont été traités mais le recrutement des 35 patients de cet essai se poursuit toujours (https://clinicaltrials.gov/ct2/show/NCT02302157).

Fin 2014, le Pr Menasché, réalise une première mondiale (française !) en greffant un patch contenant des progéniteurs cardiaques dérivés de hESC114 à une patiente de 68 ans atteinte d’insuffisance cardiaque sévère, à l’endroit précis où l’infarctus avait eu lieu115. Un an plus tard, l’état de la patiente s’est considérablement amélioré. Le recrutement des 6 patients de cet essai clinique initié en 2013 est en cours et s’achèvera en 2018 (https://clinicaltrials.gov/ct2/show/NCT02057900).

Enfin, de nombreux essais cliniques basés sur l’utilisation de cellules épithéliales de rétine (RPE pour Retinal Pigmented Epithelial cells) différenciées à partir de hESC ont été lancés ces dernières années (tableau 1).

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Introduction - Chapitre 2 : Cellules souches et reprogrammation

Numéro

d’identification Maladie Initiateurs

Nombre de patients

Date de

début Date de fin Recrutement

NCT03046407 DMLA* Public: Académie chinoise des sciences 10 Février 2017 Décembre 2020 En cours NCT02590692 DMLA Privé: “Regenerative Patch Technologies“ (USA) 20 Octobre 2015 Septembre 2022 En cours NCT02941991 Dystrophie maculaire de Stargardt Privé : “Astellas Pharma“ (Japon) 11 Octobre 2016 Décembre 2017 Clos NCT01674829 DMLA Privé : CHABiotech (Corée du Sud) 12 Aout 2012 Avril 2016 / NCT01469832 Dystrophie maculaire de Stargardt Privé : “Astellas Pharma“ (Japon) 12 Novembre 2011 Septembre 2015 Clos NCT02903576 DMLA / Dystrophie maculaire de Stargardt Public : Université fédérale de Sao Paulo (Brésil)

18 Mars 2016 Juin 2017 En cours

NCT02445612 Dystrophie maculaire de Stargardt Privé : “Astellas Pharma“ (Japon)

12 Mai 2015 Aout 2029 Clos

NCT02463344 DMLA

Privé : “Astellas Pharma“

(Japon)

11 Mai 2015 Aout 2029 Clos

NCT01344993

NCT01345006 DMLA

Privé : “Astellas Pharma“

(Japon)

13 Avril 2011 Aout 2015 Clos

NCT02749734 DMLA Public : Hopital Southwest (Chine) 15 Janvier 2016 Décembre 2017 En cours * DMLA : “Age-related Macular Degeneration”: dégénérescence maculaire liée à l’âge.

Tableau 1 : Essais cliniques basés sur l’utilisation de cellules épithéliales de rétine différenciées à partir de hESC

(source : clinicaltrials.gov)

En mars 2017, le scandale du « faux essai clinique » (pourtant publié sur le site officiel mis en place par le NIH, National Institute of Health) ayant fait perdre la vue à 3 patientes américaines atteintes de DMLA a alerté toute la communauté scientifique. Trois femmes de 72, 78 et 88 ans, pensant participer à une étude fiable menée par une clinique privée, ont versé chacune 5 000 dollars afin de recevoir leur traitement. Celui-ci consistait à prélever par liposuccion de la graisse de l'abdomen des patientes, de la mélanger à leur sang enrichi en plaquettes, puis d'y incorporer des enzymes, afin d'obtenir des cellules-souches. Cette mixture a ensuite été injectée par les cliniciens dans les deux yeux des patientes. Au bout de 36 heures, les premiers effets désastreux de cette intervention se

34 sont fait sentir, et les trois patientes ont totalement perdu la vue un an après l’intervention. En dehors des conséquences dévastatrices pour les patientes, un autre problème majeur se pose. En effet, ce faux essai clinique est aujourd’hui encore relayé sur le site officiel du NIH répertoriant les essais cliniques (https://clinicaltrials.gov/ct2/show/NCT02024269), où il est précisé que l'essai a été abandonné avant le recrutement de patients. En juillet 2016, une étude révélait un chiffre édifiant : au moins 570 cliniques américaines proposent des soins illégaux utilisant de soi-disant cellules souches.

c. Criblage

De par leurs caractéristiques uniques de pluripotence et d’auto-renouvellement, les hESC peuvent donner naissance à de nombreux types de cellules différenciées, permettant ainsi de mettre en place des criblages haut-débit de molécules pharmacologiques sur des types cellulaires humains jusqu’alors peu ou pas accessibles116. Jusqu’alors de tels criblages étaient réalisés sur des modèles animaux et on estime aujourd’hui leur efficacité à prédire la toxicité de composés pharmaceutiques sur l’homme à 50%117. Malheureusement, certaines maladies ne permettent pas de tels modèles et les différences de réponses entre les cellules animales et humaines rendent parfois ces modèles inutiles, voire trompeurs. L’utilisation de cellules différenciées à partir de hESC permet deux approches de criblage : la stratégie du médicament candidat, et le criblage à haut débit par HTS (High-Throughput Screening). La première approche est utilisée lorsque les mécanismes responsables de la maladie sont bien connus et que quelques médicaments potentiels sont déjà disponibles pour traiter des maladies semblables par exemple. La seconde approche en revanche repose sur les tests de nombreux composés pharmacologiques, jusqu’à un million, qu’il faudra bien sûr par la suite tester in vivo. Cette approche requiert cependant que le phénotype de la maladie puisse être rapidement visible, comme par exemple une variation de la prolifération cellulaire ou la production d’une protéine facilement détectable.

L’utilisation de hESC pour le criblage toxicologique a ainsi été décrite après leur différenciation en cardiomocytes118, en neurones119, ou encore en hépatocytes120.

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