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L’intérêt de la société, dans son sens le plus étroit, est celui de la personne morale en tant qu’entité indépendante de tous les éléments qui la constituent et de toutes les personnes qui sont appelées à traiter avec elle. Dans un sens plus restreint, on pourrait penser que l’intérêt social est l’intérêt de tous les associés ou bien l’intérêt commun qui les unit dans l’affectio

societatis. Ce qui est bon pour les associés est-il forcément et toujours bon pour la société ?

On parle aussi de l’intérêt général de la société.

L’intérêt général (§1) et l’intérêt commun (§2) ont des connotations presque semblables. Les adjectifs « général » et « commun » semblent s’apparenter dans une portée comparable à celle de « social », loin des adjectifs égoïstes que sont les intérêts « privés », « particuliers » ou « personnels ». Ils nous donnent l’impression qu’ils ont en vue les intérêts de la société et de tous les associés, plutôt que ceux des dirigeants individuellement ou de quelques associés au détriment d’autres.

§ 1. Intérêt général de la personne morale

Le concept de l’intérêt général dans une société commerciale n’est pas le même dans une société isolée, qui ne fait pas partie d’un groupe de sociétés (A), et dans celle qui appartient à un tel groupe (B).

A. Définition de l’intérêt général

Le terme « général » qualifiant l’intérêt est un exemple certain de l’utilisation dans le monde juridique de terminologies dont le seul objectif semble être la création d’un laxisme favorisé par l’ambiguïté et l’incertitude. Qu’entend-on par intérêt général1

dont la violation, par un dirigeant par exemple, concluant une convention avec sa société, est répréhensible ? Est-ce l’intérêt social interprété d’une façon large ? une autre version plus englobante des intérêts des associés ? de la société elle-même (donc l’intérêt social stricto sensu) ? et au- delà, les intérêts de tierces parties dont la lésion pourra affecter négativement l’intérêt social2 ? Ou bien est-ce «l’intérêt social envisagé dans son aspect collectif ».3 La notion d’intérêt général semble être une notion plus jurisprudentielle que légale. Un certain nombre d’arrêts l’évoquent4

. Dans ces arrêts-là, les termes « intérêt général » et « intérêt social » sont confondus5 et utilisés l’un ou l’autre pour dire la même chose. Ce qui rapproche l’intérêt général de l’intérêt social c’est leur distinctivité de l’intérêt personnel. En effet, les analyses doctrinales des conflits en présence dans une société commerciale, en commentant les décisions de justice, mettent l’un et l’autre en face de l’intérêt personnel6

. Une convention qui n’est pas contraire à l’intérêt général et qui ne porte pas préjudice à la société n’est pas annulable7.

La recherche de l’intérêt dit « particulier », par opposition à l’intérêt « général »8

, en dehors du cadre de l’intérêt personnel, serait à notre sens inutile, puisqu’un intérêt « particulier » est semblable à un intérêt « personnel » et la contrariété de ce dernier à l’intérêt général ou à l’intérêt social est désormais nettement définie.

B. Cas des groupes de sociétés

« Le groupe de sociétés peut-être défini comme un ensemble de sociétés qui, tout en conservant leur existence juridique propre, se trouvent liées les unes aux autres, de sorte que l’une d’elles, la société-mère, qui tient les autres sous sa dépendance, en fait ou en droit, exerce un contrôle sur l’ensemble des sociétés dominées et fait prévaloir une unité de

1. D. Schmidt, Les conflits d’intérêts dans la société anonyme, op. cit, n° 341, p. 334.

2. Idem, n° 425, p. 418

3. Idem, n° 349, p. 368.

4. Cass. com., 4 octobre 1994 : Defrénois 1995, n° 36017-2, p. 251, note P.Le Cannu.

5. Cass. com., 22 janvier 1991 : Bull Joly, avril 1991, § 123, p. 389, note M. Jeantin.

6. Cass. civ, 18 juin 1997 : Bull. Joly, novembre 1997, § 346, p. 968, note P. Le Cannu.

7. CA Rouen, 11 mai 2000 : Bull. Joly, janvier 2001, § 69, p. 254, note J-J. Daigre.

décision »1; ou bien « les groupes de sociétés sont des ensembles de sociétés soumises au contrôle, direct ou indirect, exclusif ou partagé, de certaines d’entre elles, placées elles- mêmes sous le contrôle de sociétés situées plus haut dans la hiérarchie du groupe, lequel est tout entier, souvent dominé par une, souvent simple holding… »2. Cette domination a lieu soit parce que la société dominante tient la trésorerie et assure le financement et/ou la gestion des autres sociétés du groupe, soit parce qu’elle détient un actif vital aux filiales ou sociétés- sœurs. En conséquence, l’intérêt social individuel de ces sociétés s’efface devant « l’intérêt social du groupe »3.

En France, où on a remarqué que « l’intérêt du groupe est rarement pris en compte »4, la jurisprudence a imposé des critères stricts qui définissent l’existence ou l’inexistence de l’intérêt du groupe. Souvent évoqués à l’occasion d’un abus de biens sociaux, résultant d’un concours financier d’une société du groupe à une autre, dans laquelle le prévenu, personne physique ou morale, est intéressé, l’intérêt du groupe suppose l’existence d’un « intérêt économique, social ou financier commun apprécié au regard d’une politique élaborée pour l’ensemble du groupe »5. Il ne doit pas être dépourvu de contrepartie ou rompre l’équilibre

entre les engagements respectifs des diverses sociétés concernées ni excéder les possibilités financières de celle qui en supporte la charge6. Déjà en 19747, un jugement avait établi le fondement des critères susmentionnés. Il ne peut y avoir de justification au délit d’abus de biens ou de crédits sociaux (dans ce cas, concours financier apporté par des dirigeants d’une société à une autre entreprise d’un même groupe dans laquelle ils sont intéressés), que si trois conditions sont cumulativement remplies, à savoir :

- l’existence d’un groupe fortement structuré ;

- la conformité de l’acte considéré avec la politique du groupe ; et

- la proportionnalité des risques courus par la société désavantagée avec ses possibilités.

L’intérêt du groupe n’est pas, comme pourraient le croire certains, celui de la société dominante, ni celui des actionnaires majoritaires de cette dernière ; il est l’intérêt commun à tous les participants au groupe…un enrichissement global supérieur à la somme des profits

1. Ph. Merle, Droit commercial, Sociétés commerciales, op. cit., n° 641, p. 809.

2. P. Didier, citation dans L’apport de la technique contractuelle aux besoins d’acquisition d’un groupe,

Séminaire de Groupe de sociétés, 20 janvier 2004, Pr. Urban (DEA Droit des affaires) p. 4, présenté par F. Baumert et B. Belzung; v. schéma de la structure d’un groupe de sociétés à l’annexe n° 1.

3. Ph. Merle, Droit commercial, Sociétés commerciales, op. cit., n° 52 – 1, p. 83.

4. Idem, n° 671, p. 891 ; nous remarquons l’utilisation des termes « intérêt du groupe » ; v. à la page suivante

un commentaire sur cette appellation.

5. Cass. crim., 4 février 1985: D. 1985, p. 478, note D. Ohl, (arrêt Rozenblum).

6. Cass. Com., 13 février 1989: Rev. soc., 1989, p. 692, note B. Bouloc et C. Freyria.

qu’auraient pu réaliser chaque société membre prise isolément1

. Certains auteurs ont même qualifié le respect de l’intérêt d’un groupe de « bien général »2

. Les conditions posées écartent le risque de voir l’intérêt social du groupe invoqué, pour un oui ou pour un non, comme un fait justificatif d’une opération à conclure entre des sociétés du groupe ; surtout quand ce n’est qu’un prétexte portant préjudice à l’une des sociétés du groupe sans aucune contrepartie pour elle3. Il s’agit donc de « concevoir le groupe dans sa globalité »4. Une filiale peut réaliser une opération qui, tout en étant immédiatement contraire à ses intérêts, est bénéfique au groupe5.

Certains prétendaient même que la notion de l’intérêt de groupe devrait normalement remplacer celle de l’intérêt social6

. Une telle tentative aurait réussi si l’intérêt du groupe s’identifiait à celui de la société dominante (société mère, ou parfois une filiale). Mais comme la jurisprudence n’envisage plus l’intérêt d’un groupe que dans la communauté des sociétés membres qui le composent, l’appellation « intérêt social du groupe », évoquée par la doctrine, avec incertitude7, nous semble quand même être appropriée pour souligner qu’un groupe de sociétés, qui n’a pas de personnalité morale a quand même un intérêt indépendant de celui de ses sociétés membres, et supérieur8 à celui de ces dernières. Cela dit, comme le groupe n’est

pas une entité juridique, nous préférons l’appellation « intérêt du groupe » à celle « d’intérêt social du groupe ».

Le droit américain ne partage pas entièrement cette façon de voir les choses, puisqu’il ne considère pas qu’une convention entre une société mère et sa filiale est unfair, s’il ne s’ensuit pas une détérioration de la situation financière de cette filiale9. En France, s’il y a simplement un amoindrissement du patrimoine social du fait d’une convention en faveur de la holding, la convention n’est pas annulable si le groupe en profite, à condition que les conséquences financières négatives sur la filiale ne soient pas insupportables. Alors qu’aux Etats-Unis, ce simple appauvrissement de la filiale est considéré comme unfair10, indépendamment de son impact sur le groupe tout entier. La tendance actuelle aux Etats-Unis est de faire partager les

1. Cass. crim., 4 février 1985, préc.

2. D. Schmidt, les conflits d’intérêts dans la société anonyme, n° 341, p. 334.

3. Idem, n° 424, p. 416.

4. P. Le Cannu et B. Dondero, Droit des sociétés, op. cit., n° 1546, p. 989.

5. Idem, n° 1468, p. 893.

6. P. Bézard, L. Dabin et J.-F. Echard, et al., Les groupes de sociétés, une politique législative, Etude du Centre

de recherche sur le droit des affaires, de la Chambre de commerce et d’industrie de Paris, 1976, p. 177.

7. Ph. Merle, Droit commercial, Sociétés commerciales, op. cit., n° 52 – 1, p. 83.

8. D. Schmidt, les conflits d’intérêts dans les sociétés anonymes, op. cit, n° 425, p. 418.

9. Comp. avec le droit français, condition de proportionnalité des risques courus par la société désavantagée avec ses possibilités, arrêt Rozenblum, préc.

10. Case v. New York Central R.R.: 15 N.Y. 2d 150; 204 N.E. 2nd 643, 1965; un cas de mauvaise allocation d’impôts entre filiale et holding.

charges financières d’une manière équitable entre la société mère et sa filiale. C’est ainsi que les contrats de prestations de services professionnels conclus entre une société mère et sa filiale, par exemple, des services juridiques, comptables et autres general corporate expenses, ne sont pas considérés comme des conventions courantes que si elles sont fair pour la filiale. Ces contrats peuvent être annulés sur la base du self dealing (contrat avec soi-même), si les services reçus par la filiale ne méritent pas les honoraires que la filiale verse à la société mère ; la convention est alors considérée comme unfair pour la société1.

§ 2. Intérêt commun des associés

Il s’agit tout d’abord de définir les contours de l’intérêt commun des associés dans une société commerciale (A), pour pouvoir saisir l’essence de cette communauté qui semble être au centre de l’affectio societatis et sans laquelle la collaboration des associés au sein de la société « sur un pied d’égalité »2 et « l’acceptation d’aléas communs »3 ne sauraient exister.

Dans un deuxième temps, l’analyse de l’étendue de la notion d’intérêt commun, de nature plutôt relative, s’impose (B).

L’intérêt commun des associés doit exister non seulement lors de la constitution d’une société, mais doit être maintenu par la suite tout au long de sa vie. Les organes sociaux ne doivent point agir, ou laisser agir, de sorte que cet intérêt commun soit rompu par leurs actes. Par exemple, ils ne peuvent intervenir dans une convention qui menace cet intérêt commun aux dépens de la société ou des associés. Ignorer cette exigence revient à accepter indirectement, et d’une manière détournée, des actions ayant les mêmes effets que les clauses léonines prohibées.

A. Définition de l’intérêt commun

La définition de l’intérêt commun en droit libanais se trouve ancrée dans le Code des obligations et des contrats, qui dispose que « la société est un contrat synallagmatique par lequel deux ou plusieurs personnes mettent quelque chose en commun en vue de partager le

1. S. Emanuel, Corporations, op.cit., p. 26 ; un traitement similaire est réservé à la distribution des charges fiscales entre la société mère et ses filiales en cas de présentation de comptes consolidés. Si la présentation d’une déclaration fiscale unique tend à faire supporter la filiale une charge financière plus grande que si elle fait une déclaration fiscale séparée, la société mère est tenue de rendre à la filiale (give back) suffisamment de « benefit » pour qu’elle soit dans la même situation que si elle avait fait une déclaration fiscale séparée: Idem, p. 262.

2. R. Guillien et J. Vincent, Lexique de termes juridiques, 9e éd., Dalloz, 1993, p. 25.

bénéfice qui pourra en résulter »1. Par contre, le Code de commerce libanais ne contient pas une définition similaire ; il se contente de renvoyer en ce qui concerne le contrat de société aux dispositions du Code des obligations et des contrats : « Les règles posées par le Code des obligations relativement au contrat de société sont applicables aux sociétés commerciales, mais uniquement dans la mesure où elles ne seraient pas en contradiction expresse ou même implicite avec les règles du présent code »2. Vu sous l’angle de l’intérêt commun-bénéfice, le

texte semble être irréprochable ; mais son omission de mentionner l’éventualité des pertes que peut encourir la société, a été critiquée par la doctrine qui s’est résolue à admettre que la participation aux pertes n’est pas l’objectif principal de la constitution d’une société et, sur ce, n’en était pas une condition essentielle mais un résultat inéluctable3

.

En droit français, c’est également le Code civil qui nous fournit la définition de l’intérêt commun dans les sociétés : selon l’ancienne définition « la société est un contrat par lequel deux ou plusieurs personnes conviennent de mettre quelque chose en commun, dans la vue de partager le bénéfice qui pourra en résulter »4. Une précision importante est ajoutée par la suite: « Toute société doit être constituée dans l’intérêt commun des parties »5. Ce texte a subi des modifications par la suite, la « communauté », cette fois ci de « l’entreprise », a été précisée6. Nous notons ici la différence avec la définition en droit libanais qui se contente de la mise de quelque chose en commun sans faire aucune référence à l’intérêt commun.

Un autre aspect de la communauté des intérêts dans une société est qu’elle implique l’égalité des associés7

. Ces derniers sont supposés profiter de la même manière, dans la proportion de leurs participations respectives au capital social, des avantages et distributions que la société consent. L’intérêt commun des associés ne veut pas nécessairement dire la stricte égalité si la rupture de l’égalité avec les autres associés est bénéfique à la société8.

Mais dans quelle mesure l’intérêt général proche voisin de l’intérêt commun, s’y identifie- t-il ?

1. Art. 844 COCL.

2. Art. 42 C.com.lib.

3. Z. Yakan, Code des obligations et des contrats annoté, (14e vol.), Les sociétés, art. 823 à 949 du COCL, Dar

Al Sakafa, Al Maktaba Al Asriah, 1969, Sader, p. 102.

4. Art. 1832, al. 1, C.civ.fr, (ancien).

5. Idem, art. 1833 ; al. 1.

6. Art. 1832, al.1, nouveau (loi n°85-597 du 11 juillet 1985), C.civ.fr.

7. Idem.

8. Cette notion, nous le verrons plus tard, rejoint la notion de « fairness » en droit américain ; à comparer avec

La doctrine distingue deux notions ; l’intérêt social qui concerne les rapports entre les associés et la société ; et l’intérêt commun, qui s’applique aux relations entre associés1. Nous pensons que, quoique cette distinction s’impose de par la nature de chaque intérêt, les rapports entre associés ne sont pas totalement étrangers à ceux qui existent entre les associés et leur société. Le principe de l’égalité entre associés ne doit pas être compromis, non seulement pour des raisons d’équité, mais aussi, et peut-être surtout, pour que l’intérêt social, qui est l’âme même d’une société, n’en souffre pas.

En outre, nous pensons que toute tentative de rapprochement entre intérêt social et intérêt commun, dans le contexte de cette thèse, sur la base du principe de l’égalité des associés ne saurait aboutir que si les dirigeants de la société sont également considérés comme responsables de la protection de l’intérêt social au même titre que les associés, même si ces derniers tentent de violer l’intérêt commun. En effet, il incombe aux dirigeants, du moins en droit français et en droit américain, qui gèrent la procédure de contrôle spécial des conventions, de ne pas permettre aux associés, aussi prépondérants qu’ils soient, de léser l’intérêt social ; et pour prendre un exemple particulier, de ne pas autoriser une convention que les associés entendent conclure avec la société, si une telle conclusion est préjudiciable à l’intérêt social.

En tout cas, l’intérêt commun des associés ne peut être supérieur à l’intérêt social et l’opération qui est contraire à l’intérêt commun des associés, sans qu’elle lèse pour autant l’intérêt social, est valable2

. C’est pourquoi, comme nous le verrons plus loin (infra, p. 308), la décision de l’assemblée des associés qui désapprouve une convention réglementée n’entraîne pas forcément sa nullité. L’assemblée n’étant pas « la maîtresse de l’intérêt social », car l’exécution d’une convention réglementée désapprouvée ne cause pas nécessairement un préjudice à la société3. « Son application est une question de fait dépendant des circonstances de l’espèce »4

.

Quant aux groupes de sociétés, la doctrine voit, à juste titre, que l’intérêt commun d’un groupe de sociétés exprime la convergence de l’intérêt patrimonial de la société réputée désavantagée et suppose que ce dernier ait été respecté5.

1. P. Le Cannu et B. Dondero, Droit des sociétés, op. cit ; n° 157, p. 100.

2. CA Paris, 3e ch., : 5 avril 2002: JCP E 2002, p. 1796.

3. Cass. soc., 8 juillet 2009, Rev. soc., n° 4/2009, p. 823, note D. Poracchia (p. 831).

4. Cass. civ., 13 novembre 1984 : DS, 1985, p.104, note A. Breton.

L’intérêt commun, vu par les Américains n’est pas tellement différent. La joint stock

company est une « association of individuals possessing : common capital… »1 (association

d’individus ayant : un capital commun, …). L’originalité du concept en droit américain est que l’unité des intérêts entre la personne morale et les membres qui la composent n’est pas considérée comme une communauté d’intérêts entre eux, ou une fusion entre l’intérêt social et l’intérêt commun des associés. Bien au contraire, ils considèrent les cas où une telle unité d’intérêts existe comme une cause du « piercing of the corporate veil » (ou perçage du voile social), à savoir la méconnaissance de la personnalité morale et la considération de la société comme « l’alter ego » ou « l’instrument » des associés. La conséquence d’une telle considération est que la société peut être victime des actes que les associés accomplissent au détriment de ses créanciers, par exemple2.

Le traitement égalitaire de tous les associés n’est pas d’application uniforme aux Etats- Unis. Certains Etats prônent la théorie de l’« Equal Treatment » (traitement égalitaire) « qui prêche que tous les associés doivent se voir offrir la même « opportunity » (occasion, chance)3. La notion d’égalité n’est pas absolue; s’il y a des différences qui justifient un

traitement inégalitaire, la dérogation au principe général est permise4. Dans un arrêt de principe, la jurisprudence a consacré la possibilité d’un tel traitement inégalitaire des associés dans certains cas5.

B. Relativité de la notion d’intérêt commun

Si la notion d’intérêt commun et le principe de traitement égalitaire des associés dans une société commerciale qui en découle ne présentent pas de véritables difficultés de compréhension, l’interprétation de cet intérêt commun ne saurait être faite toujours de la même façon par les organes sociaux concernés. La doctrine va plus loin en évoquant trois conceptions pour l’intérêt social; la première, contractuelle, confond l’intérêt social avec l’intérêt commun des associés6

; la seconde, inspirée de la doctrine institutionnelle, englobe

1. Black’s Law Dictionary, 7e éd., West Publishing Co., 1999, p. 255; une plus ancienne édition de ce dictionnaire juridique (5e éd ; 1979) stipulait « associations d’individus à des fins de bénéfices ».

2. J. Choper et M. Eisenberg, Corporations, Gilbert Law Summaries, 14e éd., Harcourt Brace Legal and Professional Publications Inc., 1996, § 67, p. 11.

3. Donahue v. Rodd Electrotype Co.: 328 N.E., 2nd 505 (Mass.1975).

4. J. Choper et M. Eisenberg, Corporations, op. cit., § 647, p.122.

5. Nixon v. Blackwell : 626 A. 2nd 1366 (Del. 1993); dans cet arrêt, la cour suprême de Delaware a trouvé que

dans une « close corporation » (société anonyme de type fermé), les associés n’ont pas à être traités d’une

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