Intérêt et rôle de l’ACV dans l’intégration stratégique des enjeux environnementaux

Après avoir parcouru dans la première section les questions clés d’intégration des enjeux environnementaux dans la stratégie d’entreprise, cette deuxième section détaille l’apport de l’Analyse de Cycle de Vie par rapport à cette problématique. Dans le cadre de la réflexion des facteurs d’intégration des enjeux environnementaux dans la stratégie d’entreprise, l’ACV apporte un certain nombre de solutions, comme synthétisé à la Figure 39.

Figure 39 : Récapitulatif de l’intégration des enjeux environnementaux dans la stratégie d’entreprise En effet, l’ACV permet :

- De fixer des points de repère au niveau sectoriel avec des ACV « moyennes de secteur » réalisées par les fédérations professionnelles ;

- De comprendre à quelle étape de la chaîne de valeur ont lieu les impacts les plus importants ; - De positionner la performance des produits de l’entreprise par rapport aux autres produits du

marché mais aussi d’évaluer la performance environnementale de l’entreprise grâce à l’ACV organisationnelle ;

- D’initier des actions d’éco-conception pour utiliser les marges de manœuvre de l’entreprise ; - D’anticiper la matérialité en détectant des impacts environnementaux significatifs non encore

ENJEUX ENVIRONNEMENTAUX, HIERARCHISATION ET INTEGRATION STRATEGIQUE : QUELLE PLACE POUR L’ACV ET LES LIMITES PLANETAIRES

Etude SCORE LCA n° 2016-01 – Rapport Final

Les paragraphes ci-dessous reviennent sur certains de ces apports.  L’ACV sectorielle comme point de repère

Avec le développement de la méthodologie ACV et des bases de données dans les années 2000- 2010, les fédérations/associations professionnelles se sont penchées sur cette question de l’impact des produits mis sur le marché par leurs adhérents. Dans le but de fournir des données d’inventaire fiables aux praticiens ACV et d’éviter la concurrence entre les fabricants, les fédérations ont établi les impacts moyens des matières premières, notamment en Europe, et les ont mis à disposition des bases de données ACV (PlasticsEurope, European Aluminium, etc.). Il est donc possible pour un fabricant de se comparer à une moyenne du marché, même si les résultats d’une telle comparaison ne sont pas diffusés publiquement. Dans la lignée de ces initiatives, des démarches similaires ont été lancées dans le secteur du bâtiment, en France notamment, où certains syndicats ont établi des déclarations environnementales collectives pour certains types de produit (exemple d’Uniclima pour le chauffe-eau solaire individuel).

 L’ACV comme outil de mesure de l’avantage comparatif environnemental

Au-delà de la comparaison avec une moyenne sectorielle, la méthode ACV est avant tout une méthode comparative qui permet de comparer les impacts environnementaux d’un produit par rapport à un autre produit remplissant la même fonction, c’est-à-dire ayant la même unité fonctionnelle. L’ACV comparative peut ainsi être un moyen de prouver la meilleure performance environnementale du produit de l’entreprise par rapport aux autres solutions disponibles, à condition toutefois de pouvoir analyser et interpréter les différences d’impacts (dans un sens ou dans l’autre) sur les enjeux environnementaux clés de ce produit. L’ACV devient alors un élément clé pour répondre aux politiques d’achats verts de ses clients.

Neste, compagnie pétrolière nationale de Finlande, est chargée du raffinage et de la commercialisation de produits pétroliers dans le pays. Elle est détenue à 50,1 % par l'État finlandais et opère dans 14 pays. Née en 1948, elle produit et vend des dérivés de pétrole, essentiellement du carburant pour différentes application (aviation, marine, chauffage), des lubrifiants et des solvants. Elle possède également des activités de production d’agrocarburants, notamment à partir d’huile de palme. Dans le cadre d’une de ses études, Neste s’est attaché à déterminer l’impact environnemental du cycle de vie d’agrocarburants à partir de plusieurs sources agricoles et de le comparer à l’impact d’un carburant fossile. L’étude se concentre sur l’impact sur le changement climatique et l’intensité énergétique, afin de répondre aux exigences de la Directive « Energies Renouvelables » (Directive 2009/28/CE relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables). Neste pousse la

transparence jusqu’à mettre en ligne le rapport détaillé de l’ACV

(https://www.neste.com/sites/default/files/attachments/case_study_of_nexbtl_ghg_and_energy_intensity.pdf), ….

… mais fait aussi l’effort de clarifier et simplifier le discours vis-à-vis des clients, et ce sur les pages principales du site internet.

Le graphique présenté par Neste illustre clairement les réductions de l’impact sur le changement climatique du fait de l’utilisation de biocarburants.

 L’ACV pour les organisations

Sous l’impulsion du Programme des Nations Unies pour l’Environnement, les acteurs de l’ACV travaillent à l’élaboration des nouveaux cadres méthodologiques d’analyse multicritères afin d’explorer en détail le potentiel et l’applicabilité de l’analyse du cycle de vie, notamment aux organisations. L’ACV est donc un cadre méthodologique évolutif, transposable à différentes échelles d’analyse (ACV organisation, ACV d’un quartier, ACV territoire) ou thématiques (ACV sociale).

En ce qui concerne l’ACV organisationnelle (ACV-O), elle utilise une perspective de cycle de vie pour compiler et évaluer les flux entrants, sortants et les impacts environnementaux potentiels des activités associées à une organisation et à la fourniture de son portefeuille de produits. Cette approche essaye de répondre à plusieurs objectifs, que ce soit l’identification des enjeux environnementaux importants

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sur l’ensemble de la chaine de valeur, le suivi de la performance ou encore l’aide à la décision dans un contexte de stratégie d’entreprise. L’ACV-O peut s’appliquer à toutes les organisations, publiques et privées, dans tous les secteurs économiques, et partout dans le monde. On peut imaginer que cette approche sera transposable à l’échelle d’un secteur d’activité dans le futur. Le cadre méthodologique de l’ACV-O est actuellement testé au niveau européen avec l’initiative PEF/OEF. Elle fait par ailleurs l’objet de la norme ISO 14072.

Ainsi l’ACV permet à l’entreprise d’orienter son offre, en s’appuyant sur les connaissances acquises par l’ACV de produit, et d’orienter sa stratégie globale, en s’appuyant sur l’ACV organisationnelle.

 L’ACV comme point de départ d’une stratégie d’éco-conception

L’éco-conception est définie comme « l’intégration de l’environnement dès la conception d’un

produit/service et tout au long de son cycle de vie ». A ce titre, l’analyse de cycle de vie est l’outil

de diagnostic logique qui permet d’initier une démarche d’éco-conception sur un produit.

Au niveau de l’entreprise, l’intégration de l’éco-conception dans les processus de l’entreprise, de la Recherche et Développement à la Communication, à travers un véritable programme Eco-conception, est de plus en plus recherchée : déployer une démarche d’éco-conception permet d’améliorer la performance environnementale de l’entreprise à travers sa dimension produit. Dans le cadre de tels programmes, l’ACV est souvent systématisée au sein de l’entreprise en étant rendue obligatoire dans le cadre de la conception et mise sur le marché de nouveaux produits.

3M est une entreprise américaine spécialisée dans différents domaines d’activités, que ce soit pour le grand public (avec ses produits de papeterie comme Post-It ou ses produits d’entretien comme Scotch-Brite) ou pour les professionnels (marché électrique/électronique avec ses câbles et ses accessoires de raccordement, marché de la santé, de l’industrie, etc.).

3M fait partie de ces entreprises dont la problématique environnementale a été, très tôt, intégrée aux activités. Dès les années 1970, 3M a adopté une politique environnementale basée sur la prévention de la pollution, comme c’était principalement le cas dans ces années-là. Par la suite, la protection de l’environnement a évolué et consiste désormais à développer des produits ayant un impact réduit tout au long de leur cycle de vie, en utilisant des processus de fabrication permettant la réduction de rejets polluants et visant à économiser les ressources naturelles. Ainsi, 3M a réduit, notamment, l’utilisation de matières premières, la consommation d’énergie, et donc les coûts sur le cycle de vie des produits. Ces éléments ont permis à 3M de se différencier de la concurrence, de développer des solutions à haute valeur ajoutée, de s’implanter sur de nouveaux segments, d’augmenter leurs parts de marché et de conquérir de nouveaux clients.

Les engagements de 3M concernant la réduction des impacts environnementaux sur le cycle de vie des produits et l’éco- conception sont inscrits au cœur d’une

politique environnementale du groupe

intitulée « Corporate Life Cycle

Management Policy » (en vigueur depuis 2001). A travers ce document, 3M s’engage à ce que l’environnement soit pris en compte dès la phase de conception, et sur l’ensemble des étapes du cycle de vie du produit. Ainsi, il est expliqué que tous les produits doivent subir une « revue du cycle de vie » (Life

Cycle Management review) avant leur commercialisation, ce qui positionne l’ACV comme véritable

point de départ de leur stratégie d’éco-conception. Source : 3M Sustainability Report 2017

4. Intérêt et rôle des Limites Planétaires dans l’intégration stratégique des enjeux