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II. Hiérarchisation des enjeux environnementaux

3. Apport des Limites planétaires à la hiérarchisation des enjeux : un changement dans l’ordre des

3.1. Un changement de point de vue

Comme cela a été mentionné plus haut à propos des « aires de protection », la perspective des Limites Planétaires diffère radicalement de l’approche classique des dommages en ACV. En effet, s’il est possible de pondérer de façon subjective la préservation de la santé humaine par rapport à celle des écosystèmes biotiques ou abiotiques, le point de vue proposé par les Limites Planétaires se veut objectif : le but étant de conserver l’écosystème Terre dans un état similaire à l’Holocène, les différentes dimensions d’évolution de l’écosystème Terre s’ordonnent en fonction de leur dépassement ou de leur distance à la valeur de seuil, susceptible de le faire basculer dans un nouvel état.

ENJEUX ENVIRONNEMENTAUX, HIERARCHISATION ET INTEGRATION STRATEGIQUE : QUELLE PLACE POUR L’ACV ET LES LIMITES PLANETAIRES

Etude SCORE LCA n° 2016-01 – Rapport Final

Notons toutefois que la hiérarchisation des Limites Planétaires n’est pas aussi simple que cela : si l’étude du dépassement des seuils permet d’identifier quelles sont les limites qui ont été dépassées et de combien, et à quelle distance du seuil l’écosystème Terre se trouve pour les autres, la traduction de ces informations en rang pour les différentes limites, voire en une pondération, laisse libre champ à la subjectivité : toutes les limites dépassées ont-elles le même poids ? Les limites doivent-elles être pondérées par leur distance au seuil, de façon linéaire ? Ou exponentielle ? Ou selon toute autre fonction ? Les nuances introduites par Steffen et al. (2015) qui définissent le changement climatique et l’évolution de l’intégrité de la biosphère comme deux limites clés - « core boundaries » - semblent indiquer que toutes les limites ne seraient pas aussi importantes. Dans ce cadre, le rang des limites pourrait être défini en fonction de leur distance au seuil et de leur contribution potentielle aux limites- clés.

Bien que les Limites Planétaires apparaissent comme des limites « physiques » ou « biochimiques », l’objectif de la démarche demeure la préservation du bien-être des populations humaines : l’Holocène est le seul état de l’écosystème Terre dont on soit sûr qu’il permette l’épanouissement des hommes, puisque c’est dans cet état et seulement celui-là que l’espèce humaine s’est développée.

Dans cette perspective, le prolongement des Limites Planétaires vers la santé humaine apparaît comme un prolongement logique. En revanche, l’extension à l’épuisement des ressources pourrait être plus difficile à justifier, dans la mesure où une adaptation des économies et des modes de vie pourrait toujours intervenir pour assurer un bien-être des populations humaines fondé sur d’autres ressources que celles mobilisées en grandes quantités depuis la révolution industrielle – les âges de la pierre taillée, du fer, ou « du nylon » se sont bien succédés sans que l’humanité ne disparaisse.

Mars, multinationale de l’agroalimentaire (confiserie, nourriture pour animaux, riz, boissons, etc.) s’est intéressée à la problématique de la prise en compte des Limites Planétaires dans sa stratégie environnementale. Sur les 9 limites identifiées (Rockström, Steffen, Noone, Persson, Chapin, et al., 2009), Mars indique se concentrer sur les domaines où la réduction de l’impact de ses activités peut avoir une grande influence, et qui s’avère être des domaines où les limites sont atteintes (à minima localement). Les trois piliers de sa stratégie reposent donc principalement sur la lutte contre :

- Changement climatique ;

- Perte de biodiversité due au changement d’occupation des sols ;

- Dégradation des ressources en eau.

Mars utilise donc les limites planétaires pour, à la fois, prioriser et focaliser son effort sur les enjeux où la limite est dépassée, mais aussi pour avoir le même niveau d’ambition quant à ses objectifs de réduction de l’impact. Les limites planétaires représentent donc un cadre d’analyse commun dans lequel les entreprises essayent d’inscrire tous leurs objectifs quantifiés de réduction d’impact.

Les trois enjeux mis en évidence par l’analyse de l’impact des activités de Mars (changement climatique, changement d’occupation des sols et dégradation des ressources en eau) sont également des enjeux révélés par l’analyse de matérialité. En effet, en s’intéressant aux 10 enjeux environnementaux et sociaux particulièrement matériels pour Mars, on retrouve le changement climatique, l’eau et l’agriculture durable. A partir de ces deux éléments (impacts et matérialité), Mars a donc établi un plan d’action avec des objectifs chiffrés à atteindre dans un temps relativement court (horizon 2015-2020 et 2040).

Les objectifs sont ambitieux et les limites planétaires semblent donc bien influencer les efforts de réduction d’impact engagés. Par exemple, les objectifs de réduction d’utilisation d’eau sont plus importants dans les zones soumises à un stress hydrique important. En effet, bien que de manière globale la limite planétaire relative à l’utilisation d’eau ne semble pas dépassée, la prise en compte du critère de stress hydrique à l’échelle locale relève d’une étude relativement fine de cette problématique ce qui a permis de faire ressortir cet enjeu au niveau de l’entreprise Mars.

politique volontariste par rapport à ces deux enjeux environnementaux. Concernant le changement climatique, Mars a pour objectif de ne plus émettre de GES (zéro émission, scope 1 et 2) à horizon 2040, avec une étape intermédiaire de réduction de 40% des émissions à horizon 2020. Enfin, concernant le changement d’utilisation des sols, Mars a mis en place une politique de prévention de la déforestation avec l’identification des matières premières à risque : huile de palme, bœuf, papier/carton et soja. Bien que ces cultures ne présentent pas un impact important dans l’analyse de matérialité, contrairement au cacao, la stratégie de Mars s’est tout de même portée sur ces cultures avec un traçage de l’ensemble de la chaine de valeur et un objectif de zéro déforestation de forêts primaires.

Figure : Mars – Ecosystem metrics for GHG, Land, Water (WRI, 2016)

Ainsi, avec ces objectifs très ambitieux (zéro émission de GES, zéro déforestation), Mars s’engage à diminuer ses impacts environnementaux vis-à-vis des seuils planétaires, en se fixant des jalons à atteindre à intervalle régulier (horizon 2020 et 2040). Les limites planétaires ont donc apporté à Mars des éléments quantitatifs importants pour la détermination des objectifs de réduction de l’impact, ce qui leur a permis d’avoir la même ambition de réduction pour l’ensemble des problématiques traitées. Source : www.mars.com, et la publication commune WRI-Mars – « From doing better to doing enough: anchoring corporate sustainability targets in science », 2016